Yaoundé : la carte blanche de Moussa Touré pour le documentaire
Invité de l'Institut français de Yaoundé, le cinéaste sénégalais a partagé ses films et sa riche expérience avec le public et de jeunes réalisateurs.
L'Institut français du Cameroun (IFC) à Yaoundé lui donne une place de choix. Après son sacre (Ecran d'or 2013 du Meilleur Long métrage Fiction) au festival Ecrans noirs à Yaoundé, Moussa Touré se voit dérouler le tapis rouge. Intitulé " Carte blanche à Moussa Touré ", l'évènement diffuse une série de documentaires à l'actif du réalisateur, mais aussi d'autres classiques du même genre choisis par l'invité. Une production enrichissante que le public de la capitale camerounaise découvre du 4 au 9 février dans la salle de spectacle de l'IFC. Le directeur de l'institution, Yves Ollivier, reconnait beaucoup apprécier le travail du réalisateur sénégalais et surtout son talent de pédagogue. C'est la raison pour laquelle une rencontre de deux jours avec 22 jeunes réalisateurs a été insérée au programme. Le regard débridé de Moussa Touré sur le monde, se résume en quatre documentaires sélectionnés pour la circonstance, plus trois autres films de son choix.
Xali Beut les yeux grands ouverts, est en ouverture de cette " Semaine Moussa Touré ". C'est un documentaire de 60 minutes que le réalisateur de La Pirogue [en Compétition Officielle, au Festival de Cannes 2012, ndlr] a produit en 2009. Xali Beut les yeux grands ouverts est le fruit de son voyage de découverte en Inde. De ce pays, est issu le premier film qu'il a regardé, à l'âge de 6 ans, en compagnie de ses parents. Poussières de ville sorti en 2002, lui, est tourné au Congo. L'auteur suit une bande de jeunes dormant dans les rues de Brazzaville. Dans le même sillage, il a réalisé Nous sommes nombreuses (Toza é bélé) en 2003. Pendant 52 minutes, la caméra de Moussa Touré dévoile des visages de femmes violées pendant la guerre de 1993 à 1999 au Congo Brazza.
5 x 5 (Cinq fois cinq), documentaire tourné au Sénégal, boucle la série des quatre documentaires réalisés par Moussa Touré et sélectionnés à Yaoundé. Il est couplé avec Marching Band, coréalisé par Claude Miller, Hélèna Cotinier et Pierre-Nicolas Durand. San Clemente de Raymond Depardon et Sophie Ristelhueber, ainsi qu'A la poursuite du bonheur (du Français Louis Malle, tourné en 1986 aux États-Unis), renforcent cette programmation que Moussa Touré veut profonde. Des œuvres que le cinéaste juge intéressantes dans la démarche d'un réalisateur de documentaires.
" Louis Malle, c'est une base cinématographique mondiale française. Il ne faut pas oublier que la base de notre cinéma est française. Claude Miller, c'est un ami, nous étions très proches. C'est une sorte d'hommage que je lui rends. Raymond Depardon, c'est l'un des plus grands documentaristes du monde. Et je crois que c'est intéressant que l'Afrique voie ses films, parce qu'il est d'une universalité pas possible ", s'explique-t-il.
Devoir de transmission.
Il décline l'étiquette de documentariste, mais défend ce genre qu'il définit comme une voie pour entrer dans la fiction. L'écart entre les deux genres n'est pas si étanche que ça, selon lui. Surtout qu'ils peuvent même se côtoyer dans une même production.
Les rencontres avec la vingtaine de réalisateurs en herbe, ont permis à Moussa Touré de célébrer le documentaire. De même qu'avec les journalistes culturels de l'association Cameroon Art Critics (CAMAC).
" Je suis plus pour le documentaire parce que l'Afrique regorge de documentaires. Regardez par exemple, le Cameroun c'est l'Afrique en miniature. Imaginez ce qu'on a comme sujets, quand on vit dans un pays comme ça. Ce qui m'intéresse c'est de savoir où est-ce qu'ils doivent poser leur regard, pour pouvoir faire des choses. Nous devons bombarder le monde de documentaires ", campe celui qui n'a fait que des documentaires, pendant 17 ans, délaissant la fiction. Des films qui lui ont permis de mettre le pied à l'étrier, de consolider sa signature et de réaliser aujourd'hui une fiction qui lui vaut tous les lauriers [La Pirogue, 2012, ndlr].
Comment et à quel moment se documenter ? Comment flairer un sujet et le pitcher ? Quelle place accorder à la sensibilité dans un film ? Comment produire et avec quel moyens ? Les jeunes ont voulu profiter au maximum d'un Moussa Touré disposé à partager son expérience. Le deuxième jour, les participants ont présenté au cinéaste des projets en préparation ou en cours d'exécution. " J'ai retenu dix histoires intéressantes sur lesquelles, je l'espère, nous allons travailler. Je sais faire des films qui ne coûtent pas grand-chose. Si on veut survivre cinématographiquement, il faut pouvoir le faire. Il y a de nouvelles approches qui nous incombent ", indique Moussa.
Une leçon qui soulage la plupart des participants. A l'instar de Calvin Yadia qui a dû interrompre le tournage de son film faute de moyens. " Les comédiens n'étaient pas payés, donc ils venaient au tournage à l'heure qui les arrangeaient. Ça devenait de plus en plus difficile de gérer la production. J'avoue qu'avec les détails que nous donne Moussa ça permet de comprendre qu'on s'encombre souvent de blocages qu'ont peut contourner en abordant le sujet d'une certaine manière ", témoigne-t-il.
Le regard qu'on pose sur une histoire qu'on raconte est donc très crucial pour donner quelque chose de cinématographique. La distribution, quant à elle, est l'affaire du numérique aujourd'hui, " ça va être plus Internet que n'importe quoi. On n'aura plus besoin de voir qui que ce soit pour distribuer son film, puisqu'on peut le faire directement ". Moussa s'est d'ailleurs proposé de leur montrer certaines plateformes de vente de films en ligne.
Assurer la relève ou plutôt la continuité du cinéma en Afrique. Pour Moussa Touré, c'est un devoir. Tout ancien cinéaste devrait se prévaloir. " Ce qu'on doit comprendre aujourd'hui c'est que l'Afrique est jeune. Tous les papas doivent faire quelques choses pour les jeunes. Ils ont en général des idées magnifiques. Le cinéma c'est une école de tous les jours, une école d'expériences, nous devons en donner à cette jeunesse qui a quand même beaucoup de qualités. L'Etat aussi doit se démerder à faire quelque chose pour les jeunes ", plaide-t-il.
Au sein des jeunes, sa préoccupation c'est qu'ils veulent tous être des réalisateurs. " C'est comme si au cinéma il n'y a pas de techniciens mais que de réalisateurs. Ils veulent également tous faire la fiction, alors qu'aujourd'hui la fiction coûte cher ", rappelle-t-il. Pourtant, se former techniquement permet de contourner un certain type de problèmes sur le plateau.
Pélagie Ng'onana
Africiné / Yaoundé
Photo : Le réalisateur sénégalais Moussa Touré.
Crédit : DR
Xali Beut les yeux grands ouverts, est en ouverture de cette " Semaine Moussa Touré ". C'est un documentaire de 60 minutes que le réalisateur de La Pirogue [en Compétition Officielle, au Festival de Cannes 2012, ndlr] a produit en 2009. Xali Beut les yeux grands ouverts est le fruit de son voyage de découverte en Inde. De ce pays, est issu le premier film qu'il a regardé, à l'âge de 6 ans, en compagnie de ses parents. Poussières de ville sorti en 2002, lui, est tourné au Congo. L'auteur suit une bande de jeunes dormant dans les rues de Brazzaville. Dans le même sillage, il a réalisé Nous sommes nombreuses (Toza é bélé) en 2003. Pendant 52 minutes, la caméra de Moussa Touré dévoile des visages de femmes violées pendant la guerre de 1993 à 1999 au Congo Brazza.
5 x 5 (Cinq fois cinq), documentaire tourné au Sénégal, boucle la série des quatre documentaires réalisés par Moussa Touré et sélectionnés à Yaoundé. Il est couplé avec Marching Band, coréalisé par Claude Miller, Hélèna Cotinier et Pierre-Nicolas Durand. San Clemente de Raymond Depardon et Sophie Ristelhueber, ainsi qu'A la poursuite du bonheur (du Français Louis Malle, tourné en 1986 aux États-Unis), renforcent cette programmation que Moussa Touré veut profonde. Des œuvres que le cinéaste juge intéressantes dans la démarche d'un réalisateur de documentaires.
" Louis Malle, c'est une base cinématographique mondiale française. Il ne faut pas oublier que la base de notre cinéma est française. Claude Miller, c'est un ami, nous étions très proches. C'est une sorte d'hommage que je lui rends. Raymond Depardon, c'est l'un des plus grands documentaristes du monde. Et je crois que c'est intéressant que l'Afrique voie ses films, parce qu'il est d'une universalité pas possible ", s'explique-t-il.
Devoir de transmission.
Il décline l'étiquette de documentariste, mais défend ce genre qu'il définit comme une voie pour entrer dans la fiction. L'écart entre les deux genres n'est pas si étanche que ça, selon lui. Surtout qu'ils peuvent même se côtoyer dans une même production.
Les rencontres avec la vingtaine de réalisateurs en herbe, ont permis à Moussa Touré de célébrer le documentaire. De même qu'avec les journalistes culturels de l'association Cameroon Art Critics (CAMAC).
" Je suis plus pour le documentaire parce que l'Afrique regorge de documentaires. Regardez par exemple, le Cameroun c'est l'Afrique en miniature. Imaginez ce qu'on a comme sujets, quand on vit dans un pays comme ça. Ce qui m'intéresse c'est de savoir où est-ce qu'ils doivent poser leur regard, pour pouvoir faire des choses. Nous devons bombarder le monde de documentaires ", campe celui qui n'a fait que des documentaires, pendant 17 ans, délaissant la fiction. Des films qui lui ont permis de mettre le pied à l'étrier, de consolider sa signature et de réaliser aujourd'hui une fiction qui lui vaut tous les lauriers [La Pirogue, 2012, ndlr].
Comment et à quel moment se documenter ? Comment flairer un sujet et le pitcher ? Quelle place accorder à la sensibilité dans un film ? Comment produire et avec quel moyens ? Les jeunes ont voulu profiter au maximum d'un Moussa Touré disposé à partager son expérience. Le deuxième jour, les participants ont présenté au cinéaste des projets en préparation ou en cours d'exécution. " J'ai retenu dix histoires intéressantes sur lesquelles, je l'espère, nous allons travailler. Je sais faire des films qui ne coûtent pas grand-chose. Si on veut survivre cinématographiquement, il faut pouvoir le faire. Il y a de nouvelles approches qui nous incombent ", indique Moussa.
Une leçon qui soulage la plupart des participants. A l'instar de Calvin Yadia qui a dû interrompre le tournage de son film faute de moyens. " Les comédiens n'étaient pas payés, donc ils venaient au tournage à l'heure qui les arrangeaient. Ça devenait de plus en plus difficile de gérer la production. J'avoue qu'avec les détails que nous donne Moussa ça permet de comprendre qu'on s'encombre souvent de blocages qu'ont peut contourner en abordant le sujet d'une certaine manière ", témoigne-t-il.
Le regard qu'on pose sur une histoire qu'on raconte est donc très crucial pour donner quelque chose de cinématographique. La distribution, quant à elle, est l'affaire du numérique aujourd'hui, " ça va être plus Internet que n'importe quoi. On n'aura plus besoin de voir qui que ce soit pour distribuer son film, puisqu'on peut le faire directement ". Moussa s'est d'ailleurs proposé de leur montrer certaines plateformes de vente de films en ligne.
Assurer la relève ou plutôt la continuité du cinéma en Afrique. Pour Moussa Touré, c'est un devoir. Tout ancien cinéaste devrait se prévaloir. " Ce qu'on doit comprendre aujourd'hui c'est que l'Afrique est jeune. Tous les papas doivent faire quelques choses pour les jeunes. Ils ont en général des idées magnifiques. Le cinéma c'est une école de tous les jours, une école d'expériences, nous devons en donner à cette jeunesse qui a quand même beaucoup de qualités. L'Etat aussi doit se démerder à faire quelque chose pour les jeunes ", plaide-t-il.
Au sein des jeunes, sa préoccupation c'est qu'ils veulent tous être des réalisateurs. " C'est comme si au cinéma il n'y a pas de techniciens mais que de réalisateurs. Ils veulent également tous faire la fiction, alors qu'aujourd'hui la fiction coûte cher ", rappelle-t-il. Pourtant, se former techniquement permet de contourner un certain type de problèmes sur le plateau.
Pélagie Ng'onana
Africiné / Yaoundé
Photo : Le réalisateur sénégalais Moussa Touré.
Crédit : DR