"Viva Riva !" sort en France
"Le monde francophone n'offre pas assez de possibilités" estime Djo Munga, dont le film, boudé par le Fespaco, a été distribué dans 25 pays.
Après avoir travaillé en tant que producteur exécutif et réalisé plusieurs documentaires, le réalisateur congolais Djo Tunda wa Munga signe son premier long-métrage de fiction avec Viva Riva!, film policier sexy et violent tourné en lingala à Kinshasa avec un casting panafricain. Il revient pour nous sur la sortie française de son film, prévue pour le 18 avril 2012.
Comparativement aux réalisateurs qui distribuent eux-mêmes leurs films, Viva Riva! bénéficie d'un vendeur international.
Oui, tout a commencé à Toronto. Le film a démarré sa carrière puis il y a eu un buzz et des propositions des Américains ainsi que des Australiens. Le film a été acheté en quatre jours. Personnellement, je pensais que les anglophones seraient plus réceptifs à mon travail. La distribution prend énormément de temps et nécessite des contacts. L'avantage d'un vendeur international, c'est qu'il fait gagner du temps et de l'argent, tout en assurant un suivi.
Pourquoi avoir d'abord présenté votre film dans le milieu anglophone ?
J'étais assez orienté anglophone et je suis assez franc par rapport à ça. Je pense que le monde francophone n'offre pas assez de possibilités. Il nous faut donc trouver un endroit où l'on a des chances d'exister. Je parle d'aujourd'hui - cela peut changer - mais j'ai compris cela il y a dix ans. En 2000, mon court-métrage Auguy a été sélectionné au festival de Toronto [le film a aussi obtenu le prix du meilleur court-métrage à Milan en 2001, NDRL]. Comme l'histoire était parlante, le public a accroché. J'ai compris qu'il n'y avait pas besoin de faire un film en français, mais que je pouvais me concentrer sur faire un film à Kinshasa au coin de ma rue. Il suffit de faire un film grand public qui s'adresse à un public international pour éviter le côté ghetto.
Quels sont les écueils de ce " ghetto " dont vous parlez ?
Malheureusement, nous sommes toujours dans cette configuration où nous sommes dans le clan des cinéastes auteurs africains. Quelque part, nous ne nous ouvrons pas au marché car nous sommes un peu enfermés dans notre situation. Cela ne nous rend pas service. D'ailleurs, concernant le refus du Fespaco de programmer Viva Riva!, je pense qu'ils ne se sont pas posé les bonnes questions. Le film ne ressemble pas à ce qui se fait d'habitude. Au lieu de dire : " Ah, tiens ! Comme les choses se renouvellent et que nous sommes le festival de tous les cinémas d'Afrique... ", non, ils ne l'ont pas sélectionné.
Le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun avait pris parti en votre faveur lors du dernier Fespaco. Qu'avez-vous à dire de cette non-sélection ?
Je n'étais pas pour envoyer mon film au Fespaco. Je n'y croyais pas, pour les mêmes raisons, je me disais que ce serait une erreur. Nous avons voté, le oui est passé et nous l'avons envoyé. Ils l'ont refusé, donc j'avais gagné - en tout cas j'avais raison. Par contre, quand il est sorti au Nigéria et que nous avons remporté 6 African Academy Movie Awards (dont meilleur film, meilleur scénario et meilleure réalisation), c'était la première fois qu'un film francophone remportait autant de prix dans un festival anglophone. C'était bien et c'était important pour la carrière du film.
Achevé en 2010, le film sort deux ans plus tard en France. A-t-il été difficile de trouver un distributeur français ?
Cela a pris un peu de temps mais c'était logique et prévisible. La difficulté était que s'il était présenté comme un film " africain ", les salles commerciales diraient non (" Oh là là, pas ghetto !") et en même temps les circuits Art & Essai penseraient " Oh là là, c'est trop violent ! ", donc nous étions dans un entre-deux. Après, cela a quand même fonctionné et il sera distribué sur 30 copies.
Qu'en est-il de la diffusion du film en Afrique ?
Nous avons distribué Viva Riva! dans 18 pays africains, principalement anglophones. Cela a été une espèce d'ouragan, car nous avons eu des critiques dithyrambiques. Au niveau du public, dans les salles, il y a encore du chemin à faire pour que les gens se disent " Tiens, on va aller voir un film congolais ". Cela prendra encore un peu de temps, mais le premier pas est fait.
Quels projets développez-vous actuellement ?
J'en développe plusieurs. Pendant longtemps j'ai parlé d'un projet chinois qui devait se faire - un polar - à Kinshasa . J'aimerai bien tourner ce film mais tout dépend de comment le fameux marché se présente.
Propos recueillis par Claire Diao / Clap Noir
Avril 2012
Le film sur notre site (photos + bande-annonce) : www.imagesfrancophones.org/film/959
La critique du film : www.clapnoir.org/spip.php?article840
Le film sur Africiné (+ critiques) : www.africine.org/?menu=film&no=1154