Vincent Bolloré inaugure CanalOympia à Yaoundé
Le groupe Vivendi ouvre une salle de cinéma pour relancer l'industrie dans la ville. Les cinéastes émettent des réserves quant à l'impact de cette salle pour le cinéma.
En janvier 2009, la dernière salle qui résistait à l'épidémie installée depuis plusieurs années - le cinéma Le Wouri, à Douala, la capitale économique - fermait définitivement ses portes, scellant le sort de nombreux cinéphiles et des générations entières qui ne connaîtront pas la magie des salles obscures. Le mardi 14 juin 2016, la cérémonie d'ouverture d'une nouvelle salle de cinéma et spectacles s'est faite en présence du Premier Ministre camerounais Philémon Yang aux côtés de Vincent Bolloré, Président du Conseil de surveillance de Vivendi (avec son réseau de chaînes télés Canal+). Baptisée CanalOlympia (cliquez sur le lien, Ndlr), la salle marque l'entame d'un projet qui souhaite aboutir à la construction d'environ quarante à cent salles (selon les sources) destinées au cinéma, à la musique et à d'autres formes d'expression artistiques, en Afrique subsaharienne. La pose d'une première pierre s'était faite en Guinée Conakry en septembre 2015, pas encore inaugurée.
Canal Olympia
Implantée à l'intérieur du Campus de l'Université de Yaoundé 1, dans le quartier populaire de Ngoa-Ekelle, cette salle est un joyau architectural avec des équipements ultramodernes. Selon certaines indiscrétions, elle a coûté environ 2,5 milliards de francs Cfa (un peu moins de 4 millions d'euros) au groupe Vivendi. A l'intérieur, elle a une capacité d'accueil estimée à 400 places assises tandis qu'à l'extérieur, outre l'espace de spectacle aménagé, elle est ouverte à près de 5000 personnes. Les étudiants qui bruissent d'excitation depuis l'inauguration auront enfin la possibilité de faire voir leurs œuvres à un public plus large venu des quatre arrondissements de la ville de Yaoundé qui environnent le campus ; pour une moyenne de 800 000 consommateurs potentiels.
Pour Vincent Bolloré, c'est une réponse donnée aux interrogations du Président de la République Camerounais Paul Biya qui, au cours de leur rencontre au mois d'avril dernier, lui aurait demandé de s'intéresser à un projet pouvant réunir les jeunes. L'une des premières réactions a donc été la construction de cette salle Canal Olympia ; avec pour objectif converger les énergies et les talents des jeunes, notamment le cinéma et les autres formes d'expression artistiques.
Cinéma non commercial/ controverse
Le cinéma Canal Olympia laisse bon nombres de professionnels dans la controverse. Les autorités universitaires avaient refusé de donner leur quitus pour la construction d'une salle de cinéma avec accueil des spectacles au campus, devant avoir une exploitation commerciale ; cela ne cadrerait pas avec les objectifs académiques. Pour le recteur de cette institution, Pr Maurice Aurélien Sosso, la réserve a été de veiller au respect de la première mission de l'université, qui est de créer un cadre d'études pour ses étudiants. Les autres professionnels restent sur leur faim.
Les critiques ne tarissent pas autour du projet de cette salle révolutionnaire pour la ville et le Cameroun tout entier. D'après nos informations, la Communauté Urbaine de la ville de Yaoundé n'a pas été associée à ce projet, alors qu'elle cherche inlassablement des partenaires pour la construction d'une salle digne de ce nom. Les cinéastes et autres investisseurs dans l'exploitation artistique trouvent son positionnement géographique peu avantageux pour une nouvelle vie du cinéma à Yaoundé. La salle se trouve au fond du campus, pris dans un étau où l'accès est conditionné par un contournement du campus universitaire.
Parmi les professionnels demandant à être convaincus, le producteur Gérard Désiré Nguélé qui trouve que cette salle propose peu de véritables opportunités pour une véritable exploitation cinématographique. " Sa position géographique est très enclavée. Elle ne cadre pas avec les nouvelles habitudes de consommation du cinéma. Celles qui intègrent un ensemble d'activités connexes, capables de réunir des familles. " Tout comme l'université ne l'offre pas des espaces commerciaux. Il évoque " les conditions de sécurité, de transport ne sont pas toujours garanties en ces lieux. Un avis partagé avec les journalistes et chroniqueurs culturels. " On connaitra à coup sûr une désillusion comme certaines salles qui ont fermé faute de public. " estime un chroniqueur à Ariane Tv, chaîne émettant à Yaoundé. Pour lui, il fallait " penser un projet à proximité des habitations, répondant à toutes les conditions optimales de sécurité, le public adhère forcément. "
Beaucoup de cinéastes et critiques de cinéma abondent dans le même sens. En tout cas, il sera difficile d'être précis sur les engagements commerciaux et les cibles de cette salle.
Productions locales
Derrière ce sursaut d'un opérateur économique très investi dans le bois, les activités portuaires [NOTE 1] les cinéastes réclament une implication de la politique nationale quant à l'exploitation de cette salle. Ils invoquent plusieurs raisons. D'abord le fait que c'est un public jeune qui se rendra majoritairement dans cette salle. Ensuite, ils souhaitent qu'il soit imposé un quota de diffusion de films locaux. Cela contribuerait à la rééducation des jeunes à l'endroit des cultures et productions locales.
Le cinéma national s'attache à fortement s'ancrer dans les mœurs du Cameroun, alors que le jeune public est totalement emporté par les réseaux et les cultures d'ailleurs qui sont diffusées à travers la câblodistribution. Manifestement, le groupe Bolloré fait difficilement de la philanthropie. Il faut donc y percevoir une hégémonie des cultures venues d'ailleurs. Certains trouvent que c'est un retour à l'histoire des cinémas africains et leur diffusion sur le continent. Ces cinémas ont toujours eu des problèmes avec les diffuseurs (essentiellement européens). Toujours rien n'est mis en place pour faire voir les contributions des cinéastes locaux.
Au carrefour de ce débat chaotique, le groupe Vivendi confirme son ambition qui est " surtout de trouver des talents camerounais et leur permettre d'être connus dans le monde entier". A travers son Président, il plaide auprès du gouvernement une " industrie des contenus au Cameroun et invite les étudiants et "ceux qui sont capables à "présenter leurs talents afin de voir avec Vivendi comment progresser(…) susciter une industrie de Camerliwood ou de camerwood " [NOTE 2], qui représente les intentions de l'industrie du cinéma camerounais à travers ses contenus.
Pour le moment, le gouvernement compte répondre à la question de la production cinématographique locale par les projets des étudiants en formation au département de cinéma de l'Université de Yaoundé. La concertation avec les cinéastes n'est pas encore au goût du jour, pour pallier à ce déficit de productions locales qui s'annoncent. Quelques festivals ont rapidement annoncé des projections de films dans la salle. Finalement, aucune projection du l'actuel festival Écrans Noirs de Yaoundé 2016 ne se tient à CanalOlympia, pour l'heure muette.
Martial E. Nguéa,
Africiné Magazine, correspondant à Yaoundé
pour Images francophones
en collaboration avec Africultures.
Crédit photo : DR
[NOTE 1] : Lire l'article de Thomas Delthombe, Port, rail, plantations : le triste bilan de Bolloré au Cameroun, NDLR
[NOTE 2] : Les professionnels camerounais parlent eux de " Collywood ". à lire, l'article de Stéphanie Dongmo (Africiné Magazine), Collywood, le Hollywood du Cameroun.
Pour sa part, le Cameroun bénéficiera de trois salles prestigieuses réparties dans les villes de Yaoundé, Douala et Bafoussam. Pour le moment, le concept vise à amener le public camerounais à renouer avec la magie des salles obscures et des films comme cela se fait partout dans le monde. Président du groupe Vivendi, Vincent Bolloré a fait savoir que le public de Yaoundé vivra très bientôt des " avant-première ou en première des films qui sortent au même moment à Los Angeles ou à Tokyo. ", comme ce fut le cas à une époque où le Cameroun vibrait au même battement d'émotion que les autres capitales du cinéma mondial.
Canal Olympia
Implantée à l'intérieur du Campus de l'Université de Yaoundé 1, dans le quartier populaire de Ngoa-Ekelle, cette salle est un joyau architectural avec des équipements ultramodernes. Selon certaines indiscrétions, elle a coûté environ 2,5 milliards de francs Cfa (un peu moins de 4 millions d'euros) au groupe Vivendi. A l'intérieur, elle a une capacité d'accueil estimée à 400 places assises tandis qu'à l'extérieur, outre l'espace de spectacle aménagé, elle est ouverte à près de 5000 personnes. Les étudiants qui bruissent d'excitation depuis l'inauguration auront enfin la possibilité de faire voir leurs œuvres à un public plus large venu des quatre arrondissements de la ville de Yaoundé qui environnent le campus ; pour une moyenne de 800 000 consommateurs potentiels.
Pour Vincent Bolloré, c'est une réponse donnée aux interrogations du Président de la République Camerounais Paul Biya qui, au cours de leur rencontre au mois d'avril dernier, lui aurait demandé de s'intéresser à un projet pouvant réunir les jeunes. L'une des premières réactions a donc été la construction de cette salle Canal Olympia ; avec pour objectif converger les énergies et les talents des jeunes, notamment le cinéma et les autres formes d'expression artistiques.
Cinéma non commercial/ controverse
Le cinéma Canal Olympia laisse bon nombres de professionnels dans la controverse. Les autorités universitaires avaient refusé de donner leur quitus pour la construction d'une salle de cinéma avec accueil des spectacles au campus, devant avoir une exploitation commerciale ; cela ne cadrerait pas avec les objectifs académiques. Pour le recteur de cette institution, Pr Maurice Aurélien Sosso, la réserve a été de veiller au respect de la première mission de l'université, qui est de créer un cadre d'études pour ses étudiants. Les autres professionnels restent sur leur faim.
Les critiques ne tarissent pas autour du projet de cette salle révolutionnaire pour la ville et le Cameroun tout entier. D'après nos informations, la Communauté Urbaine de la ville de Yaoundé n'a pas été associée à ce projet, alors qu'elle cherche inlassablement des partenaires pour la construction d'une salle digne de ce nom. Les cinéastes et autres investisseurs dans l'exploitation artistique trouvent son positionnement géographique peu avantageux pour une nouvelle vie du cinéma à Yaoundé. La salle se trouve au fond du campus, pris dans un étau où l'accès est conditionné par un contournement du campus universitaire.
Parmi les professionnels demandant à être convaincus, le producteur Gérard Désiré Nguélé qui trouve que cette salle propose peu de véritables opportunités pour une véritable exploitation cinématographique. " Sa position géographique est très enclavée. Elle ne cadre pas avec les nouvelles habitudes de consommation du cinéma. Celles qui intègrent un ensemble d'activités connexes, capables de réunir des familles. " Tout comme l'université ne l'offre pas des espaces commerciaux. Il évoque " les conditions de sécurité, de transport ne sont pas toujours garanties en ces lieux. Un avis partagé avec les journalistes et chroniqueurs culturels. " On connaitra à coup sûr une désillusion comme certaines salles qui ont fermé faute de public. " estime un chroniqueur à Ariane Tv, chaîne émettant à Yaoundé. Pour lui, il fallait " penser un projet à proximité des habitations, répondant à toutes les conditions optimales de sécurité, le public adhère forcément. "
Beaucoup de cinéastes et critiques de cinéma abondent dans le même sens. En tout cas, il sera difficile d'être précis sur les engagements commerciaux et les cibles de cette salle.
Productions locales
Derrière ce sursaut d'un opérateur économique très investi dans le bois, les activités portuaires [NOTE 1] les cinéastes réclament une implication de la politique nationale quant à l'exploitation de cette salle. Ils invoquent plusieurs raisons. D'abord le fait que c'est un public jeune qui se rendra majoritairement dans cette salle. Ensuite, ils souhaitent qu'il soit imposé un quota de diffusion de films locaux. Cela contribuerait à la rééducation des jeunes à l'endroit des cultures et productions locales.
Le cinéma national s'attache à fortement s'ancrer dans les mœurs du Cameroun, alors que le jeune public est totalement emporté par les réseaux et les cultures d'ailleurs qui sont diffusées à travers la câblodistribution. Manifestement, le groupe Bolloré fait difficilement de la philanthropie. Il faut donc y percevoir une hégémonie des cultures venues d'ailleurs. Certains trouvent que c'est un retour à l'histoire des cinémas africains et leur diffusion sur le continent. Ces cinémas ont toujours eu des problèmes avec les diffuseurs (essentiellement européens). Toujours rien n'est mis en place pour faire voir les contributions des cinéastes locaux.
Au carrefour de ce débat chaotique, le groupe Vivendi confirme son ambition qui est " surtout de trouver des talents camerounais et leur permettre d'être connus dans le monde entier". A travers son Président, il plaide auprès du gouvernement une " industrie des contenus au Cameroun et invite les étudiants et "ceux qui sont capables à "présenter leurs talents afin de voir avec Vivendi comment progresser(…) susciter une industrie de Camerliwood ou de camerwood " [NOTE 2], qui représente les intentions de l'industrie du cinéma camerounais à travers ses contenus.
Pour le moment, le gouvernement compte répondre à la question de la production cinématographique locale par les projets des étudiants en formation au département de cinéma de l'Université de Yaoundé. La concertation avec les cinéastes n'est pas encore au goût du jour, pour pallier à ce déficit de productions locales qui s'annoncent. Quelques festivals ont rapidement annoncé des projections de films dans la salle. Finalement, aucune projection du l'actuel festival Écrans Noirs de Yaoundé 2016 ne se tient à CanalOlympia, pour l'heure muette.
Martial E. Nguéa,
Africiné Magazine, correspondant à Yaoundé
pour Images francophones
en collaboration avec Africultures.
Crédit photo : DR
[NOTE 1] : Lire l'article de Thomas Delthombe, Port, rail, plantations : le triste bilan de Bolloré au Cameroun, NDLR
[NOTE 2] : Les professionnels camerounais parlent eux de " Collywood ". à lire, l'article de Stéphanie Dongmo (Africiné Magazine), Collywood, le Hollywood du Cameroun.