Urusaro international Women film Festival : les Rwandaises s'investissent dans le 7ème art !
Révéler et promouvoir la richesse du cinéma fait par les femmes tels étaient les objectifs de la première édition de l'Urusaro International Women Film Festival qui a eu lieu à Kigali du 6 au 12 décembre 2015. Lumière sur le bourgeonnement d'un secteur en plein essor.
Le dimanche 06 décembre à l'hôtel Umubano (ancien Méridien) dans le district de Gasabo à Kacyiru, les convives pressent le pas. Il est 18h, la grande salle de l'Umubano se remplit timidement. Pendant que certains invités, spectateurs et autres cinéphiles s'installent, dehors c'est presque la cohue... Devant le rutilant photocall tout le monde cherche à immortaliser cette soirée sur le tapis rouge.
Des selfies aux photos de groupe en passant par les clichés avec les quelques vedettes présentes pour l'occasion, tous les moyens sont bons pour avoir une photo à publier sur les réseaux sociaux. Et pendant que la lumière du jour commence lentement à tomber à l'extérieur, dans la salle les notes tonitruantes de musique agencées par le disk jockey sont remplacées par les battements des tam-tams d'un groupe. Sans aucun doute, on est bien au pays des milles collines ! Les danseuses et danseurs Intore pénètrent dans la salle au rythme des sonorités traditionnelles entonnées par les chanteurs dont les amasunzus (coiffures typiquement rwandaise datant de l'époque pré coloniale au Rwanda) et le concert de voix graves et aiguës s'élèvent telles des supplications.
Vêtues de leurs plus beaux mishananas (tenues traditionnelles rwandaises portées pour les cérémonies importantes), Poupoune Sesonga et Jacqueline Murekeyisoni respectivement directrice et présidente du festival adressent les mots de bienvenue à l'assistance. Pendant ces premières allocutions, les programmes de la soirée et ceux de la semaine de festival sont dévoilés. C'est également l'occasion d'apprendre que sur la centaine de films inscrits en compétition depuis le mois d'octobre, seuls une dizaine d'entre eux ont été sélectionnés et seront soumis aux membres du jury présidé par Georges Kamanayo, réalisateur et producteur belgo rwandais basé au Rwanda. Après la projection de Rumeurs du lac, un film sur le lac Kivu qui faisait l'ouverture de cette première édition de l'Urusaro International Women Film Festival 2015, les spectateurs et autres ont été invités à networker et discuter avec la cinquantaine de femmes professant dans le cinéma (actrices, réalisatrices, productrices, camerawoman, monteuse, ingénieure du son, scripte, ect...) présentes pour l'occasion.
Les TT (Tous Travaux) rwandaises
Networker, parler de cinéma et amorcer des collaborations il en a aussi été question durant les sessions de workshops qui ont suivi le lancement du festival du 07 au 11 décembre. Nous nous sommes très vite rendues compte qu'au Rwanda, dans le domaine cinématographique tout est à faire. Il y a un manque cruel de professionnalisation. Ici tout le monde ou presque est un TT (Tous Travaux) confie Poupoune Sesonga, directrice du Festival, elle même réalisatrice. Une personne TT est à la fois producteur, réalisateur, comédien, script et même parfois cameraman. C'est le cas d'Ange URWIRIRIZA, commerçante, mère de famille et cinéaste. Ange faisait partie des cinéastes qui ont pu bénéficier de la formation dispensée par Poupoune Sesonga et ses équipes.
Je suis contente de l'initiative. Avec ce festival, nous avons pu faire connaissance avec les autres cinéastes mais surtout nous avons enfin appris les ficelles du métier.
Comme toutes les femmes présentes dans les ateliers, le cinéma n'est pas la première profession d'Ange URWIRIRIZA.
La plupart du temps, elle vend des pagnes dans son magasin situé dans le quartier commercial de Kigali. Une fois qu'elle a rassemblé une somme considérable, elle appelle un réalisateur et quelques comédiens et se lance dans le tournage de fictions. "Cela va faire douze ans que je fais des films. Dans mes films je raconte des histoires principalement tirées de mon vécu. Mes films sont fait avec des petits budgets et s'écoulent rapidement sur le marché noir".
Qui dit marché noir dit piratage, une véritable calamité pour toutes ces cinéastes en herbe qui n'ont pas manqué de le souligner pendant les sessions de travail. "Vous savez le piratage n'est pas le propre du Rwanda, je sais que d'autres pays doivent également y faire face. Mais pour notre jeune industrie qui se cherche encore, cette pratique est une vraie plaie, elle nous rend la vie dure" insiste Ange URWIRIRIZA. Le piratage serait donc selon elle et d'autres réalisatrices un frein pour l'essor du cinéma made in Rwanda.
Professionnalisation et manque d'originalité
Difficile de savoir si ce fléau est le seul élément qui empêcherait le cinéma rwandais de fournir des films autres que les films low cost qui pullulent actuellement sur le marché. Pour d'autres jeunes cinéphiles et professionnels du cinéma le problème se situerait ailleurs. Emmanuel Christian jeune analyste programmeur et cinéphile averti à ses heures perdues a suivi de près le Festival Urusaro 2015. "Ce festival m'a permis de rencontrer d'autres africains ça c'est une bonne chose. S'agissant des films projetés, je pense que nous n'en sommes qu'au balbutiement du cinéma ici chez nous. Je suis confiant quant au développement d'une réelle industrie cinématographique qui proposerait d'autres films que ceux que l'on voit actuellement qui ressemble trop aux films tanzaniens, nigérians et autres".
Pour Emmanuel Christian, les cinéastes brûlent les étapes et de nombreuses bases ne sont pas respectées. Il décrie surtout le manque de créativité et d'originalité dans les scénarii proposés. "Il ne sert à rien de vouloir copier ce qui se fait ailleurs, sans vraiment développer sa propre identité. Souvent quand je parle du manque d'originalité les réalisateurs rétorquent que c'est à cause du manque de moyen. Je reste convaincu qu'il est possible de faire des films ou des séries à petits budgets qui plaisent et qui trouvent des financements par après". Faire des films ou proposer des programmes made in Rwanda, c'est aussi ce qu'essaye de faire Christian Gaga, producteur et responsable de la chaîne de livestreaming : Kigali TV. "Notre plus grand handicap actuellement est le manque de formation sur le cinéma et les métiers de l'image. La grande majorité de ceux qui font du cinéma sont autodidactes comme moi. J'ai une licence en management mais j'ai tout laissé tomber pour me consacrer aux métiers de l'image que j'ai appris via Youtube University. J'ai appris tout seul".
Un cinéma au stade embryonnaire, des bonnes volontés et une envie de se professionnaliser, voilà ce qui restera de cette première édition de l'Urusaro International Women Film Festival organisé par l'Association Ciné Femmes et ses partenaires. En attendant la seconde édition en 2016, les femmes cinéastes continuent à jongler entre leurs professions réelles (commerçantes ou employées) et le cinéma qu'elles pratiquent pour la plupart comme une passion.
Wendy Bashi
magazine Africiné, Bruxelles
pour Images Francophones
Photo : La Rwandaise Poupoune Sesonga (en jeans), directrice du Festival, et ses stagiaires, pendant son atelier de formation.
Crédit : Wendy Bashi, Kigali, décembre 2015.
Des selfies aux photos de groupe en passant par les clichés avec les quelques vedettes présentes pour l'occasion, tous les moyens sont bons pour avoir une photo à publier sur les réseaux sociaux. Et pendant que la lumière du jour commence lentement à tomber à l'extérieur, dans la salle les notes tonitruantes de musique agencées par le disk jockey sont remplacées par les battements des tam-tams d'un groupe. Sans aucun doute, on est bien au pays des milles collines ! Les danseuses et danseurs Intore pénètrent dans la salle au rythme des sonorités traditionnelles entonnées par les chanteurs dont les amasunzus (coiffures typiquement rwandaise datant de l'époque pré coloniale au Rwanda) et le concert de voix graves et aiguës s'élèvent telles des supplications.
Vêtues de leurs plus beaux mishananas (tenues traditionnelles rwandaises portées pour les cérémonies importantes), Poupoune Sesonga et Jacqueline Murekeyisoni respectivement directrice et présidente du festival adressent les mots de bienvenue à l'assistance. Pendant ces premières allocutions, les programmes de la soirée et ceux de la semaine de festival sont dévoilés. C'est également l'occasion d'apprendre que sur la centaine de films inscrits en compétition depuis le mois d'octobre, seuls une dizaine d'entre eux ont été sélectionnés et seront soumis aux membres du jury présidé par Georges Kamanayo, réalisateur et producteur belgo rwandais basé au Rwanda. Après la projection de Rumeurs du lac, un film sur le lac Kivu qui faisait l'ouverture de cette première édition de l'Urusaro International Women Film Festival 2015, les spectateurs et autres ont été invités à networker et discuter avec la cinquantaine de femmes professant dans le cinéma (actrices, réalisatrices, productrices, camerawoman, monteuse, ingénieure du son, scripte, ect...) présentes pour l'occasion.
Les TT (Tous Travaux) rwandaises
Networker, parler de cinéma et amorcer des collaborations il en a aussi été question durant les sessions de workshops qui ont suivi le lancement du festival du 07 au 11 décembre. Nous nous sommes très vite rendues compte qu'au Rwanda, dans le domaine cinématographique tout est à faire. Il y a un manque cruel de professionnalisation. Ici tout le monde ou presque est un TT (Tous Travaux) confie Poupoune Sesonga, directrice du Festival, elle même réalisatrice. Une personne TT est à la fois producteur, réalisateur, comédien, script et même parfois cameraman. C'est le cas d'Ange URWIRIRIZA, commerçante, mère de famille et cinéaste. Ange faisait partie des cinéastes qui ont pu bénéficier de la formation dispensée par Poupoune Sesonga et ses équipes.
Je suis contente de l'initiative. Avec ce festival, nous avons pu faire connaissance avec les autres cinéastes mais surtout nous avons enfin appris les ficelles du métier.
Comme toutes les femmes présentes dans les ateliers, le cinéma n'est pas la première profession d'Ange URWIRIRIZA.
La plupart du temps, elle vend des pagnes dans son magasin situé dans le quartier commercial de Kigali. Une fois qu'elle a rassemblé une somme considérable, elle appelle un réalisateur et quelques comédiens et se lance dans le tournage de fictions. "Cela va faire douze ans que je fais des films. Dans mes films je raconte des histoires principalement tirées de mon vécu. Mes films sont fait avec des petits budgets et s'écoulent rapidement sur le marché noir".
Qui dit marché noir dit piratage, une véritable calamité pour toutes ces cinéastes en herbe qui n'ont pas manqué de le souligner pendant les sessions de travail. "Vous savez le piratage n'est pas le propre du Rwanda, je sais que d'autres pays doivent également y faire face. Mais pour notre jeune industrie qui se cherche encore, cette pratique est une vraie plaie, elle nous rend la vie dure" insiste Ange URWIRIRIZA. Le piratage serait donc selon elle et d'autres réalisatrices un frein pour l'essor du cinéma made in Rwanda.
Professionnalisation et manque d'originalité
Difficile de savoir si ce fléau est le seul élément qui empêcherait le cinéma rwandais de fournir des films autres que les films low cost qui pullulent actuellement sur le marché. Pour d'autres jeunes cinéphiles et professionnels du cinéma le problème se situerait ailleurs. Emmanuel Christian jeune analyste programmeur et cinéphile averti à ses heures perdues a suivi de près le Festival Urusaro 2015. "Ce festival m'a permis de rencontrer d'autres africains ça c'est une bonne chose. S'agissant des films projetés, je pense que nous n'en sommes qu'au balbutiement du cinéma ici chez nous. Je suis confiant quant au développement d'une réelle industrie cinématographique qui proposerait d'autres films que ceux que l'on voit actuellement qui ressemble trop aux films tanzaniens, nigérians et autres".
Pour Emmanuel Christian, les cinéastes brûlent les étapes et de nombreuses bases ne sont pas respectées. Il décrie surtout le manque de créativité et d'originalité dans les scénarii proposés. "Il ne sert à rien de vouloir copier ce qui se fait ailleurs, sans vraiment développer sa propre identité. Souvent quand je parle du manque d'originalité les réalisateurs rétorquent que c'est à cause du manque de moyen. Je reste convaincu qu'il est possible de faire des films ou des séries à petits budgets qui plaisent et qui trouvent des financements par après". Faire des films ou proposer des programmes made in Rwanda, c'est aussi ce qu'essaye de faire Christian Gaga, producteur et responsable de la chaîne de livestreaming : Kigali TV. "Notre plus grand handicap actuellement est le manque de formation sur le cinéma et les métiers de l'image. La grande majorité de ceux qui font du cinéma sont autodidactes comme moi. J'ai une licence en management mais j'ai tout laissé tomber pour me consacrer aux métiers de l'image que j'ai appris via Youtube University. J'ai appris tout seul".
Un cinéma au stade embryonnaire, des bonnes volontés et une envie de se professionnaliser, voilà ce qui restera de cette première édition de l'Urusaro International Women Film Festival organisé par l'Association Ciné Femmes et ses partenaires. En attendant la seconde édition en 2016, les femmes cinéastes continuent à jongler entre leurs professions réelles (commerçantes ou employées) et le cinéma qu'elles pratiquent pour la plupart comme une passion.
Wendy Bashi
magazine Africiné, Bruxelles
pour Images Francophones
Photo : La Rwandaise Poupoune Sesonga (en jeans), directrice du Festival, et ses stagiaires, pendant son atelier de formation.
Crédit : Wendy Bashi, Kigali, décembre 2015.