Trois films soutenus par l'OIF sont à Visions du Réel 2018, Suisse
Au temps où les Arabes dansaient du Belgo-Marocain Jawad Rhalib, Railway Men de la Franco-Tunisienne Erige Sehiri et Amal de l'Égyptien Mohammed Siam sont sélectionnés. Les deux premiers sont en Première Mondiale. Parmi les autres Africains, il y a Amédée Pacôme Nkoulou et Leila Thiam. Hommage à Axel Salvatori-Sinz, récemment disparu et Rétrospective Claire Simon, Grande Maîtresse du Réel.
Visions du Réel, Festival international de cinéma de Nyon, vous convie à 49ème édition du 13 au -21 avril 2018 (avec une pré-ouverture le jeudi 12 avril). Visions du Réel 2018, c'est 9 jours de Festival pour découvrir 174 films documentaires de création de 53 pays, dont 78 premières mondiales et 23 premières internationales, 2 européennes et 42 premières suisses. Il compte aussi des soirées DJs et concerts (entrée libre) qui rassemblent tous les soirs festivaliers et réalisateurs du monde entier dans une ambiance chaleureuse.
L'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) soutient 3 films sélectionnés à Nyon
Trois façons de scruter le passé et regarder en arrière pour voir l'avenir avancer. C'est ce que propose chacun à leur manière les productions ayant bénéficié du soutien du Fonds Image de la Francophonie (OIF, Paris), en présence des cinéastes. Amal est une adolescente révoltée qui grandit dans une Égypte post-révolutionnaire en pleine mutation portraiturée dans Amal (All About Amal), le premier long métrage documentaire de Mohamed Siam, Egypte. Ici en Première Nationale Suisse, il était le film d'ouverture de l'IDFA 2017 - International Documentary Film Festival Amsterdam en compétition longs métrages. Filmé sur plus de cinq ans, le film Amal est un voyage d'introspection qui suit une jeune femme de 15 à 20 ans alors qu'elle cherche sa place, son identité et sa sexualité dans une société dominée par les hommes. À mesure qu'elle grandit de l'enfance à l'âge adulte, Amal - dont le nom signifie "Espoir", en arabe - se rend compte à quel point ses choix sont limités en tant que jeune femme vivant dans une société arabe et un État policier à l'ère post-révolutionnaire. C'est là le synopsis officiel du film Amal (All About Amal), du cinéaste égyptien Mohamed Siam, réalisateur, producteur et directeur de la photographie, qui a reçu plusieurs subventions et prix internationaux pour ses films. Son moyen métrage Force Majeure (Whose Country ?) - également soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) - a été projeté dans des festivals tels que Karlovy Vary, Hot Docs, IDFA entre autres ou encore aux JCC 2017 où il a remporté le Prix spécial Ali Ben Abdallah du CNCI pour l'image. Mohamed Siam travaille actuellement sur son premier long métrage fiction, Honey & Blood.
L'art face au fondamentalisme, par Jawad Rhalib
Dans Au temps où les Arabes dansaient (When Arabs danced), le cinéaste belgo-marocain Jawad Rhalib nous rappelle que l'intégriste n'aime pas la vie. Pour ce dernier, enfermé dans ses certitudes étroites, il s'agit d'un éloignement de Dieu et du paradis céleste, avec ses fleuves de lait au goût inaltérable, ses rivières de vin, ses délices et ses vierges. La vie est le produit d'une anarchie et cette anarchie est l'oeuvre de l'ARTISTE. L'islamiste en veut à l'artiste qui donne vie à la matière et éloigne les bonnes âmes du paradis par des idées malsaines, un dessin diabolique, un chant envoûtant, une danse maléfique…L'artiste est donc le diable et pour pouvoir le tuer, l'intégriste le déclare ennemi d'Allah. En mêlant archives rares, témoignages d'artistes et mise en lumière de la haine intégriste envers les artistes, Au temps où les Arabes dansaient retrace le parcours épineux des artistes arabo-musulmans dans ce siècle que le film qualifie du "fascisme islamiste".
Réalisateur, scénariste, monteur et producteur belgo-marocain, Jawad Rhalib oriente son travail sur les droits de l'homme et les questions liées à la mondialisation, le profit et le réalisme social. Il écrit et réalise des courts, moyens et longs métrages de fiction et des longs métrages documentaires. Ses films El Ejido, la Loi du Profit (2006), Les Damnés de la Mer (2008) et Le Chant des Tortues (2013) ont été sélectionnés en compétition dans de prestigieux festivals. En 2014, il réalise son premier long métrage de fiction 7, rue de la folie. En 2016 il réalise un nouveau documentaire Les hirondelles de l'amour et Insoumise, son deuxième long métrage de fiction (prix du jury au Festival de Marrakech). Le cinéaste est loin d'être inconnu à Nyon : Les Damnés de la Mer y avait reçu le prix du public de Visions du Réel (outre le grand prix au festival de Monte Carlo et une nomination aux Oscars Européens). Au temps où les Arabes dansaient est sélectionné en Première Mondiale à Visions du Réel 2018 dans la section Grand Angle.
Le train comme métaphore : La Voie Normale (Railway Men)
Avec son film La voie normale (Railway Men), la réalisatrice Erige Sehiri dresse le portrait croisé de cheminots tunisiens. Sur les rails, aux commandes de la vieille locomotive, les protagonistes défendent leurs propres choix malgré les risques. Dans ce road movie aux airs rock de Pink Floyd et au son jazzy d'Anouar Brahem entremêlés du bruit constant de la locomotive, Ahmed (31 ans), assistant conducteur de train, nous raconte son voyage entre les saisons, son désir de devenir quelqu'un d'autre, sa fuite. En toile de fond, se dévoile la légende de celui que les cheminots appellent "le train de la mort".
" En s'intéressant à cinq personnages affectés à la ligne no 1, la réalisatrice Erige Sehiri compose un portrait complexe d'un pays en transition. La ligne no 1 est surnommée "la voie normale" car c'est la seule construite selon les normes internationales. Ironiquement, c'est aussi la plus délaissée et détériorée du réseau. [….] Ahmed, Afef, Issam, Abee et Najib sont acteurs et témoins du difficile processus de transformation des chemins de fer tunisiens, et par extension de la société post-révolutionnaire tunisienne dans son ensemble. Chacun d'entre eux essaye au mieux de trouver une nouvelle place dans une société qui peine à se créer un mode d'existence démocratique. En dénonçant l'incompétence et la corruption, ce film superbement réalisé célèbre la dignité, l'espoir et la résilience. " écrit la programmatrice Giona A. Nazzaro (#VdR2018, Visions du Réel 2018)). Conduire un pays sur une voie nouvelle (et normale) après une révolution, comme l'a connue la Tunisie, n'est-ce pas comme diriger un train ?
Erige Sehiri est réalisatrice et productrice tunisienne et française. Née en France, elle quitte la banlieue de Lyon à dix-neuf ans pour étudier au Canada. Après une licence en administration des affaires, elle intègre une radio montréalaise comme chargée de projet et se forme en réalisation documentaire. De retour en France, elle réalise plusieurs courts métrages documentaires pour la télévision et travaille régulièrement depuis Jérusalem comme journaliste indépendante pour les chaînes françaises. En 2012, elle réalise un documentaire de création Le Facebook de mon père et participe au projet collectif Albums de Famille, prix coup de coeur CINEMED 2012. En 2013, elle co-fonde le média tunisien Inkyfada et produit plusieurs documentaires pour la télévision. Son long métrage La voie normale (Railway Men) est en Première Mondiale au festival Visions du Réel 2018 (section Burning Lights).
La Compétition Internationale Moyens et Courts Métrages accueille trois films ayant trait au continent : Boxing Libreville (Gabon), Our Africa du réalisateur russe Alexander Markov sur la propagande qui avait été mise en place par l'URSS en Afrique, ainsi que Touching Concrete d'Ilja Stahl (Allemagne Afrique du Sud) qui suit des adolescents dans la banlieue de Johannesburg. Combats d'une vie (Boxing Libreville) du réalisateur gabonais Amédée Pacôme Nkoulou se situe à Libreville, capitale du Gabon, en 2016, où un jeune boxeur, avec Christ Mickala, s'entraîne sans relâche le jour et travaille comme videur la nuit dans des discothèques pour survivre, tant bien que mal. Au même moment, un autre combat se joue, ou se rejoue, celui des élections présidentielles ; cette fois-là, y a t-il l'espoir d'une transition démocratique ? D'une durée de 54 mins, le film est produit par Eugénie Michel-Villette (Les Films du Bilboquet, France), Pierre-Adrien Ceccaldi (Princesse M, Gabon) et Monique Marnette (ADV productions, Belgique), avec la participation de TV5 Monde, du CNC,avec le soutien de la Procirep - Société des producteurs et de l'Angoa et de l'Institut Gabonais de l'Image et du Son (IGIS).
Room n°1 (Chambre n°1), de la Centrafricaine Leila Ndéye Thiam est dans le programme Opening scenes (Scènes ouvertes, en anglais) réservé aux jeunes réalisateurs. Dans la salle no 1 du service de traumatologie de l'Hôpital communautaire de Bangui, dix femmes y attendent leur "libération", entre souffrance, mélancolie et éclats de rire. À travers cette chambre se dessine un portrait de la Centrafrique contemporaine et de ses femmes, dont la vitalité transcende les malheurs. Leila Thiam travaille pour la télévision nationale centrafricaine, ce court-métrage documentaire a été réalisé dans le cadre de l'atelier Varan de réalisation de l'automne 2017 à Bangui, en Centrafrique.
Rétrospective et Prix à Claire Simon, Hommage au regretté Axel Salvatori-Sinz (France)
La réalisatrice française Claire Simon reçoit le Sesterce d'or Prix Raiffeisen Maître du Réel. Elle délivrera un Masterclasse, en français, avec traduction simultanée en anglais. Le festival l'honore aussi en programmant plusieurs de ses films en sa présence dont le récent Young Solitude (2018, France, 100', Première suisse).
Brutalement décédé en janvier 2018 à 35 ans, le réalisateur Axel Salvatori-Sinz a étudié l'anthropologie avant de passer à la réalisation. Son premier long-métrage documentaire Les Chebabs de Yarmouk (2013) a remporté le prix "Regard neuf" du meilleur Premier film et une mention à Visions du Réel. Le festival suisse célère sa mémoire avec son dernier film Chjami è Rispondi (2017, France, 76') où dix ans après sa dernière visite, le réalisateur fraçais reviens à Cateri, village corse, berceau de la famille Salvatori. " Je veux y affronter mon père, cet homme dont je suis l'exact opposé. Je veux me réconcilier avec lui. Je lui propose un duel au soleil, sous la forme d'un chjami è rispondi, une joute corse." selon les mots du cinéaste.
Pour ceux qui sont à Paris, le Cinéma Le Méliès de Montreuil lui dédie une soirée spéciale le mercredi 2 mai, à 19h et 21h (séances suivies d'un verre amical). Taswir Films, Docks 66, Macalube Films, Périphérie, la SCAM, l'Atelier documentaire de la Femis et le Festival Jean Rouch -Comité du film ethnographique s'associent pour lui rendre hommage avec la projection de ses deux longs-métrages, qui témoignent de l'étendue de son talent, entre intime et politique, et de sa rare sensibilité. Les témoignages d'affection se multiplient pour célébrer les grandes qualités humaines et professionnelles d'Axel Salvatori-Sinz : de la réalisatrice sénégalaise Rama Thiaw (avec qui il a collaboré pour le montage de son très beau The Revolution Won't Be Televised., 2016) à Kivu Ruhoraza, réalisateur rwandais (auteur du magnifique Matière Grise, …), en passant par Aleksandra Chevreux, productrice française, DOC(K)S 66.
Thierno I. Dia
Africiné Magazine, Bordeaux
pour Images Francophones
Image : Scène du film Au temps où les Arabes dansaient (When Arabs danced), de Jawad Rhalib