Tournage : Francine Kemegni opte pour la série
La réalisatrice camerounaise est à pied d'œuvre pour la production de " Notre mouton bien aimé ". Une série qui trousse l'infidélité masculine, avec une galerie de personnages hauts en couleur.
Madame la " director " est imperturbable ce jeudi 15 mai 2014. Cette sixième journée de tournage déboute pourtant péniblement, pour la petite équipe réunie au quartier Emombo, à Yaoundé. Depuis la matinée, comédiens et techniciens sont réunis ; le tournage tarde à démarrer. Mais c'est toute relaxe que Francine Kemegni explique : " Nous avons quelques problèmes avec nos appareils ce matin et nous essayons d'y remédier pour commencer le tournage ". De réglages à réglages, le travail d'équipe finit par contourner les blocages et planter les décors. Avant le premier clap, la réalisatrice passe un coup de fil : " S'il te plaît, j'ai besoin d'un moniteur. Je n'arrive pas regarder les images pendant le tournage ; et à la fin elles ne sont pas de très bonne qualité ". Au bout, une promesse. Les séquences prévues ce jour mettent en scène les arnaques et abus d'une pasteure (non convaincue) envers ses brebis. Elle séparant couples et familles. Le jeu fait intervenir principalement Carine Ezembe, Philémon Blake Ondoa, Elise Kameni et Eric Ebode, tous habitués des caméras.
Toutes scènes mises en boîte relèvent du scénario écrit par Francine Kemegni, pour sa série intitulée Notre mouton bien aimé. La réalisatrice camerounaise revient, par là, signer sa première série aux colorations féministes. Pas surprenant pour qui connait son dernier long métrage Dans l'ombre d'une autre (en compétition aux festivals Ecrans noirs, Vues d'Afrique et Fespaco 2009). Elle y peint déjà l'infidélité masculine très souvent ignorée par nos traditions. Une fois de plus, l'infidélité nourrit l'inspiration de cette série.
" Je suis une femme révoltée par l'infidélité masculine qui est presque légitimée, entrainant l'exploitation de la femme ", assume-t-elle pour évoquer ses motivations. L'intrigue essaye de tenir la société en éveil, sur le fait que l'acte sexuel n'est pas un geste gratuit, anodin. La réalisatrice dénonce en même temps les femmes cupides qui affectionnent la facilité. Faisant de nombreuses victimes chez les hommes.
Notre mouton bien aimé porte donc l'âme de deux frères qui partagent non seulement l'héritage mais aussi l'infidélité de leur géniteur. Entre un aîné (infidèle) bien inséré dans le monde du business et un cadet marginal qui finit par se livrer à l'exploitation de jeunes filles, les développements sont tout trouvés. Une dizaine d'intrigues secondaires viennent nourrir la principale avec des révélations aussi cocasses les unes des autres. L'élément révélateur ? C'est la transformation de l'un des personnages principaux en mouton (d'où le titre). Pascal veut épouser une deuxième femme, sans l'accord de son épouse. Elle sollicite l'aide du marabout pour rendre son mari docile. La potion transformera finalement ce dernier en mouton. " Il est donc question, de façon général, de gérer l'absence subite de ce personnage ", dévoile la réalisatrice.
C'est parti pour cinq semaines de tournage, sur divers sites, dans la capitale camerounaise. Notre mouton bien aimé sollicite aussi bien les boîtes de nuit que les restaurants et salons de coiffure, en passant par des églises, des domiciles et autres espaces ouverts. Ce qui fait perdre le sommeil à l'équipe de production. Francine s'est lâchée dans son scénario, refusant de restreindre les mouvements de ses protagonistes.
" Maintenant les décors nous posent un énorme problème, réalise-t-elle. Les gens devraient comprendre que céder un espace pour le tournage d'un film est un grand soutien pour notre cinéma. Ils pensent peut-être que les grandes et jolies maisons qu'ils voient dans les films nigérians par exemple appartiennent aux producteurs ? Ici, dès quelqu'un vous donne son salon, ou un autre coin de la maison, après deux heures de temps, il veut déjà changer d'avis ; quand il ne le change pas avant le début du tournage ", regrette la réalisatrice. Une contrainte parmi tant d'autres. Qui ne freine pourtant pas l'engagement des comédiens.
Casting
Ils sont une cinquantaine retenus dans un casting plus ou moins ciblé. Francine Kemegni a puisé dans la crue actuelle de comédiens au Cameroun. Elle reste cependant fidèle à Stéphane Tchonang qui tient le premier rôle dans " Dans l'ombre d'une autre ". Ici, il incarne Pascal, le frère aîné qu'on transformera en mouton. Alain Bomo Bomo, désormais casté dans la quasi-totalité des productions locales, est dans la peau de Patrick, le cadet voyou. Il intervient, en même temps qu'Axel Abessolo (inspecteur Henry), Philémon Blake Ondoa (Oncle de Pascal), Eric Ebode (frère Evariste), Gabriel Fomogne qui joue dans Harraga, série de Serge Alain Noa diffusée sur TV5 Afrique (mai-juin 2014).
La production ramène également certaines révélations pas suffisamment exploitées. Notamment Tatiana Matip - révélée dans Confidences de Cyrille Masso - incarne Sylvie, la copine de Patrick ; Carine Ezembe joue Pasteure Pauline ; Blanche Bana rentre dans la peau de Patricia, ou encore, Carine Tchewong (meilleure interprétation féminine au festival Mis me binga 2013) vient en réplique à Stéphane Tchonang (son mari Pascal ; elle est Marilyn).
La bonne brochette de comédiens donnent, jusque là, satisfaction à la réalisatrice. Ils devront matérialiser une histoire qui se démembre en 13 épisodes de 26 minutes chacun. " C'est pour la première saison. Nous voulons au final en faire 50. Mais il faut d'abord produire certains épisodes pour pouvoir avoir les fonds de TV5. Ce dernier compte également diffuser la série, ainsi que CFI ", confie Francine. Le montage quand à lui se fera dans une cellule de postproduction à Montréal. Le tournage se poursuit encore en cette fin du mois de juin.
Une bouchée de pain
En bonne fonceuse, la jeune femme a réussi à s'entourer d'une équipe technique jeune mais rompue à la tâche. Au Cameroun, il y a un environnement où " plusieurs réseaux se sont crées et les gens y sont beaucoup plus pour le gagne pain que pour travailler " selon la réalisatrice. Pour mieux porter ce projet qu'elle reconnait lourd, Francine a trouvé judicieux d'associer Prince Dubois Onana à la Réalisation. " J'ai voulu en même temps avoir le regard masculin pour aborder ce sujet impliquant profondément les deux genres ", ajoute-t-elle.
Autour de ce noyau, gravitent Honoré Tadaa et Patricia Mbida, premier et deuxième assistants. Christian Kengne est à la prise de vue et Hubert Donkam gère le son. L'éclairage porte la signature de Patrick Touko, tandis que Jeanne Ngo Ndabnyemb, maquilleuse très sollicitée, s'occupe également des costumes. Une équipe qui, selon la réalisatrice, a accepté travailler pour une bouchée de pain.
Des productions douloureuses, Francine en a l'habitude. Elle a surtout appris à ne plus attendre indéfiniment les potentiels financements pour projets cinématographiques. " Je ne perds plus trop de temps à réfléchir. Je veux faire un film, je vois ce dont je dispose comme sous et je fonce. Surtout que l'Institut Goethe, à travers l'Adamic (Association des dames de l'image du Cameroun, ndlr), m'a doté de son unité de production ", dit-elle, confiante. Une attitude qui lui proscrit de s'attarder sur les difficultés.
C'est dans ce même état d'esprit qu'elle revient tourner au Cameroun, après avoir émigré au Canada il y a deux ans. " Je crois qu'on a toujours envie de venir faire des choses chez soi. Il est également temps que les séries camerounaises soient bien présents, sur TV5 par exemple ", souhaite cette membre de l'Adamic. Après de nombreuses collaborations sur les plateaux de tournage, Francine Kemegni réalise son premier court métrage Stop control sur le Sida, en 1998. Dix ans plus tard elle signe Sur les crânes de mes ancêtres. Un documentaire de 56 minutes qui plonge le spectateur au cœur des rites des morts en pays bamiléké, à l'Ouest du Cameroun.
Pélagie Ng'onana
Africiné, Yaoundé
pour Images Francophones
Photo : Francine Kemegni, sur le plateau de sa série, Notre mouton bien aimé.
Crédit : DR
Toutes scènes mises en boîte relèvent du scénario écrit par Francine Kemegni, pour sa série intitulée Notre mouton bien aimé. La réalisatrice camerounaise revient, par là, signer sa première série aux colorations féministes. Pas surprenant pour qui connait son dernier long métrage Dans l'ombre d'une autre (en compétition aux festivals Ecrans noirs, Vues d'Afrique et Fespaco 2009). Elle y peint déjà l'infidélité masculine très souvent ignorée par nos traditions. Une fois de plus, l'infidélité nourrit l'inspiration de cette série.
" Je suis une femme révoltée par l'infidélité masculine qui est presque légitimée, entrainant l'exploitation de la femme ", assume-t-elle pour évoquer ses motivations. L'intrigue essaye de tenir la société en éveil, sur le fait que l'acte sexuel n'est pas un geste gratuit, anodin. La réalisatrice dénonce en même temps les femmes cupides qui affectionnent la facilité. Faisant de nombreuses victimes chez les hommes.
Notre mouton bien aimé porte donc l'âme de deux frères qui partagent non seulement l'héritage mais aussi l'infidélité de leur géniteur. Entre un aîné (infidèle) bien inséré dans le monde du business et un cadet marginal qui finit par se livrer à l'exploitation de jeunes filles, les développements sont tout trouvés. Une dizaine d'intrigues secondaires viennent nourrir la principale avec des révélations aussi cocasses les unes des autres. L'élément révélateur ? C'est la transformation de l'un des personnages principaux en mouton (d'où le titre). Pascal veut épouser une deuxième femme, sans l'accord de son épouse. Elle sollicite l'aide du marabout pour rendre son mari docile. La potion transformera finalement ce dernier en mouton. " Il est donc question, de façon général, de gérer l'absence subite de ce personnage ", dévoile la réalisatrice.
C'est parti pour cinq semaines de tournage, sur divers sites, dans la capitale camerounaise. Notre mouton bien aimé sollicite aussi bien les boîtes de nuit que les restaurants et salons de coiffure, en passant par des églises, des domiciles et autres espaces ouverts. Ce qui fait perdre le sommeil à l'équipe de production. Francine s'est lâchée dans son scénario, refusant de restreindre les mouvements de ses protagonistes.
" Maintenant les décors nous posent un énorme problème, réalise-t-elle. Les gens devraient comprendre que céder un espace pour le tournage d'un film est un grand soutien pour notre cinéma. Ils pensent peut-être que les grandes et jolies maisons qu'ils voient dans les films nigérians par exemple appartiennent aux producteurs ? Ici, dès quelqu'un vous donne son salon, ou un autre coin de la maison, après deux heures de temps, il veut déjà changer d'avis ; quand il ne le change pas avant le début du tournage ", regrette la réalisatrice. Une contrainte parmi tant d'autres. Qui ne freine pourtant pas l'engagement des comédiens.
Casting
Ils sont une cinquantaine retenus dans un casting plus ou moins ciblé. Francine Kemegni a puisé dans la crue actuelle de comédiens au Cameroun. Elle reste cependant fidèle à Stéphane Tchonang qui tient le premier rôle dans " Dans l'ombre d'une autre ". Ici, il incarne Pascal, le frère aîné qu'on transformera en mouton. Alain Bomo Bomo, désormais casté dans la quasi-totalité des productions locales, est dans la peau de Patrick, le cadet voyou. Il intervient, en même temps qu'Axel Abessolo (inspecteur Henry), Philémon Blake Ondoa (Oncle de Pascal), Eric Ebode (frère Evariste), Gabriel Fomogne qui joue dans Harraga, série de Serge Alain Noa diffusée sur TV5 Afrique (mai-juin 2014).
La production ramène également certaines révélations pas suffisamment exploitées. Notamment Tatiana Matip - révélée dans Confidences de Cyrille Masso - incarne Sylvie, la copine de Patrick ; Carine Ezembe joue Pasteure Pauline ; Blanche Bana rentre dans la peau de Patricia, ou encore, Carine Tchewong (meilleure interprétation féminine au festival Mis me binga 2013) vient en réplique à Stéphane Tchonang (son mari Pascal ; elle est Marilyn).
La bonne brochette de comédiens donnent, jusque là, satisfaction à la réalisatrice. Ils devront matérialiser une histoire qui se démembre en 13 épisodes de 26 minutes chacun. " C'est pour la première saison. Nous voulons au final en faire 50. Mais il faut d'abord produire certains épisodes pour pouvoir avoir les fonds de TV5. Ce dernier compte également diffuser la série, ainsi que CFI ", confie Francine. Le montage quand à lui se fera dans une cellule de postproduction à Montréal. Le tournage se poursuit encore en cette fin du mois de juin.
Une bouchée de pain
En bonne fonceuse, la jeune femme a réussi à s'entourer d'une équipe technique jeune mais rompue à la tâche. Au Cameroun, il y a un environnement où " plusieurs réseaux se sont crées et les gens y sont beaucoup plus pour le gagne pain que pour travailler " selon la réalisatrice. Pour mieux porter ce projet qu'elle reconnait lourd, Francine a trouvé judicieux d'associer Prince Dubois Onana à la Réalisation. " J'ai voulu en même temps avoir le regard masculin pour aborder ce sujet impliquant profondément les deux genres ", ajoute-t-elle.
Autour de ce noyau, gravitent Honoré Tadaa et Patricia Mbida, premier et deuxième assistants. Christian Kengne est à la prise de vue et Hubert Donkam gère le son. L'éclairage porte la signature de Patrick Touko, tandis que Jeanne Ngo Ndabnyemb, maquilleuse très sollicitée, s'occupe également des costumes. Une équipe qui, selon la réalisatrice, a accepté travailler pour une bouchée de pain.
Des productions douloureuses, Francine en a l'habitude. Elle a surtout appris à ne plus attendre indéfiniment les potentiels financements pour projets cinématographiques. " Je ne perds plus trop de temps à réfléchir. Je veux faire un film, je vois ce dont je dispose comme sous et je fonce. Surtout que l'Institut Goethe, à travers l'Adamic (Association des dames de l'image du Cameroun, ndlr), m'a doté de son unité de production ", dit-elle, confiante. Une attitude qui lui proscrit de s'attarder sur les difficultés.
C'est dans ce même état d'esprit qu'elle revient tourner au Cameroun, après avoir émigré au Canada il y a deux ans. " Je crois qu'on a toujours envie de venir faire des choses chez soi. Il est également temps que les séries camerounaises soient bien présents, sur TV5 par exemple ", souhaite cette membre de l'Adamic. Après de nombreuses collaborations sur les plateaux de tournage, Francine Kemegni réalise son premier court métrage Stop control sur le Sida, en 1998. Dix ans plus tard elle signe Sur les crânes de mes ancêtres. Un documentaire de 56 minutes qui plonge le spectateur au cœur des rites des morts en pays bamiléké, à l'Ouest du Cameroun.
Pélagie Ng'onana
Africiné, Yaoundé
pour Images Francophones
Photo : Francine Kemegni, sur le plateau de sa série, Notre mouton bien aimé.
Crédit : DR