Sur les traces du Sosso bala
Tournage d’un film sur le premier balafon du Mandé, par Nissy Joanny Traoré, Burkina Faso.
Fin février 2014, le réalisateur burkinabé Nissy Joanny Traoré a démarré au Mali, le tournage de Sosso bala, un documentaire-fiction sur l’histoire du premier balafon, le Sosso bala. Ce dernier se transmet depuis les années 1 235 dans la descendance des griots Kouyaté de l’empire du Mali, le Mandé. Jadis couvrant un vaste territoire, le Mandé est aujourd’hui une zone qui se situe de part et d’autre de la frontière entre le Mali et la Guinée. L’organisation Internationale de la Francophonie contribue au financement de cette œuvre par le biais du Fonds Francophone. Sosso bala va allier reconstitution fictionnelle, témoignages de griots et d’universitaires.
Les versions sur l’origine de cet instrument sont deux ordres ; la plupart des traditions disent que le bala aurait été donné à l’empereur Soumahoro Kanté par des génies en échange de sa sœur ; certaines soutiennent qu’il l’a fabriqué lui-même ; d’autres hypothèses basées sur l’organisation des sociétés traditionnelles penchent sur sa fabrication par les forgerons, artisans du fer et bois au service du roi.
L’histoire du Sosso bala se confond avec celles de l’empire du Mali et des peuples mandingues. La relation des épopées et des généalogies par les griots se raconte souvent par le balafon. L’évocation des patronymes et la célébration d’évènements particuliers suivent également des rythmes particuliers. Nul doute que ce film participe à la sauvegarde et à la valorisation d’un patrimoine inestimable d’une grande partie des peuples de la sous région ouest africaine.
Une longue gestation
Remonter en Afrique, continent de l’oralité, une histoire de plus de 800 ans n’est pas chose aisée. Le réalisateur Nissy Traoré s’est consacré durant cinq ans à la recherche documentaire , compulsé des documents , consulté les bibliothèques vivantes que sont les griots avant de se convaincre lui-même que ce projet est possible d’être porté à l’écran avec la charge émotionnelle et historique qu’il désirait.La recherche d’historiens spécialisés et des héritiers du Sosso bala le conduira au Mali et en Guinée où sont établies les familles Kouyaté détentrices de l’instrument sacré.
Le docteur Seydou Camara de l’Institut des Sciences Humaines de l’université de Bamako pour la partie malienne et son homologue Namakouba Kouyaté en ce qui concerne la Guinée s’investiront dans des recherches plus approfondies devant permettre d’identifier les personnes et les localités témoins du passage du Sosso bala et des descendants des deux empereurs, Soundiata Keïta et Soumahoro Kanté, pour le tournage effectif.
En fin février dernier, en collaboration avec Sarama Films de Salif Traoré du Mali, Médis Production, la société de Nissy J. Traoré, a engagé le tournage de ce film par le village de Balankomana, dernier village du Mali d’où le mythique balafon est parti pour celui de Niagassola, chez les Kouyaté de Guinée. L’équipe a également recueilli le témoignage de l’ancien Président du Mali, Moussa Traoré qui avait en son temps entrepris des démarches auprès des autorités guinéennes pour rétablir le mode normal de transmission de cet héritage. En effet, les autorités guinéennes s’étaient opposées dans les années 1975 au retour du Sosso bala au Mali, alors que selon des règles séculaires, il devait revenir aux Kouyaté de l’autre côté de la frontière, après le décès du détenteur de Guinée.
La contribution du film à la sauvegarde du patrimoine artistique et des pratiques culturelles
Le docteur Seydou Camara joue un rôle de coordination scientifique qui permet au réalisateur d’optimiser les tournages vraiment essentiels dans cette entreprise monumentale. Aussi,s’est - il renseigné auprès des griots des localités concernées par le Sosso bala principalement à Kinyéroba dans le cercle de Kati ; à Kangaba ; à Koumakara , un hameau de culture de Balankoumana fondé par quelqu’un qui aurait détenu le Sosso bala, et à Balankoumana. Cette dernière localité a été choisie pour le démarrage du film car le Sosso bala y a séjourné pendant plus de trente (30) ans. Le principal interlocuteur et doyen des griots, Boulaye Kouyaté a conté l’histoire du balafon hérité de Bala Fasséké Kouyaté, le griot attitré de Soundjata Keïta qui l’a transmis à sa descendance. Il a surtout restitué les circonstances dans lesquelles le
Célèbre balafon est parti chez leurs frères de Niagassola et des démarches vaines entreprises pour rétablir la transmission interrompue.
D’autres étapes de recherche ont permis d’identifier localités importantes ; notamment : le village de Kinyéroba où les griots Kouyaté ont vécu très longtemps avant de disperser car de plus en plus sollicités dans des contrées lointaines ; et le village de Sosso dans l’arrondissement de Boron qui porte exactement le même nom que le village natal de Soumahoro Kanté. Les traditions rapportent que c’est dans ce village qu’il aurait résidé. Il y a des lieux, des arbres qui existaient depuis son époque mais aussi la tombe de la mère de Soumahoro.
Les traditions orales sont très importantes dans la reconstruction de l’Histoire de l’Afrique . Il fallu faire appel à de nombreuses sources orales et les recouper mais également à des sources écrites. Le docteur Camara révèle que déjà au 14 ème siècle des voyageurs arabes ont dans leur manuscrit parlé de « Dokala », c'est-à-dire des Kouyaté de lignée de Doka. Ce film est pour lui une chance inespérée de collecter des informations en sa qualité de chercheur, de restituer un pan important de l’Histoire du Mandé car les anciens susceptibles de témoigner ne sont plus nombreux et cela n’a pas de prix de réaliser des films sur notre Histoire.
Un défi cinématographique
Le tournage va se poursuivre avec les témoignages au Mali et en Guinée et les prises de vues des sites et villages supposés avoir été traversés par Soundiata et Soumahoro. La plus grosse difficulté sera sans doute, selon le réalisateur Nissy Traoré, la reconstitution des évènements majeurs qui ont marqué ,de manière déterminante , un tournant dans la vie des peuples mandingues comme la bataille de Kirina, l’assemblée de Kouroukan Fougan qui a codifié l’organisation sociale et politique de l’empire mandingue et proclamé des droits importants pour tous les habitants des royaumes composant l’empire, voire au-delà, à travers la première charte des Droits de l’Homme de l’Humanité.
Le défi cinématographique dans la réalisation de cette œuvre consistera à opérer l’osmose entre la légende, les mystères et les témoignages.
Le cinéma ouest africain nous déjà donné des œuvres historiques sublimes, sous formes de conte, d’épopées ou de reconstitution, ici Nissy Joanny Traoré devra allier toutes ces formes.
Emmanuel Sama
Africiné, Ouagadougou
Photo : Scène de tournage du docu-fiction Sosso bala, du cinéaste burkinabé Nissy Joanny Traoré (debout, en caquette noir) face des témoins et son équipe.
Crédit : Emmanuel Sama (Africiné).
Les versions sur l’origine de cet instrument sont deux ordres ; la plupart des traditions disent que le bala aurait été donné à l’empereur Soumahoro Kanté par des génies en échange de sa sœur ; certaines soutiennent qu’il l’a fabriqué lui-même ; d’autres hypothèses basées sur l’organisation des sociétés traditionnelles penchent sur sa fabrication par les forgerons, artisans du fer et bois au service du roi.
L’histoire du Sosso bala se confond avec celles de l’empire du Mali et des peuples mandingues. La relation des épopées et des généalogies par les griots se raconte souvent par le balafon. L’évocation des patronymes et la célébration d’évènements particuliers suivent également des rythmes particuliers. Nul doute que ce film participe à la sauvegarde et à la valorisation d’un patrimoine inestimable d’une grande partie des peuples de la sous région ouest africaine.
Une longue gestation
Remonter en Afrique, continent de l’oralité, une histoire de plus de 800 ans n’est pas chose aisée. Le réalisateur Nissy Traoré s’est consacré durant cinq ans à la recherche documentaire , compulsé des documents , consulté les bibliothèques vivantes que sont les griots avant de se convaincre lui-même que ce projet est possible d’être porté à l’écran avec la charge émotionnelle et historique qu’il désirait.La recherche d’historiens spécialisés et des héritiers du Sosso bala le conduira au Mali et en Guinée où sont établies les familles Kouyaté détentrices de l’instrument sacré.
Le docteur Seydou Camara de l’Institut des Sciences Humaines de l’université de Bamako pour la partie malienne et son homologue Namakouba Kouyaté en ce qui concerne la Guinée s’investiront dans des recherches plus approfondies devant permettre d’identifier les personnes et les localités témoins du passage du Sosso bala et des descendants des deux empereurs, Soundiata Keïta et Soumahoro Kanté, pour le tournage effectif.
En fin février dernier, en collaboration avec Sarama Films de Salif Traoré du Mali, Médis Production, la société de Nissy J. Traoré, a engagé le tournage de ce film par le village de Balankomana, dernier village du Mali d’où le mythique balafon est parti pour celui de Niagassola, chez les Kouyaté de Guinée. L’équipe a également recueilli le témoignage de l’ancien Président du Mali, Moussa Traoré qui avait en son temps entrepris des démarches auprès des autorités guinéennes pour rétablir le mode normal de transmission de cet héritage. En effet, les autorités guinéennes s’étaient opposées dans les années 1975 au retour du Sosso bala au Mali, alors que selon des règles séculaires, il devait revenir aux Kouyaté de l’autre côté de la frontière, après le décès du détenteur de Guinée.
La contribution du film à la sauvegarde du patrimoine artistique et des pratiques culturelles
Le docteur Seydou Camara joue un rôle de coordination scientifique qui permet au réalisateur d’optimiser les tournages vraiment essentiels dans cette entreprise monumentale. Aussi,s’est - il renseigné auprès des griots des localités concernées par le Sosso bala principalement à Kinyéroba dans le cercle de Kati ; à Kangaba ; à Koumakara , un hameau de culture de Balankoumana fondé par quelqu’un qui aurait détenu le Sosso bala, et à Balankoumana. Cette dernière localité a été choisie pour le démarrage du film car le Sosso bala y a séjourné pendant plus de trente (30) ans. Le principal interlocuteur et doyen des griots, Boulaye Kouyaté a conté l’histoire du balafon hérité de Bala Fasséké Kouyaté, le griot attitré de Soundjata Keïta qui l’a transmis à sa descendance. Il a surtout restitué les circonstances dans lesquelles le
Célèbre balafon est parti chez leurs frères de Niagassola et des démarches vaines entreprises pour rétablir la transmission interrompue.
D’autres étapes de recherche ont permis d’identifier localités importantes ; notamment : le village de Kinyéroba où les griots Kouyaté ont vécu très longtemps avant de disperser car de plus en plus sollicités dans des contrées lointaines ; et le village de Sosso dans l’arrondissement de Boron qui porte exactement le même nom que le village natal de Soumahoro Kanté. Les traditions rapportent que c’est dans ce village qu’il aurait résidé. Il y a des lieux, des arbres qui existaient depuis son époque mais aussi la tombe de la mère de Soumahoro.
Les traditions orales sont très importantes dans la reconstruction de l’Histoire de l’Afrique . Il fallu faire appel à de nombreuses sources orales et les recouper mais également à des sources écrites. Le docteur Camara révèle que déjà au 14 ème siècle des voyageurs arabes ont dans leur manuscrit parlé de « Dokala », c'est-à-dire des Kouyaté de lignée de Doka. Ce film est pour lui une chance inespérée de collecter des informations en sa qualité de chercheur, de restituer un pan important de l’Histoire du Mandé car les anciens susceptibles de témoigner ne sont plus nombreux et cela n’a pas de prix de réaliser des films sur notre Histoire.
Un défi cinématographique
Le tournage va se poursuivre avec les témoignages au Mali et en Guinée et les prises de vues des sites et villages supposés avoir été traversés par Soundiata et Soumahoro. La plus grosse difficulté sera sans doute, selon le réalisateur Nissy Traoré, la reconstitution des évènements majeurs qui ont marqué ,de manière déterminante , un tournant dans la vie des peuples mandingues comme la bataille de Kirina, l’assemblée de Kouroukan Fougan qui a codifié l’organisation sociale et politique de l’empire mandingue et proclamé des droits importants pour tous les habitants des royaumes composant l’empire, voire au-delà, à travers la première charte des Droits de l’Homme de l’Humanité.
Le défi cinématographique dans la réalisation de cette œuvre consistera à opérer l’osmose entre la légende, les mystères et les témoignages.
Le cinéma ouest africain nous déjà donné des œuvres historiques sublimes, sous formes de conte, d’épopées ou de reconstitution, ici Nissy Joanny Traoré devra allier toutes ces formes.
Emmanuel Sama
Africiné, Ouagadougou
Photo : Scène de tournage du docu-fiction Sosso bala, du cinéaste burkinabé Nissy Joanny Traoré (debout, en caquette noir) face des témoins et son équipe.
Crédit : Emmanuel Sama (Africiné).