Shaibu Husseini, AMAA (Nigeria) : "Certains pays francophones sont repartis primés"
Depuis 2004, le Nigéria a initié l'équivalent des Oscars africains : les African Movie Academy Award. A l'occasion de sa 10e cérémonie organisée le 24 mai dernier à Yenaoga (Nigéria), le critique et journaliste Shaibu Husseini, directeur du comité de sélection des AMAA, nous explique l'ambition et les impacts de ce projet continental.
Quand furent créés les African Movie Academy Award (AMAA), par qui et pourquoi ?
Shaibu Husseini : La première édition a eu lieu en 2004. Les African Movie Academy Awards (AMAA) sont une ramification de l'Africa Film Academy (AFA) dont la mission est de promouvoir les cinémas d'Afrique, renforcer les capacités de l'industrie et plus généralement, servir de plateforme de promotion du cinéma sur le continent. L'AFA a également été créée pour identifier, reconnaître, et récompenser les talents du continent ainsi qu'en dehors du continent. Elle mène un programme de formation et possède un fonds d'aide pour soutenir les réalisateurs afin qu'ils puissent raconter leurs histoires sans qu'on leur dicte comment les raconter. Le légendaire Danny Glover fait partie du Conseil d'administration et Peace Anyiam-Osigwe est la fondatrice et directrice exécutive. Les AMAA ont donc été créées pour promouvoir la culture et l'héritage africains, mais surtout pour promouvoir les cinéastes car, comme le dit toujours Peace Anyiam-Osigwe : " les Africains ont une manière de ne jamais s'auto-promouvoir ". Donc, chaque année, nous célébrons et réunissions les cinéastes.
Comment ont été recrutés vos membres du jury et en fonction de quelles qualités ?
S.H.: Les membres du jury ont été recrutés avec une grande attention, pour nous aider dans notre processus de repérage et de sélection des talents primés chaque année. Ces hommes et ces femmes se sont distingués par leurs différentes implications : ils ont une expertise des films africains et de leur développement sur le continent. Certains d'entre eux ont une longue expérience de travail cinématographique avec et autour du continent : ils ont travaillé comme programmateurs, conservateurs, cinéastes, universitaires ou critiques. Ils ont été nommés et continueront de faire partie du jury aussi longtemps qu'ils le voudront, tant qu'ils continuent de travailler avec et autour du continent. Le mode de fonctionnement des AMAA est d'ajouter des membres mais de ne jamais en retirer, sauf si l'un d'entre eux ne souhaite plus servir notre cause ou n'est plus actif.
Quels sont ces jurés ?
S.H. : Ils sont dix : Keith Shiri, June Givanni, Dorothee Wenner, Steve Ayorinde, moi-même - qui suis également directeur du comité de sélection - le Professeur Hyginus Ekwuazi, Berni Goldblat, John Akomfrah, Asantewa Olatunji et Ayuko Babu du Pan African Film and Arts Festival (Paff) de Los Angeles. Lorsque les AMAA ont été fondés, le jury ne comprenait que cinq jurés. Il n'excédera jamais douze membres. Nous devrons bientôt procéder au remplacement d'Amaka Igwe (productrice nigériane décédée le 29 avril 2014 à l'âge de 51 ans, NDLR) et d'une jurée qui a démissionné en raison de conflits d'intérêts puisqu'elle travaille maintenant pour une chaîne du câble qui organise également des récompenses.
Combien de films avez-vous reçu cette année et d'où provenaient-ils ?
S.H.: Nous avons reçu 563 films de tous les coins du continent et de pays extérieurs tels que le Venezuela, le Brésil, les Etats-Unis, la Jamaïque ou Trinidad-et-Tobago. Les réalisateurs des pays cités ont principalement concouru dans la catégorie Diaspora. En termes de répartition, nous avons reçu 150 courts-métrages, 253 longs-métrages, 68 documentaires et 15 films d'animation. En Afrique, les candidatures provenaient du Nigéria, du Ghana, du Cameroun, du Gabon, du Mali, du Mozambique, d'Egypte, d'Afrique du Sud - qui a, cette année, davantage postulé que le Nigéria - l'Ethiopie, le Togo, la Gambie, le Maroc, etc.
Une fois reçus, les films ont été pré-sélectionnés par un comité de sélection, visionnés par un collège de sélectionneurs, puis soumis aux membres du jury qui ont procédé aux nominations et à l'attribution des prix.
Où publiez-vous votre appel à films ? A quelle période ?
S.H.: L'appel à films est publié sur le site des African Movie Academy Award. Nous envoyons également des communiqués de presse. Je sais que l'AFA voyage dans différents festivals de cinéma en Afrique et à l'étranger pour annoncer l'appel à films. Le conseil d'administration de l'AFA et les membres du jury d'AMAA sont également nos ambassadeurs. Nous publions notre appel à films juste après la cérémonie de remise des prix et clôturons l'appel le 30 décembre.
Pourquoi n'avez-vous pas davantage de films francophones, arabophones ou lusophones en compétition ?
S.H.: Même si les AMAA ont dix ans, je dirai qu'ils sont en constante évolution. Cela devient de plus en plus connu donc je ne pense pas qu'il faudra attendre longtemps avant qu'ils reçoivent des candidatures de tous les coins d'Afrique, en particulier des pays qui produisent des films. Je reconnais que les AMAA doivent travailler davantage pour toucher les cinéastes d'autres horizons mais je pense qu'ils font de leur mieux, même si une grande méconnaissance demeure. Beaucoup de gens pensent que ce sont des prix nigérians ou pour les Africains anglophones. C'est faux. Si cela s'appelle Africa Movie Academy Awards et non Nigerian Movie Awards c'est bien parce que cela concerne l'ensemble de l'Afrique.
Certains pays francophones sont repartis primés, comme Viva Riva ! de la République Démocratique du Congo (RDC) par exemple. Cette année, le Gabon et le Mali ont remporté des prix [également Harrikrisna Anenden & Sharvan Anenden pour Les enfants de Troumaron, voir palmarès, NDLR]. Les AMAA se tiennent uniquement au Nigéria du fait de nos partenaires. Je suis sûr que si nous avions un soutien du Gabon, la cérémonie se tiendrait là-bas. Ce que les AMAA ont fait, c'est d'annoncer les nominés lors d'événements organisés dans différents pays : au Burkina Faso, au Ghana, en Gambie, en Egypte, en Afrique du Sud et au Malawi. J'espère que nous trouverons un nouveau sponsor qui nous permettra d'organiser ailleurs notre prochain événement.
Les gagnants reçoivent-ils de l'argent avec leur trophée ?
S.H.: Cela dépend réellement de nos partenaires. L'objectif de départ était de remettre de l'argent mais nous ne pouvons le faire sans partenariats. Une année, les gagnants ont remporté de l'argent parce que le partenaire de l'époque considérait qu'ils devaient repartir avec quelque chose en plus de leur trophée. Cette année, il n'y a pas eu d'argent mais d'autres formes de soutien comme de l'aide pour participer à des festivals, etc. Je suis sûr que si les AMAA décrochent un bon partenaire, il y aura de l'argent à la clé pour les gagnants.
Quel est l'impact des AMAA sur l'industrie cinématographique nigériane ?
S.H.: L'impact a été phénoménal et pas seulement au Nigéria. Cela a touché les cinéastes et le cinéma ailleurs sur le continent. Les réalisateurs cherchent maintenant à déposer leurs films car ils sont conscients que remporter un prix peut booster leur carrière et leurs efforts de marketing. Et parce que les participants de l'industrie nigériane ont conscience d'entrer en compétition avec d'autres cinéastes, ils font attention à la qualité de leurs productions car c'est sans aucun doute la meilleure façon d'être primé aux AMAA. J'ai l'habitude de dire que les AMAA ne sont pas une compétition basée sur la popularité. Le public ne vote pas pour son film favori. C'est une académie qui décide quels films représentent le mieux l'Afrique en terme d'accomplissement cinématographique.
Les AMAA ont-ils une reconnaissance internationale en dehors du Nigéria ?
S.H.: Je pense que oui. Je sais qu'ils bénéficient d'une reconnaissance auprès de l'Union Africaine et de grands festivals comme celui de Berlin, Toronto ou le PanAfrican Film festival de Los Angeles. En fait, la plupart des films de la Diaspora proviennent du PanAfrican Film Festival. Les AMAA travaillent à renforcer leurs relations avec le FESPACO et d'autres institutions internationales. Notre rêve est d'ailleurs d'obtenir une reconnaissance officielle de la part de l'Union Africaine.
Les films primés bénéficient-ils de davantage de sélections en festival ou de sorties en salle après les AMAA ?
S.H.: Oui. L'un des aspects importants des AMAA est que les films primés démarrent leur carrière en festival ou en salle après la cérémonie. Les AMAA participent à créer un buzz autour des films. Par exemple, des films comme Viva Riva ! de Djo Munga (RDC) ou Figurine de Kunle Afolayan (Nigéria) ou plus récemment, Confusion Na Wa de Kenneth Gyang (Nigéria) ont eu davantage de sélections en festival et de distribution après les AMAA. Confusion Na Wa a d'ailleurs remporté le prix du public du Pan African Film Festival de Los Angeles - PAFF 2014 et a ouvert le New York African Film Festival (Nyaff) 2014.
Qui sont vos partenaires ?
S.H.: Pour l'instant, nos principaux partenaires sont l'état de Bayelsa au Nigéria et des entreprises comme Globalcom Limited et la banque Sterling. Ces entreprises viennent de nous rejoindre mais l'état de Bayelsa est impliqué depuis notre création. Je sais que les AMAA ont bénéficié par le passé du soutien d'UBA [une banque nigériane, NDLR] et d'une entreprise de télécommunication comme Airtel, mais ce n'était que pour une période. Ce dont les AMAA ont besoin, c'est d'un partenaire récurrent pour que son soutien aux cinéastes et aux films africains soit assuré.
Dans le contexte politique nigérian actuel, quelle est la difficulté à mettre en place un événement de l'ampleur des AMAA ?
S.H.: Comme vous vous en doutez, il n'est pas facile de mettre en place un événement annuel de ce genre sans avoir les soutiens et financements nécessaires. Je suis sûr que si Peace Anyiam-Osigwe n'avait pas été passionnée par le fait d'unifier les cinéastes, elle aurait baissé les bras depuis longtemps. Le chemin vers cette dixième édition a été long et tortueux. Ce qui est regardé aujourd'hui comme une récompense africaine de premier choix, ou considéré comme des Oscars africains, a été pour elle et son équipe un parcours fait de pure détermination, de persévérance et de foi. Ce parcours pour construire une plateforme qui promeut les projets africains en Afrique et dans le reste du monde a certes été un mélange de moments d'allégresse et de joie mais surtout de larmes car son équipe et elle ont testé les limites du manque de financements et de soutiens nécessaires.
Je sais que Peace Anyiam-Osigwe a traversé beaucoup de moments difficiles, incluant des apports financiers de sa famille et la vente de biens personnels pour pouvoir accueillir tout ce monde années après années. Cela coûte beaucoup d'argent d'organiser la cérémonie et les sessions de visionnages. Un grand nombre de personnes sont invitées, logées et transportées. C'est énorme. Et puis il y a cette frontière politique inutile qui fait que les Africains se discriminent en fonction de leur langue et de leur origine géographique. Nous ne voulons pas faire partie d'un tel schéma.
Ce n'est pas parce que les AMAA ont lieu en Afrique anglophone ou que les organisateurs parlent anglais que le palmarès sera injuste. Les gens oublient qu'un film n'a ni langue ni frontière. Nous devons abroger les frontières que nous avons créées dans nos esprits. Nous devons nous unir pour consolider les AMAA et bâtir une industrie cinématographique africaine viable. C'est ainsi que l'Occident a mis en place les Oscars. Les AMAA sont faits pour les Africains, par les Africains et doivent le demeurer.
Qu'attendez-vous de l'édition 2015 ?
S.H.: Une belle cérémonie. Nous espérons remporter les défis financiers et logistiques qui nous permettront de poursuivre l'objectif des AMAA.
Propos recueillis et traduits de l'anglais par Claire Diao
Depuis le Sud / Africiné, Mai 2014
pour Images Francophones
Palmarès des African Movie Academy Awards (AMAA 2014)
Ndlr - 3 films soutenus par le Fonds Francophone (OIF / CIRTEF) ont été primés lors de cette cérémonie 2014 : Dialemi de Nadine Boucher, Hamou Beya - Pêcheurs de sable d'Andrey Diarra (Mali) et Les enfants de Troumaron coréalisé par Harrikrisna Anenden & Sharvan Anenden, son fils.
Meilleur court-métrage : Dialemi de Nadine Boucher (Gabon)
Meilleur film d'animation : Khumba d'Anthony Silverston (Afrique du Sud)
Meilleurs documentaires : Hamou Beya - Pêcheurs de sable d'Andrey Diarra (Mali) et Portrait of a Lone Farmer de Jide Tom Akinleminu (Nigeria/Danemark)
Meilleur film dans une langue africaine (Prix Ousmane Sembène) : B for Boy de Chika Anadu (Nigéria)
Meilleur court-métrage Diaspora : Passage de Kareem Mortimer (Bahamas)
Meilleur documentaire Diaspora : Through a lens darkly: black photographers and the emergence of a people de Thomas Allen Harris (Etats-Unis)
Meilleur long-métrage Diaspora : Kingston Paradise de Mary Wells (Jamaïque)
Meilleure mise en scène : A Northern Affair de Leila Djansi (Ghana)
Meilleurs costumes : Ni Sisi (It's Us) de Nick Reding (Kenya)
Meilleur maquillage : Once Upon A Road Trip de David Moore (Afrique du Sud)
Meilleure bande-originale : Onye Ozi d'Obi Emelonye (Nigéria)
Meilleurs effets spéciaux : A Mile From Home de Eric Aghimien (Nigéria)
Meilleur son : The Forgotten Kingdom de Andrew Mudge (Afrique du Sud)
Meilleure image : The Forgotten Kingdom de Andrew Mudge (Afrique du Sud)
Meilleur montage : Potomanto de Shirley Frimpong-Manso (Ghana)
Meilleur scénario : Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Prix de l'Etat de Bayelsa pour le meilleur film nigérian : Accident de Teco Benson (Nigéria)
Meilleur enfant acteur : Lebohang Ntsane dans The Forgotten Kingdom de Andrew Mudge (Afrique du Sud)
Meilleur espoir : Petronella Tshuma dans Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Meilleur acteur dans un second rôle : Thapelo Mofekeng dans Felix de Roberta Durrant (Afrique du Sud)
Meilleur actrice dans un second rôle : Patience Ozokwo dans After the Proposal de Desmond Elliot (Nigéria)
Meilleur acteur : Mothusi Magano dans Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Meilleur actrice : Clarion Chukwura dans Apaye de Desmond Elliot (Nigéria)
Meilleur premier film : Harrikrisna Anenden & Sharvan Anenden pour Les enfants de Troumaron (Ile Maurice)
Meilleur réalisateur : Jahmil XT Qubeka pour Of Good Report (Afrique du Sud)
Meilleur film : Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Prix MADIBA : Ni Sisi de Nick Reding (Kenya)
Meilleur film pour l'émancipation de la femme : B for Boy de Chika Anadu (Nigéria)
Prix Spécial du Jury : New Horizon de Tope Oshin-Ogun (Nigéria)
Prix pour l'ensemble de sa carrière : l'acteur et réalisateur Bob Manuel (Nigéria)
Photo : Shaibu Husseini
Crédit : DR
Shaibu Husseini : La première édition a eu lieu en 2004. Les African Movie Academy Awards (AMAA) sont une ramification de l'Africa Film Academy (AFA) dont la mission est de promouvoir les cinémas d'Afrique, renforcer les capacités de l'industrie et plus généralement, servir de plateforme de promotion du cinéma sur le continent. L'AFA a également été créée pour identifier, reconnaître, et récompenser les talents du continent ainsi qu'en dehors du continent. Elle mène un programme de formation et possède un fonds d'aide pour soutenir les réalisateurs afin qu'ils puissent raconter leurs histoires sans qu'on leur dicte comment les raconter. Le légendaire Danny Glover fait partie du Conseil d'administration et Peace Anyiam-Osigwe est la fondatrice et directrice exécutive. Les AMAA ont donc été créées pour promouvoir la culture et l'héritage africains, mais surtout pour promouvoir les cinéastes car, comme le dit toujours Peace Anyiam-Osigwe : " les Africains ont une manière de ne jamais s'auto-promouvoir ". Donc, chaque année, nous célébrons et réunissions les cinéastes.
Comment ont été recrutés vos membres du jury et en fonction de quelles qualités ?
S.H.: Les membres du jury ont été recrutés avec une grande attention, pour nous aider dans notre processus de repérage et de sélection des talents primés chaque année. Ces hommes et ces femmes se sont distingués par leurs différentes implications : ils ont une expertise des films africains et de leur développement sur le continent. Certains d'entre eux ont une longue expérience de travail cinématographique avec et autour du continent : ils ont travaillé comme programmateurs, conservateurs, cinéastes, universitaires ou critiques. Ils ont été nommés et continueront de faire partie du jury aussi longtemps qu'ils le voudront, tant qu'ils continuent de travailler avec et autour du continent. Le mode de fonctionnement des AMAA est d'ajouter des membres mais de ne jamais en retirer, sauf si l'un d'entre eux ne souhaite plus servir notre cause ou n'est plus actif.
Quels sont ces jurés ?
S.H. : Ils sont dix : Keith Shiri, June Givanni, Dorothee Wenner, Steve Ayorinde, moi-même - qui suis également directeur du comité de sélection - le Professeur Hyginus Ekwuazi, Berni Goldblat, John Akomfrah, Asantewa Olatunji et Ayuko Babu du Pan African Film and Arts Festival (Paff) de Los Angeles. Lorsque les AMAA ont été fondés, le jury ne comprenait que cinq jurés. Il n'excédera jamais douze membres. Nous devrons bientôt procéder au remplacement d'Amaka Igwe (productrice nigériane décédée le 29 avril 2014 à l'âge de 51 ans, NDLR) et d'une jurée qui a démissionné en raison de conflits d'intérêts puisqu'elle travaille maintenant pour une chaîne du câble qui organise également des récompenses.
Combien de films avez-vous reçu cette année et d'où provenaient-ils ?
S.H.: Nous avons reçu 563 films de tous les coins du continent et de pays extérieurs tels que le Venezuela, le Brésil, les Etats-Unis, la Jamaïque ou Trinidad-et-Tobago. Les réalisateurs des pays cités ont principalement concouru dans la catégorie Diaspora. En termes de répartition, nous avons reçu 150 courts-métrages, 253 longs-métrages, 68 documentaires et 15 films d'animation. En Afrique, les candidatures provenaient du Nigéria, du Ghana, du Cameroun, du Gabon, du Mali, du Mozambique, d'Egypte, d'Afrique du Sud - qui a, cette année, davantage postulé que le Nigéria - l'Ethiopie, le Togo, la Gambie, le Maroc, etc.
Une fois reçus, les films ont été pré-sélectionnés par un comité de sélection, visionnés par un collège de sélectionneurs, puis soumis aux membres du jury qui ont procédé aux nominations et à l'attribution des prix.
Où publiez-vous votre appel à films ? A quelle période ?
S.H.: L'appel à films est publié sur le site des African Movie Academy Award. Nous envoyons également des communiqués de presse. Je sais que l'AFA voyage dans différents festivals de cinéma en Afrique et à l'étranger pour annoncer l'appel à films. Le conseil d'administration de l'AFA et les membres du jury d'AMAA sont également nos ambassadeurs. Nous publions notre appel à films juste après la cérémonie de remise des prix et clôturons l'appel le 30 décembre.
Pourquoi n'avez-vous pas davantage de films francophones, arabophones ou lusophones en compétition ?
S.H.: Même si les AMAA ont dix ans, je dirai qu'ils sont en constante évolution. Cela devient de plus en plus connu donc je ne pense pas qu'il faudra attendre longtemps avant qu'ils reçoivent des candidatures de tous les coins d'Afrique, en particulier des pays qui produisent des films. Je reconnais que les AMAA doivent travailler davantage pour toucher les cinéastes d'autres horizons mais je pense qu'ils font de leur mieux, même si une grande méconnaissance demeure. Beaucoup de gens pensent que ce sont des prix nigérians ou pour les Africains anglophones. C'est faux. Si cela s'appelle Africa Movie Academy Awards et non Nigerian Movie Awards c'est bien parce que cela concerne l'ensemble de l'Afrique.
Certains pays francophones sont repartis primés, comme Viva Riva ! de la République Démocratique du Congo (RDC) par exemple. Cette année, le Gabon et le Mali ont remporté des prix [également Harrikrisna Anenden & Sharvan Anenden pour Les enfants de Troumaron, voir palmarès, NDLR]. Les AMAA se tiennent uniquement au Nigéria du fait de nos partenaires. Je suis sûr que si nous avions un soutien du Gabon, la cérémonie se tiendrait là-bas. Ce que les AMAA ont fait, c'est d'annoncer les nominés lors d'événements organisés dans différents pays : au Burkina Faso, au Ghana, en Gambie, en Egypte, en Afrique du Sud et au Malawi. J'espère que nous trouverons un nouveau sponsor qui nous permettra d'organiser ailleurs notre prochain événement.
Les gagnants reçoivent-ils de l'argent avec leur trophée ?
S.H.: Cela dépend réellement de nos partenaires. L'objectif de départ était de remettre de l'argent mais nous ne pouvons le faire sans partenariats. Une année, les gagnants ont remporté de l'argent parce que le partenaire de l'époque considérait qu'ils devaient repartir avec quelque chose en plus de leur trophée. Cette année, il n'y a pas eu d'argent mais d'autres formes de soutien comme de l'aide pour participer à des festivals, etc. Je suis sûr que si les AMAA décrochent un bon partenaire, il y aura de l'argent à la clé pour les gagnants.
Quel est l'impact des AMAA sur l'industrie cinématographique nigériane ?
S.H.: L'impact a été phénoménal et pas seulement au Nigéria. Cela a touché les cinéastes et le cinéma ailleurs sur le continent. Les réalisateurs cherchent maintenant à déposer leurs films car ils sont conscients que remporter un prix peut booster leur carrière et leurs efforts de marketing. Et parce que les participants de l'industrie nigériane ont conscience d'entrer en compétition avec d'autres cinéastes, ils font attention à la qualité de leurs productions car c'est sans aucun doute la meilleure façon d'être primé aux AMAA. J'ai l'habitude de dire que les AMAA ne sont pas une compétition basée sur la popularité. Le public ne vote pas pour son film favori. C'est une académie qui décide quels films représentent le mieux l'Afrique en terme d'accomplissement cinématographique.
Les AMAA ont-ils une reconnaissance internationale en dehors du Nigéria ?
S.H.: Je pense que oui. Je sais qu'ils bénéficient d'une reconnaissance auprès de l'Union Africaine et de grands festivals comme celui de Berlin, Toronto ou le PanAfrican Film festival de Los Angeles. En fait, la plupart des films de la Diaspora proviennent du PanAfrican Film Festival. Les AMAA travaillent à renforcer leurs relations avec le FESPACO et d'autres institutions internationales. Notre rêve est d'ailleurs d'obtenir une reconnaissance officielle de la part de l'Union Africaine.
Les films primés bénéficient-ils de davantage de sélections en festival ou de sorties en salle après les AMAA ?
S.H.: Oui. L'un des aspects importants des AMAA est que les films primés démarrent leur carrière en festival ou en salle après la cérémonie. Les AMAA participent à créer un buzz autour des films. Par exemple, des films comme Viva Riva ! de Djo Munga (RDC) ou Figurine de Kunle Afolayan (Nigéria) ou plus récemment, Confusion Na Wa de Kenneth Gyang (Nigéria) ont eu davantage de sélections en festival et de distribution après les AMAA. Confusion Na Wa a d'ailleurs remporté le prix du public du Pan African Film Festival de Los Angeles - PAFF 2014 et a ouvert le New York African Film Festival (Nyaff) 2014.
Qui sont vos partenaires ?
S.H.: Pour l'instant, nos principaux partenaires sont l'état de Bayelsa au Nigéria et des entreprises comme Globalcom Limited et la banque Sterling. Ces entreprises viennent de nous rejoindre mais l'état de Bayelsa est impliqué depuis notre création. Je sais que les AMAA ont bénéficié par le passé du soutien d'UBA [une banque nigériane, NDLR] et d'une entreprise de télécommunication comme Airtel, mais ce n'était que pour une période. Ce dont les AMAA ont besoin, c'est d'un partenaire récurrent pour que son soutien aux cinéastes et aux films africains soit assuré.
Dans le contexte politique nigérian actuel, quelle est la difficulté à mettre en place un événement de l'ampleur des AMAA ?
S.H.: Comme vous vous en doutez, il n'est pas facile de mettre en place un événement annuel de ce genre sans avoir les soutiens et financements nécessaires. Je suis sûr que si Peace Anyiam-Osigwe n'avait pas été passionnée par le fait d'unifier les cinéastes, elle aurait baissé les bras depuis longtemps. Le chemin vers cette dixième édition a été long et tortueux. Ce qui est regardé aujourd'hui comme une récompense africaine de premier choix, ou considéré comme des Oscars africains, a été pour elle et son équipe un parcours fait de pure détermination, de persévérance et de foi. Ce parcours pour construire une plateforme qui promeut les projets africains en Afrique et dans le reste du monde a certes été un mélange de moments d'allégresse et de joie mais surtout de larmes car son équipe et elle ont testé les limites du manque de financements et de soutiens nécessaires.
Je sais que Peace Anyiam-Osigwe a traversé beaucoup de moments difficiles, incluant des apports financiers de sa famille et la vente de biens personnels pour pouvoir accueillir tout ce monde années après années. Cela coûte beaucoup d'argent d'organiser la cérémonie et les sessions de visionnages. Un grand nombre de personnes sont invitées, logées et transportées. C'est énorme. Et puis il y a cette frontière politique inutile qui fait que les Africains se discriminent en fonction de leur langue et de leur origine géographique. Nous ne voulons pas faire partie d'un tel schéma.
Ce n'est pas parce que les AMAA ont lieu en Afrique anglophone ou que les organisateurs parlent anglais que le palmarès sera injuste. Les gens oublient qu'un film n'a ni langue ni frontière. Nous devons abroger les frontières que nous avons créées dans nos esprits. Nous devons nous unir pour consolider les AMAA et bâtir une industrie cinématographique africaine viable. C'est ainsi que l'Occident a mis en place les Oscars. Les AMAA sont faits pour les Africains, par les Africains et doivent le demeurer.
Qu'attendez-vous de l'édition 2015 ?
S.H.: Une belle cérémonie. Nous espérons remporter les défis financiers et logistiques qui nous permettront de poursuivre l'objectif des AMAA.
Propos recueillis et traduits de l'anglais par Claire Diao
Depuis le Sud / Africiné, Mai 2014
pour Images Francophones
Palmarès des African Movie Academy Awards (AMAA 2014)
Ndlr - 3 films soutenus par le Fonds Francophone (OIF / CIRTEF) ont été primés lors de cette cérémonie 2014 : Dialemi de Nadine Boucher, Hamou Beya - Pêcheurs de sable d'Andrey Diarra (Mali) et Les enfants de Troumaron coréalisé par Harrikrisna Anenden & Sharvan Anenden, son fils.
Meilleur court-métrage : Dialemi de Nadine Boucher (Gabon)
Meilleur film d'animation : Khumba d'Anthony Silverston (Afrique du Sud)
Meilleurs documentaires : Hamou Beya - Pêcheurs de sable d'Andrey Diarra (Mali) et Portrait of a Lone Farmer de Jide Tom Akinleminu (Nigeria/Danemark)
Meilleur film dans une langue africaine (Prix Ousmane Sembène) : B for Boy de Chika Anadu (Nigéria)
Meilleur court-métrage Diaspora : Passage de Kareem Mortimer (Bahamas)
Meilleur documentaire Diaspora : Through a lens darkly: black photographers and the emergence of a people de Thomas Allen Harris (Etats-Unis)
Meilleur long-métrage Diaspora : Kingston Paradise de Mary Wells (Jamaïque)
Meilleure mise en scène : A Northern Affair de Leila Djansi (Ghana)
Meilleurs costumes : Ni Sisi (It's Us) de Nick Reding (Kenya)
Meilleur maquillage : Once Upon A Road Trip de David Moore (Afrique du Sud)
Meilleure bande-originale : Onye Ozi d'Obi Emelonye (Nigéria)
Meilleurs effets spéciaux : A Mile From Home de Eric Aghimien (Nigéria)
Meilleur son : The Forgotten Kingdom de Andrew Mudge (Afrique du Sud)
Meilleure image : The Forgotten Kingdom de Andrew Mudge (Afrique du Sud)
Meilleur montage : Potomanto de Shirley Frimpong-Manso (Ghana)
Meilleur scénario : Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Prix de l'Etat de Bayelsa pour le meilleur film nigérian : Accident de Teco Benson (Nigéria)
Meilleur enfant acteur : Lebohang Ntsane dans The Forgotten Kingdom de Andrew Mudge (Afrique du Sud)
Meilleur espoir : Petronella Tshuma dans Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Meilleur acteur dans un second rôle : Thapelo Mofekeng dans Felix de Roberta Durrant (Afrique du Sud)
Meilleur actrice dans un second rôle : Patience Ozokwo dans After the Proposal de Desmond Elliot (Nigéria)
Meilleur acteur : Mothusi Magano dans Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Meilleur actrice : Clarion Chukwura dans Apaye de Desmond Elliot (Nigéria)
Meilleur premier film : Harrikrisna Anenden & Sharvan Anenden pour Les enfants de Troumaron (Ile Maurice)
Meilleur réalisateur : Jahmil XT Qubeka pour Of Good Report (Afrique du Sud)
Meilleur film : Of Good Report de Jahmil XT Qubeka (Afrique du Sud)
Prix MADIBA : Ni Sisi de Nick Reding (Kenya)
Meilleur film pour l'émancipation de la femme : B for Boy de Chika Anadu (Nigéria)
Prix Spécial du Jury : New Horizon de Tope Oshin-Ogun (Nigéria)
Prix pour l'ensemble de sa carrière : l'acteur et réalisateur Bob Manuel (Nigéria)
Photo : Shaibu Husseini
Crédit : DR