Sénégal : le Fonds de promotion à l'industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA) porté à 2 milliards de francs Cfa
Dans le cadre de sa gestion 2016, le FOPICA finance 38 projets en distribution, exploitation, formation, développement et production de fictions, documentaires et séries télévisées.
Lancé le 23 septembre 2013 avec un montant initial d'un milliard de francs Cfa, le Fonds de promotion de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA) du Sénégal a été porté à deux milliards de francs CFA (environ 3 millions d'euros) sur décision du président sénégalais, Macky Sall. La subvention de l'État à l'industrie cinématographique et audiovisuelle est ainsi augmentée au double du montant initial.
Le FOPICA va doubler d'un milliard (environ 1,5 million d'euros), en 2018. Le Président de la République du Sénégal, Macky Sall, a fait l'annonce mercredi 10 mai 2017 lors d'une audience accordée aux lauréats de la 25ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) au Burkina Faso tenu du 24 février au 4 mars 2017.
Le Sénégal est revenu du FESPACO 2017 avec cinq distinctions dans les catégories phares (longs métrages fiction, documentaires et séries) dont la plus prestigieuse, l'Etalon d'Or de Yennenga pour le film Félicité de Alain Gomis et en prime le prix UE/ACP. Le réalisateur avait remporté en 2013 cette même récompense (le premier Etalon d'or pour le Sénégal), avec son film Tey (Aujourd'hui). Le long métrage Félicité avait déjà gagné le Grand prix du jury ou Ours d'argent à la Berlinale (festival de Berlin en Allemagne) en février 2017.
Ousmane William Mbaye a eu le Prix du Meilleur documentaire et le prix de l'UE/ACP, avec Kemtiyu Seex Anta (actuellement en salles, au cinéma La Clef, Paris 5ème). Le jeune réalisateur Abdou Lahad Wone, a lui reçu lors de cette compétition continentale le prix de la Meilleure série télévisée avec Tundu Wundu.
Ces trois professionnels de l'image ont tous pris part à l'audience accordée par le chef de l'Etat, avec d'autres comme le doyen des cinéastes sénégalais Ben Diogaye Bèye, la réalisatrice Angèle Diabang, le président de l'Association des cinéastes sénégalais et associés Cheikh Ngaïdo Bâ, le réalisateur Moussa Touré, le producteur Oumar Sall, etc.
Action affirmative pour les femmes
Prenant en compte les doléances des cinéastes, le président sénégalais Macky Sall a incité le ministère de la Culture du Sénégal à séparer les crédits de fonctionnement des allocations du FOPICA. Selon les estimations, il faut entre 100 et 150 millions de francs FCA pour le bon fonctionnement du FOPICA. Suite à une demande de la réalisatrice Angèle Diabang, approuvée par le président Macky Sall, une action affirmative sera aussi faite envers les femmes cinéastes, afin de promouvoir la parité et lutter contre leur relative invisibilité. L'Etat avait octroyé une subvention d'1 milliard de FCFA par an aux cinéastes sénégalais, après les 11 prix remportés lors de l'édition 2013 du FESPACO.
La première année du fonctionnement du fonds en 2015 a été entièrement consacrée à la production où 31 projets (dont Dibi Dibi à Dakar de l'Ivoirien Honoré Essoh, produit par TAF Production Afrique reçoit 30 000 000 FCFA) étaient éligibles pour une aide à la production, à la finition et au développement de films.
38 projets éligibles pour la gestion 2016
Le comité de gestion du Fonds de promotion de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA) a retenu 38 projets pour financement dans le cadre de sa gestion 2016. Il y a eu 1 projet pour la filière distribution, 4 projets pour l'exploitation, 8 pour la formation, 5 pour l'accompagnement des apprenants, 2 pour les séries télévisées, 3 pour les courts métrages, 3 pour les projets documentaires et 12 pour les longs métrages fiction y compris les projets en développement
Le tout pour un montant total de 921 056. 580 Francs CFA. La filière production a reçu 560 millions CFA et la distribution, exploitation et formation 361 056 580 FCFA de l'enveloppe financière.
Selon Abdoul Aziz Cissé, le secrétaire permanent du comité de gestion du FOPICA, 137 dossiers de projets toutes filières confondues ont été reçus (production, distribution, exploitation et formation).
La publication des résultats du fonds pour la gestion 2016 a connu du retard : les projets retenus n'ont été dévoilés qu'au mois de mai 2017. Selon le directeur de la cinématographie, Hugues Diaz, cela est dû à l'ouverture du fonds à d'autres filières, à savoir la distribution, l'exploitation et la formation. " Du temps a été donné aux porteurs de projet pour qu'ils ficèlent bien leur dossier ", précise M. Diaz avant d'ajouter, "l'année dernière, nous avons eu 32 projets et cette année avec tous les autres secteurs que nous avons inscrits, nous avons 6 projets de plus".
La clé de répartition critiquée par certains cinéastes
Des voix se sont élevées pour critiquer la clé de répartition de cette deuxième distribution du Fonds de promotion de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA). Et parmi les premiers détracteurs, figure le cinéaste Moussa Touré réalisateur du film La Pirogue (2012) auréolé de plusieurs prix à travers le monde. À travers une conférence de presse et dans des antennes de radios, le réalisateur du film Bois d'ébène (2016), parle de " détournement d'objectifs du FOPICA ". Il l'assimile à un train qui " déraille " de sa trajectoire. " On l'utilise pour faire des films présentés dans les festivals alors que sa vocation était d'asseoir une industrie cinématographique ", dénonce-t-il. Pour lui, la faute incombe aux gestionnaires du FOPICA dont la seule vocation dit-il, " est de délibérer pour distribuer des sous ".
Moussa Touré est pour une gestion par les cinéastes d'un fonds destiné au cinéma sénégalais. Et pour lui, les cinéastes doivent siéger dans ce comité de gestion pour choisir ceux qui seront compétents pour délibérer. Car, fait-il remarquer, " il y a des porteurs de projets qui y siègent et forcément leur dossier passe ".
Même son de cloche chez le cinéaste Mag Maguette Diop, un autre contestataire de la gestion du FOPICA. " On va vers l'échec total du FOPICA, on ne peut pas le voir maintenant, car c'est l'euphorie de l'argent et du partage ", regrette le réalisateur dont le projet de film Le Choix de Madior a été écarté lors de la gestion 2015 parce que " celui sur qui je suis tombé ne savait même ce qu'est une adaptation au cinéma ".
Le même dossier récidive pour bénéficier du fonds en 2016, mais à la surprise de son auteur, " j'ai eu échos que mon dossier a été retiré avant le dépouillement ".
Cette frustration amène Mag Maguette Diop à s'orienter vers la finition de son ouvrage sur l'histoire du cinéma sénégalais intitulé : " Cinéma sénégalais : Ousmane Sembène, le précurseur et son legs" dont la présentation a été faite d'abord au Fespaco 2017 à Ougadougou et à Dakar lors du dixième anniversaire de la disparition de Sembène Ousmane, en juin 2017.
Pour lui, il n'y avait avant pas plus de vingt cinéastes sénégalais professionnels. Aujourd'hui constate-t-il, "les cinéastes qui ont une expérience de 30 ans voire 40, il n'en reste pas plus de dix. Lorsqu'il y a eu l'argent, on les a mis de côté ". Ceux parmi eux ont reçu " une avance sur recette " du FOPICA, " c'est du saupoudrage ", lance Mag Maguette Diop. C'est pourquoi, poursuit-il, " ils ont des difficultés à terminer leur film ".
Des projets de films financés en 2015 par le FOPICA peinent à sortir
Des dossiers financés lors du premier exercice du fonds en 2015 ne sont pas toujours sortis dans les salles où lieux de projection de films. Sur les 32 projets financés en 2015, seuls 12 ont pu être terminés et livrés au comité de gestion, Cela concerne une vingtaine de films sur les 32 projets retenus à l'époque.
Le film Le rêve de Latricia de Ben Diogaye Bèye, fiction produite par BDB Films qui avait reçu la plus grosse enveloppe à l'époque (100 millions de FCFA) n'est toujours pas sorti. Il en est de même de Un air de kora d'Angèle Diabang, fiction produite par Karoninka pour un montant de 25 millions FCFA octroyé par le FOPICA ou encore de Que le Père soit de Clarence Thomas Delgado, fiction produite par Art Médias Productions ayant reçu 55 millions FCFA; Elan Brisé de Khardiata Pouye, documentaire produit par Cinékap qui avait obtenu 50 millions FCFA.
L'Etat invite les cinéastes à terminer leur film ou série
Selon une source autorisée, parmi ces cinéastes déjà subventionnés en 2014 (Fopica 2015), certains avaient déposés des dossiers pour la gestion 2016 mais n'ont pas été retenus. Le ministre de la Culture et de la Communication du Sénégal, Mbagnick Ndiaye avait sommé ces réalisateurs qui trainaient avec leur film de rendre leur copie. Il a invité les bénéficiaires du FOPICA 2015 à "hâter la cadence en terminant et livrant leurs productions".
Selon lui, "aucune série télévisuelle sur les sept projets appuyés n'a été achevée à ce jour", a déploré Mbagnick Ndiaye. " Dans la convention signée avec les bénéficiaires de 2015 et de 2016, la durée de délivrance des films était de deux ans. Ces cinéastes sont encore dans les délais. Il faut comprendre que la durée de production d'un projet de films n'est pas la même que la durée de fonctionnement de l'administration ", précise, conciliant, le secrétaire permanent du FOPICA, Abdoul Aziz Cissé.
La réplique du secrétaire permanent Abdoul Aziz Cissé aux critiques formulées.
Pour Abdoul Aziz Cissé, secrétaire permanent du comité de gestion du FOPICA cela ne relève pas d'un problème d'administration. Parce que dit-il, " à l'intérieur du comité de gestion tous les corps de métiers y sont représentés et la procédure de sélection est limpide ".
Selon Cissé qui ne voit nullement pourquoi on conteste le travail, jamais dans l'histoire du Sénégal un fonds n'a atteint un tel niveau de transparence dans sa procédure de sélection. " Chaque fois nous communiquons et quand il y a un choix à faire, les cinéastes sont là", souligne-t-il. Deux comités de lecteurs sont mis en place et les gens qui composent ces comités sont " irréprochables ", car choisis " es qualité ".
Le FOPICA est le 5ème fonds créé par l'Etat du Sénégal pour financer le secteur du cinéma et un changement de paradigme a été opéré. Car fait savoir le secrétaire permanent, concernant "tous les fonds créés [auparavant], les procédures de sélections et de financements ont été faites à la tête du client. Parce que c'était un cinéaste renommé qui dépose son dossier que le projet soit bon ou pas on lui donne l'argent".
Aujourd'hui, le comité de gestion du FOPICA se focalise sur la qualité du projet. "C'est normal, quand des gens ont passé beaucoup de temps à se dire qu'ils sont les meilleurs et qu'ils pensent que le cinéma sénégalais s'arrête ou se limite à eux, on les met en compétition avec d'autres cinéastes et que leur projet ne passe pas, cela crée de la frustration. Mais généralement, on cherche un bouc émissaire en essayant d'externaliser le conflit, mais peut-être l'obstacle est interne ", analyse Abdoul Aziz Cissé qui est par ailleurs cinéaste (La Brèche, Aaru mbédd / Les murs de Dakar).
Pour lui, l'on est en phase de compétition et les meilleurs projets qui sont choisis. " On aimerait avoir de l'argent pour financer tout le monde ", lance-t-il. L'intérêt d'avoir un tel fonds qui a pour vocation de financer le cinéma et les cinéastes sénégalais est de promouvoir la relève du cinéma sénégalais.
Institué par la loi 2002-18 du 15 avril 2002, sous le régime du président Abdoulaye Wade, le Fonds de Promotion de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA) du Sénégal a pris effet en 2014. Son alimentation a faite pour la première fois par le chef de l'Etat, Macky Sall, à hauteur de 1 milliard de Francs Cfa (1,5 million d'euros). Cette dotation effective a permis au comité de gestion de lancer le 23 septembre 2013 l'appel à projets pour le financement à la production.
Les films soutenus par le fonds public national qui ont été effectivement réalisés engrangent les prix. Ce 15 juillet, Félicité a été primé à Lagos comme le meilleur film africain 2017 aux African Movies Academy Awards (AMAA) avec 5 autres prix, tout comme Une place dans l'avion de la réalisatrice Khadidiatou Sow (avec Sanekh/b> dans le rôle principal). La qualité du documentaire portrait sur le polymathe et humaniste sénégalais, Kemtiyu Seex Anta, a valu à son réalisateur, Ousmane William Mbaye, une moisson de trophées et distinctions un peu partout dans le monde (Etats-Unis, Guadeloupe, Martinique, Canada, …) outre ce qui équivaut à l'Etalon du Meilleur documentaire (au Burkina Faso). La salle Le Sitöé, sise à Ziguinchor, a accueilli début juillet ses premiers spectateurs : portée par le génial cinéaste Joseph Gaï Ramaka, elle fait partie des 38 projets très récemment financés par le Fopica. C'est la plus belle preuve d'efficience et de sérieux.
Fatou Kiné SÈNE
Dakar, Africiné Magzine
pour Images Francophones
en collaboration avec Africultures
A LIRE (et à signer) : Une pétition adressée à Macky Sall, pour diffuser KEMTIYU, Cheikh Anta Diop à la télé au Sénégal
Image : scène du film Félicité (Alain Gomis) avec les 3 acteurs principaux, une production Cinékap soutenue par le FOPICA
Crédit : DR
Le FOPICA va doubler d'un milliard (environ 1,5 million d'euros), en 2018. Le Président de la République du Sénégal, Macky Sall, a fait l'annonce mercredi 10 mai 2017 lors d'une audience accordée aux lauréats de la 25ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) au Burkina Faso tenu du 24 février au 4 mars 2017.
Le Sénégal est revenu du FESPACO 2017 avec cinq distinctions dans les catégories phares (longs métrages fiction, documentaires et séries) dont la plus prestigieuse, l'Etalon d'Or de Yennenga pour le film Félicité de Alain Gomis et en prime le prix UE/ACP. Le réalisateur avait remporté en 2013 cette même récompense (le premier Etalon d'or pour le Sénégal), avec son film Tey (Aujourd'hui). Le long métrage Félicité avait déjà gagné le Grand prix du jury ou Ours d'argent à la Berlinale (festival de Berlin en Allemagne) en février 2017.
Ousmane William Mbaye a eu le Prix du Meilleur documentaire et le prix de l'UE/ACP, avec Kemtiyu Seex Anta (actuellement en salles, au cinéma La Clef, Paris 5ème). Le jeune réalisateur Abdou Lahad Wone, a lui reçu lors de cette compétition continentale le prix de la Meilleure série télévisée avec Tundu Wundu.
Ces trois professionnels de l'image ont tous pris part à l'audience accordée par le chef de l'Etat, avec d'autres comme le doyen des cinéastes sénégalais Ben Diogaye Bèye, la réalisatrice Angèle Diabang, le président de l'Association des cinéastes sénégalais et associés Cheikh Ngaïdo Bâ, le réalisateur Moussa Touré, le producteur Oumar Sall, etc.
Action affirmative pour les femmes
Prenant en compte les doléances des cinéastes, le président sénégalais Macky Sall a incité le ministère de la Culture du Sénégal à séparer les crédits de fonctionnement des allocations du FOPICA. Selon les estimations, il faut entre 100 et 150 millions de francs FCA pour le bon fonctionnement du FOPICA. Suite à une demande de la réalisatrice Angèle Diabang, approuvée par le président Macky Sall, une action affirmative sera aussi faite envers les femmes cinéastes, afin de promouvoir la parité et lutter contre leur relative invisibilité. L'Etat avait octroyé une subvention d'1 milliard de FCFA par an aux cinéastes sénégalais, après les 11 prix remportés lors de l'édition 2013 du FESPACO.
La première année du fonctionnement du fonds en 2015 a été entièrement consacrée à la production où 31 projets (dont Dibi Dibi à Dakar de l'Ivoirien Honoré Essoh, produit par TAF Production Afrique reçoit 30 000 000 FCFA) étaient éligibles pour une aide à la production, à la finition et au développement de films.
38 projets éligibles pour la gestion 2016
Le comité de gestion du Fonds de promotion de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA) a retenu 38 projets pour financement dans le cadre de sa gestion 2016. Il y a eu 1 projet pour la filière distribution, 4 projets pour l'exploitation, 8 pour la formation, 5 pour l'accompagnement des apprenants, 2 pour les séries télévisées, 3 pour les courts métrages, 3 pour les projets documentaires et 12 pour les longs métrages fiction y compris les projets en développement
Le tout pour un montant total de 921 056. 580 Francs CFA. La filière production a reçu 560 millions CFA et la distribution, exploitation et formation 361 056 580 FCFA de l'enveloppe financière.
Selon Abdoul Aziz Cissé, le secrétaire permanent du comité de gestion du FOPICA, 137 dossiers de projets toutes filières confondues ont été reçus (production, distribution, exploitation et formation).
La publication des résultats du fonds pour la gestion 2016 a connu du retard : les projets retenus n'ont été dévoilés qu'au mois de mai 2017. Selon le directeur de la cinématographie, Hugues Diaz, cela est dû à l'ouverture du fonds à d'autres filières, à savoir la distribution, l'exploitation et la formation. " Du temps a été donné aux porteurs de projet pour qu'ils ficèlent bien leur dossier ", précise M. Diaz avant d'ajouter, "l'année dernière, nous avons eu 32 projets et cette année avec tous les autres secteurs que nous avons inscrits, nous avons 6 projets de plus".
La clé de répartition critiquée par certains cinéastes
Des voix se sont élevées pour critiquer la clé de répartition de cette deuxième distribution du Fonds de promotion de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA). Et parmi les premiers détracteurs, figure le cinéaste Moussa Touré réalisateur du film La Pirogue (2012) auréolé de plusieurs prix à travers le monde. À travers une conférence de presse et dans des antennes de radios, le réalisateur du film Bois d'ébène (2016), parle de " détournement d'objectifs du FOPICA ". Il l'assimile à un train qui " déraille " de sa trajectoire. " On l'utilise pour faire des films présentés dans les festivals alors que sa vocation était d'asseoir une industrie cinématographique ", dénonce-t-il. Pour lui, la faute incombe aux gestionnaires du FOPICA dont la seule vocation dit-il, " est de délibérer pour distribuer des sous ".
Moussa Touré est pour une gestion par les cinéastes d'un fonds destiné au cinéma sénégalais. Et pour lui, les cinéastes doivent siéger dans ce comité de gestion pour choisir ceux qui seront compétents pour délibérer. Car, fait-il remarquer, " il y a des porteurs de projets qui y siègent et forcément leur dossier passe ".
Même son de cloche chez le cinéaste Mag Maguette Diop, un autre contestataire de la gestion du FOPICA. " On va vers l'échec total du FOPICA, on ne peut pas le voir maintenant, car c'est l'euphorie de l'argent et du partage ", regrette le réalisateur dont le projet de film Le Choix de Madior a été écarté lors de la gestion 2015 parce que " celui sur qui je suis tombé ne savait même ce qu'est une adaptation au cinéma ".
Le même dossier récidive pour bénéficier du fonds en 2016, mais à la surprise de son auteur, " j'ai eu échos que mon dossier a été retiré avant le dépouillement ".
Cette frustration amène Mag Maguette Diop à s'orienter vers la finition de son ouvrage sur l'histoire du cinéma sénégalais intitulé : " Cinéma sénégalais : Ousmane Sembène, le précurseur et son legs" dont la présentation a été faite d'abord au Fespaco 2017 à Ougadougou et à Dakar lors du dixième anniversaire de la disparition de Sembène Ousmane, en juin 2017.
Pour lui, il n'y avait avant pas plus de vingt cinéastes sénégalais professionnels. Aujourd'hui constate-t-il, "les cinéastes qui ont une expérience de 30 ans voire 40, il n'en reste pas plus de dix. Lorsqu'il y a eu l'argent, on les a mis de côté ". Ceux parmi eux ont reçu " une avance sur recette " du FOPICA, " c'est du saupoudrage ", lance Mag Maguette Diop. C'est pourquoi, poursuit-il, " ils ont des difficultés à terminer leur film ".
Des projets de films financés en 2015 par le FOPICA peinent à sortir
Des dossiers financés lors du premier exercice du fonds en 2015 ne sont pas toujours sortis dans les salles où lieux de projection de films. Sur les 32 projets financés en 2015, seuls 12 ont pu être terminés et livrés au comité de gestion, Cela concerne une vingtaine de films sur les 32 projets retenus à l'époque.
Le film Le rêve de Latricia de Ben Diogaye Bèye, fiction produite par BDB Films qui avait reçu la plus grosse enveloppe à l'époque (100 millions de FCFA) n'est toujours pas sorti. Il en est de même de Un air de kora d'Angèle Diabang, fiction produite par Karoninka pour un montant de 25 millions FCFA octroyé par le FOPICA ou encore de Que le Père soit de Clarence Thomas Delgado, fiction produite par Art Médias Productions ayant reçu 55 millions FCFA; Elan Brisé de Khardiata Pouye, documentaire produit par Cinékap qui avait obtenu 50 millions FCFA.
L'Etat invite les cinéastes à terminer leur film ou série
Selon une source autorisée, parmi ces cinéastes déjà subventionnés en 2014 (Fopica 2015), certains avaient déposés des dossiers pour la gestion 2016 mais n'ont pas été retenus. Le ministre de la Culture et de la Communication du Sénégal, Mbagnick Ndiaye avait sommé ces réalisateurs qui trainaient avec leur film de rendre leur copie. Il a invité les bénéficiaires du FOPICA 2015 à "hâter la cadence en terminant et livrant leurs productions".
Selon lui, "aucune série télévisuelle sur les sept projets appuyés n'a été achevée à ce jour", a déploré Mbagnick Ndiaye. " Dans la convention signée avec les bénéficiaires de 2015 et de 2016, la durée de délivrance des films était de deux ans. Ces cinéastes sont encore dans les délais. Il faut comprendre que la durée de production d'un projet de films n'est pas la même que la durée de fonctionnement de l'administration ", précise, conciliant, le secrétaire permanent du FOPICA, Abdoul Aziz Cissé.
La réplique du secrétaire permanent Abdoul Aziz Cissé aux critiques formulées.
Pour Abdoul Aziz Cissé, secrétaire permanent du comité de gestion du FOPICA cela ne relève pas d'un problème d'administration. Parce que dit-il, " à l'intérieur du comité de gestion tous les corps de métiers y sont représentés et la procédure de sélection est limpide ".
Selon Cissé qui ne voit nullement pourquoi on conteste le travail, jamais dans l'histoire du Sénégal un fonds n'a atteint un tel niveau de transparence dans sa procédure de sélection. " Chaque fois nous communiquons et quand il y a un choix à faire, les cinéastes sont là", souligne-t-il. Deux comités de lecteurs sont mis en place et les gens qui composent ces comités sont " irréprochables ", car choisis " es qualité ".
Le FOPICA est le 5ème fonds créé par l'Etat du Sénégal pour financer le secteur du cinéma et un changement de paradigme a été opéré. Car fait savoir le secrétaire permanent, concernant "tous les fonds créés [auparavant], les procédures de sélections et de financements ont été faites à la tête du client. Parce que c'était un cinéaste renommé qui dépose son dossier que le projet soit bon ou pas on lui donne l'argent".
Aujourd'hui, le comité de gestion du FOPICA se focalise sur la qualité du projet. "C'est normal, quand des gens ont passé beaucoup de temps à se dire qu'ils sont les meilleurs et qu'ils pensent que le cinéma sénégalais s'arrête ou se limite à eux, on les met en compétition avec d'autres cinéastes et que leur projet ne passe pas, cela crée de la frustration. Mais généralement, on cherche un bouc émissaire en essayant d'externaliser le conflit, mais peut-être l'obstacle est interne ", analyse Abdoul Aziz Cissé qui est par ailleurs cinéaste (La Brèche, Aaru mbédd / Les murs de Dakar).
Pour lui, l'on est en phase de compétition et les meilleurs projets qui sont choisis. " On aimerait avoir de l'argent pour financer tout le monde ", lance-t-il. L'intérêt d'avoir un tel fonds qui a pour vocation de financer le cinéma et les cinéastes sénégalais est de promouvoir la relève du cinéma sénégalais.
Institué par la loi 2002-18 du 15 avril 2002, sous le régime du président Abdoulaye Wade, le Fonds de Promotion de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA) du Sénégal a pris effet en 2014. Son alimentation a faite pour la première fois par le chef de l'Etat, Macky Sall, à hauteur de 1 milliard de Francs Cfa (1,5 million d'euros). Cette dotation effective a permis au comité de gestion de lancer le 23 septembre 2013 l'appel à projets pour le financement à la production.
Les films soutenus par le fonds public national qui ont été effectivement réalisés engrangent les prix. Ce 15 juillet, Félicité a été primé à Lagos comme le meilleur film africain 2017 aux African Movies Academy Awards (AMAA) avec 5 autres prix, tout comme Une place dans l'avion de la réalisatrice Khadidiatou Sow (avec Sanekh/b> dans le rôle principal). La qualité du documentaire portrait sur le polymathe et humaniste sénégalais, Kemtiyu Seex Anta, a valu à son réalisateur, Ousmane William Mbaye, une moisson de trophées et distinctions un peu partout dans le monde (Etats-Unis, Guadeloupe, Martinique, Canada, …) outre ce qui équivaut à l'Etalon du Meilleur documentaire (au Burkina Faso). La salle Le Sitöé, sise à Ziguinchor, a accueilli début juillet ses premiers spectateurs : portée par le génial cinéaste Joseph Gaï Ramaka, elle fait partie des 38 projets très récemment financés par le Fopica. C'est la plus belle preuve d'efficience et de sérieux.
Fatou Kiné SÈNE
Dakar, Africiné Magzine
pour Images Francophones
en collaboration avec Africultures
A LIRE (et à signer) : Une pétition adressée à Macky Sall, pour diffuser KEMTIYU, Cheikh Anta Diop à la télé au Sénégal
Image : scène du film Félicité (Alain Gomis) avec les 3 acteurs principaux, une production Cinékap soutenue par le FOPICA
Crédit : DR