Rencontre avec Daniel Kamwa, réalisateur et scénariste de Turbulences
Turbulences africaines en 3D. Sortie du film d'animation, à Douala (31 mai) et Yaoundé (7 juin 2015).
L'exode des migrants africains s'intensifie. Un problème sous les feux de l'actualité, animé de manière inédite par Daniel Kamwa. Pionnier du cinéma camerounais, il dénonce politiques démagogiques et ingérences étrangères dans Turbulences (*), un film d'animation, réalisé avec les dernières technologies numériques, en Afrique du Sud.
L'actualité, marquée par les flots d'émigrés africains qui s'entassent en Lybie ou se perdent dans les eaux de la Méditerranée, renforce le désir de Daniel Kamwa de conscientiser le public. Il vise à éclairer les causes qui favorisent l'émigration en privilégiant le goût du spectacle cinématographique. Ainsi ce n'est pas tant par son sujet mais plutôt par son style novateur que se distingue Turbulences. Il combine les éléments de l'animation en 3d, la captation numérique des personnages, la création de figures inventées dans une résolution haute définition, pour livrer une fable luxuriante, ancrée au cœur de l'Afrique.
Dans la République Très Démocratique de Chez Nous, le président a lancé le projet du " Retour à la Terre des diplômés sans emplois stables ". Des parcelles de forêts sont distribuées en concessions avec la promesse de subventions. Mais trois ans plus tard, aucun d'argent n'est versé et les nouveaux cultivateurs se débrouillent comme ils peuvent. Pourtant les exploitations prolifèrent. Un diplômé devenu chasseur, et sa femme, ex-enseignante, élèvent leur bébé en faisant tourner l'exploitation. La visite surprise d'un envoyé du gouvernement au village, fait comprendre à tous que les parcelles ont été cédées à une multinationale qui va les gérer à sa manière. Le couple, conseillé par des esprits qui visitent indépendamment le chasseur et sa femme, doit fuir et tenter la traversée en clandestins, vers le Nord.
L'emploi de l'animation pour aborder la duperie des dirigeants africains en la mariant avec l'univers des fables traditionnelles où apparaissent oiseaux magiques, lutins et grande prêtresse, est une première pour le cinéaste du Cameroun. Il a su trouver en Afrique du Sud, un studio d'animation numérique, Inventio Corporation, pour prolonger ses visions d'auteur. Turbulences est le premier film d'animation en 3d-4k, réalisé par un cinéaste d'Afrique Noire. Il est produit par la société de Daniel Kamwa (DK7-Communications), le concours de l'OIF, des participations africaines diverses au Cameroun et en Afrique du Sud.
Cette démarche ambitieuse est un tournant pour Daniel Kamwa, connu comme un vétéran du cinéma au Cameroun. Il a boosté le box office avec Pousse-Pousse, 1975, une comédie de moeurs décontractée, connu la consécration avec Notre fille, 1980, fiction grinçante sur la condition de la femme. Tenté par le film pour enfants avec Totor, 1993, histoire d'une tortue magique, le thriller politique via Le Cercle des pouvoirs, 1997, coréalisé avec Jules Takam. Daniel Kamwa cultive la production autonome de Mâh Saah-Sah, 2008, pour braver la disparition des écrans africains. Aujourd'hui, il cherche à marier réflexion et poésie visuelle. Le pari est périlleux, le propos un peu chargé mais le projet retient l'attention. Daniel Kamwa expose le sens de Turbulences en expliquant sa conception et sa quête d'expression africaine.
Cultiver la terre pour s'émanciper
- Qu'entendez-vous, quand vous parlez de Turbulences ?
Je fais allusion au climat actuel dans les pays africains. Il y a une certaine instabilité due à diverses problématiques. Dans Turbulences, on voit les gens déstabilisés. On leur a fait des promesses qui n'ont pas été tenues, pour des raisons qu'on n'explique pas dans le film. Mais on pressent qu'il y a une espèce de mal gouvernance, beaucoup de détournements de fonds. Aujourd'hui, ce qui est dramatique quand on regarde les jeunes sans emploi, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de ceux qui n'ont pas été à l'école, ce sont des jeunes qui ont une culture, des diplômes universitaires. Ils sont déstabilisés, subissent le chômage. Ils ne peuvent pas fonder une famille parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Voilà tout ce qui concourt à créer des turbulences.
- Pourquoi dans la première partie du film, concentrez-vous l'action sur des diplômés qu'on a incité à devenir agriculteurs ?
L'idée de faire un retour à la terre est une très bonne idée. On a eu tendance dans la plupart des pays du tiers monde, à ne former que des cadres qui vont travailler dans des bureaux. Dire que ces universitaires peuvent mettre leurs connaissances au bénéfice du développement agricole est important. Il y a un besoin de créer des ressources alimentaires. Il y aussi cette tendance des grandes puissances à aller s'accaparer des terres en Afrique et du coup, les autochtones n'ont plus d'espace pour survivre. Voilà autant de choses qui déstabilisent un pays.
- Quand vous dites : " un pays ", pensez-vous plus spécialement au Cameroun ?
Le film ne fait référence à aucun pays en particulier. C'est un pays imaginaire et il se trouve en Afrique parce que je suis africain. Ce n'est pas forcement mon pays en tant que tel. J'ai parlé des grandes puissances qui cherchent à s'accaparer des terres en Afrique. On en a entendu parler en Ethiopie, à Madagascar et dans pas mal d'autres pays. Souvent, on fait croire aux habitants que ces grands groupes vont créer des emplois. Mais si on donne aux autochtones le moyen de créer de la richesse, il me semble que c'est mieux plutôt que de dépendre d'un grand groupe qui va venir exploiter les habitants. Souvent, ils proposent des emplois mal payés, c'est toujours autant de sujets de mécontentement et de désir de s'en aller.
- Vous montrez dans un premier temps, une végétation foisonnante, la chasse prolifique. Cela semble donc possible, selon vous, que des diplômés arrivent à devenir paysans ?
C'est une politique possible, si elle est bien pensée, si elle est bien financée et surtout si elle est sincère. Dans la plupart des pays africains, nous avons de larges régions, riches, fertiles. Il ne faut pas attendre que ce soient les autres qui viennent les exploiter…
Migrer pour réaliser ses rêves
- Quand les terres sont occupées par des opérateurs internationaux, il n'y a pas d'autres solutions que de partir comme le font les personnages du film ?
On ne leur donne pas le choix. Ils se disent qu'il faut aller chercher son bonheur ailleurs, sans savoir ce qu'ils vont y trouver. Les médias parlent aujourd'hui de ces migrants qui meurent dans les eaux de la Méditerranée ou les déserts américains. C'est symptomatique de voir qu'il y a partout, sur chaque continent, ce mouvement de fuite du sud vers le nord parce qu'il est présenté comme un Eldorado, un endroit où l'on va combler tous ses désirs, avoir de quoi nourrir sa famille. Très souvent, ça se termine par des drames avant même d'arriver parce qu'on a pris les chemins les plus périlleux. La plupart de ces pays du nord ont érigé des barrières pour empêcher les gens d'entrer alors ils passent par la mer… Des marchants sans scrupules remplissent de gros bateaux, hors d'état de naviguer réellement. C'est une autre forme de commerce des esclaves…
- Pourquoi cette dure réalité du nord que vous évoquez à travers le rêve et la projection des personnages dans leur futur, paraît moins violente quand vous la montrez à l'écran ?
Ce n'est pas un film documentaire ! Les médias nous montrent le drame dans sa profondeur. Ma caméra passe les frontières dans leur imaginaire. Mais même là, ils voient qu'il ne suffit pas de traverser et qu'ils peuvent être rapatriés s'ils sont arrêtés donc ils vivent toujours dans la peur. Je montre des gens qui ont été amenés à quitter leur pays et quand ils se retrouvent devant la muraille, à la frontière, on voit qu'ils ne viennent pas tous du même pays. L'objectif est le même, aller vers le nord, et ils ont des rêves. Ils essaient d'imaginer ce qui va se passer une fois la frontière traversée. Je laisse aux médias, aux documentaristes le soin de montrer la réalité dans sa dureté.
- Est-ce donc pour vous démarquer de tout coté réaliste que vous faites beaucoup d'incursions dans le domaine du rêve, notamment avec cette séquence importante où on retrouve des lutins qui expriment votre problématique sur un autre mode ?
Le fait d'avoir choisi ce genre qui est l'animation, est une volonté de prendre de la distance vis à vis de la réalité dramatique. J'ai voulu aussi être un peu ludique pour ouvrir le film à tout public. Les enfants ne comprendront peut être pas le propos mais ça va les amuser de voir ces personnages un peu bizarres. Après, ils vont chercher à comprendre, en posant des questions aux parents. De plus, les lutins me permettent de questionner les représentants de ce qu'on appelle la communauté internationale, l'ONU, l'Union Européenne, et leur attitude vis à vis de tous ces drames. Très souvent, on a l'impression qu'il y a certains aspects du problème qu'ils se refusent à aborder parce qu'on va leur reprocher de s'immiscer dans la politique intérieure. Pourtant, quand ça les arrange, ils ne demandent la permission à personne avant d'intervenir. Cette séquence est assez importante dans mon sujet car elle m'a permis de mettre tous ces représentants de la communauté internationale face à leurs responsabilités.
- On y entend de drôles de choses, à commencer par une justification de la loi qui, parce qu'elle est là, est bonne et indiscutable…
Oui, souvent après les élections plus ou moins truquées dans tel ou tel pays, on vous dit que ça s'est bien déroulé. La loi d'un pays, c'est la loi et les habitants doivent s'y soumettre. C'est comme ça que les gens qui gouvernent mal arrivent à museler leurs ressortissants. Certes, ce sont les représentants du pays qui ont voté les lois mais il faut se demander comment ils ont été élus.
Conjuguer politique et film d'animation
- C'est donc un sujet politique que vous traitez, derrière l'histoire d'un couple de diplômés et de leurs aventures ?
Le film contient un contenu politique assez clair. Il dénonce la mal gouvernance, la corruption, l'incapacité de nos pays à se projeter dans l'avenir, à donner du rêve à leurs nationaux, à leur donner des emplois après les avoir formé dans des universités. Quand on voit que la plupart des pays africains ont fêté les 50 ans de leur indépendance, c'est quand même déconcertant de voir qu'on n'a pas beaucoup avancé. Le film dénonce aussi cette mascarade qui consiste pour les pays du Nord, à acheter la matière première en dessous du prix réel alors que tous les produits manufacturés arrivent dans nos pays à leur prix. Comment voulez-vous qu'on se développe dans ces conditions. Nous sommes toujours dépendants…
- A partir de quel moment avez-vous eu envie de proposer cette réflexion sous la forme d'un film d'animation ?
J'ai senti que l'aspect politique risquait de créer des malentendus si je le réalisais avec des acteurs en chair et en os. En prenant des personnages animés, je pensais que le message passerait aussi bien mais resterait moins " attaquable " que si on pointait le doigt sur un acteur qui a incarné tel ou tel rôle. A travers lui, on pourrait ensuite désigner un pays et ainsi de suite. Donc j'ai voulu prendre de la distance par rapport à tel ou tel pays, et surtout par rapport à la réalité documentaire comme je l'ai dit.
- Comment avez-vous construit le projet ?
Cela s'est fait par étapes comme tous les projets. Pour ce film, il fallait d'abord voir quel type d'animation on allait faire. J'ai choisi la 3d. Puis on a fait le choix technologique, pour savoir avec quel type de logiciel on allait travailler. J'ai voulu apporter ma contribution à l'animation en lui donnant une touche africaine. C'est un genre qui n'est pas très pratiqué en Afrique, pour l'instant. J'ai choisi aussi une résolution assez poussée pour qu'on puisse projeter ce film même en plein air, sur un très grand écran, sans que la qualité de l'image se dégrade d'où l'utilisation du 4k. C'est une des résolutions les plus élevées aujourd'hui, en matière de qualité d'image. Ca coûte un peu plus cher parce que ça prend un peu plus de temps mais comme ça le film n'aura pas vieilli dans dix ans.
Créer l'univers de Turbulences
- En fonction de quoi, avez-vous défini les silhouettes des personnages ?
Dans certains cas, c'étaient des personnages sans effigies, quelconques. Pour les personnages de premier plan, on a pris modèle sur des amis, hommes et femmes, qui étaient autour de moi. Je les ai photographiés et ils ont servi de modèles aux dessinateurs et aux animateurs. Certains personnages ont un peu l'air de quelqu'un qu'on connaît ou qu'on a déjà croisé mais en même temps, on ne peut pas dire que c'est telle personne de manière absolue. Ça rend les personnages, de mon point de vue, à la fois sympathiques et crédibles. Pour les animateurs, ça donnait aussi un peu plus de matière.
- Comment avez-vous procédé pour mettre les voix ?
Ça s'est fait en deux temps. Il y a eu d'abord l'enregistrement de voix témoins qui permettent aux animateurs d'amorcer le mouvement des lèvres des personnages fabriqués. Une fois cela fait, on a fait la création définitive des voix. Les esquisses faites en studio d'animation permettent de pratiquer le " lip sync ", la synchronisation labiale, aux acteurs qui créent les voix. Ils ont devant eux des gens qui parlent un peu comme quand on fait un doublage. Mais il s'agit là de la post synchronisation puisque c'est la même langue qui a servi à animer le personnage, qui va être fixée sur l'image.
- Où avez-vous développé cette partie du travail ?
Je l'ai faite à Paris parce que c'est un milieu qui m'est familier, en tant qu'acteur quand je fais du doublage. J'ai plein d'amis qui sont familiarisés avec ce travail. Après avoir porté les voix témoins en Afrique du Sud pour que les animateurs amorcent les mouvements de lèvres, je suis revenu à Paris et j'ai repris la plupart des comédiens puis on a mis la dernière touche sur les dialogues.
- Pourquoi travailler l'animation des images dans les studios d'Afrique du Sud ?
C'était une sorte de gageure, de faire un film de ce niveau entièrement sur le continent africain. Je voulais prouver qu'en Afrique, il y a des personnes ressources, capables de tenir le pari. J'ai trouvé qu'en Afrique du Sud, il y avait des structures prêtes et que du point de vue du coût, ça me revenait moins cher que de le faire en Europe. Les salaires sont bas en Afrique du Sud, et abordables pour mon budget.
Produire et diffuser au Sud
- Comment avez vous pu constituer le budget de Turbulences ?
L'argent est venu du Cameroun, de l'Afrique du Sud et d'autres pays amis. En dehors de l‘Afrique, il n'y a que l'OIF qui a mis la main à la poche pour m'aider sinon je n'ai pas eu de financement européen.
- Il vous a fallu un gros budget pour réaliser ce film d'animation de près de deux heures ?
Pour moi, c'est un gros budget mais pour la moyenne d'un film de ce niveau, c'est un très petit budget. On a voulu apporter une touche africaine et ça a quand même pris trois ans. Même si les salaires sont bas en Afrique du Sud, ce sont des gens qu'il faut payer tous les mois. Finalement, c'est un film qui avoisine 3 millions d'euros. La moyenne pour les films faits en Afrique que ce soit avec des acteurs ou autrement, ne représente même pas le quart de ce budget.
- Comment peut-on amortir ce genre de film sur le marché ?
On doit le sortir dans des pays où il y a suffisamment de salles pour le montrer. Ce film est africain et malheureusement en Afrique, il y a de moins en moins de salles. Le pouvoir d'achat n'est pas le même qu'ailleurs. Un film qui pourrait rester six mois à l'affiche en Europe ne resterait qu'une semaine à l'affiche, en Afrique. Il y a peu de salles et le film, en une semaine, a épuisé son potentiel de public. Je vise alors plutôt des pays européens comme la France, et au delà l'Amérique du Nord, pour le rentabiliser. Bien sûr, j'espère le vendre aux chaînes de télé européennes car les chaînes africaines ont très peu de moyens. Mais il sera montré par les chaînes africaines parce que j'en fais un devoir. Je tiens à ce que ce film soit vu partout en Afrique.
Affirmer l'expressivité africaine
- Vous dites avoir l'ambition de proposer une écriture d'animation africaine. A quoi tient-elle ? Aux dialogues très écrits avec parfois des vers, aux séquences poétiques, aux référents culturels comme celui de la prêtresse par exemple ?
C'est tout ce que vous venez de dire. L'aspect poétique de dialogues rédigés en vers, m'a beaucoup amusé. Je ne savais pas si j'y arriverai mais ça m'a amusé de donner à ces intellectuels qui viennent des villes, une certaine manière d'être et de discourir même à la campagne. Ils restent des intellectuels tout en faisant ce que des paysans doivent faire. C'est une manière de les personnaliser et la poésie renforce aussi le coté irréel de la situation. Ça me détache de la réalité dramatique et ça apporte une belle harmonie, renforcée par le choix des couleurs, notamment pour la case du chasseur et sa femme. Dans ce paysage luxuriant, ça apporte de la tendresse. La présence de la grande prêtresse, c'est un peu le fondement même des pays comme les nôtres. On est toujours très proches des personnages qui nous aident à rester proches de nos ancêtres. Ça nous rassure. Cet homme qui s'apprête à quitter son pays, sent la nécessité de consulter cette grande prêtresse pour partir avec quelque chose qui lui donne du courage.
- Les rites initiatiques et de prévention qui sont pratiqués, sont-ils inspirés de rites authentiques ?
Ce sont des rites authentiques, de mon vécu. Quand on va chez un médium, au Cameroun, on va se " blinder ", c'est-à-dire on veut obtenir tout ce qui va nous donner du courage, nous aider à éviter les obstacles les plus meurtriers et les plus mortels. Donc ce sont des rituels qui se pratiquent d'une région à l'autre, à quelques différences près. Souvent, pour vous montrer à quel point ils ont du pouvoir, ces médiums s'attachent à faire apparaître devant vos yeux les choses que vous avez vécues hors de leur présence. Le fait de vous montrer ça vous rassure car s'ils connaissent ces événements, c'est qu'ils sont capables de savoir encore autre chose. Ça crée un climat de confiance et le consultant se dit que cette personne a un vrai pouvoir.
- L'univers de Turbulences comporte beaucoup de morceaux musicaux. Il y en a environ une trentaine. Sont-ils écrits spécialement pour le film ?
C'est un motif de fierté pour moi. Au départ, je cherchais des grands noms car je me disais que c'était quelque chose qui aiderait à faire connaître le film. Puis au Cameroun, je suis tombé sur un musicien qui m'en a présenté un autre et je leur ai montré quelques images en leur demandant s'ils pouvaient me faire de la musique de film. Mais cela ne leur disait rien, la notion de musique de film, parce que eux, quand ils font de la musique, c'est simplement de la musique. En discutant avec eux, je les ai amenés à comprendre comment une musique peut aider à mieux raconter une histoire, à l'accompagner sans la dominer. Ils ont fait un travail extraordinaire car tout est écrit sur mesure pour le film. Du coup, certains morceaux, je pense, vont être de vrais tubes. J'ai écrit des paroles pour deux ou trois morceaux car j'avais des choses à dire.
- Au terme de votre fiction africaine, un des derniers mots de Turbulences, c'est l'évocation ironique de la " mondialisation ". Cette notion vous dérange ?
Le problème c'est qu'il y a comme ça, des concepts qu'on subit et qu'on n'a pas les moyens de choisir. On ne peut pas parler de mondialisation en érigeant des frontières. La mondialisation ne peut pas être vraie seulement pour les marchandises. S'il y a mondialisation, ça doit être à la fois pour les biens et les personnes.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° Propos recueillis et introduits par Michel AMARGER
(Africiné / Paris)
pour Images Francophones
(*) Les premières projections publiques de Turbulences au Cameroun se déroulent à l'Institut Français :
le 31 mai 2015 à Douala, le 7 juin 2015 à Yaoundé.
Photo : Daniel Kamwa, réalisateur camerounais.
Crédit : DR
L'actualité, marquée par les flots d'émigrés africains qui s'entassent en Lybie ou se perdent dans les eaux de la Méditerranée, renforce le désir de Daniel Kamwa de conscientiser le public. Il vise à éclairer les causes qui favorisent l'émigration en privilégiant le goût du spectacle cinématographique. Ainsi ce n'est pas tant par son sujet mais plutôt par son style novateur que se distingue Turbulences. Il combine les éléments de l'animation en 3d, la captation numérique des personnages, la création de figures inventées dans une résolution haute définition, pour livrer une fable luxuriante, ancrée au cœur de l'Afrique.
Dans la République Très Démocratique de Chez Nous, le président a lancé le projet du " Retour à la Terre des diplômés sans emplois stables ". Des parcelles de forêts sont distribuées en concessions avec la promesse de subventions. Mais trois ans plus tard, aucun d'argent n'est versé et les nouveaux cultivateurs se débrouillent comme ils peuvent. Pourtant les exploitations prolifèrent. Un diplômé devenu chasseur, et sa femme, ex-enseignante, élèvent leur bébé en faisant tourner l'exploitation. La visite surprise d'un envoyé du gouvernement au village, fait comprendre à tous que les parcelles ont été cédées à une multinationale qui va les gérer à sa manière. Le couple, conseillé par des esprits qui visitent indépendamment le chasseur et sa femme, doit fuir et tenter la traversée en clandestins, vers le Nord.
L'emploi de l'animation pour aborder la duperie des dirigeants africains en la mariant avec l'univers des fables traditionnelles où apparaissent oiseaux magiques, lutins et grande prêtresse, est une première pour le cinéaste du Cameroun. Il a su trouver en Afrique du Sud, un studio d'animation numérique, Inventio Corporation, pour prolonger ses visions d'auteur. Turbulences est le premier film d'animation en 3d-4k, réalisé par un cinéaste d'Afrique Noire. Il est produit par la société de Daniel Kamwa (DK7-Communications), le concours de l'OIF, des participations africaines diverses au Cameroun et en Afrique du Sud.
Cette démarche ambitieuse est un tournant pour Daniel Kamwa, connu comme un vétéran du cinéma au Cameroun. Il a boosté le box office avec Pousse-Pousse, 1975, une comédie de moeurs décontractée, connu la consécration avec Notre fille, 1980, fiction grinçante sur la condition de la femme. Tenté par le film pour enfants avec Totor, 1993, histoire d'une tortue magique, le thriller politique via Le Cercle des pouvoirs, 1997, coréalisé avec Jules Takam. Daniel Kamwa cultive la production autonome de Mâh Saah-Sah, 2008, pour braver la disparition des écrans africains. Aujourd'hui, il cherche à marier réflexion et poésie visuelle. Le pari est périlleux, le propos un peu chargé mais le projet retient l'attention. Daniel Kamwa expose le sens de Turbulences en expliquant sa conception et sa quête d'expression africaine.
Cultiver la terre pour s'émanciper
- Qu'entendez-vous, quand vous parlez de Turbulences ?
Je fais allusion au climat actuel dans les pays africains. Il y a une certaine instabilité due à diverses problématiques. Dans Turbulences, on voit les gens déstabilisés. On leur a fait des promesses qui n'ont pas été tenues, pour des raisons qu'on n'explique pas dans le film. Mais on pressent qu'il y a une espèce de mal gouvernance, beaucoup de détournements de fonds. Aujourd'hui, ce qui est dramatique quand on regarde les jeunes sans emploi, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de ceux qui n'ont pas été à l'école, ce sont des jeunes qui ont une culture, des diplômes universitaires. Ils sont déstabilisés, subissent le chômage. Ils ne peuvent pas fonder une famille parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Voilà tout ce qui concourt à créer des turbulences.
- Pourquoi dans la première partie du film, concentrez-vous l'action sur des diplômés qu'on a incité à devenir agriculteurs ?
L'idée de faire un retour à la terre est une très bonne idée. On a eu tendance dans la plupart des pays du tiers monde, à ne former que des cadres qui vont travailler dans des bureaux. Dire que ces universitaires peuvent mettre leurs connaissances au bénéfice du développement agricole est important. Il y a un besoin de créer des ressources alimentaires. Il y aussi cette tendance des grandes puissances à aller s'accaparer des terres en Afrique et du coup, les autochtones n'ont plus d'espace pour survivre. Voilà autant de choses qui déstabilisent un pays.
- Quand vous dites : " un pays ", pensez-vous plus spécialement au Cameroun ?
Le film ne fait référence à aucun pays en particulier. C'est un pays imaginaire et il se trouve en Afrique parce que je suis africain. Ce n'est pas forcement mon pays en tant que tel. J'ai parlé des grandes puissances qui cherchent à s'accaparer des terres en Afrique. On en a entendu parler en Ethiopie, à Madagascar et dans pas mal d'autres pays. Souvent, on fait croire aux habitants que ces grands groupes vont créer des emplois. Mais si on donne aux autochtones le moyen de créer de la richesse, il me semble que c'est mieux plutôt que de dépendre d'un grand groupe qui va venir exploiter les habitants. Souvent, ils proposent des emplois mal payés, c'est toujours autant de sujets de mécontentement et de désir de s'en aller.
- Vous montrez dans un premier temps, une végétation foisonnante, la chasse prolifique. Cela semble donc possible, selon vous, que des diplômés arrivent à devenir paysans ?
C'est une politique possible, si elle est bien pensée, si elle est bien financée et surtout si elle est sincère. Dans la plupart des pays africains, nous avons de larges régions, riches, fertiles. Il ne faut pas attendre que ce soient les autres qui viennent les exploiter…
Migrer pour réaliser ses rêves
- Quand les terres sont occupées par des opérateurs internationaux, il n'y a pas d'autres solutions que de partir comme le font les personnages du film ?
On ne leur donne pas le choix. Ils se disent qu'il faut aller chercher son bonheur ailleurs, sans savoir ce qu'ils vont y trouver. Les médias parlent aujourd'hui de ces migrants qui meurent dans les eaux de la Méditerranée ou les déserts américains. C'est symptomatique de voir qu'il y a partout, sur chaque continent, ce mouvement de fuite du sud vers le nord parce qu'il est présenté comme un Eldorado, un endroit où l'on va combler tous ses désirs, avoir de quoi nourrir sa famille. Très souvent, ça se termine par des drames avant même d'arriver parce qu'on a pris les chemins les plus périlleux. La plupart de ces pays du nord ont érigé des barrières pour empêcher les gens d'entrer alors ils passent par la mer… Des marchants sans scrupules remplissent de gros bateaux, hors d'état de naviguer réellement. C'est une autre forme de commerce des esclaves…
- Pourquoi cette dure réalité du nord que vous évoquez à travers le rêve et la projection des personnages dans leur futur, paraît moins violente quand vous la montrez à l'écran ?
Ce n'est pas un film documentaire ! Les médias nous montrent le drame dans sa profondeur. Ma caméra passe les frontières dans leur imaginaire. Mais même là, ils voient qu'il ne suffit pas de traverser et qu'ils peuvent être rapatriés s'ils sont arrêtés donc ils vivent toujours dans la peur. Je montre des gens qui ont été amenés à quitter leur pays et quand ils se retrouvent devant la muraille, à la frontière, on voit qu'ils ne viennent pas tous du même pays. L'objectif est le même, aller vers le nord, et ils ont des rêves. Ils essaient d'imaginer ce qui va se passer une fois la frontière traversée. Je laisse aux médias, aux documentaristes le soin de montrer la réalité dans sa dureté.
- Est-ce donc pour vous démarquer de tout coté réaliste que vous faites beaucoup d'incursions dans le domaine du rêve, notamment avec cette séquence importante où on retrouve des lutins qui expriment votre problématique sur un autre mode ?
Le fait d'avoir choisi ce genre qui est l'animation, est une volonté de prendre de la distance vis à vis de la réalité dramatique. J'ai voulu aussi être un peu ludique pour ouvrir le film à tout public. Les enfants ne comprendront peut être pas le propos mais ça va les amuser de voir ces personnages un peu bizarres. Après, ils vont chercher à comprendre, en posant des questions aux parents. De plus, les lutins me permettent de questionner les représentants de ce qu'on appelle la communauté internationale, l'ONU, l'Union Européenne, et leur attitude vis à vis de tous ces drames. Très souvent, on a l'impression qu'il y a certains aspects du problème qu'ils se refusent à aborder parce qu'on va leur reprocher de s'immiscer dans la politique intérieure. Pourtant, quand ça les arrange, ils ne demandent la permission à personne avant d'intervenir. Cette séquence est assez importante dans mon sujet car elle m'a permis de mettre tous ces représentants de la communauté internationale face à leurs responsabilités.
- On y entend de drôles de choses, à commencer par une justification de la loi qui, parce qu'elle est là, est bonne et indiscutable…
Oui, souvent après les élections plus ou moins truquées dans tel ou tel pays, on vous dit que ça s'est bien déroulé. La loi d'un pays, c'est la loi et les habitants doivent s'y soumettre. C'est comme ça que les gens qui gouvernent mal arrivent à museler leurs ressortissants. Certes, ce sont les représentants du pays qui ont voté les lois mais il faut se demander comment ils ont été élus.
Conjuguer politique et film d'animation
- C'est donc un sujet politique que vous traitez, derrière l'histoire d'un couple de diplômés et de leurs aventures ?
Le film contient un contenu politique assez clair. Il dénonce la mal gouvernance, la corruption, l'incapacité de nos pays à se projeter dans l'avenir, à donner du rêve à leurs nationaux, à leur donner des emplois après les avoir formé dans des universités. Quand on voit que la plupart des pays africains ont fêté les 50 ans de leur indépendance, c'est quand même déconcertant de voir qu'on n'a pas beaucoup avancé. Le film dénonce aussi cette mascarade qui consiste pour les pays du Nord, à acheter la matière première en dessous du prix réel alors que tous les produits manufacturés arrivent dans nos pays à leur prix. Comment voulez-vous qu'on se développe dans ces conditions. Nous sommes toujours dépendants…
- A partir de quel moment avez-vous eu envie de proposer cette réflexion sous la forme d'un film d'animation ?
J'ai senti que l'aspect politique risquait de créer des malentendus si je le réalisais avec des acteurs en chair et en os. En prenant des personnages animés, je pensais que le message passerait aussi bien mais resterait moins " attaquable " que si on pointait le doigt sur un acteur qui a incarné tel ou tel rôle. A travers lui, on pourrait ensuite désigner un pays et ainsi de suite. Donc j'ai voulu prendre de la distance par rapport à tel ou tel pays, et surtout par rapport à la réalité documentaire comme je l'ai dit.
- Comment avez-vous construit le projet ?
Cela s'est fait par étapes comme tous les projets. Pour ce film, il fallait d'abord voir quel type d'animation on allait faire. J'ai choisi la 3d. Puis on a fait le choix technologique, pour savoir avec quel type de logiciel on allait travailler. J'ai voulu apporter ma contribution à l'animation en lui donnant une touche africaine. C'est un genre qui n'est pas très pratiqué en Afrique, pour l'instant. J'ai choisi aussi une résolution assez poussée pour qu'on puisse projeter ce film même en plein air, sur un très grand écran, sans que la qualité de l'image se dégrade d'où l'utilisation du 4k. C'est une des résolutions les plus élevées aujourd'hui, en matière de qualité d'image. Ca coûte un peu plus cher parce que ça prend un peu plus de temps mais comme ça le film n'aura pas vieilli dans dix ans.
Créer l'univers de Turbulences
- En fonction de quoi, avez-vous défini les silhouettes des personnages ?
Dans certains cas, c'étaient des personnages sans effigies, quelconques. Pour les personnages de premier plan, on a pris modèle sur des amis, hommes et femmes, qui étaient autour de moi. Je les ai photographiés et ils ont servi de modèles aux dessinateurs et aux animateurs. Certains personnages ont un peu l'air de quelqu'un qu'on connaît ou qu'on a déjà croisé mais en même temps, on ne peut pas dire que c'est telle personne de manière absolue. Ça rend les personnages, de mon point de vue, à la fois sympathiques et crédibles. Pour les animateurs, ça donnait aussi un peu plus de matière.
- Comment avez-vous procédé pour mettre les voix ?
Ça s'est fait en deux temps. Il y a eu d'abord l'enregistrement de voix témoins qui permettent aux animateurs d'amorcer le mouvement des lèvres des personnages fabriqués. Une fois cela fait, on a fait la création définitive des voix. Les esquisses faites en studio d'animation permettent de pratiquer le " lip sync ", la synchronisation labiale, aux acteurs qui créent les voix. Ils ont devant eux des gens qui parlent un peu comme quand on fait un doublage. Mais il s'agit là de la post synchronisation puisque c'est la même langue qui a servi à animer le personnage, qui va être fixée sur l'image.
- Où avez-vous développé cette partie du travail ?
Je l'ai faite à Paris parce que c'est un milieu qui m'est familier, en tant qu'acteur quand je fais du doublage. J'ai plein d'amis qui sont familiarisés avec ce travail. Après avoir porté les voix témoins en Afrique du Sud pour que les animateurs amorcent les mouvements de lèvres, je suis revenu à Paris et j'ai repris la plupart des comédiens puis on a mis la dernière touche sur les dialogues.
- Pourquoi travailler l'animation des images dans les studios d'Afrique du Sud ?
C'était une sorte de gageure, de faire un film de ce niveau entièrement sur le continent africain. Je voulais prouver qu'en Afrique, il y a des personnes ressources, capables de tenir le pari. J'ai trouvé qu'en Afrique du Sud, il y avait des structures prêtes et que du point de vue du coût, ça me revenait moins cher que de le faire en Europe. Les salaires sont bas en Afrique du Sud, et abordables pour mon budget.
Produire et diffuser au Sud
- Comment avez vous pu constituer le budget de Turbulences ?
L'argent est venu du Cameroun, de l'Afrique du Sud et d'autres pays amis. En dehors de l‘Afrique, il n'y a que l'OIF qui a mis la main à la poche pour m'aider sinon je n'ai pas eu de financement européen.
- Il vous a fallu un gros budget pour réaliser ce film d'animation de près de deux heures ?
Pour moi, c'est un gros budget mais pour la moyenne d'un film de ce niveau, c'est un très petit budget. On a voulu apporter une touche africaine et ça a quand même pris trois ans. Même si les salaires sont bas en Afrique du Sud, ce sont des gens qu'il faut payer tous les mois. Finalement, c'est un film qui avoisine 3 millions d'euros. La moyenne pour les films faits en Afrique que ce soit avec des acteurs ou autrement, ne représente même pas le quart de ce budget.
- Comment peut-on amortir ce genre de film sur le marché ?
On doit le sortir dans des pays où il y a suffisamment de salles pour le montrer. Ce film est africain et malheureusement en Afrique, il y a de moins en moins de salles. Le pouvoir d'achat n'est pas le même qu'ailleurs. Un film qui pourrait rester six mois à l'affiche en Europe ne resterait qu'une semaine à l'affiche, en Afrique. Il y a peu de salles et le film, en une semaine, a épuisé son potentiel de public. Je vise alors plutôt des pays européens comme la France, et au delà l'Amérique du Nord, pour le rentabiliser. Bien sûr, j'espère le vendre aux chaînes de télé européennes car les chaînes africaines ont très peu de moyens. Mais il sera montré par les chaînes africaines parce que j'en fais un devoir. Je tiens à ce que ce film soit vu partout en Afrique.
- Vous défendez donc l'idée d'un produit africain à valoriser ?
Affirmer l'expressivité africaine
- Vous dites avoir l'ambition de proposer une écriture d'animation africaine. A quoi tient-elle ? Aux dialogues très écrits avec parfois des vers, aux séquences poétiques, aux référents culturels comme celui de la prêtresse par exemple ?
C'est tout ce que vous venez de dire. L'aspect poétique de dialogues rédigés en vers, m'a beaucoup amusé. Je ne savais pas si j'y arriverai mais ça m'a amusé de donner à ces intellectuels qui viennent des villes, une certaine manière d'être et de discourir même à la campagne. Ils restent des intellectuels tout en faisant ce que des paysans doivent faire. C'est une manière de les personnaliser et la poésie renforce aussi le coté irréel de la situation. Ça me détache de la réalité dramatique et ça apporte une belle harmonie, renforcée par le choix des couleurs, notamment pour la case du chasseur et sa femme. Dans ce paysage luxuriant, ça apporte de la tendresse. La présence de la grande prêtresse, c'est un peu le fondement même des pays comme les nôtres. On est toujours très proches des personnages qui nous aident à rester proches de nos ancêtres. Ça nous rassure. Cet homme qui s'apprête à quitter son pays, sent la nécessité de consulter cette grande prêtresse pour partir avec quelque chose qui lui donne du courage.
- Les rites initiatiques et de prévention qui sont pratiqués, sont-ils inspirés de rites authentiques ?
Ce sont des rites authentiques, de mon vécu. Quand on va chez un médium, au Cameroun, on va se " blinder ", c'est-à-dire on veut obtenir tout ce qui va nous donner du courage, nous aider à éviter les obstacles les plus meurtriers et les plus mortels. Donc ce sont des rituels qui se pratiquent d'une région à l'autre, à quelques différences près. Souvent, pour vous montrer à quel point ils ont du pouvoir, ces médiums s'attachent à faire apparaître devant vos yeux les choses que vous avez vécues hors de leur présence. Le fait de vous montrer ça vous rassure car s'ils connaissent ces événements, c'est qu'ils sont capables de savoir encore autre chose. Ça crée un climat de confiance et le consultant se dit que cette personne a un vrai pouvoir.
- L'univers de Turbulences comporte beaucoup de morceaux musicaux. Il y en a environ une trentaine. Sont-ils écrits spécialement pour le film ?
C'est un motif de fierté pour moi. Au départ, je cherchais des grands noms car je me disais que c'était quelque chose qui aiderait à faire connaître le film. Puis au Cameroun, je suis tombé sur un musicien qui m'en a présenté un autre et je leur ai montré quelques images en leur demandant s'ils pouvaient me faire de la musique de film. Mais cela ne leur disait rien, la notion de musique de film, parce que eux, quand ils font de la musique, c'est simplement de la musique. En discutant avec eux, je les ai amenés à comprendre comment une musique peut aider à mieux raconter une histoire, à l'accompagner sans la dominer. Ils ont fait un travail extraordinaire car tout est écrit sur mesure pour le film. Du coup, certains morceaux, je pense, vont être de vrais tubes. J'ai écrit des paroles pour deux ou trois morceaux car j'avais des choses à dire.
- Au terme de votre fiction africaine, un des derniers mots de Turbulences, c'est l'évocation ironique de la " mondialisation ". Cette notion vous dérange ?
Le problème c'est qu'il y a comme ça, des concepts qu'on subit et qu'on n'a pas les moyens de choisir. On ne peut pas parler de mondialisation en érigeant des frontières. La mondialisation ne peut pas être vraie seulement pour les marchandises. S'il y a mondialisation, ça doit être à la fois pour les biens et les personnes.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° Propos recueillis et introduits par Michel AMARGER
(Africiné / Paris)
pour Images Francophones
(*) Les premières projections publiques de Turbulences au Cameroun se déroulent à l'Institut Français :
le 31 mai 2015 à Douala, le 7 juin 2015 à Yaoundé.
Photo : Daniel Kamwa, réalisateur camerounais.
Crédit : DR