Rencontre : Abdelkader Lagtaâ, réalisateur de La moitié du ciel, et les défis du cinéma d'auteur marocain
Le film a bénéficié du soutien du Fonds Image (OIF / CIRTEF).
Le cinéma marocain profite de certaines ouvertures dans la vie politique pour traiter de sujets longtemps réprimés. Abdelkader Lagtaâ se positionne à son tour et fait œuvre de mémoire. Comme l'ont entrepris Jillali Ferhati (Mémoire en détention, 2004), Hassan Benjelloun (La Chambre noire, 2004) et certains confrères, le réalisateur fouille l'histoire du Maroc avec La moitié du ciel, 2014. Cette fiction évoque la situation des opposants du règne de Hassan II dans les années 70, en s'inspirant du livre La liqueur d'Aloès, 2004, écrit par Jocelyne Laâbi.
Femme militante et épouse de l'écrivain Abdellatif Laâbi, cofondateur de la fameuse revue aux idées de gauche, Souffles, Jocelyne Laâbi travaille à ses côtés. Marocaine de coeur et d'engagement, aux origines françaises, elle évoque dans son récit le combat des femmes de détenus politiques au Maroc, pour la reconnaissance de leur statut et la défense de leurs droits.
Le film retrace l'arrestation d'Abdellatif Laâbi, en janvier 1972, à Rabat, du point de vue de son épouse. Lorsque l'écrivain est libéré, un mois après, avec son ami Abraham Serfaty, le climat est tendu dans le royaume où Hassan II, rescapé d'un attentat militaire en 1971, a lancé une forte campagne de répression. Laâbi est de nouveau arrêté, en mars 1972, mais Serfaty échappe à la police. La sœur de ce dernier est aussi arrêtée et torturée comme plusieurs de leurs camarades.
Révoltée, soucieuse pour ses trois enfants, Jocelyne s'engage aux cotés d'autres femmes de détenus pour suivre leur procès déjà joué d'avance, et revendiquer le statut de prisonnier politique pour son mari et ses compagnons. Au fil des ans, elles s'organisent et gagnent de meilleures conditions de visite tout en obtenant une reconnaissance publique lors des mouvements étudiants de 1979.
En portant le récit de Jocelyne Laâbi sur grand écran, Abdelkader Lagtaâ tente de sensibiliser les spectateurs d'aujourd'hui aux luttes des années 70. Malgré la rigueur du sujet, propice au film à thème, il insuffle de la vitalité à l'action avec une caméra souple, des images soignées et des fondus au noir qui ponctuent les épisodes du combat. L'emploi de quelques images d'archives, judicieusement disposées, animées avec discrétion, étoffe le propos. Et le cinéaste ménage quelques scènes de rires, de respiration, entre les femmes de prisonniers.
Abdelkader Lagtaâ a épinglé l'hypocrisie des hommes avec Un amour à Casablanca, 1991, tissé un portrait vif des citoyens dans Les Casablancais, 1998, n'hésitant pas à aborder la corruption et la mémoire de sa génération par Face à face, 2003, puis le désir de changer de vie dans Yasmine et les hommes, 2007. Aujourd'hui, il revient sur le climat pesant des années de plomb avec La moitié du ciel qui connaît un bon écho au Maroc. Mais la distribution du film se limite à son territoire (*) et Abdelkader Lagtaâ pointe les difficultés de production des auteurs marocains ainsi que leurs obstacles pour une diffusion en Occident.
Asseoir la distribution d'un film marocain
- Quel a été l'accueil de La moitié du ciel lors de la sortie au Maroc ?
C'était intéressant. La critique a été très positive. Par rapport au public lambda, je ne m'attendais pas à des foules, étant donné le sujet du film. Il raconte quand même des événements qui se sont déroulés il y a bon nombre d'années, les années de plomb de la décennie 1970. Ca ne concerne pas obligatoirement les jeunes qui sont ceux qui vont davantage au cinéma actuellement. Mais, malgré tout, l'accueil a été assez intéressant. En général, les spectateurs instruits sont venus voir le film parce qu'il faut dire aussi qu'il est parlé en français, ce qui élimine une partie du public habituel. Donc, il est en français, parce que l'héroïne du film, Jocelyne Laâbi, la femme du poète Abdellatif Laâbi, est une Française.
- Ce choix est étonnant car elle parle marocain aussi. Pourquoi avez-vous choisi de tourner une majorité de scènes en français ?
Nous sommes partis du principe que, à l'époque, son arabe dialectal ne lui permettait pas d'exprimer toutes les émotions, toutes les tracasseries qu'elle a vécues. Donc, au lieu d'employer une sorte d'arabe maladroit, on a fait le choix clair et net, de la faire parler en français. Par conséquent, comme elle parlait en français, ses amis les plus proches lui parlaient aussi en français. Effectivement, au moins 80% du film est en français, à part certaines scènes comme le procès par exemple, puisque la justice au Maroc, s'exprime en arabe.
- Y a-t-il suffisamment de salles au Maroc pour amortir la distribution d'un film de ce genre aujourd'hui ?
Non, ce n'est pas possible. Actuellement, le Maroc dispose de moins de 50 salles et je compte là dedans toutes les salles possibles et imaginables même celles qui n'ont par exemple, qu'une séance par jour ou quelques unes par semaines. Le Maroc a perdu la majorité de ses salles. Dans les années 80, il y avait 250 salles et à peu près 15 millions de spectateurs par an. Actuellement il y a moins de 3 millions de spectateurs. Il y a eu une désaffection brutale, à cause notamment du piratage, des DVD qui sont vendus pour un prix dérisoire. D'autres phénomènes ont contribué à cette situation mais c'est surtout le piratage qui a conduit les propriétaires de salles à les fermer pour construire à la place des immeubles qui sont beaucoup plus rentables.
- Cela vous motive à distribuer le film dans d'autres territoires que le Maroc ?
Evidemment, c'est un objectif important. Le but principal était de distribuer le film dans les deux pays coproducteurs : le Maroc et la France. Au Maroc, c'est fait. Maintenant mon espoir, c'est de pouvoir le sortir en France. C'est une histoire qui concerne malgré tout la France, étant donné que l'héroïne est une Française, et compte tenu de la proximité qu'il y a entre les deux pays. Je suis certain que ce film pourrait trouver son public en France. Je ne parle pas de la communauté maghrébine mais il y a des Français de souche, de toutes catégories, qui ont un lien avec le Maroc ou une affection pour ce pays. Ils voudraient savoir comment à un moment donné, le Maroc a plongé dans la terreur. Je suis certain que ça leur ferait découvrir une autre dimension du pays et en comparant le film avec la situation actuelle, ils verraient quels ont été les changements, l'évolution… Ça c'est important. Par ailleurs, le film est très actuel parce qu'il parle du combat qui a été livré à un moment donné au Maroc, pour la liberté d'expression. Nous savons que la lutte pour la liberté d'expression est quelque chose d'actuel, et qui le sera toujours ne serait ce qu'en rappelant par exemple, les attentats contre Charlie Hebdo. Donc c'est un film qui pourrait interpeller des publics un peu partout dans le monde.
- En ce qui concerne la France par exemple, et même si on parle de l'Europe, le marché semble très limité pour accueillir des films marocains. Qu'en pensez-vous ?
C'est le problème et c'est le paradoxe aussi. Il y a une proximité historique, territoriale, et malgré tout, c'est comme s'il y avait une incompréhension quelque part qui fait que les échanges culturels ne vont que dans un sens. Le Maroc accueille la création culturelle française. Le pays est toujours ouvert à l'apport français dans ce domaine, mais il n'y a pas de réciprocité. Il n'y a même pas l'ébauche d'une réciprocité, ce qui est incompréhensible.
Activer des liens entre le Maroc et la France
- Comment avez-vous pu enclencher cette coproduction franco marocaine ?
Le film a bénéficié d'une Avance sur recettes marocaine, équivalant à 420 000 euros à peu près. La société Écrans du Maroc dont je suis le gérant, a investi ses frais généraux, mon salaire de producteur exécutif de la partie marocaine ainsi que mes droits d'auteur. De plus, elle a négocié l'utilisation de plusieurs décors importants comme le tribunal, à titre gracieux. Cela a permis à la partie marocaine de financer environ 50% du budget. Le reste a été pris en charge par la société parisienne, DGDP Productions, et mon coproducteur a dû puiser dans ses fonds propres pour pouvoir m'accompagner dans la production. On a eu l'aide de l'Organisation Internationale de la Francophonie qui a accordé 40 000 euros à la partie française (Cristal Communications, ndlr), mais le projet n'a pu obtenir de subventions ailleurs.
- Aviez-vous besoin d'un budget important pour ce sujet d'époque ?
Oui. L'idéal aurait été de bénéficier d'un budget de 1,5 million d'euros. Nous l'avons fait avec l'équivalent de 1 million d'euros. Pour le Maroc, c'est un budget important mais pas pour ce film en particulier, étant donné le nombre et la multiplicité des décors, des comédiens, des figurants… Il a nécessité beaucoup de moyens et donc nous avons travaillé dans l'économie. Ça n'a pas été très facile.
- Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans une aventure comme celle là, cette adaptation d'un récit vécu dans les années 70 ?
Personnellement, j'avais longtemps rêvé de traiter de cette période. La raison, c'est que pendant ces événements, pendant les années de plomb au Maroc, moi j'étais en Pologne. Je faisais des études de cinéma dans ce pays et j'étais en contact, à ce moment là, avec Abdellatif Laâbi. C'était avant son incarcération. Je collaborais modestement à sa revue Souffles qu'il m'envoyait. J'avais entretenu avec lui, une correspondance et pour moi, c'était une ouverture sur le Maroc. J'étais comme un exilé en Pologne. Dans les années 70, les informations, les écrits ne voyageaient pas aussi librement que maintenant. Par conséquent, quand je suis rentré au Maroc, cette expérience menée par Abdellatif Laâbi, Abraham Serfaty et leurs compagnons, appelée le mouvement marxiste-léniniste marocain, m'avait en quelque sorte, manqué. C'est comme si j'avais raté quelque chose dans l'histoire du Maroc. J'avais toujours considéré ce mouvement là comme une sorte de laboratoire d'idées. Il y a eu un peu de dogmatisme aussi mais il y a eu une lutte, un échange, une détermination extraordinaire pour la liberté d'expression, la justice sociale, etc. Donc ça m'a manqué et j'avais pendant longtemps, cherché le moyen de traiter de ce sujet jusqu'au jour où j'ai lu le récit autobiographique de Jocelyne Laâbi. A ce moment là, j'ai proposé à Abdellatif Laâbi et à Jocelyne d'adapter le livre pour le cinéma. Pour ne rien vous cacher, je ne croyais pas qu'on allait rencontrer autant de difficultés. Cela fait partie de ma naïveté.
- Comment avez-vous pu rendre cinématographique cette histoire qui repose surtout sur des échanges d'idées et des revendications ?
Dès le départ, je suis parti d'une chose très simple. Il fallait éviter les débats idéologiques, les divergences idéologiques, et se concentrer sur le côté humain. C'est comme ça que j'ai eu l'impression que cette histoire ressemble parfaitement à une tragédie grecque. Voilà le destin qui frappe : un homme est arraché à sa femme et à ses enfants, accusé injustement, condamné injustement. Cette femme se retrouve toute seule, dans le désarroi, et puis à un moment donné, elle est obligée de se prendre en charge, de combattre, de trouver des alliés. Malgré les difficultés, les tracasseries, la prison puisqu'elle va la subir aussi pendant quelques jours, elle continue le combat et elle finit par délivrer son mari. C'est une histoire classique, il fallait tout simplement trouver le moyen de la rendre émouvante. Mon souci principal, c'est que j'avais peur de tomber dans la reproduction de l'histoire et de ne pas pouvoir trouver le moyen d'émouvoir le public, pour l'interpeller, l'impliquer davantage.
- Dénicher les bons acteurs a-t-il facilité ce désir de toucher les gens ?
Oui, je crois. Les acteurs principaux ont été facilement trouvés. Nous étions d'accord avec Abdelatif Laâbi, pour les deux interprètes principaux. Pour le reste des comédiens, ça s'est fait pendant la préparation du film et je pense que nous avons réussi à avoir des " gueules " intéressantes. Pour le public du Maroc, c'est important parce que Anas El Baz, l'acteur qui joue le rôle d'Abdellatif Laâbi, est une star dans le pays. Sonia Okacha qui interprète le rôle de Jocelyne, le personnage principal, est devenue aussi une star maintenant grâce aussi à ce film, à sa prestation, à sa sensibilité.
- Et les techniciens, les avez-vous choisis au Maroc ?
Comme c'est une coproduction franco marocaine, il y a une partie des techniciens qui sont venus de France notamment le directeur photo et son équipe, ainsi que le premier assistant à la réalisation. Nous avons pu créer une symbiose entre les deux nationalités mais de toutes façons, c'est une chose assez habituelle au Maroc. Beaucoup de films français se tournent au Maroc avec une partie des techniciens locaux. D'ailleurs beaucoup de techniciens marocains ont appris le métier à travers les productions françaises, américaines qui se tournent au Maroc.
- Cette fusion des équipes permet-elle de maintenir une identité nationale ?
Je ne me pose pas ce genre de question dans la mesure où le cinéma est un langage universel. Le fait de collaborer ensemble ne fait que rapprocher les gens et ouvrir les uns et les autres aux expressions culturelles réciproques. C'est d'autant plus important maintenant.
Aborder le passé pour relayer son esprit
- Pourquoi trouvez-vous opportun aujourd'hui de traiter ce sujet des prisonniers politiques et de leur statut ?
Pour le Maroc, c'est important. En ce qui concerne l'Europe, j'ai comme l'impression qu'en France par exemple, il y a comme une sorte de méfiance vis à vis d'un cinéma qu'on pourrait taxer d'être engagé. Cette attitude existe depuis un certain nombre d'années. En ce qui concerne le Maroc, c'est important parce que ce film traite de cette question d'une autre manière que les films précédents qui l'ont abordée. On le fait d'une manière plus exhaustive dans un certain sens, et plus sensible.
- Qu'entendez-vous par une manière " plus sensible " ?
Les gens arrivent très facilement à s'identifier aux personnages. Amener les spectateurs à s'émouvoir pour le destin des principaux personnages, ca se construit. Dès le départ, il y avait cette idée de trouver le moyen pour que le spectateur s'implique. Etant donné qu'il s'agit d'une reconstitution historique, ce qui rend les choses plus difficiles, il fallait s'investir totalement dans l'émotion sans tomber dans le pathos, avec beaucoup de retenue et de sobriété aussi.
- Qu'est-ce qui vous a aidé à recréer l'esprit de cette époque, au-delà des accessoires, des décors ?
Je me suis renseigné, informé. J'ai lu la quasi totalité des écrits qui ont été publiés sur cette période y compris les livres consacrés à l'univers carcéral, les débats, etc. Comme je le disais, ce sujet me hantait, en quelque sorte, donc il fallait que je m'en imprègne totalement. Et puis, il y a ma relation avec Abdelatif Laâbi que je connais depuis les années 60, et toutes les discussions que nous avons eues. Comme nous avons écrit le scénario ensemble, je puisais les informations à la source. Je ne pouvais pas me tromper sur l'esprit de la période parce que j'étais accompagné par Abdelatif et Jocelyne Laâbi. Ainsi il y a des situations dans le film, qui auraient nécessité normalement, une expression particulière comme la colère par exemple, mais nous n'avons pas exprimé ça de la manière attendue parce que à l'époque, au Maroc, il y avait une certaine pudeur. On n'employait pas certains mots, considérés comme vulgaires, malgré le radicalisme politique des gens. C'est ça qui est extraordinaire. D'un côté, il y a une sorte d'extrémisme et de l'autre il y a une retenue, une pudeur pour exprimer les choses. Ça figure parmi les choses que nous avons respectées pour pouvoir transposer cette atmosphère qui régnait.
- Pourquoi avoir souligné ce propos en mettant des images d'archives ?
La question s'est posée pour les spectateurs qui ne connaissent pas la période et n'ont aucune idée de ce qui s'est passé, que ce soit au Maroc ou en France. Ça concerne peut-être beaucoup plus les spectateurs non marocains. Il fallait donner quand même un certain nombre de repères, et les donner vite pour qu'on se débarrasse de cet aspect documentaire, puis laisser les gens face à la fiction, à l'histoire, à l'évolution du récit.
- Pourquoi avoir animé légèrement ces documents ?
C'est une petite animation, très discrète. Comme certaines images d'archives étaient en mouvement, il fallait trouver le moyen de rendre la chose homogène.
- Diriez-vous que La moitié du ciel est un film historique ou que c'est un film d'histoire ?
Je ne me suis pas posé cette question. Pour moi, c'est un film contemporain qui traite d'un sujet qui continue à concerner le peuple marocain. Les conséquences de ces années de plomb n'ont été résolues seulement qu'il y a une dizaine d'années environ, quand on a pu se mettre d'accord sur les témoignages, la retransmission des paroles des victimes, sur leur indemnisation, etc. Donc c'est toujours récent. La plupart des protagonistes de cette histoire sont toujours vivants et ils sont actifs, soit dans les associations des droits de l'homme, soit dans la création, dans la culture.
- Au delà de cette situation, pensez-vous que la liberté d'expression est vraiment plus grande qu'avant, au Maroc ?
Oui, incontestablement, elle est beaucoup plus grande qu'avant. Il y a eu un certain nombre d'événements qui ont fait que cette marge de liberté s'est élargie. Parmi ces contributions, il y a l'apport de toutes ces victimes de la répression des années 70 et 80. Il y a eu incontestablement l'apport du Mouvement du 20-Février, né en 2011, le Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles malgré la modestie de son combat, et puis il y a la presse évidemment, ainsi que le travail accompli par la société civile. Tout ça a fait que cet espace de liberté s'est élargi, des choses ont été arrachées que le pouvoir, les autorités, ont été obligés de prendre en compte. Je ne dis pas que la liberté d'expression au Maroc est aussi grande que dans les pays démocratiques mais il y a une évolution incontestable et il faut continuer à se battre pour ça parce qu'il y a encore un certain nombre de tabous qui continuent de nous narguer.
- Ça vous donne envie de poursuivre cette question par un autre film ?
Absolument, j'ai un scénario qui est prêt et j'espère pouvoir le présenter lors de la prochaine session du Fonds d'aide au Maroc.
Propos recueillis et introduits par Michel AMARGER
(Africiné / Paris)
pour Images Francophones
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(*) La moitié du ciel est sorti au Maroc, le 9 septembre 2015.
Il a obtenu les prix suivants :
- Le Prix du scénario et le Prix des ciné-clubs au Festival national du film, à Tanger au Maroc, en février 2015.
- Le Prix des droits de l'homme au Festival international du cinéma méditerranéen, à Tétouan au Maroc, en avril 2015.
- Le Prix spécial du jury, dans la catégorie des films arabes, du Festival international du cinéma méditerranéen, en Alexandrie en Egypte, en septembre 2015.
Femme militante et épouse de l'écrivain Abdellatif Laâbi, cofondateur de la fameuse revue aux idées de gauche, Souffles, Jocelyne Laâbi travaille à ses côtés. Marocaine de coeur et d'engagement, aux origines françaises, elle évoque dans son récit le combat des femmes de détenus politiques au Maroc, pour la reconnaissance de leur statut et la défense de leurs droits.
Le film retrace l'arrestation d'Abdellatif Laâbi, en janvier 1972, à Rabat, du point de vue de son épouse. Lorsque l'écrivain est libéré, un mois après, avec son ami Abraham Serfaty, le climat est tendu dans le royaume où Hassan II, rescapé d'un attentat militaire en 1971, a lancé une forte campagne de répression. Laâbi est de nouveau arrêté, en mars 1972, mais Serfaty échappe à la police. La sœur de ce dernier est aussi arrêtée et torturée comme plusieurs de leurs camarades.
Révoltée, soucieuse pour ses trois enfants, Jocelyne s'engage aux cotés d'autres femmes de détenus pour suivre leur procès déjà joué d'avance, et revendiquer le statut de prisonnier politique pour son mari et ses compagnons. Au fil des ans, elles s'organisent et gagnent de meilleures conditions de visite tout en obtenant une reconnaissance publique lors des mouvements étudiants de 1979.
En portant le récit de Jocelyne Laâbi sur grand écran, Abdelkader Lagtaâ tente de sensibiliser les spectateurs d'aujourd'hui aux luttes des années 70. Malgré la rigueur du sujet, propice au film à thème, il insuffle de la vitalité à l'action avec une caméra souple, des images soignées et des fondus au noir qui ponctuent les épisodes du combat. L'emploi de quelques images d'archives, judicieusement disposées, animées avec discrétion, étoffe le propos. Et le cinéaste ménage quelques scènes de rires, de respiration, entre les femmes de prisonniers.
Abdelkader Lagtaâ a épinglé l'hypocrisie des hommes avec Un amour à Casablanca, 1991, tissé un portrait vif des citoyens dans Les Casablancais, 1998, n'hésitant pas à aborder la corruption et la mémoire de sa génération par Face à face, 2003, puis le désir de changer de vie dans Yasmine et les hommes, 2007. Aujourd'hui, il revient sur le climat pesant des années de plomb avec La moitié du ciel qui connaît un bon écho au Maroc. Mais la distribution du film se limite à son territoire (*) et Abdelkader Lagtaâ pointe les difficultés de production des auteurs marocains ainsi que leurs obstacles pour une diffusion en Occident.
Asseoir la distribution d'un film marocain
- Quel a été l'accueil de La moitié du ciel lors de la sortie au Maroc ?
C'était intéressant. La critique a été très positive. Par rapport au public lambda, je ne m'attendais pas à des foules, étant donné le sujet du film. Il raconte quand même des événements qui se sont déroulés il y a bon nombre d'années, les années de plomb de la décennie 1970. Ca ne concerne pas obligatoirement les jeunes qui sont ceux qui vont davantage au cinéma actuellement. Mais, malgré tout, l'accueil a été assez intéressant. En général, les spectateurs instruits sont venus voir le film parce qu'il faut dire aussi qu'il est parlé en français, ce qui élimine une partie du public habituel. Donc, il est en français, parce que l'héroïne du film, Jocelyne Laâbi, la femme du poète Abdellatif Laâbi, est une Française.
- Ce choix est étonnant car elle parle marocain aussi. Pourquoi avez-vous choisi de tourner une majorité de scènes en français ?
Nous sommes partis du principe que, à l'époque, son arabe dialectal ne lui permettait pas d'exprimer toutes les émotions, toutes les tracasseries qu'elle a vécues. Donc, au lieu d'employer une sorte d'arabe maladroit, on a fait le choix clair et net, de la faire parler en français. Par conséquent, comme elle parlait en français, ses amis les plus proches lui parlaient aussi en français. Effectivement, au moins 80% du film est en français, à part certaines scènes comme le procès par exemple, puisque la justice au Maroc, s'exprime en arabe.
- Y a-t-il suffisamment de salles au Maroc pour amortir la distribution d'un film de ce genre aujourd'hui ?
Non, ce n'est pas possible. Actuellement, le Maroc dispose de moins de 50 salles et je compte là dedans toutes les salles possibles et imaginables même celles qui n'ont par exemple, qu'une séance par jour ou quelques unes par semaines. Le Maroc a perdu la majorité de ses salles. Dans les années 80, il y avait 250 salles et à peu près 15 millions de spectateurs par an. Actuellement il y a moins de 3 millions de spectateurs. Il y a eu une désaffection brutale, à cause notamment du piratage, des DVD qui sont vendus pour un prix dérisoire. D'autres phénomènes ont contribué à cette situation mais c'est surtout le piratage qui a conduit les propriétaires de salles à les fermer pour construire à la place des immeubles qui sont beaucoup plus rentables.
- Cela vous motive à distribuer le film dans d'autres territoires que le Maroc ?
Evidemment, c'est un objectif important. Le but principal était de distribuer le film dans les deux pays coproducteurs : le Maroc et la France. Au Maroc, c'est fait. Maintenant mon espoir, c'est de pouvoir le sortir en France. C'est une histoire qui concerne malgré tout la France, étant donné que l'héroïne est une Française, et compte tenu de la proximité qu'il y a entre les deux pays. Je suis certain que ce film pourrait trouver son public en France. Je ne parle pas de la communauté maghrébine mais il y a des Français de souche, de toutes catégories, qui ont un lien avec le Maroc ou une affection pour ce pays. Ils voudraient savoir comment à un moment donné, le Maroc a plongé dans la terreur. Je suis certain que ça leur ferait découvrir une autre dimension du pays et en comparant le film avec la situation actuelle, ils verraient quels ont été les changements, l'évolution… Ça c'est important. Par ailleurs, le film est très actuel parce qu'il parle du combat qui a été livré à un moment donné au Maroc, pour la liberté d'expression. Nous savons que la lutte pour la liberté d'expression est quelque chose d'actuel, et qui le sera toujours ne serait ce qu'en rappelant par exemple, les attentats contre Charlie Hebdo. Donc c'est un film qui pourrait interpeller des publics un peu partout dans le monde.
- En ce qui concerne la France par exemple, et même si on parle de l'Europe, le marché semble très limité pour accueillir des films marocains. Qu'en pensez-vous ?
C'est le problème et c'est le paradoxe aussi. Il y a une proximité historique, territoriale, et malgré tout, c'est comme s'il y avait une incompréhension quelque part qui fait que les échanges culturels ne vont que dans un sens. Le Maroc accueille la création culturelle française. Le pays est toujours ouvert à l'apport français dans ce domaine, mais il n'y a pas de réciprocité. Il n'y a même pas l'ébauche d'une réciprocité, ce qui est incompréhensible.
Activer des liens entre le Maroc et la France
- Comment avez-vous pu enclencher cette coproduction franco marocaine ?
Le film a bénéficié d'une Avance sur recettes marocaine, équivalant à 420 000 euros à peu près. La société Écrans du Maroc dont je suis le gérant, a investi ses frais généraux, mon salaire de producteur exécutif de la partie marocaine ainsi que mes droits d'auteur. De plus, elle a négocié l'utilisation de plusieurs décors importants comme le tribunal, à titre gracieux. Cela a permis à la partie marocaine de financer environ 50% du budget. Le reste a été pris en charge par la société parisienne, DGDP Productions, et mon coproducteur a dû puiser dans ses fonds propres pour pouvoir m'accompagner dans la production. On a eu l'aide de l'Organisation Internationale de la Francophonie qui a accordé 40 000 euros à la partie française (Cristal Communications, ndlr), mais le projet n'a pu obtenir de subventions ailleurs.
- Aviez-vous besoin d'un budget important pour ce sujet d'époque ?
Oui. L'idéal aurait été de bénéficier d'un budget de 1,5 million d'euros. Nous l'avons fait avec l'équivalent de 1 million d'euros. Pour le Maroc, c'est un budget important mais pas pour ce film en particulier, étant donné le nombre et la multiplicité des décors, des comédiens, des figurants… Il a nécessité beaucoup de moyens et donc nous avons travaillé dans l'économie. Ça n'a pas été très facile.
- Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans une aventure comme celle là, cette adaptation d'un récit vécu dans les années 70 ?
Personnellement, j'avais longtemps rêvé de traiter de cette période. La raison, c'est que pendant ces événements, pendant les années de plomb au Maroc, moi j'étais en Pologne. Je faisais des études de cinéma dans ce pays et j'étais en contact, à ce moment là, avec Abdellatif Laâbi. C'était avant son incarcération. Je collaborais modestement à sa revue Souffles qu'il m'envoyait. J'avais entretenu avec lui, une correspondance et pour moi, c'était une ouverture sur le Maroc. J'étais comme un exilé en Pologne. Dans les années 70, les informations, les écrits ne voyageaient pas aussi librement que maintenant. Par conséquent, quand je suis rentré au Maroc, cette expérience menée par Abdellatif Laâbi, Abraham Serfaty et leurs compagnons, appelée le mouvement marxiste-léniniste marocain, m'avait en quelque sorte, manqué. C'est comme si j'avais raté quelque chose dans l'histoire du Maroc. J'avais toujours considéré ce mouvement là comme une sorte de laboratoire d'idées. Il y a eu un peu de dogmatisme aussi mais il y a eu une lutte, un échange, une détermination extraordinaire pour la liberté d'expression, la justice sociale, etc. Donc ça m'a manqué et j'avais pendant longtemps, cherché le moyen de traiter de ce sujet jusqu'au jour où j'ai lu le récit autobiographique de Jocelyne Laâbi. A ce moment là, j'ai proposé à Abdellatif Laâbi et à Jocelyne d'adapter le livre pour le cinéma. Pour ne rien vous cacher, je ne croyais pas qu'on allait rencontrer autant de difficultés. Cela fait partie de ma naïveté.
- Comment avez-vous pu rendre cinématographique cette histoire qui repose surtout sur des échanges d'idées et des revendications ?
Dès le départ, je suis parti d'une chose très simple. Il fallait éviter les débats idéologiques, les divergences idéologiques, et se concentrer sur le côté humain. C'est comme ça que j'ai eu l'impression que cette histoire ressemble parfaitement à une tragédie grecque. Voilà le destin qui frappe : un homme est arraché à sa femme et à ses enfants, accusé injustement, condamné injustement. Cette femme se retrouve toute seule, dans le désarroi, et puis à un moment donné, elle est obligée de se prendre en charge, de combattre, de trouver des alliés. Malgré les difficultés, les tracasseries, la prison puisqu'elle va la subir aussi pendant quelques jours, elle continue le combat et elle finit par délivrer son mari. C'est une histoire classique, il fallait tout simplement trouver le moyen de la rendre émouvante. Mon souci principal, c'est que j'avais peur de tomber dans la reproduction de l'histoire et de ne pas pouvoir trouver le moyen d'émouvoir le public, pour l'interpeller, l'impliquer davantage.
- Dénicher les bons acteurs a-t-il facilité ce désir de toucher les gens ?
Oui, je crois. Les acteurs principaux ont été facilement trouvés. Nous étions d'accord avec Abdelatif Laâbi, pour les deux interprètes principaux. Pour le reste des comédiens, ça s'est fait pendant la préparation du film et je pense que nous avons réussi à avoir des " gueules " intéressantes. Pour le public du Maroc, c'est important parce que Anas El Baz, l'acteur qui joue le rôle d'Abdellatif Laâbi, est une star dans le pays. Sonia Okacha qui interprète le rôle de Jocelyne, le personnage principal, est devenue aussi une star maintenant grâce aussi à ce film, à sa prestation, à sa sensibilité.
- Et les techniciens, les avez-vous choisis au Maroc ?
Comme c'est une coproduction franco marocaine, il y a une partie des techniciens qui sont venus de France notamment le directeur photo et son équipe, ainsi que le premier assistant à la réalisation. Nous avons pu créer une symbiose entre les deux nationalités mais de toutes façons, c'est une chose assez habituelle au Maroc. Beaucoup de films français se tournent au Maroc avec une partie des techniciens locaux. D'ailleurs beaucoup de techniciens marocains ont appris le métier à travers les productions françaises, américaines qui se tournent au Maroc.
- Cette fusion des équipes permet-elle de maintenir une identité nationale ?
Je ne me pose pas ce genre de question dans la mesure où le cinéma est un langage universel. Le fait de collaborer ensemble ne fait que rapprocher les gens et ouvrir les uns et les autres aux expressions culturelles réciproques. C'est d'autant plus important maintenant.
Aborder le passé pour relayer son esprit
- Pourquoi trouvez-vous opportun aujourd'hui de traiter ce sujet des prisonniers politiques et de leur statut ?
Pour le Maroc, c'est important. En ce qui concerne l'Europe, j'ai comme l'impression qu'en France par exemple, il y a comme une sorte de méfiance vis à vis d'un cinéma qu'on pourrait taxer d'être engagé. Cette attitude existe depuis un certain nombre d'années. En ce qui concerne le Maroc, c'est important parce que ce film traite de cette question d'une autre manière que les films précédents qui l'ont abordée. On le fait d'une manière plus exhaustive dans un certain sens, et plus sensible.
- Qu'entendez-vous par une manière " plus sensible " ?
Les gens arrivent très facilement à s'identifier aux personnages. Amener les spectateurs à s'émouvoir pour le destin des principaux personnages, ca se construit. Dès le départ, il y avait cette idée de trouver le moyen pour que le spectateur s'implique. Etant donné qu'il s'agit d'une reconstitution historique, ce qui rend les choses plus difficiles, il fallait s'investir totalement dans l'émotion sans tomber dans le pathos, avec beaucoup de retenue et de sobriété aussi.
- Qu'est-ce qui vous a aidé à recréer l'esprit de cette époque, au-delà des accessoires, des décors ?
Je me suis renseigné, informé. J'ai lu la quasi totalité des écrits qui ont été publiés sur cette période y compris les livres consacrés à l'univers carcéral, les débats, etc. Comme je le disais, ce sujet me hantait, en quelque sorte, donc il fallait que je m'en imprègne totalement. Et puis, il y a ma relation avec Abdelatif Laâbi que je connais depuis les années 60, et toutes les discussions que nous avons eues. Comme nous avons écrit le scénario ensemble, je puisais les informations à la source. Je ne pouvais pas me tromper sur l'esprit de la période parce que j'étais accompagné par Abdelatif et Jocelyne Laâbi. Ainsi il y a des situations dans le film, qui auraient nécessité normalement, une expression particulière comme la colère par exemple, mais nous n'avons pas exprimé ça de la manière attendue parce que à l'époque, au Maroc, il y avait une certaine pudeur. On n'employait pas certains mots, considérés comme vulgaires, malgré le radicalisme politique des gens. C'est ça qui est extraordinaire. D'un côté, il y a une sorte d'extrémisme et de l'autre il y a une retenue, une pudeur pour exprimer les choses. Ça figure parmi les choses que nous avons respectées pour pouvoir transposer cette atmosphère qui régnait.
- Pourquoi avoir souligné ce propos en mettant des images d'archives ?
La question s'est posée pour les spectateurs qui ne connaissent pas la période et n'ont aucune idée de ce qui s'est passé, que ce soit au Maroc ou en France. Ça concerne peut-être beaucoup plus les spectateurs non marocains. Il fallait donner quand même un certain nombre de repères, et les donner vite pour qu'on se débarrasse de cet aspect documentaire, puis laisser les gens face à la fiction, à l'histoire, à l'évolution du récit.
- Pourquoi avoir animé légèrement ces documents ?
C'est une petite animation, très discrète. Comme certaines images d'archives étaient en mouvement, il fallait trouver le moyen de rendre la chose homogène.
- Diriez-vous que La moitié du ciel est un film historique ou que c'est un film d'histoire ?
Je ne me suis pas posé cette question. Pour moi, c'est un film contemporain qui traite d'un sujet qui continue à concerner le peuple marocain. Les conséquences de ces années de plomb n'ont été résolues seulement qu'il y a une dizaine d'années environ, quand on a pu se mettre d'accord sur les témoignages, la retransmission des paroles des victimes, sur leur indemnisation, etc. Donc c'est toujours récent. La plupart des protagonistes de cette histoire sont toujours vivants et ils sont actifs, soit dans les associations des droits de l'homme, soit dans la création, dans la culture.
- Au delà de cette situation, pensez-vous que la liberté d'expression est vraiment plus grande qu'avant, au Maroc ?
Oui, incontestablement, elle est beaucoup plus grande qu'avant. Il y a eu un certain nombre d'événements qui ont fait que cette marge de liberté s'est élargie. Parmi ces contributions, il y a l'apport de toutes ces victimes de la répression des années 70 et 80. Il y a eu incontestablement l'apport du Mouvement du 20-Février, né en 2011, le Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles malgré la modestie de son combat, et puis il y a la presse évidemment, ainsi que le travail accompli par la société civile. Tout ça a fait que cet espace de liberté s'est élargi, des choses ont été arrachées que le pouvoir, les autorités, ont été obligés de prendre en compte. Je ne dis pas que la liberté d'expression au Maroc est aussi grande que dans les pays démocratiques mais il y a une évolution incontestable et il faut continuer à se battre pour ça parce qu'il y a encore un certain nombre de tabous qui continuent de nous narguer.
- Ça vous donne envie de poursuivre cette question par un autre film ?
Absolument, j'ai un scénario qui est prêt et j'espère pouvoir le présenter lors de la prochaine session du Fonds d'aide au Maroc.
Propos recueillis et introduits par Michel AMARGER
(Africiné / Paris)
pour Images Francophones
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(*) La moitié du ciel est sorti au Maroc, le 9 septembre 2015.
Il a obtenu les prix suivants :
- Le Prix du scénario et le Prix des ciné-clubs au Festival national du film, à Tanger au Maroc, en février 2015.
- Le Prix des droits de l'homme au Festival international du cinéma méditerranéen, à Tétouan au Maroc, en avril 2015.
- Le Prix spécial du jury, dans la catégorie des films arabes, du Festival international du cinéma méditerranéen, en Alexandrie en Egypte, en septembre 2015.