Présence africaine au 33°Festival International du Film Francophone de Namur (28 Septembre – 5 Octobre 2018)
Un bon programme au festival de Namur, Belgique, avec de bonnes surprises et des productions remarquables du Maghreb et d'Afrique.
Sofia, long métrage fiction de Meryem Benm'barek offre une qualité de réalisation excellente et une joie sans mélange rien qu'à regarder les talentueux acteurs et actrices de ce drame familial : Maha Alami, Lubna Azabal, Faouzi Bensaidi, Sarah Perles, Hamza Khalif. Cette production marocaine bénéficie aussi d'un scénario brillant (Prix du meilleur scénario à Un Certain Regard, Festival de Cannes 2018). On est à Casablanca où Sofia donne naissance à un enfant, hors mariage. La jeune fille se retrouve dans l'illégalité punie de prison. L'âme en peine, pour éviter le scandale, sa famille tente d'arranger les choses. Mais Sofia a menti sur l'identité du père de l'enfant... La superbe qualité de la mise en scène et la maitrise avec laquelle Meryem BenMbarek dirige ses acteurs font qu'elle ira certainement loin dans sa carrière, après cette première oeuvre de fiction.
Fortuna est un long métrage fiction (réalisé par Germinal Roaux) sur une adolescente éthiopienne réfugiée en Suisse. Cette très jeune fille (14 ans) de bonne éducation, sans nouvelles de sa famille en Ethiopie, se retrouve enceinte et souffre du fait que l'homme, son compagnon, ne veut pas prendre de risque de se retrouver en prison. Sérieux et efficacité de la mise en scène de cette oeuvre en noir et blanc, avec des images magnifiques de neige et de haute montagne. Kidist Siyum Beza (Fortuna) est une si jeune et déjà parfaite actrice d'un drame qui la dépasse.
On était aussi très attentif au court métrage fiction Imfura de Samuel Ishimwe (Rwanda). L'intrigue se focalise sur l'après-génocide. Giza revient dans son village natal. Sa mère est morte et sa maison est une ruine. La question de reconstruire la maison ou de vendre le terrain divise les proches de Giza. Un film rigoureux chargé de l'histoire tragique du Rwanda.
Sur des images insolites de Ouaga sous une pluie diluvienne, la capitale du Burkina habituellement aride soudain inondée, Fabien Dao a réalisé une courte et très belle fable sur le sentiment amoureux. Il Pleut sur Ouaga, titre du court métrage fiction, est un beau sujet, plein d'humour (denrée très fréquente au Burkina Faso) : le jeune et élégant Alpha se prépare à rejoindre sa bien-aimée en France. Il fait la fête (d'adieu) et le hasard le met sur le chemin de Leîla. Leîla dont les traits dominants sont la beauté, la chevelure flamboyante, la forte personnalité. Du coup, Alpha est trés confus et ne sait plus quoi faire...
Sur un tout autre registre du cinéma africain, deux films sur la guerre, la lutte pour l'alternance, la colère et le désespoir du peuple : Kinshasa Makambo de Dieudo Hamadi (RDC) et The Mercy Of The Jungle de Joel Karekezi (Rwanda). Kinshasa Makambo est un film de reportage. Les images très fortes des manifestations contre Kabila dominent l'écran. Détermination, courage, fureur du peuple : le film restitue tout cela dans un montage simple et efficace.
Tourné dans la jungle du Kivu au Congo, une jungle extrêmement vaste, impénétrable, hostile, le film rwandais ne dément pas l'horreur de la guerre dans cette contrée depuis des décennies. Une guerre de fous, singulièrement atroce où on brûle des villages, tuent hommes, femmes, enfants, bêtes. On sort de la projection anéanti. Avant Namur, The Mercy Of The Jungle figurait au programme du festival de Toronto.
Azzedine Mabrouki
correspondant Africiné Magazine, Alger
pour Images Francophones
Crédit image : DR