Première édition du Festival du film d'El Gouna (Egypte)
Au bord de la Mer rouge, des films et un carrefour pour s'élancer vers l'humanité, vers l'avenir. Le Palmarès 2017 complet. Raoul Peck primé.
El Gouna, paisible oasis sur la Mer rouge où souffle un vent fort dont le sable ocre retombe partout sur les êtres et les choses, torride le jour, supportable la nuit quand tout le monde dort, a vécu une semaine très agitée au gré des projections des films de son premier festival (22-29 septembre) et des défilés incessants sur le tapis rouge de stars venues du Caire, toutes imbues de leur supposé talent et même de leur propre existence, battant la semelle et cherchant micros, caméras et flashes qui crépitent. En Egypte, ce n'est plus un secret : chaque hypothétique (nouveau) festival, s'il veut réussir, doit d'abord trouver un tapis rouge pour l'amour des stars, espèce qui n'est pas rarissime sur les rives du Nil.
Le Festival du Film d'El Gouna 2017 a pourtant pris les devants et invité d'éminents réalisateurs : Oliver Stone et bien d'autres. Deux films de Stone ont fait l'évènement : The Putin Interviews et Snowden. The Putin Interviews, quatre épisodes de 50 minutes, montre un président russe très à l'aise, judoka talentueux et qui possède un discernement rare des choses du monde, faisant devant Oliver Stone un tableau complet, rigoureux cohérant de ce qui se passe en Russie et ailleurs. Au moment où l'Amérique de Trump parait faire naufrage de toutes parts. Sans idées, sans principes respectables. Les interviews du Kremlin désamorcent aussi totalement les malveillances des médias hostiles à Moscou. Poutine décide de détruire tout le stock des armes chimiques russes. Trump cherche querelle partout, tout le temps, le monde entier s'étrangle d'épouvante en voyant ce qui se passe à la Maison Blanche.
Au terme de son long et saisissant portrait de l'homme de la NASA qui est passé à l'acte et dit les secrets des déroutantes affaires d'écoute, Oliver Stone est retourné à Moscou où Edward Snowden réside désormais. Il lui fallait une image du vrai personnage, pour qui les spectateurs de son film éprouvent déjà un fort attachement. Bonne audience comme il fallait s'y attendre pour ces deux films américains. Oliver Stone a pris une bonne longueur d'avance dans le domaine du cinéma politique. Sans rivalité sur ce terrain, ou peut être Ken Loach quand il tournait au Nicaragua.
Bonne audience aussi pour le film de Raoul Peck, Je ne suis pas votre nègre (I am not your Negro). James Baldwin avait écrit 30 pages de ses mémoires quand la mort l'a surpris. Raoul Peck a pris en compte ces feuillets. Baldwin souffrait de la disparition de ses amis : Malcom X, Melgar Evers et Martin Luther King, tous les trois porteurs des espoirs de leur communauté ont péri assassinés. La voix forte de James Baldwin domine l'écran, mais en Amérique rien ne lui faisait signe, personne parmi les Blancs ne lui répondait. Le désert absolu. Le film est dans le palmarès : il a obtenu l'Étoile d'Or d'El Gouna (El Gouna Gold Star), en Compétition Longs métrages Documentaires.
El Gouna Film Festival 2017 a encaissé bravement le choc d'un beau film africain. Tourné à Kinshasa, capitale de la RDC, où la musique est une passion. Et le chaos aussi. Félicité, long métrage fiction d'Alain Gomis (Sénégal) montre une ville comme un univers au bout du rouleau, anéantie, comme menacée d'un désastre immédiat. Une ville touchée mais toujours vivante. Car c'est la nuit que Kinshasa entre en transes. C'est Félicité (Véro Beya Mputo), sa belle voix, son stupéfiant entrain musical qui sème la frénésie et fait durer la fête.
Mais Félicité est une mère qui souffre, son fils est à l'hôpital, elle ne peut payer les soins. A peine levée, Félicité court à travers la ville pour crier à l'aide. Nulle part comme à Kinshasa on ne ressent la douleur d'une mère. Félicité est rejetée partout, où va-t-elle que va-t-elle faire ? Le film d'Alain Gomis est traversé de cris, de musique, de rythmes bouleversants. Son travail respire le talent.
La présence algérienne au Festival du Film d'El Gouna 2017 s'est limitée à Lyès Salem, membre du jury et au film documentaire d'un jeune cinéaste de Bab El Oued : Des moutons et des hommes de Karim Sayed qui venait du festival de Bejaia.
Le festival a été créé par Naguib Sawiris et Samih Sawiris, deux des trois frères d'une fratrie égyptienne multimilliardaire ayant contribué à faire d'El Gouna un lieu de villégiature réputé. Ils disposent de près de 30 hôtels et résidences de luxe ici dans cette ville de la Mer rouge et d'autres. Le festival ne propose pas seulement des projections, il mise déjà sur le soutien aux cinéastes. Avant même sa tenue, El Gouna s'est fait connaître en finançant un prix à l'atelier Final cut in Venice de la Mostra de Venise 2017 (30 août - 09 sept). C'est la Marocaine Leïla Kilani qui a reçu le Prix CINEGOUNA / El Gouna Film Festival, d'un montant de 5 000€, pour son second long métrage Indivision (Joint Possession).
Le thème de cette première édition à El Gouna est "Du Cinéma pour de l'Humanité". Si les projections sont au cœur du festival, l'évènement cinématographique mise aussi sur les cinéastes émergents. Il promeut la plateforme CineGouna, une pépinière créative et un carrefour de production afin de soutenir les talents égyptiens et du cinéma arabe.
Les Prix 2017
Compétition Longs métrages fictions
Jury composé de Sarah Johnson (Productrice, USA, Présidente du Jury) Mark Adams (Directeur Artistique et Critique de cinéma, Royaume-Uni), Lyes Salem (Acteur et Réalisateur, Algérie); David D'Arcy (Journaliste et Critique de cinéma, Royaume-Uni) et Ossama Fawzi (Réalisateur, Egypte).
* El Gouna Gold Star du Meilleur Long métrage fiction : SCARY MOTHER, de Ana Urushadze (Géorgie)
* El Gouna Silver Star du Meilleur Long métrage fiction : THE INSULT, de Ziad Doueri (Liban).
* El Gouna Bronze Star du Meilleur Long métrage fiction: ARRHYTHMIA de Boris Khlebnikov (Russie).
* El Gouna Star du Meilleur Long métrage fiction arabe : PHOTOCOPY de Tamer Ashry, Egypte
* El Gouna Star du Meilleur Acteur: Daniel Gimenez Cacho, pour le film ZAMA de Lucrecia Martel, Argentine
* El Gouna Star de la Meilleure Actrice : Nadia Kounda, pour le film VOLUBILIS de Faouzi Bensaidi, Maroc.
Compétition Longs métrages Documentaires
Jury : Deborah Young (Journaliste, Critique de cinéma et Scénariste, USA, Présidente de Jury); Sitora Alieva (Programmatrice, Russie); Tamer Karawan (Compositeur, Egypte); Subniv Babuta (Diffuseur, Documentariste, Ecrivain, United Kingdom) et Sean McAllister (Réalisateur, Royaume-Uni).
* El Gouna Gold Star : I AM NOT YOUR NEGRO de Raoul Peck, Haiti / USA / France
* El Gouna Silver Star: BRIMSTONE & GLORY de Viktor Jakovleski
* El Gouna Bronze Star : MRS. FANG de Wang Bing, Chine
* El Gouna Star du Meilleur Long métrage documentaire arabe: I HAVE A PICTURE: FILM NUMBER 1001 IN THE LIFE OF THE OLDEST EXTRA IN THE WORLD, de Mohamed Zedan, Egypte
* Prix Mentor Arabia du Meilleur documentaire : SOUFRA, de Thomas Morgan
* Prix du Public : SOUFRA, de Thomas Morgan
Compétition Courts métrages
Jury composé de Nelly Karim (Actrice, Egypte, Jury President), Najwa Najjar (Réalisatrice, Palestine); Ali Mostafa (Réalisateur, Emirats-Arabes Unis), Anissa Daoud (Productrice et Actrice, Tunisie) et Nina Rodriguez (Programmatrice, Mexique)
* El Gouna Gold Star: NIGHTSHADE (NACHTSCHADE) de Shady El-Hamus, Pays-Bas.
* El Gouna Silver Star: MERRY-GO-ROUND (LALAY-BALALAY), de Ruslan Bratov, Russie
* El Gouna Bronze Star ; MAMA BOBO coréalisé par Robin Luc Andelfinger et Ibrahima Seydi, France-Belgique-Sénégal.
* El Gouna Star du Meilleur Court métrage fiction arabe : PUNCHLINE, de Christophe M. Saber, Suisse / Egypte
* Prix Film Factory du Meilleur Court métrage : BAGHDAD PHOTOGRAPHER, de Majd Hameed, Irak
Azzedine MABROUKI
Correspondance spéciale
Alger, Africiné Magazine
pour Images Francophones
Image : Scène du film I AM NOT YOUR NEGRO de Raoul Peck, Haiti / USA.
Crédit : Velvet Film
Le Festival du Film d'El Gouna 2017 a pourtant pris les devants et invité d'éminents réalisateurs : Oliver Stone et bien d'autres. Deux films de Stone ont fait l'évènement : The Putin Interviews et Snowden. The Putin Interviews, quatre épisodes de 50 minutes, montre un président russe très à l'aise, judoka talentueux et qui possède un discernement rare des choses du monde, faisant devant Oliver Stone un tableau complet, rigoureux cohérant de ce qui se passe en Russie et ailleurs. Au moment où l'Amérique de Trump parait faire naufrage de toutes parts. Sans idées, sans principes respectables. Les interviews du Kremlin désamorcent aussi totalement les malveillances des médias hostiles à Moscou. Poutine décide de détruire tout le stock des armes chimiques russes. Trump cherche querelle partout, tout le temps, le monde entier s'étrangle d'épouvante en voyant ce qui se passe à la Maison Blanche.
Au terme de son long et saisissant portrait de l'homme de la NASA qui est passé à l'acte et dit les secrets des déroutantes affaires d'écoute, Oliver Stone est retourné à Moscou où Edward Snowden réside désormais. Il lui fallait une image du vrai personnage, pour qui les spectateurs de son film éprouvent déjà un fort attachement. Bonne audience comme il fallait s'y attendre pour ces deux films américains. Oliver Stone a pris une bonne longueur d'avance dans le domaine du cinéma politique. Sans rivalité sur ce terrain, ou peut être Ken Loach quand il tournait au Nicaragua.
Bonne audience aussi pour le film de Raoul Peck, Je ne suis pas votre nègre (I am not your Negro). James Baldwin avait écrit 30 pages de ses mémoires quand la mort l'a surpris. Raoul Peck a pris en compte ces feuillets. Baldwin souffrait de la disparition de ses amis : Malcom X, Melgar Evers et Martin Luther King, tous les trois porteurs des espoirs de leur communauté ont péri assassinés. La voix forte de James Baldwin domine l'écran, mais en Amérique rien ne lui faisait signe, personne parmi les Blancs ne lui répondait. Le désert absolu. Le film est dans le palmarès : il a obtenu l'Étoile d'Or d'El Gouna (El Gouna Gold Star), en Compétition Longs métrages Documentaires.
El Gouna Film Festival 2017 a encaissé bravement le choc d'un beau film africain. Tourné à Kinshasa, capitale de la RDC, où la musique est une passion. Et le chaos aussi. Félicité, long métrage fiction d'Alain Gomis (Sénégal) montre une ville comme un univers au bout du rouleau, anéantie, comme menacée d'un désastre immédiat. Une ville touchée mais toujours vivante. Car c'est la nuit que Kinshasa entre en transes. C'est Félicité (Véro Beya Mputo), sa belle voix, son stupéfiant entrain musical qui sème la frénésie et fait durer la fête.
Mais Félicité est une mère qui souffre, son fils est à l'hôpital, elle ne peut payer les soins. A peine levée, Félicité court à travers la ville pour crier à l'aide. Nulle part comme à Kinshasa on ne ressent la douleur d'une mère. Félicité est rejetée partout, où va-t-elle que va-t-elle faire ? Le film d'Alain Gomis est traversé de cris, de musique, de rythmes bouleversants. Son travail respire le talent.
La présence algérienne au Festival du Film d'El Gouna 2017 s'est limitée à Lyès Salem, membre du jury et au film documentaire d'un jeune cinéaste de Bab El Oued : Des moutons et des hommes de Karim Sayed qui venait du festival de Bejaia.
Le festival a été créé par Naguib Sawiris et Samih Sawiris, deux des trois frères d'une fratrie égyptienne multimilliardaire ayant contribué à faire d'El Gouna un lieu de villégiature réputé. Ils disposent de près de 30 hôtels et résidences de luxe ici dans cette ville de la Mer rouge et d'autres. Le festival ne propose pas seulement des projections, il mise déjà sur le soutien aux cinéastes. Avant même sa tenue, El Gouna s'est fait connaître en finançant un prix à l'atelier Final cut in Venice de la Mostra de Venise 2017 (30 août - 09 sept). C'est la Marocaine Leïla Kilani qui a reçu le Prix CINEGOUNA / El Gouna Film Festival, d'un montant de 5 000€, pour son second long métrage Indivision (Joint Possession).
Le thème de cette première édition à El Gouna est "Du Cinéma pour de l'Humanité". Si les projections sont au cœur du festival, l'évènement cinématographique mise aussi sur les cinéastes émergents. Il promeut la plateforme CineGouna, une pépinière créative et un carrefour de production afin de soutenir les talents égyptiens et du cinéma arabe.
Les Prix 2017
Compétition Longs métrages fictions
Jury composé de Sarah Johnson (Productrice, USA, Présidente du Jury) Mark Adams (Directeur Artistique et Critique de cinéma, Royaume-Uni), Lyes Salem (Acteur et Réalisateur, Algérie); David D'Arcy (Journaliste et Critique de cinéma, Royaume-Uni) et Ossama Fawzi (Réalisateur, Egypte).
* El Gouna Gold Star du Meilleur Long métrage fiction : SCARY MOTHER, de Ana Urushadze (Géorgie)
* El Gouna Silver Star du Meilleur Long métrage fiction : THE INSULT, de Ziad Doueri (Liban).
* El Gouna Bronze Star du Meilleur Long métrage fiction: ARRHYTHMIA de Boris Khlebnikov (Russie).
* El Gouna Star du Meilleur Long métrage fiction arabe : PHOTOCOPY de Tamer Ashry, Egypte
* El Gouna Star du Meilleur Acteur: Daniel Gimenez Cacho, pour le film ZAMA de Lucrecia Martel, Argentine
* El Gouna Star de la Meilleure Actrice : Nadia Kounda, pour le film VOLUBILIS de Faouzi Bensaidi, Maroc.
Compétition Longs métrages Documentaires
Jury : Deborah Young (Journaliste, Critique de cinéma et Scénariste, USA, Présidente de Jury); Sitora Alieva (Programmatrice, Russie); Tamer Karawan (Compositeur, Egypte); Subniv Babuta (Diffuseur, Documentariste, Ecrivain, United Kingdom) et Sean McAllister (Réalisateur, Royaume-Uni).
* El Gouna Gold Star : I AM NOT YOUR NEGRO de Raoul Peck, Haiti / USA / France
* El Gouna Silver Star: BRIMSTONE & GLORY de Viktor Jakovleski
* El Gouna Bronze Star : MRS. FANG de Wang Bing, Chine
* El Gouna Star du Meilleur Long métrage documentaire arabe: I HAVE A PICTURE: FILM NUMBER 1001 IN THE LIFE OF THE OLDEST EXTRA IN THE WORLD, de Mohamed Zedan, Egypte
* Prix Mentor Arabia du Meilleur documentaire : SOUFRA, de Thomas Morgan
* Prix du Public : SOUFRA, de Thomas Morgan
Compétition Courts métrages
Jury composé de Nelly Karim (Actrice, Egypte, Jury President), Najwa Najjar (Réalisatrice, Palestine); Ali Mostafa (Réalisateur, Emirats-Arabes Unis), Anissa Daoud (Productrice et Actrice, Tunisie) et Nina Rodriguez (Programmatrice, Mexique)
* El Gouna Gold Star: NIGHTSHADE (NACHTSCHADE) de Shady El-Hamus, Pays-Bas.
* El Gouna Silver Star: MERRY-GO-ROUND (LALAY-BALALAY), de Ruslan Bratov, Russie
* El Gouna Bronze Star ; MAMA BOBO coréalisé par Robin Luc Andelfinger et Ibrahima Seydi, France-Belgique-Sénégal.
* El Gouna Star du Meilleur Court métrage fiction arabe : PUNCHLINE, de Christophe M. Saber, Suisse / Egypte
* Prix Film Factory du Meilleur Court métrage : BAGHDAD PHOTOGRAPHER, de Majd Hameed, Irak
Azzedine MABROUKI
Correspondance spéciale
Alger, Africiné Magazine
pour Images Francophones
Image : Scène du film I AM NOT YOUR NEGRO de Raoul Peck, Haiti / USA.
Crédit : Velvet Film