Pierre BARROT : 12 ans à fond(s) pour la Francophonie
Infatigable serviteur des filières audiovisuelles francophones, Pierre Barrot a pris sa retraite de l'OIF le 31 octobre 2023. Irremplaçable, il laisse assurément un grand vide mais aussi un bel historique et des acquis durables à bien des niveaux.
Journaliste formé à la grande école de Lille, Pierre Barrot aura passé la plus grande partie de sa carrière professionnelle en Afrique, ou en relation avec l’Afrique. S’il a rejoint le réseau culturel français dans les années 2000, d’abord comme attaché audiovisuel à Lagos (il écrira le premier livre de référence sur le phénomène Nollywood) puis comme attaché culturel en Algérie (il contribuera à la signature d’ un important traité de coproduction et coopération audiovisuelle, le premier du genre), c’est la quinzaine d’années passées auparavant comme journaliste, réalisateur de documentaires, puis producteur de programmes audiovisuels au Bénin et au Burkina Faso qui auront marqué et son parcours et ses méthodes de travail. Ayant lui-même connu les risques et les angoisses financières qui sont le lot quotidien des sociétés de production, il a toujours considéré comme toute première priorité l’attention au terrain et la rapidité de mise en œuvre des activités et des contrats.
Dès son arrivée à l’OIF en 2011, il s’est attaqué à la dématérialisation des archives audiovisuelles, car le loyer du stock de bobines et cassettes pesait sur le budget qu’il était appelé à gérer. En négociant avec la Bibliothèque nationale de France la numérisation des quelques 1500 titres soutenus par l’OIF, il a sécurisé de façon pérenne un patrimoine souvent précairement conservé par les créateurs eux-mêmes, et aussi libéré des budgets qu’il a dirigés vers les professionnels, notamment avec des appuis à la distribution et à la participation aux marchés.
L’année suivante, il généralise le traitement électronique des candidatures, qui représentaient des dizaines de milliers de pages de scénario et des milliers d’euros de frais d’envoi pour les producteurs situés hors d’Europe. Le site imagesfrancophones.org est devenu un outil de liaison avec les professionnels qui a démocratisé l’accès aux aides de l’OIF.
Le financement de la production est au cœur de la mission du pôle-film de l’OIF et Pierre Barrot y a consacré l’essentiel de ses efforts, dans deux directions : l’équilibrage entre pays et catégories d’œuvres, la recherche de nouveaux financements.
Au fil des années il a apporté plusieurs ajustements au fonctionnement du Fonds Image de la Francophonie afin de mieux répondre aux contraintes des producteurs, tels que le passage d’un à deux appels à projets par an ou la création des aides au développement réservées aux pays moins bien pourvus en aides et formations locales (pays d’Afrique subsaharienne, Caraïbe, Pacifique). Dans le Pacifique, justement, il s’est évertué à encourager les producteurs à postuler au fonds, ce qui a conduit au premier financement d’un documentaire, de niveau international, sur l’indépendance du Vanuatu.
En bon producteur, Barrot a rapidement tenté le recours aux financements extérieurs, en convaincant l’OIF de répondre à des appels à projets. Après un premier financement de 500 000 € décroché fin 2013 (programme « Capital numérique »), le mouvement s’est accéléré à partir de 2019 et, sur les quatre années écoulées, 7 millions d’euros ont été obtenus si l’on additionne les contrats de financement européen (Clap ACP 1&2) et les contributions volontaires d’Etats membres de l’OIF (nouveau Fonds Francophonie TV5MONDEplus, créé en 2021). Ces budgets supplémentaires ont permis d’augmenter considérablement l’impact financier de l’OIF, mais aussi l’autonomie en la matière de ses Etats membres. En 2023, le projet Clap ACP a soutenu plusieurs pays dans la création ou le renforcement de leurs propres outils de financement (Côte d’Ivoire, Rwanda, Ghana, Togo…).
S’il est toujours délicat de lier une action individuelle à un résultat d’ensemble, on peut sans aucun doute considérer que l’énergie déployée par Pierre Barrot aura au moins accompagné, avec passion et toujours beaucoup de bienveillance, la nette amélioration de la qualité et de la circulation des productions africaines francophones observée ces 10 dernières années, en témoigne leur présence accrue sur les plateformes, dans les salles et sur les télévisions africaines, ou au palmarès des grands festivals.
Modernisation, diversité, financement accru : mission accomplie, merci Pierre Barrot !
Pierre Barrot est arrivé au terme de son contrat avec l’OIF, qui n’a pu être renouvelé. Début novembre 2023, il a rejoint la Cour nationale du droit d’asile, où il avait travaillé entre 2008 et 2011. Les personnes souhaitant garder le contact avec lui (et qui n’auraient pas Linkedin) sont invitées à écrire en ce sens à ses anciens collègues Aicha.Bahri@francophonie.org et Enrico.Chiesa@francophonie.org, qui transmettront volontiers.