Lussas 2012 : Jean-Marie Barbe et son équipe présentent « Docmonde »
La structure remplace Ardèches Images. Docmonde s'appuie sur un réseau de diffusion des films, Lumières du monde, ainsi que sur Docnet, un distributeur.
Le réseau Africadoc fête ses dix ans. 60 films donc beaucoup de premiers films, un tissu d'auteurs-réalisateurs et producteurs dans différents pays africains, des liens de coproductions avec la France. On découvre chaque été ces films à Lussas. Cette année, le réseau s'élargit : Jean-Marie Barbe annonce la création de Docmonde.
Qu’est-ce que le réseau Docmonde et quel est son esprit ?
Jean-Marie Barbe et les membres de son équipe présentent le projet Docmonde, une structure créée en 2012, qui vient remplacer Ardèches Images. Elle s’accompagne d’un réseau de diffusion des films, Lumières du monde, ainsi qu’un distributeur, Docnet. Pour le fondateur des Etats Généraux du documentaire ainsi que du réseau Africadoc : « Nous considérons le documentaire de création comme un enjeu politique, face à la mondialisation. Trop de peuples ne produisent pas d’images sur eux-mêmes ». Africadoc va bientôt fêter ses dix ans et peut se targuer d’un catalogue d’une soixantaine de films (la plupart, des premiers films). Le réseau mis en place se revendique de l’héritage du cinéaste de l’avant-garde russe Medvedkine, qui sillonnait la Russie d’après la révolution, avec son « ciné-train », afin d’aller à la rencontre des peuples et de faire du cinéma avec et pour eux. « Instruire le monde par le documentaire ! C’est une conviction. Poétique aussi bien que politique. C’est utopique, certes, d’aucuns peuvent en rire. Mais cela donne un sens à la vie ! ». Aujourd’hui, fort de ses acquis, ainsi que des contacts internationaux tissés et entretenus depuis des décennies par le festival de Lussas, le réseau s’élargit vers d’autres zones géographiques que l’Afrique : il s’agit de l’Océan Indien et l’Eurasie.
Résultats et projets concrets
L’ambition est de favoriser un tissu d’auteurs-réalisateurs et de producteurs indépendants dans le domaine du documentaire de création sur les quatre continents. Concrètement, il s’agira de formations (résidences d’artistes, développement de projets) et rencontres de coproduction (les fameux « tënk »), suivis de la mise en place de coproductions « équitables » entre un producteur du sud et un producteur du nord (40/60). Cette année, 16 films sont mis en route par Docmonde en zone Eurasie, une dizaine dans l’Océan Indien et 20 en Afrique.
Selon Dominique Olier, responsable du réseau Africadoc (Maroc, Mauritanie, Sénégal, Bénin, Togo, Niger, Guinée Conakry, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Cameroun, Burkina Faso, Burundi, Congo, RDC, Afrique du Sud...), trois à cinq résidences d’écriture ont lieu en Afrique chaque année, dans des pays francophones surtout.
L’échange est favorisé et le désir d’une structure panafricaine reste présent. « Je trouve dommage qu’il n’y ait pas un village comme Lussas en Afrique ! ». Celle qui fait cette remarque est une productrice gabonaise : Nadine Otsobogo (Djobusy Productions). Elle participe à Centraldoc (en Afrique centrale), même si elle se dit encore « en observation », car craignant le « formatage ».
Les formateurs européens laissent de plus en plus la place à des formateurs africains (comme Sellou Diallo ou Gora Seck, réalisateurs sénégalais, proches d’Africadoc). Des pays comme le Soudan, l’Egypte, le Rwanda, sont en passe de rejoindre le réseau. Le partenariat avec le Maroc est renforcé, ainsi qu’avec la Tunisie et l’Algérie. L’un des combats d’Africadoc est de tenter de convaincre peu à peu les Etats de mettre en place des comptes de soutien à la production documentaire, comme c’est le cas en France.
Eurasiadoc (Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirkhizstan, Mongolie, Russie), le petit frère d’Africadoc, est donc né en novembre 2011 (résidences d’écriture et mise en place de filières de formation dans les écoles et universités, rencontres tënk). Selon Charlotte Urbain, les fonds de soutien existent dans les différents pays, mais sont mal gérés, corrompus. Une nouvelle génération de cinéastes est en train d’émerger, demandeuse de coproductions avec l’Europe. « Quel bonheur de voir des Azéris, des Russes, des Arméniens boire un verre de vodka ensemble au tënk, alors qu’ils ne se parlaient plus ».
Eva Lova, la responsable de Doc OI (Océan Indien : Madagascar, Maurice, La Réunion, les Seychelles, les Comores) constate aussi « un engouement pour le cinéma qui est nouveau à Madagascar ». Le lien avec les festivals se met aussi progressivement en place partout. Le producteur Dominique Garing (Vie des Hauts production) explique : « Entre Africadoc et Docmonde, c’est la même « recette de base », avec des variantes, des mentalités différentes, une autre histoire. Par exemple, dans les anciennes républiques russes, ce sont des Etats qui existent depuis une vingtaine d’années seulement. Dans l’océan indien, on est face à des insulaires, avec des cultures parfois repliées sur elles-mêmes. De toute façon, un film n’est jamais comme un autre film. En outre, en Asie, il y a le barrage de la langue. Partout, sauf exceptions, on parle anglais. »
Partenaires et perspectives de Docmonde
Comme pour Africadoc, en termes de diffuseurs (permettant d’accéder au COSIP du CNC), on retrouve TV Rennes 35, mais aussi de nouvelles chaînes locales partenaires, comme Lyon capitale tv ou Cinaps tv. La région Rhône-Alpes est un important appui au dispositif, depuis le début. L’OIF, le MAEE et l’Institut Français sont aujourd’hui présents sur les trois réseaux. Docnet vient également de déposer une demande de fonds ACP pour promouvoir les rencontres Tënk. D’autres partenaires institutionnels ou privés sur place sont présents, mais sans apporter de financement (par exemple, l’Art council of Mongolia ou Asa Sary Pro à Madagascar)... Comme l’explique Jean-Marie Barbe, « L’Europe finance aux deux-tiers. Il est parfois difficile de trouver l’argent complémentaire. »
Docnet est une structure qui se charge de faire circuler les œuvres en librairies, écoles, médiathèques. Mille Centres Culturels Français sont en lien avec le réseau, avec l’appui de l'Institut français. Des liens existent aussi avec les CNA. Docnet tentera également de transposer ce modèle à l’Océan Indien et à l’Eurasie. Une étude est en cours pour la mise en place d’un site de VOD avec les œuvres liées au réseau. Un tel réseau payant permettrait de proposer une banque de films documentaires dans le cadre d’une économie payante. Quelques télévisions africaines, notamment privées, se disent déjà prêtes à jouer le jeu.
La sélection Afrique de Lussas est-elle devenue la vitrine d’Africadoc et bientôt de Docmonde ?
La génération des documentaristes africains confirmés est absente cette année. Moussa Touré, Jean-Marie Teno, Idrissou Mora-Kpaï ou encore Khady Sylla, Osvalde Lewat … ne sont pas à Lussas. La sélection Afrique est signée Jean-Marie Barbe, qui affirme : « c’est ma subjectivité - mais argumentée ». Il explique que l’an dernier huit films Africadoc ont été montrés, occupant toute la programmation. Il fallait soutenir le travail effectué. Mais cette année, il se sent moins le besoin d’être « volontariste » : « les films sont bien ! J’ai donc choisi quatre films Africadoc et quatre films qui ne l’étaient pas. » Il rappelle que l’on ne dispose que d’une journée de programme accordée à l’Afrique. Quant aux œuvres qui émergeront de Docmonde... elles trouveront aussi un lieu d’expression à Lussas, bien sûr !
Caroline Pochon / Clap Noir
Photo : Jean-Marie Barbe (chapeau, en bout de table) avec son équipe, face aux professionnels, en conférence de press. Crédit photo: Mary Tarantola.
Lire: Les raisins de la colère - et moi
http://www.clapnoir.org/spip.php?article867
Qu’est-ce que le réseau Docmonde et quel est son esprit ?
Jean-Marie Barbe et les membres de son équipe présentent le projet Docmonde, une structure créée en 2012, qui vient remplacer Ardèches Images. Elle s’accompagne d’un réseau de diffusion des films, Lumières du monde, ainsi qu’un distributeur, Docnet. Pour le fondateur des Etats Généraux du documentaire ainsi que du réseau Africadoc : « Nous considérons le documentaire de création comme un enjeu politique, face à la mondialisation. Trop de peuples ne produisent pas d’images sur eux-mêmes ». Africadoc va bientôt fêter ses dix ans et peut se targuer d’un catalogue d’une soixantaine de films (la plupart, des premiers films). Le réseau mis en place se revendique de l’héritage du cinéaste de l’avant-garde russe Medvedkine, qui sillonnait la Russie d’après la révolution, avec son « ciné-train », afin d’aller à la rencontre des peuples et de faire du cinéma avec et pour eux. « Instruire le monde par le documentaire ! C’est une conviction. Poétique aussi bien que politique. C’est utopique, certes, d’aucuns peuvent en rire. Mais cela donne un sens à la vie ! ». Aujourd’hui, fort de ses acquis, ainsi que des contacts internationaux tissés et entretenus depuis des décennies par le festival de Lussas, le réseau s’élargit vers d’autres zones géographiques que l’Afrique : il s’agit de l’Océan Indien et l’Eurasie.
Résultats et projets concrets
L’ambition est de favoriser un tissu d’auteurs-réalisateurs et de producteurs indépendants dans le domaine du documentaire de création sur les quatre continents. Concrètement, il s’agira de formations (résidences d’artistes, développement de projets) et rencontres de coproduction (les fameux « tënk »), suivis de la mise en place de coproductions « équitables » entre un producteur du sud et un producteur du nord (40/60). Cette année, 16 films sont mis en route par Docmonde en zone Eurasie, une dizaine dans l’Océan Indien et 20 en Afrique.
Selon Dominique Olier, responsable du réseau Africadoc (Maroc, Mauritanie, Sénégal, Bénin, Togo, Niger, Guinée Conakry, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Cameroun, Burkina Faso, Burundi, Congo, RDC, Afrique du Sud...), trois à cinq résidences d’écriture ont lieu en Afrique chaque année, dans des pays francophones surtout.
L’échange est favorisé et le désir d’une structure panafricaine reste présent. « Je trouve dommage qu’il n’y ait pas un village comme Lussas en Afrique ! ». Celle qui fait cette remarque est une productrice gabonaise : Nadine Otsobogo (Djobusy Productions). Elle participe à Centraldoc (en Afrique centrale), même si elle se dit encore « en observation », car craignant le « formatage ».
Les formateurs européens laissent de plus en plus la place à des formateurs africains (comme Sellou Diallo ou Gora Seck, réalisateurs sénégalais, proches d’Africadoc). Des pays comme le Soudan, l’Egypte, le Rwanda, sont en passe de rejoindre le réseau. Le partenariat avec le Maroc est renforcé, ainsi qu’avec la Tunisie et l’Algérie. L’un des combats d’Africadoc est de tenter de convaincre peu à peu les Etats de mettre en place des comptes de soutien à la production documentaire, comme c’est le cas en France.
Eurasiadoc (Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirkhizstan, Mongolie, Russie), le petit frère d’Africadoc, est donc né en novembre 2011 (résidences d’écriture et mise en place de filières de formation dans les écoles et universités, rencontres tënk). Selon Charlotte Urbain, les fonds de soutien existent dans les différents pays, mais sont mal gérés, corrompus. Une nouvelle génération de cinéastes est en train d’émerger, demandeuse de coproductions avec l’Europe. « Quel bonheur de voir des Azéris, des Russes, des Arméniens boire un verre de vodka ensemble au tënk, alors qu’ils ne se parlaient plus ».
Eva Lova, la responsable de Doc OI (Océan Indien : Madagascar, Maurice, La Réunion, les Seychelles, les Comores) constate aussi « un engouement pour le cinéma qui est nouveau à Madagascar ». Le lien avec les festivals se met aussi progressivement en place partout. Le producteur Dominique Garing (Vie des Hauts production) explique : « Entre Africadoc et Docmonde, c’est la même « recette de base », avec des variantes, des mentalités différentes, une autre histoire. Par exemple, dans les anciennes républiques russes, ce sont des Etats qui existent depuis une vingtaine d’années seulement. Dans l’océan indien, on est face à des insulaires, avec des cultures parfois repliées sur elles-mêmes. De toute façon, un film n’est jamais comme un autre film. En outre, en Asie, il y a le barrage de la langue. Partout, sauf exceptions, on parle anglais. »
Partenaires et perspectives de Docmonde
Comme pour Africadoc, en termes de diffuseurs (permettant d’accéder au COSIP du CNC), on retrouve TV Rennes 35, mais aussi de nouvelles chaînes locales partenaires, comme Lyon capitale tv ou Cinaps tv. La région Rhône-Alpes est un important appui au dispositif, depuis le début. L’OIF, le MAEE et l’Institut Français sont aujourd’hui présents sur les trois réseaux. Docnet vient également de déposer une demande de fonds ACP pour promouvoir les rencontres Tënk. D’autres partenaires institutionnels ou privés sur place sont présents, mais sans apporter de financement (par exemple, l’Art council of Mongolia ou Asa Sary Pro à Madagascar)... Comme l’explique Jean-Marie Barbe, « L’Europe finance aux deux-tiers. Il est parfois difficile de trouver l’argent complémentaire. »
Docnet est une structure qui se charge de faire circuler les œuvres en librairies, écoles, médiathèques. Mille Centres Culturels Français sont en lien avec le réseau, avec l’appui de l'Institut français. Des liens existent aussi avec les CNA. Docnet tentera également de transposer ce modèle à l’Océan Indien et à l’Eurasie. Une étude est en cours pour la mise en place d’un site de VOD avec les œuvres liées au réseau. Un tel réseau payant permettrait de proposer une banque de films documentaires dans le cadre d’une économie payante. Quelques télévisions africaines, notamment privées, se disent déjà prêtes à jouer le jeu.
La sélection Afrique de Lussas est-elle devenue la vitrine d’Africadoc et bientôt de Docmonde ?
La génération des documentaristes africains confirmés est absente cette année. Moussa Touré, Jean-Marie Teno, Idrissou Mora-Kpaï ou encore Khady Sylla, Osvalde Lewat … ne sont pas à Lussas. La sélection Afrique est signée Jean-Marie Barbe, qui affirme : « c’est ma subjectivité - mais argumentée ». Il explique que l’an dernier huit films Africadoc ont été montrés, occupant toute la programmation. Il fallait soutenir le travail effectué. Mais cette année, il se sent moins le besoin d’être « volontariste » : « les films sont bien ! J’ai donc choisi quatre films Africadoc et quatre films qui ne l’étaient pas. » Il rappelle que l’on ne dispose que d’une journée de programme accordée à l’Afrique. Quant aux œuvres qui émergeront de Docmonde... elles trouveront aussi un lieu d’expression à Lussas, bien sûr !
Caroline Pochon / Clap Noir
Photo : Jean-Marie Barbe (chapeau, en bout de table) avec son équipe, face aux professionnels, en conférence de press. Crédit photo: Mary Tarantola.
Lire: Les raisins de la colère - et moi
http://www.clapnoir.org/spip.php?article867