Lumières d'Afrique 2015 : "L'Oeil du Cyclone" de Sékou Traoré à nouveau primé
15è édition du festival de films africains à Besançon, ville natale de Victor Hugo et des frères Lumière.
L'Œil du Cyclone du Burkinabé Sékou Traoré est le coup de cœur du public de Besançon tandis que le jury jeune récompense la Tunisie avec À peine j'ouvre les yeux de Leyla Bouzid. Bla Cinima de Lamine Ammar-Khodja (Algérie) fait l'unanimité dans le jury du Documentaire. Vues sur la 15ème édition du Festival Lumières d'Afrique qui s'est déroulée du 7 au 15 novembre 2015 à Besançon.
Voilà 15 années qu'un festival de films africains bat son plein dans la ville de Besançon dans la région du Franche-Comté, cette même ville où sont nés il y a de cela un siècle et demi les frères Auguste et Louis Lumière qui vont révolutionner les techniques du cinéma. Même si l'essentiel de leur carrière cinématographique démarre à Lyon, c'est à la place baptisée depuis Place Victor-Hugo que tout a commencé. Un lieu enclavé dans la fameuse boucle qui dessine les contours du centre-ville par une muraille délimitée par la rivière Doubs tout autour.
Bien avant les frères Lumière, un des écrivains français les plus illustres Victor Hugo y naît dans la Grande Rue, connue comme étant l'une des premières rues commerçantes de la cité. Non loin de sa maison natale, une place lui sera dédiée ainsi que des statues dont celle installée sur la place des Droits de l'Homme sculptée par le Sénégalais Ousmane Sow qui répondait là alors à une commande à l'occasion de la "Journée du refus de l'exclusion et de la misère" en 2002. Il sera également l'auteur dix ans plus tard du magistral " L'Homme et l'Enfant " qui campe le nouveau Monument aux Morts de Besançon dans le parc des Glacis.
Ce sont assez d'éléments et matières réunis ici, pour insuffler les initiateurs de la manifestation dont Gérard Marion, directeur général du festival Lumières d'Afrique.
À Lumières d'Afrique, la priorité n'est pas de réunir des professionnels et cinéphiles purs et durs afin d'échanger longuement autour de débats mais plutôt d'atteindre les Bisontins et cinéphiles de la région. Davantage dans un esprit de découverte que dans un esprit critique, les festivaliers vivent une véritable expérience en voyageant grâce aux images venues de loin pour la plus part. Ici, on regarde les films sans connaissances particulière et presque sans jugements ni à priori sur le contexte social ou politique du pays. " On vit tout simplement le cinéma ", nous confie une festivalière à la sortie d'une séance. En effet, les spectateurs bisontins s'approprient ces images projetées sur les écrans du petit Kursaal ou du cinéma Victor Hugo. Pour preuve, ces œuvres sont vues, revues et jugées par des programmateurs et jurés, de tout horizon, liés de près (ou parfois de loin) avec le cinéma.
Aux côtés du jury des Documentaires, un jury Jeune composé de lycéens et apprentis au cinéma, et un jury Signis (de l'association mondiale catholique) qui décerne un prix qui promouvoir un message de paix, à l'image des prix œcuméniques attribués dans de nombreux festivals de films internationaux. Et enfin, il y a un jury de la Diaspora Africaine de Besançon, composé de personnes originaires du continent, qui consacre le prix du meilleur court métrage fiction. " C'est tout aussi beau et important pour un cinéaste que son film soit plutôt vu de cette façon-là que toujours par des pros de l'industrie et des critiques pointus ", a soulevé le cinéaste marocain Hassan Legzouli, présentant son film Le Veau d'or qui a bénéficié d'un soutien de l'OIF comme L'œil du cyclone, lauréat 2015 du Public. Le premier est une comédie et le second un drame.
Hassan Legzouli nous plonge en 1999 avec Sami, jeune franco-marocain de 17 ans, envoyé chez son cousin Azadade au Maroc par son père, qui souhaite ainsi le punir de ses mauvaises actions. Sami lui n'a qu'une idée en tête : revenir en France avant sa majorité et retrouver Mélanie, sa fiancée. Il décide de voler l'un des boeufs du roi Hassan II, entrainant son cousin sur les routes du Maroc avec à leur poursuite, deux policiers zélés… (Lire Le veau d'or. Un larcin de poids, critique de Michel Amarger, magazine Africiné)
Pour sa 15ème édition, le Festival Lumières d'Afrique 2015 a vu les choses en grand : voir ou revoir les 5 derniers "coups de cœur du public", dont Timbuktu (en avant-première lors du dernier festival, et qui a eu le Grand prix du Festival de Durban puis 7 césars ainsi qu'une nomination aux oscars entre autres), découvrir l'intégralité des 114 premiers films Lumière, accompagnés par l'institut Lumière de Lyon (à l'occasion du 120° anniversaire de la projection du premier film par les frères Lumière : "Sortie des usines Lumière", tourné le 19 mars 1895, et projeté publiquement en décembre de la même année, au Salon indien de l'hôtel Scribe, situé sur le boulevard des Capucines à Paris).
Le jeune public est au centre de la programmation, avec la section "Afri-Mômes". La compétition des longs métrages de fiction était constituée de 10 films inédits dont pour la première fois un film éthiopien, Price of love (Le Prix de l'amour) de la réalisatrice Hermon Hailay : elle a reçu le Prix du Jury Signis. Pour les courts métrages de fiction, le Prix du jury de la diaspora africaine de Besançon a été décerné à Kwaku, du Ghanéen Anthony Nti qui raconte l'histoire de Kwaku, un jeune garçon de huit ans vivant avec sa grand-mère, Nana, dans un petit village du Ghana. C'est lui qui fait tout dans la maison car Nana a mal à la jambe. Un jour, Kwaku met au point une combine pour lui acheter un cadeau qu'il rêve de lui faire depuis longtemps. Mais est-il prêt à tout ? Pour rappel, le Ghana fait partie de l'OIF.
Par ailleurs, le jury de la diaspora africaine de Besançon a accordé une Mention spéciale à la comédie La maison mauve de Sélim Gribâa qui revient sur les soubresauts de la révolution tunisienne avec Hsan (Taoufik Bahri), 50 ans, au chômage qui se voit proposer un drôle de marché afin de pouvoir travailler.
Le jury jeunes a donné son Prix est allé au premier long métrage de la Tunisienne Leyla Bouzid : À peine j'ouvre les yeux, qui sort sur les écrans en France le 23 décembre 2015. Le film suit Farah (Baya Medhaffar), âgée de 18 ans ; elle a tout juste le baccalauréat et sa famille voit déjà en elle une future docteure. Mais elle n'a pas la même idée. Elle chante dans un orchestre, elle a une passion pour la vie, s'enivre, découvre l'amour et sa ville la nuit contre la volonté de sa mère, Hayet, qui connait la Tunisie autant que les dangers que le pays couvre (l'action se déroule à Tunis, durant l'été 2010, quelques mois avant la Révolution cataclysmique).
Labellisé dans le cadre du mois du documentaire et partenaire du Maghreb des films (Paris), le Festival de Besançon a primé un film algérien dans sa section documentaire : Bla Cinima (Sans Cinéma), de Lamine Ammar-Khodja (Algérie). Dans son long métrage documentaire, sur la placette en face du cinéma fraîchement rénové Sierra Maestra, le cinéaste se mêle aux gens du quartier de Meissonier, dans le centre d'Alger centre, pour parler avec eux de cinéma. Attentif à ce qu'ils peuvent lui raconter de leur vécu, il se laisse très vite porter par les rencontres spontanées et les situations improvisées. Le film dresse un portrait vivant de la ville et propose en filigrane une réflexion sur la place du cinéma en Algérie.
Outre des expositions et de la littérature (avec la présence d'auteurs locaux venant du grand continent), un hommage appuyé était prévu au programme : le grand acteur égyptien Omar Sharif a rendu l'âme le 10 juillet 2015. Il était permis au public de le retrouver à travers deux films marquants, dont Hassan et Morkos (de Rami Imam, 2008, Égypte, avec Adel Imam, Lebleba, Mohammad Dawoud, Mohamed Imam), qui avait gagné à Besançon.
Le festival Lumières d'Afrique a été créé en 1996, il se veut attentif à accompagner les nouveaux réalisateurs issus du continent africain et faire la part belle est faite aux premières œuvres, continuant aussi l'esprit des frères Lumières pour la découverte et l'audace.
Palmarès Lumières d'Afrique 2015
Long métrages fiction
Coup de cœur du Public de Besançon" :
L'œil du cyclone de Sékou Traoré (Burkina Faso)
Prix du "jury jeunes" :
A peine j'ouvre les yeux, de Leyla Bouzid (Tunisie)
Prix du Jury Signis :
Le prix de l'amour, de Hermon Hailay (Ethiopie)
Courts métrages de fiction
Prix du jury de la diaspora africaine de Besançon :
Kwaku, de Anthony Ntu (Ghana)
Mention spéciale : La Maison mauve de Selim Gribâa (Tunisie)
Documentaires
Grand prix Eden pour les documentaires :
Bla Cinima (Sans cinéma), de Lamine Ammar-Khodja (Algérie)
Prix spécial 15° anniversaire :
La forêt sacrée, de Camille Sarret
Prix du public :
Rwanda du chaos au miracle, de Sonia Rolland
Mention spéciale du jury Signis :
Tsika Jiaby, de Laurent Pancaccini
Djia Mambu,
Envoyée spéciale à Besançon, novembre 2015,
Correspondante à Bruxelles du magazine Africiné (Dakar)
en collaboration avec Thierno I. Dia (Correspondant à Bordeaux)
pour Images Francophones
Image : Scène du court métrage Kwaku réalisé par le Ghanéen Anthony Nti.
Crédit : DR
Voilà 15 années qu'un festival de films africains bat son plein dans la ville de Besançon dans la région du Franche-Comté, cette même ville où sont nés il y a de cela un siècle et demi les frères Auguste et Louis Lumière qui vont révolutionner les techniques du cinéma. Même si l'essentiel de leur carrière cinématographique démarre à Lyon, c'est à la place baptisée depuis Place Victor-Hugo que tout a commencé. Un lieu enclavé dans la fameuse boucle qui dessine les contours du centre-ville par une muraille délimitée par la rivière Doubs tout autour.
Bien avant les frères Lumière, un des écrivains français les plus illustres Victor Hugo y naît dans la Grande Rue, connue comme étant l'une des premières rues commerçantes de la cité. Non loin de sa maison natale, une place lui sera dédiée ainsi que des statues dont celle installée sur la place des Droits de l'Homme sculptée par le Sénégalais Ousmane Sow qui répondait là alors à une commande à l'occasion de la "Journée du refus de l'exclusion et de la misère" en 2002. Il sera également l'auteur dix ans plus tard du magistral " L'Homme et l'Enfant " qui campe le nouveau Monument aux Morts de Besançon dans le parc des Glacis.
Ce sont assez d'éléments et matières réunis ici, pour insuffler les initiateurs de la manifestation dont Gérard Marion, directeur général du festival Lumières d'Afrique.
À Lumières d'Afrique, la priorité n'est pas de réunir des professionnels et cinéphiles purs et durs afin d'échanger longuement autour de débats mais plutôt d'atteindre les Bisontins et cinéphiles de la région. Davantage dans un esprit de découverte que dans un esprit critique, les festivaliers vivent une véritable expérience en voyageant grâce aux images venues de loin pour la plus part. Ici, on regarde les films sans connaissances particulière et presque sans jugements ni à priori sur le contexte social ou politique du pays. " On vit tout simplement le cinéma ", nous confie une festivalière à la sortie d'une séance. En effet, les spectateurs bisontins s'approprient ces images projetées sur les écrans du petit Kursaal ou du cinéma Victor Hugo. Pour preuve, ces œuvres sont vues, revues et jugées par des programmateurs et jurés, de tout horizon, liés de près (ou parfois de loin) avec le cinéma.
Aux côtés du jury des Documentaires, un jury Jeune composé de lycéens et apprentis au cinéma, et un jury Signis (de l'association mondiale catholique) qui décerne un prix qui promouvoir un message de paix, à l'image des prix œcuméniques attribués dans de nombreux festivals de films internationaux. Et enfin, il y a un jury de la Diaspora Africaine de Besançon, composé de personnes originaires du continent, qui consacre le prix du meilleur court métrage fiction. " C'est tout aussi beau et important pour un cinéaste que son film soit plutôt vu de cette façon-là que toujours par des pros de l'industrie et des critiques pointus ", a soulevé le cinéaste marocain Hassan Legzouli, présentant son film Le Veau d'or qui a bénéficié d'un soutien de l'OIF comme L'œil du cyclone, lauréat 2015 du Public. Le premier est une comédie et le second un drame.
Hassan Legzouli nous plonge en 1999 avec Sami, jeune franco-marocain de 17 ans, envoyé chez son cousin Azadade au Maroc par son père, qui souhaite ainsi le punir de ses mauvaises actions. Sami lui n'a qu'une idée en tête : revenir en France avant sa majorité et retrouver Mélanie, sa fiancée. Il décide de voler l'un des boeufs du roi Hassan II, entrainant son cousin sur les routes du Maroc avec à leur poursuite, deux policiers zélés… (Lire Le veau d'or. Un larcin de poids, critique de Michel Amarger, magazine Africiné)
Pour sa 15ème édition, le Festival Lumières d'Afrique 2015 a vu les choses en grand : voir ou revoir les 5 derniers "coups de cœur du public", dont Timbuktu (en avant-première lors du dernier festival, et qui a eu le Grand prix du Festival de Durban puis 7 césars ainsi qu'une nomination aux oscars entre autres), découvrir l'intégralité des 114 premiers films Lumière, accompagnés par l'institut Lumière de Lyon (à l'occasion du 120° anniversaire de la projection du premier film par les frères Lumière : "Sortie des usines Lumière", tourné le 19 mars 1895, et projeté publiquement en décembre de la même année, au Salon indien de l'hôtel Scribe, situé sur le boulevard des Capucines à Paris).
Le jeune public est au centre de la programmation, avec la section "Afri-Mômes". La compétition des longs métrages de fiction était constituée de 10 films inédits dont pour la première fois un film éthiopien, Price of love (Le Prix de l'amour) de la réalisatrice Hermon Hailay : elle a reçu le Prix du Jury Signis. Pour les courts métrages de fiction, le Prix du jury de la diaspora africaine de Besançon a été décerné à Kwaku, du Ghanéen Anthony Nti qui raconte l'histoire de Kwaku, un jeune garçon de huit ans vivant avec sa grand-mère, Nana, dans un petit village du Ghana. C'est lui qui fait tout dans la maison car Nana a mal à la jambe. Un jour, Kwaku met au point une combine pour lui acheter un cadeau qu'il rêve de lui faire depuis longtemps. Mais est-il prêt à tout ? Pour rappel, le Ghana fait partie de l'OIF.
Par ailleurs, le jury de la diaspora africaine de Besançon a accordé une Mention spéciale à la comédie La maison mauve de Sélim Gribâa qui revient sur les soubresauts de la révolution tunisienne avec Hsan (Taoufik Bahri), 50 ans, au chômage qui se voit proposer un drôle de marché afin de pouvoir travailler.
Le jury jeunes a donné son Prix est allé au premier long métrage de la Tunisienne Leyla Bouzid : À peine j'ouvre les yeux, qui sort sur les écrans en France le 23 décembre 2015. Le film suit Farah (Baya Medhaffar), âgée de 18 ans ; elle a tout juste le baccalauréat et sa famille voit déjà en elle une future docteure. Mais elle n'a pas la même idée. Elle chante dans un orchestre, elle a une passion pour la vie, s'enivre, découvre l'amour et sa ville la nuit contre la volonté de sa mère, Hayet, qui connait la Tunisie autant que les dangers que le pays couvre (l'action se déroule à Tunis, durant l'été 2010, quelques mois avant la Révolution cataclysmique).
Labellisé dans le cadre du mois du documentaire et partenaire du Maghreb des films (Paris), le Festival de Besançon a primé un film algérien dans sa section documentaire : Bla Cinima (Sans Cinéma), de Lamine Ammar-Khodja (Algérie). Dans son long métrage documentaire, sur la placette en face du cinéma fraîchement rénové Sierra Maestra, le cinéaste se mêle aux gens du quartier de Meissonier, dans le centre d'Alger centre, pour parler avec eux de cinéma. Attentif à ce qu'ils peuvent lui raconter de leur vécu, il se laisse très vite porter par les rencontres spontanées et les situations improvisées. Le film dresse un portrait vivant de la ville et propose en filigrane une réflexion sur la place du cinéma en Algérie.
Outre des expositions et de la littérature (avec la présence d'auteurs locaux venant du grand continent), un hommage appuyé était prévu au programme : le grand acteur égyptien Omar Sharif a rendu l'âme le 10 juillet 2015. Il était permis au public de le retrouver à travers deux films marquants, dont Hassan et Morkos (de Rami Imam, 2008, Égypte, avec Adel Imam, Lebleba, Mohammad Dawoud, Mohamed Imam), qui avait gagné à Besançon.
Le festival Lumières d'Afrique a été créé en 1996, il se veut attentif à accompagner les nouveaux réalisateurs issus du continent africain et faire la part belle est faite aux premières œuvres, continuant aussi l'esprit des frères Lumières pour la découverte et l'audace.
Palmarès Lumières d'Afrique 2015
Long métrages fiction
Coup de cœur du Public de Besançon" :
L'œil du cyclone de Sékou Traoré (Burkina Faso)
Prix du "jury jeunes" :
A peine j'ouvre les yeux, de Leyla Bouzid (Tunisie)
Prix du Jury Signis :
Le prix de l'amour, de Hermon Hailay (Ethiopie)
Courts métrages de fiction
Prix du jury de la diaspora africaine de Besançon :
Kwaku, de Anthony Ntu (Ghana)
Mention spéciale : La Maison mauve de Selim Gribâa (Tunisie)
Documentaires
Grand prix Eden pour les documentaires :
Bla Cinima (Sans cinéma), de Lamine Ammar-Khodja (Algérie)
Prix spécial 15° anniversaire :
La forêt sacrée, de Camille Sarret
Prix du public :
Rwanda du chaos au miracle, de Sonia Rolland
Mention spéciale du jury Signis :
Tsika Jiaby, de Laurent Pancaccini
Djia Mambu,
Envoyée spéciale à Besançon, novembre 2015,
Correspondante à Bruxelles du magazine Africiné (Dakar)
en collaboration avec Thierno I. Dia (Correspondant à Bordeaux)
pour Images Francophones
Image : Scène du court métrage Kwaku réalisé par le Ghanéen Anthony Nti.
Crédit : DR