Les Sud-Africains à la conquête d’Amsterdam et au-delà
Organisation institutionnelle du cinéma : l’exemple du pays de Nelson Mandela. Un tour d'horizon avec Terrence Khumalo (NFVF) et Marc Schwinges (DFASA).
L’Afrique du Sud est en train de réaliser en moins de deux décennies ce que les autres pays Africains n’ont pas su faire en plus de 50 ans. Il n’y a qu’à voir les participations dans les festivals internationaux. Les films sud-africains ne cessent de remporter des prix dans les festivals les plus importants. Il n’y a aucun secret à cela sinon une volonté politique qui a parié sans hésitation sur l’audiovisuel en le dotant des instruments nécessaires pour l’organisation du secteur et en créant des conditions favorables à la dynamique de production. Le reste n’est qu’une suite naturelle.
Au moment où les regards des professionnels du cinéma africain sont tournés vers les JCC (Tunis) où se déroule le festival le plus ancien sur le continent noir, une délégation sud-africaine a atterri à Amsterdam (Pays-Bas) pour prendre part à IDFA (14 > 25 novembre), probablement la manifestation la plus importante au monde dédiée au documentaire. L’Afrique du Sud ferait donc cavalier seul ? Est-ce un choix d’ignorer le reste du continent pour profiter seul de ce que le monde pourrait offrir et donc être le premier à se servir ? Est-ce une nécessité pour ne pas sombrer dans la léthargie de ceux qui sont privés de volonté ?
Participation exceptionnelle
À la 25ème édition de l’IDFA, plusieurs documentaires sud-africains sont à voir dans différentes sections. Dans la section spéciale « Pourquoi la pauvreté (Why poverty) » deux titres défendent le drapeau sud-africain ; Miseducation de Nadine Cloete et Education, Educationn de Weijun Chen (une coproduction Chine/Afrique du Sud). Ces deux films font parti d’un projet global de documentaires ayant comme sujet la pauvreté. Le projet comporte huit longs métrages commandés à des réalisateurs confirmés et 30 autres courts métrages destiné à faire de la place aux jeunes talents émergents.
Dans la compétition des films d’école, Félix Seuffert présente son documentaire North Nolloth : Between a Rock and a Hard Place. Le jeune réalisateur décrit, non pas sans nostalgie, le climat inhospitalier de la région de Port Nolloth qui était pendant longtemps une plaque tournante dans le commerce des diamants.
One day after Peace des Israéliens Erez Laufer et Miri Laufer est présenté en tant que coproduction israélo-sud-africaine dans la section « Reflecting Images, Best of Fest ». Le film raconte le parcours d’une Israélienne d’origine sud-africaine qui a émigré en Israël en 1967. Elle revient en son pays d’origine après la fin de l’Apartheid à la recherche d’un rêve de paix entre les peuples. Elle essaye de voir si la Commission Vérité et Réconciliation, établie par Nelson Mandela en 1996, pourrait servir modèle pour un projet de paix entre les Palestiniens et les Israéliens au Moyen Orient.
Ceci est l’Afrique du Sud. Qu’en est-il de l’Afrique tout court ? Pour trouver les quelques titres venant des autres pays africains, il faut une loupe. Le Franco-Algérien Damien Ounouri présente Fidaï dans la section « Reflecting Images » et au Paradcos. La Néerlandaise d’origine tunisienne Olfa ben Ali présente son court métrage et installation vidéo N’être. Le premier raconte le parcours d’un combattant algérien engagé par le FLN pendant les années cinquante dans la guerre de libération ; le second revient sur la vie dans la banlieue de la ville de Toulouse.
Il y a également le film Land Rush coréalisé par la Camerounaise Osvalde Lewat et l'Américain Hugo Berkeley sur une exploitation sucrière au Mali, ainsi que Hamou Beya, pêcheurs de sable (Sand Fishers) du Malien Samouté Audrey Diarra qui filme des Bozos (pécheurs spécialisés reconvertis dans le sable) et quant à Karima Zoubir (Maroc), avec son film Camera/Woman elle portraiture Khadija divorcée quui défie sa famille en travaillant comme camérawoman dans les mariages.
Le reste des images africaines présentées au festival sont le produit de regards extérieurs portés par des réalisateurs étrangers sur des problématiques africaines. De ce point de vue la présence particulière cette année de l’Afrique du Sud vient porter espoir que le continent a la possibilité de se représenter par ses propres moyens et que le statut d’objet de regard n’est pas une fatalité.
L'IDFA est le lieu de développer des projets, à ce titre Djo Munga (Congo RDC), Hawa Essuman (Kenya) et Safinez Bousbia (Algérie/Ecosse) figurent au nombre des invités.
Co-production
C’est vraiment avec un esprit de conquête qu’une délégation officielle de 20 professionnels (entre réalisateurs, producteurs et représentants d’institutions) a fait le déplacement depuis Johannesburg. Une quinzaine d’autres personnes a aussi fait le déplacement dans le cadre de différentes formes de participations individuelles. Ceci fait de la délégation sud-africaine la délégation la plus importante en termes de nombre dans cette 25ème édition anniversaire d’IDFA.
Cette opération est menée par deux structures : la National Film and Video Foundation (NFVF) et la toute jeune Association des Documentaristes Sud-Africains. Au programme, il y a un stand au Doc for Sale, au marché du documentaire, là où il faut être lorsqu’on a des choses à vendre. Onze titres sont proposés officiellement à la vente.
Au programme aussi, il y a eu une table ronde sur les différents instruments législatifs et sources et formes de financements en Afrique du Sud. Terrence Khumalo, au nom de la NFVF, a passé en revue les accords cadres que le pays a jusqu’à maintenant conclus avec différents pays comme la Grande Bretagne, l’Allemagne, la France, le Canada, la Nouvelle Zélande, l’Australie, etc. Il a aussi rappelé qu’actuellement les négociations sont en cours avec les institutions hollandaises, notamment avec le Dutch Film Fund, pour conclure le même type d’accord.
Parmi les exemples de coopération bilatérale, citons celle ayant réuni le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC, France) et la National Film and Video Foundation (NFVF) d'Afrique du sud. Les deux institutions ont organisé en juillet 2012 un atelier de coproduction franco-sud-africain. L’atelier s’est tenu dans le cadre du Durban International Film Festival (DIFF). Le CNC avait lancé un appel en mai pour sélectionner quatre projets d'initiative française, avec prise en charge du déplacement de deux personnes (producteur-réalisateur) par projet, du 18 au 22 juillet 2012.
Quant à Marc Schwinges, producteur et figure centrale de l’Association des Documentaristes Sud-Africains (DFASA, plus de 150 membres), il a présenté un témoignage sur le potentiel concret de production et coproduction pour le documentaire. Il s’est appuyé sur des expériences réelles pour mettre en valeur les différentes promesses susceptibles d’encourager des producteurs européens à aller à la rencontre de leurs collègues du pays arc-en-ciel. Il a en l’occurrence mis l’accent sur le rôle que son association joue comme facilitateur administratif, en tant que cadre pour les dialogues entre les professionnels et aussi plateforme pour la promotion des projets de coproduction.
Et l’Afrique ?
À la question des rapports avec le reste du continent, le porte-parole de la NFVF a reconnu le potentiel réduit en termes de collaboration entre Africains. Il n’a pas manqué cependant de mentionner toutefois qu’un mémorandum d’accord est signé avec l’Algérie dans l’espoir d’aboutir à un moment ultérieur à un accord de coproduction en bonne et due forme. Des discussions sont aussi entamées avec d’autres pays comme le Kenya et le Nigéria. Tout ceci est le début et ceci témoigne des efforts que la fondation fait pour construire un réseau d’accords avec les différents partenaires, ce qui ne peut que bénéficier à tous. L’on comprend par contre la difficulté particulière que ce genre de stratégie rencontre dès qu’il s’agit de pays Africains où les institutions cinématographiques sont encore à bâtir.
Par ailleurs, M. Khumalo a mis l’accent sur le rôle de locomotive que joue son pays grâce à des festivals comme celui de Cape Town et celui de Durban. Il y a également le boom que connait le secteur de l’audiovisuel à Johannesburg. Tout cela profite à beaucoup de professionnels africains et notamment des pays de la région comme la Namibie, le Rwanda pour ne citer que deux noms. Plusieurs projets dans les pays frontaliers sont en effet soutenus par des structures sud-africaines.
Plus encore, l’Afrique du Sud prétend jouer un rôle de plaque tournante entre le continent africain et le reste du monde. C’est dans ce sens que le projet African Eyes est lancé. Il s’agit d’une initiative regroupant des réalisateurs sud-africains, des professionnels d’autres pays africains et des organisations africaines. Le projet consiste en la production d’une série de documentaires dont l’objectif est de démontrer que les documentaristes africains transcendent les frontières nationales pour faire de l’Afrique un continent innovant et porté sur l’avenir et montrer que le monde entier peut apprendre des techniques africaines, de ses traditions, de ses visions et de ses valeurs.
Consultant technique, Marc Schwinges (Underdog Productions) est très actif au sein de Mokolo (www.mokolo.net) dont le siège est établi à Lagos, Nigéria, avec une fondation présidée par le cinéaste nigérian Tunde Kilani (la réalisatrice kenyane Wanuri Kahui préside le Conseil d’Administration). Soutenu par le Goethe Institut, s’appuyant sur Africiné (Dakar), AfricaFilms.tv (Dakar), EssentialAfrica (Adis Abéba), The International Film and Broadcast Academy (Lagos) et d’autres structures africaines, Mokolo agrège des Européens, majoritairement Allemands dont Bärbel Mauch Film (Berlin), XMLab (Saarbrück), PixelChiefs (Berlin), le FCAT (Cordoue), pour ne citer que quelques partenaires autant africains qu’européens.
Mokolo connecte les professionnels africains entre eux (Mokolo Connect) et permet également de s’informer/discuter, acheter (vidéos à la demande, sur plusieurs plateformes, forums de discussion) des films africains (Mokolo Distrib). La version alpha du site internet ainsi que le document de stratégie ont été publiés lors du Festival International de Durban 2011. C’est une autre facette de la place de l’Afrique du Sud vis-à-vis du continent.
À l’occasion du 25ème IDFA, se tient également la deuxième rencontre du réseau African Eyes sous l’égide du Fonds hollandais des Médias, avec la participation des différents intervenants et partenaires. L’idée est aussi d’informer les acteurs les plus influents au monde en termes de diffusion des documentaires, de production, de distribution et de marché. Parmi les partenaires officiels du projet on nommera Hot Docs et son fonds Blue Ice Fund. Ce festival, prévu en mai 2013, est désigné comme premier rendez-vous du groupe pour finaliser le premier tour de sélection des projets de films.
Donc au moment où l’Afrique du Sud est en train de traduire sa stratégie de coproduction en projets concrets dans un cadre de structures institutionnalisées, le reste des professionnels du continent continue de faire dans l’improvisation. L’Afrique du Sud, avec ses instruments institutionnels, tout comme le Maroc avec son centre cinématographique, vient encore démontrer que le mal du cinéma africain n’est autre que l’absence d’une volonté politique qui se résignerait à investir dans des structures viables.
Or, ceci était le fond de l’appel des pionniers du cinéma africain depuis les années soixante. En ce temps là, l’Afrique du Sud sombrait sous le poids de l’Apartheid. Lorsque ses forces créatrices se sont libérées pendant les années 90, il fallait bien que cela profite aussi au cinéma. À ce moment ci, c’est le reste du continent africain qui a sombré dans des débâcles de toutes sortes empêchant les énergies créatrices de s’exprimer.
par Hassouna Mansouri
Africiné – Amsterdam / Novembre 2012
Le site de la réalisatrice Olfa Ben Ali : www.olfabenali.com
Crédit Photo : Hassouna Mansouri.
Au moment où les regards des professionnels du cinéma africain sont tournés vers les JCC (Tunis) où se déroule le festival le plus ancien sur le continent noir, une délégation sud-africaine a atterri à Amsterdam (Pays-Bas) pour prendre part à IDFA (14 > 25 novembre), probablement la manifestation la plus importante au monde dédiée au documentaire. L’Afrique du Sud ferait donc cavalier seul ? Est-ce un choix d’ignorer le reste du continent pour profiter seul de ce que le monde pourrait offrir et donc être le premier à se servir ? Est-ce une nécessité pour ne pas sombrer dans la léthargie de ceux qui sont privés de volonté ?
Participation exceptionnelle
À la 25ème édition de l’IDFA, plusieurs documentaires sud-africains sont à voir dans différentes sections. Dans la section spéciale « Pourquoi la pauvreté (Why poverty) » deux titres défendent le drapeau sud-africain ; Miseducation de Nadine Cloete et Education, Educationn de Weijun Chen (une coproduction Chine/Afrique du Sud). Ces deux films font parti d’un projet global de documentaires ayant comme sujet la pauvreté. Le projet comporte huit longs métrages commandés à des réalisateurs confirmés et 30 autres courts métrages destiné à faire de la place aux jeunes talents émergents.
Dans la compétition des films d’école, Félix Seuffert présente son documentaire North Nolloth : Between a Rock and a Hard Place. Le jeune réalisateur décrit, non pas sans nostalgie, le climat inhospitalier de la région de Port Nolloth qui était pendant longtemps une plaque tournante dans le commerce des diamants.
One day after Peace des Israéliens Erez Laufer et Miri Laufer est présenté en tant que coproduction israélo-sud-africaine dans la section « Reflecting Images, Best of Fest ». Le film raconte le parcours d’une Israélienne d’origine sud-africaine qui a émigré en Israël en 1967. Elle revient en son pays d’origine après la fin de l’Apartheid à la recherche d’un rêve de paix entre les peuples. Elle essaye de voir si la Commission Vérité et Réconciliation, établie par Nelson Mandela en 1996, pourrait servir modèle pour un projet de paix entre les Palestiniens et les Israéliens au Moyen Orient.
Ceci est l’Afrique du Sud. Qu’en est-il de l’Afrique tout court ? Pour trouver les quelques titres venant des autres pays africains, il faut une loupe. Le Franco-Algérien Damien Ounouri présente Fidaï dans la section « Reflecting Images » et au Paradcos. La Néerlandaise d’origine tunisienne Olfa ben Ali présente son court métrage et installation vidéo N’être. Le premier raconte le parcours d’un combattant algérien engagé par le FLN pendant les années cinquante dans la guerre de libération ; le second revient sur la vie dans la banlieue de la ville de Toulouse.
Il y a également le film Land Rush coréalisé par la Camerounaise Osvalde Lewat et l'Américain Hugo Berkeley sur une exploitation sucrière au Mali, ainsi que Hamou Beya, pêcheurs de sable (Sand Fishers) du Malien Samouté Audrey Diarra qui filme des Bozos (pécheurs spécialisés reconvertis dans le sable) et quant à Karima Zoubir (Maroc), avec son film Camera/Woman elle portraiture Khadija divorcée quui défie sa famille en travaillant comme camérawoman dans les mariages.
Le reste des images africaines présentées au festival sont le produit de regards extérieurs portés par des réalisateurs étrangers sur des problématiques africaines. De ce point de vue la présence particulière cette année de l’Afrique du Sud vient porter espoir que le continent a la possibilité de se représenter par ses propres moyens et que le statut d’objet de regard n’est pas une fatalité.
L'IDFA est le lieu de développer des projets, à ce titre Djo Munga (Congo RDC), Hawa Essuman (Kenya) et Safinez Bousbia (Algérie/Ecosse) figurent au nombre des invités.
Co-production
C’est vraiment avec un esprit de conquête qu’une délégation officielle de 20 professionnels (entre réalisateurs, producteurs et représentants d’institutions) a fait le déplacement depuis Johannesburg. Une quinzaine d’autres personnes a aussi fait le déplacement dans le cadre de différentes formes de participations individuelles. Ceci fait de la délégation sud-africaine la délégation la plus importante en termes de nombre dans cette 25ème édition anniversaire d’IDFA.
Cette opération est menée par deux structures : la National Film and Video Foundation (NFVF) et la toute jeune Association des Documentaristes Sud-Africains. Au programme, il y a un stand au Doc for Sale, au marché du documentaire, là où il faut être lorsqu’on a des choses à vendre. Onze titres sont proposés officiellement à la vente.
Au programme aussi, il y a eu une table ronde sur les différents instruments législatifs et sources et formes de financements en Afrique du Sud. Terrence Khumalo, au nom de la NFVF, a passé en revue les accords cadres que le pays a jusqu’à maintenant conclus avec différents pays comme la Grande Bretagne, l’Allemagne, la France, le Canada, la Nouvelle Zélande, l’Australie, etc. Il a aussi rappelé qu’actuellement les négociations sont en cours avec les institutions hollandaises, notamment avec le Dutch Film Fund, pour conclure le même type d’accord.
Parmi les exemples de coopération bilatérale, citons celle ayant réuni le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC, France) et la National Film and Video Foundation (NFVF) d'Afrique du sud. Les deux institutions ont organisé en juillet 2012 un atelier de coproduction franco-sud-africain. L’atelier s’est tenu dans le cadre du Durban International Film Festival (DIFF). Le CNC avait lancé un appel en mai pour sélectionner quatre projets d'initiative française, avec prise en charge du déplacement de deux personnes (producteur-réalisateur) par projet, du 18 au 22 juillet 2012.
Quant à Marc Schwinges, producteur et figure centrale de l’Association des Documentaristes Sud-Africains (DFASA, plus de 150 membres), il a présenté un témoignage sur le potentiel concret de production et coproduction pour le documentaire. Il s’est appuyé sur des expériences réelles pour mettre en valeur les différentes promesses susceptibles d’encourager des producteurs européens à aller à la rencontre de leurs collègues du pays arc-en-ciel. Il a en l’occurrence mis l’accent sur le rôle que son association joue comme facilitateur administratif, en tant que cadre pour les dialogues entre les professionnels et aussi plateforme pour la promotion des projets de coproduction.
Et l’Afrique ?
À la question des rapports avec le reste du continent, le porte-parole de la NFVF a reconnu le potentiel réduit en termes de collaboration entre Africains. Il n’a pas manqué cependant de mentionner toutefois qu’un mémorandum d’accord est signé avec l’Algérie dans l’espoir d’aboutir à un moment ultérieur à un accord de coproduction en bonne et due forme. Des discussions sont aussi entamées avec d’autres pays comme le Kenya et le Nigéria. Tout ceci est le début et ceci témoigne des efforts que la fondation fait pour construire un réseau d’accords avec les différents partenaires, ce qui ne peut que bénéficier à tous. L’on comprend par contre la difficulté particulière que ce genre de stratégie rencontre dès qu’il s’agit de pays Africains où les institutions cinématographiques sont encore à bâtir.
Par ailleurs, M. Khumalo a mis l’accent sur le rôle de locomotive que joue son pays grâce à des festivals comme celui de Cape Town et celui de Durban. Il y a également le boom que connait le secteur de l’audiovisuel à Johannesburg. Tout cela profite à beaucoup de professionnels africains et notamment des pays de la région comme la Namibie, le Rwanda pour ne citer que deux noms. Plusieurs projets dans les pays frontaliers sont en effet soutenus par des structures sud-africaines.
Plus encore, l’Afrique du Sud prétend jouer un rôle de plaque tournante entre le continent africain et le reste du monde. C’est dans ce sens que le projet African Eyes est lancé. Il s’agit d’une initiative regroupant des réalisateurs sud-africains, des professionnels d’autres pays africains et des organisations africaines. Le projet consiste en la production d’une série de documentaires dont l’objectif est de démontrer que les documentaristes africains transcendent les frontières nationales pour faire de l’Afrique un continent innovant et porté sur l’avenir et montrer que le monde entier peut apprendre des techniques africaines, de ses traditions, de ses visions et de ses valeurs.
Consultant technique, Marc Schwinges (Underdog Productions) est très actif au sein de Mokolo (www.mokolo.net) dont le siège est établi à Lagos, Nigéria, avec une fondation présidée par le cinéaste nigérian Tunde Kilani (la réalisatrice kenyane Wanuri Kahui préside le Conseil d’Administration). Soutenu par le Goethe Institut, s’appuyant sur Africiné (Dakar), AfricaFilms.tv (Dakar), EssentialAfrica (Adis Abéba), The International Film and Broadcast Academy (Lagos) et d’autres structures africaines, Mokolo agrège des Européens, majoritairement Allemands dont Bärbel Mauch Film (Berlin), XMLab (Saarbrück), PixelChiefs (Berlin), le FCAT (Cordoue), pour ne citer que quelques partenaires autant africains qu’européens.
Mokolo connecte les professionnels africains entre eux (Mokolo Connect) et permet également de s’informer/discuter, acheter (vidéos à la demande, sur plusieurs plateformes, forums de discussion) des films africains (Mokolo Distrib). La version alpha du site internet ainsi que le document de stratégie ont été publiés lors du Festival International de Durban 2011. C’est une autre facette de la place de l’Afrique du Sud vis-à-vis du continent.
À l’occasion du 25ème IDFA, se tient également la deuxième rencontre du réseau African Eyes sous l’égide du Fonds hollandais des Médias, avec la participation des différents intervenants et partenaires. L’idée est aussi d’informer les acteurs les plus influents au monde en termes de diffusion des documentaires, de production, de distribution et de marché. Parmi les partenaires officiels du projet on nommera Hot Docs et son fonds Blue Ice Fund. Ce festival, prévu en mai 2013, est désigné comme premier rendez-vous du groupe pour finaliser le premier tour de sélection des projets de films.
Donc au moment où l’Afrique du Sud est en train de traduire sa stratégie de coproduction en projets concrets dans un cadre de structures institutionnalisées, le reste des professionnels du continent continue de faire dans l’improvisation. L’Afrique du Sud, avec ses instruments institutionnels, tout comme le Maroc avec son centre cinématographique, vient encore démontrer que le mal du cinéma africain n’est autre que l’absence d’une volonté politique qui se résignerait à investir dans des structures viables.
Or, ceci était le fond de l’appel des pionniers du cinéma africain depuis les années soixante. En ce temps là, l’Afrique du Sud sombrait sous le poids de l’Apartheid. Lorsque ses forces créatrices se sont libérées pendant les années 90, il fallait bien que cela profite aussi au cinéma. À ce moment ci, c’est le reste du continent africain qui a sombré dans des débâcles de toutes sortes empêchant les énergies créatrices de s’exprimer.
par Hassouna Mansouri
Africiné – Amsterdam / Novembre 2012
Le site de la réalisatrice Olfa Ben Ali : www.olfabenali.com
Crédit Photo : Hassouna Mansouri.