Le Festin de séries : acte 1, Bamako
Le festival, prévu initialement en novembre 2015 et reporté en raison de l’attaque de l’hôtel Radisson, a attiré de nombreux professionnels.
Le « Festin de séries » organisé à Bamako par l’OIF du 29 février au 2 mars, en partenariat avec l’Institut français, a permis au public malien de découvrir 27 séries dont beaucoup n’ont encore été diffusées nulle part. C’est le cas notamment de la version gabonaise de « Famille, mode d’emploi », signée Samantha Biffot, qu’on retrouvera sur l’antenne de TV5Monde Afrique à partir du 2 mai 2016. Idem pour « Le génie » d’Honoré Essoh, bientôt sur TéléSud. D’autres séries présentées sont encore en cours de production, comme « Top radio » d’Alex Ogou (sur un scénario d’Honoré Essoh) ou « L’œil de la cité », série primée au Fespaco 2013 mais pas encore achevée par sa réalisatrice, Samantha Biffot.
Si le 26’ reste le format dominant en Afrique francophone, on a pu voir aussi à Bamako des programmes courts venus du Burkina Faso (« Eh les hommes, Eh les femmes ! » d’Appoline Traoré), de Côte d’Ivoire (« Missié Madame » avec la sublime Isabelle Béké et « Chez Colette » produit par les sœurs Amon, primées au Fespaco 2015 pour Chroniques africaines) ou encore du Togo (« Zem » d’Angela Aquereburu et Jean-Luc Rabatel). L’un des éléments marquants de ce mini-festival est la capacité des producteurs et des auteurs africains à explorer de nouveaux territoires, au sens propre comme au figuré. La RDC est enfin présente sur le marché des séries, avec « Mpangi’ami », première série congolaise diffusée sur TV5Monde ; la Guinée pointe son nez avec « Conakry » de Jean-Noël Bah, diffusé sur A plus. L’exploration porte aussi sur de nouvelles façons de raconter les histoires. On a pu constater avec l’émouvante « Fabiola » (série distribuée par DIFFA) que Boubakar Diallo était capable d’exceller dans la gravité et non plus seulement dans la drôlerie. La série « C’est la vie » a permis de repousser les limites de l’ambition en amenant des bailleurs de fonds du secteur de la santé à investir dans une fiction où la dénonciation de certains fléaux sociaux découle naturellement d’une histoire bien construite dont les personnages n’ont rien d’artificiel. Au-delà des récits, c’est aussi la mise en images qui ouvre de nouveaux horizons. Avec la série gabonaise « Kiara » (distribuée par Côte Ouest Audiovisuel), on se croirait au cinéma : décors soignés, image léchée, héroïnes stylées, cadrages et montage inventifs, tout comme dans « Top Radio » d’Alex Ogou ou « Rêve sans faim » d’Erico Sery (proposé par RTI Distribution). Si les scénaristes sont de plus en plus imaginatifs, si les dialogues deviennent plus percutants, c’est du côté de la réalisation que l’on observe les évolutions les plus spectaculaires. Quitte à emprunter à l’esthétique des clips pour donner une touche « moderne » à des histoires pas si nouvelles que cela.
Car, en réalité, la véritable modernité vient plus des histoires que de leur mise en images. Pour sa nouvelle série réalisée par l’homme de théâtre béninois Tola Kokoui, Florent Couao-Zotti met en scène un scientifique africain, lauréat du Prix Nobel, et se dit soulagé de sortir ainsi des éternelles « histoires de fesses ». Dans « Bamako, la ville aux trois caïmans » dont les affiches jalonnent les rues de la capitale malienne, quelques semaines après le début de sa diffusion sur TV5Monde, Aïda Mady Diallo n’hésite pas à aborder le thème de l’homosexualité masculine, parmi bien d’autres tabous.
Ce qui n’empêche pas une jeune spectatrice du « Festin de séries » de juger les séries maliennes « trop conservatrices ». Elle dit préférer les productions ivoiriennes et cite Teenagers, Class’A et Sassandra. Cheick Oumar Sissoko, secrétaire général de la FEPACI, y voit une influence pernicieuse des séries américaines conduisant à la perte des repères culturels. Marina Niava, de Côte Ouest Audiovisuel, préfère parler d’un effet de génération qui n’est pas forcément synonyme de déracinement. Selon elle, la jeunesse urbaine africaine apprécie tout simplement les programmes faits pour les jeunes. Et il est clair qu’on en trouve plus facilement parmi les productions ivoiriennes, plus ciblées et plus urbaines que les séries maliennes. Si ces dernières sont jugées « conservatrices » par la jeune spectatrice malienne, c’est peut-être parce qu’elles ont pour thème principal la famille (que ce soit dans « Dougouba Sigui » de Boubacar Sidibé, « Les concessions » écrit par Oumar Sinenta et réalisé par Ladji Diakité ou encore « Bamako, la ville aux trois caïmans »). Mais chacune de ces séries pourrait s’intituler « famille au bord de la crise de nerfs », tant les relations hommes-femmes ou parents-enfants y sont explosives.
Le « Festin de séries », qui a offert au public malien un panorama de la production africaine mais aussi européenne (France, Suisse, Belgique) et même américaine (Canada, Guadeloupe), sera de nouveau programmé à l’Institut français d’Abidjan les 31 mai et 1er juin, pendant le DISCOP (marché africain des programmes de télévision). Cette manifestation a été rendue possible par la collaboration des télévisions francophones (TV5Monde, A plus, RTBF, RTS, France Télévisions) ainsi que des distributeurs de contenus africains (Côte Ouest Audiovisuel, DIFFA et RTI Distribution) et des producteurs concernés.
Pierre Barrot (OIF)
Cliquer ici pour retrouver le programme complet du "Festin"
Photo : DR/Institut Français du Mali
Si le 26’ reste le format dominant en Afrique francophone, on a pu voir aussi à Bamako des programmes courts venus du Burkina Faso (« Eh les hommes, Eh les femmes ! » d’Appoline Traoré), de Côte d’Ivoire (« Missié Madame » avec la sublime Isabelle Béké et « Chez Colette » produit par les sœurs Amon, primées au Fespaco 2015 pour Chroniques africaines) ou encore du Togo (« Zem » d’Angela Aquereburu et Jean-Luc Rabatel). L’un des éléments marquants de ce mini-festival est la capacité des producteurs et des auteurs africains à explorer de nouveaux territoires, au sens propre comme au figuré. La RDC est enfin présente sur le marché des séries, avec « Mpangi’ami », première série congolaise diffusée sur TV5Monde ; la Guinée pointe son nez avec « Conakry » de Jean-Noël Bah, diffusé sur A plus. L’exploration porte aussi sur de nouvelles façons de raconter les histoires. On a pu constater avec l’émouvante « Fabiola » (série distribuée par DIFFA) que Boubakar Diallo était capable d’exceller dans la gravité et non plus seulement dans la drôlerie. La série « C’est la vie » a permis de repousser les limites de l’ambition en amenant des bailleurs de fonds du secteur de la santé à investir dans une fiction où la dénonciation de certains fléaux sociaux découle naturellement d’une histoire bien construite dont les personnages n’ont rien d’artificiel. Au-delà des récits, c’est aussi la mise en images qui ouvre de nouveaux horizons. Avec la série gabonaise « Kiara » (distribuée par Côte Ouest Audiovisuel), on se croirait au cinéma : décors soignés, image léchée, héroïnes stylées, cadrages et montage inventifs, tout comme dans « Top Radio » d’Alex Ogou ou « Rêve sans faim » d’Erico Sery (proposé par RTI Distribution). Si les scénaristes sont de plus en plus imaginatifs, si les dialogues deviennent plus percutants, c’est du côté de la réalisation que l’on observe les évolutions les plus spectaculaires. Quitte à emprunter à l’esthétique des clips pour donner une touche « moderne » à des histoires pas si nouvelles que cela.
Car, en réalité, la véritable modernité vient plus des histoires que de leur mise en images. Pour sa nouvelle série réalisée par l’homme de théâtre béninois Tola Kokoui, Florent Couao-Zotti met en scène un scientifique africain, lauréat du Prix Nobel, et se dit soulagé de sortir ainsi des éternelles « histoires de fesses ». Dans « Bamako, la ville aux trois caïmans » dont les affiches jalonnent les rues de la capitale malienne, quelques semaines après le début de sa diffusion sur TV5Monde, Aïda Mady Diallo n’hésite pas à aborder le thème de l’homosexualité masculine, parmi bien d’autres tabous.
Ce qui n’empêche pas une jeune spectatrice du « Festin de séries » de juger les séries maliennes « trop conservatrices ». Elle dit préférer les productions ivoiriennes et cite Teenagers, Class’A et Sassandra. Cheick Oumar Sissoko, secrétaire général de la FEPACI, y voit une influence pernicieuse des séries américaines conduisant à la perte des repères culturels. Marina Niava, de Côte Ouest Audiovisuel, préfère parler d’un effet de génération qui n’est pas forcément synonyme de déracinement. Selon elle, la jeunesse urbaine africaine apprécie tout simplement les programmes faits pour les jeunes. Et il est clair qu’on en trouve plus facilement parmi les productions ivoiriennes, plus ciblées et plus urbaines que les séries maliennes. Si ces dernières sont jugées « conservatrices » par la jeune spectatrice malienne, c’est peut-être parce qu’elles ont pour thème principal la famille (que ce soit dans « Dougouba Sigui » de Boubacar Sidibé, « Les concessions » écrit par Oumar Sinenta et réalisé par Ladji Diakité ou encore « Bamako, la ville aux trois caïmans »). Mais chacune de ces séries pourrait s’intituler « famille au bord de la crise de nerfs », tant les relations hommes-femmes ou parents-enfants y sont explosives.
Le « Festin de séries », qui a offert au public malien un panorama de la production africaine mais aussi européenne (France, Suisse, Belgique) et même américaine (Canada, Guadeloupe), sera de nouveau programmé à l’Institut français d’Abidjan les 31 mai et 1er juin, pendant le DISCOP (marché africain des programmes de télévision). Cette manifestation a été rendue possible par la collaboration des télévisions francophones (TV5Monde, A plus, RTBF, RTS, France Télévisions) ainsi que des distributeurs de contenus africains (Côte Ouest Audiovisuel, DIFFA et RTI Distribution) et des producteurs concernés.
Pierre Barrot (OIF)
Cliquer ici pour retrouver le programme complet du "Festin"
Photo : DR/Institut Français du Mali