Le FESPACO 2015 sur les rails
Rencontre avec Ardiouma Soma, Délégué Général du FESPACO
Le 24ème FESPACO, maintenu du 28 février au 7 mars 2015, à Ouagadougou, vise à dépasser les changements politiques au Burkina Faso, pour accompagner les évolutions du 7ème art africain. Son nouveau Délégué Général, Ardiouma Soma, reprend la main en s’appuyant sur sa solide expérience dans l’organisation du festival, et son implication dans l’audiovisuel au Burkina.
Le défi des responsables du FESPACO 2015 est double. Ils doivent maintenir le cap du festival, un temps remis en question par le changement de régime, en améliorant sa logistique. Ils ont aussi pour mission de rassurer les invités sur les risques du virus Ebola, confortés par le Ministre de la Culture et du Tourisme qui déclare tout danger écarté. Ces objectifs posés lors des conférences de presse, à Paris et à Bruxelles, il convient aussi d’envisager la 24ème édition comme une ouverture mesurée vers l’ère du numérique avec la présence accrue des cinéastes de la diaspora.
En intégrant dans la sélection officielle des oeuvres au format numérique, les organisateurs ont su augmenter la jauge des films proposés. Sur les 700 films reçus, le comité de sélection en a retenu 134 dont 86 sont en compétition et 48 en section non compétitive incluant le panorama. Ce choix valorise quelques œuvres connues, d’autres encore peu, écartant parfois des films attendus. La production des réalisateurs de la diaspora semble renforcée, à la fois pour les intégrer aux échanges du continent mais aussi pour combler son déficit d’images internes.
L’ouverture des sélections à de nouveaux formats, est aussi marquée par la thématique du colloque traditionnel, attaché à mesurer et à discuter les perspectives de l’audiovisuel africain « à l’ère du numérique ». Parallèlement, on annonce que le MICA, Marché International du Cinéma et de la télévision Africain, doit être plus structuré mais aussi délocalisé dans l’espace du SIAO, moins central. Les festivaliers auront ainsi plus d’occasions de sillonner Ouagadougou où le FESPACO se décline dans des lieux de plus en plus éclatés. Les déplacements des professionnels extérieurs au Burkina, seront peut-être facilités en amont grâce au nouveau partenariat noué entre le FESPACO et la compagnie aérienne Royal Air Maroc.
La tendance du FESPACO 2015 se veut donc professionnelle et efficace, à l’image de son nouveau Délégué Général. Ardiouma Soma participe au festival depuis 1989. Sa nomination à la tête de la manifestation, le 26 décembre 2014, est le point d’orgue d’un parcours de cinéphile et d’organisateur patient. Connu pour sa tempérance, il a coordonné la naissance de la Cinémathèque Africaine de Ouagadougou, assuré la direction de l’audiovisuel au Burkina, avant de se retrouver Délégué Général du Fespaco. Echanger avec lui sur l’orientation qu’il entend donner à sa fonction, c’est aussi définir l’esprit du 24ème FESPACO et les moyens dont il dispose pour accompagner l’expression du cinéma en Afrique.
Assurer la continuité du FESPACO
- Quel est le sens de votre attachement au FESPACO ?
J’ai toujours été un travailleur du FESPACO. Je ne sais vous dire ce qui m’a conduit à me retrouver Délégué Général. J’ai toujours été au FESPACO.
- Comment vous a-t-on proposé d’en assumer la direction ?
Je suis un agent public de l’Etat, un fonctionnaire comme on dit. L’État m’a mis à la disposition du FESPACO où j’ai passé 24 ans comme Délégué Artistique. À partir de 2012, l’État m’a appelé pour me confier les charges de la Direction Générale du Cinéma et de l’Audiovisuel, tout en gardant mon poste de Délégué Artistique du FESPACO. Donc, j’occupais les deux postes et on m’a demandé, en décembre 2014, de m’occuper de la gestion de ce festival comme Délégué Général. Si vous me demandez pourquoi, je ne saurai répondre car ce sont les autorités du Burkina Faso qui peuvent répondre à cette question.
- Quelles sont les impulsions que vous souhaitez donner au FESPACO alors que le festival est déjà sur des rails, si on peut dire ?
Oui, tout à fait. J’ai toujours fait partie de l’équipe du FESPACO, donc tout le travail qui a été fait jusqu’ici, je le connais. À chaque édition, on essaie de renforcer le côté professionnel et je suis partie prenante de l’équipe qui a toujours fait ce travail. Donc mon action est dans la continuité de cela.
- Il y a quand même un changement politique au Burkina Faso dont on a beaucoup parlé. Les gens se demandaient si le FESPACO allait être reporté ou pas, mais il continue… Peut-on dire pour autant que la politique du FESPACO reste la même ?
Oui. Le FESPACO est un espace dédié au cinéma et à l’audiovisuel africain où tous les deux ans, on présente cette vitrine du cinéma africain à la face du monde. Nous travaillons chaque fois, à renforcer cet espace. Je pense que les autorités politiques du Burkina Faso ont compris cet engagement qui a été pris. Si vous vous rappelez l’historique de ce festival, en 1969, ce sont des volontaires qui ont décidé de projeter des films africains pour les montrer au public.
À partir de 1972, l’État a décidé de s’engager et de prendre en charge la gestion de ce festival. Depuis cet engagement, quels que soient les régimes qui se succèdent au Burkina Faso, l’engagement demeure de soutenir ce festival qui a une vocation panafricaine, qui crée un espace de dialogue culturel pour les Africains, pour leur permettre de discuter avec tous les peuples du monde. C’est pourquoi je pense que les autorités politiques au Burkina, ont toujours laissé la liberté à l’équipe du festival de faire le travail artistique. C’est un espace qui appartient à toute l’Afrique, pas seulement au Burkina même si c’est ce pays et ses partenaires qui soutiennent le festival à bouts de bras. L’esprit reste panafricain, ouvert. Ca reste un espace d’expression, un espace de liberté d’expression.
Renforcer les moyens du FESPACO
- L’aide de l’État est-elle constante, cette année ?
Les moyens venus de la part de l’État sont constants et même augmentent. Je pense que nous devons être un des rares festivals au monde à qui l’État a dédié un siège. L’État a construit des infrastructures pour abriter le siège du festival, ainsi qu’une cinémathèque pour les archives de ce festival et au-delà, pour les archives du cinéma africain. L’État a construit une Place des cinéastes et a commencé à concevoir et fabriquer des effigies en bronze des Étalons de Yennenga. Une rue est consacrée à tous ces monuments du cinéma africain. C’est une constance de voir que tous les gouvernements qui se succèdent au Burkina ont un regard particulier pour le FESPACO. C’est un engagement de longue date sur lequel les gouvernements ne reviennent pas.
- Qu’en est-il des partenaires privés et les institutions qui vous suivent ? Il y a un moment avec votre prédécesseur, où l’on se demandait si on ne devait pas motiver et faire venir plus de sponsors privés. Aujourd’hui, quel est votre regard là dessus ?
Nous travaillons de manière à attirer de plus en plus les sponsors, mais cela n’est pas facile. Quand vous approchez certaines grandes marques, tout de suite ils font des calculs simples en disant : « Le FESPACO est au Burkina, vous l’organisez et vous me demandez un million d’euros. Moi, je fais mes calculs au Burkina, au Togo, au Bénin etc. Je vends combien de voitures par an ? » Ils font les calculs, des pourcentages et disent : « Je ne peux pas vous donner un million d’euros, je peux vous donner 10 000 euros. » Voilà comment ça se passe. Ce n’est pas l’esprit panafricain du festival que les sponsors étudient. Ils étudient l’événement qui se déroule au Burkina et ils font leurs calculs par rapport à ce qu’ils ont comme consommateurs dans cet espace. C’est ça qui rend difficile la question du sponsoring en Afrique. Si bien que nous sommes obligés de nous tourner vers les partenaires au développement, les institutions, les ONG qui travaillent dans le domaine de la culture, ou tout simplement dans celui du développement parce que le cinéma participe aussi au développement de nos pays. Donc on se tourne vers ces partenaires pour présenter des requêtes et espérer des entrées de financement pour soutenir notre festival. Ce n’est pas facile parce que c’est lié à la politique. Quand les politiques changent, ça devient difficile. Quand un pays européen décide des restrictions budgétaires, le soutien à la culture, à certains projets en Afrique, peut être touché. Quelquefois, on n’est pas très certains de la permanence des interventions de ces partenaires là. C’est varié, en fonction des éditions.
Vous pouvez avoir suffisamment d’argent, ou moins, avec les partenaires ; c’est pourquoi le soutien du gouvernement du Burkina est important. Quelle que soit la situation, le gouvernement burkinabé peut intervenir pour sauver le minimum. Ce minimum, c’est au moins le programme de la sélection officielle. Nous tenons à ce programme et les professionnels du cinéma aussi. L’État y tient aussi, pour que le FESPACO soit maintenu de façon régulière. C’est l’occasion de demander aux partenaires de continuer à soutenir ce festival qui est quand même un espace ouvert, de dialogue, et tout simplement un espace d’intégration.
Améliorer la qualité des projections
- Vous mettez en avant la compétition. C’est la vitrine du FESPACO pour vous ?
Oui, dans ce genre d’événement, à partir du moment où on a introduit un volet de compétition, ça devient la section phare du festival. Remporter l’Étalon de Yennenga, c’est comme la Coupe d’Afrique des Nations pour le football. Là, c’est la Coupe d’Afrique du Cinéma africain. Je crois que c’est important pour un cinéaste africain, de se retrouver dans cet espace et d’être reconnu par ses pairs puisque le jury est constitué essentiellement de professionnels du cinéma africain et de la diaspora. Il y a aussi des professionnels du cinéma du monde qui font partie du jury. C’est important qu’il y ait cette compétition qui puisse permettre de valoriser les films africains, tout en travaillant pour qu’il y ait d’autres espaces, de sorte qu’il y ait le maximum de films africains qui puissent avoir accès au FESPACO. Nous allons travailler à renforcer cela à travers le développement du MICA, le Marché International du Cinéma et de la télévision Africain, pour donner encore plus d’espace aux cinéastes, pour que ceux qui n’ont pas la possibilité d’accéder à la compétition puissent avoir un espace pour montrer leur travail, pour rencontrer des partenaires, des producteurs, des diffuseurs. Tout cela peut contribuer au fait de renforcer la participation au FESPACO, et aussi à mieux soutenir l’industrie du cinéma africain.
- Cette industrie est en train de changer, le FESPACO s’en fait écho tardivement puisqu’il s’ouvre pour la première fois au numérique. Comment gérez-vous cette évolution importante ?
Nous sommes obligés d’arriver à cette évolution du numérique. Le cinéma africain évolue, on doit suivre. Comme je le dis souvent, il faut aller au rythme du cinéma africain. Autant il rentre lentement dans le numérique, autant le FESPACO doit aussi y aller par étapes. Nous avons décidé que cette année, en 2015, pour la compétition des films longs-métrages, en concours pour l’Étalon de Yennenga, les grandes premières de toutes les projections de ces 20 films, se feront sous format numérique, en DCP [Digital Cinema Package, ou Cinéma Numérique ; c’est la version numérique de la copie 35mm, Ndlr], dans la salle du Ciné Burkina. Par la suite, leur deuxième ou troisième projection, se fera sous format Blu-ray. Mais cela se fera avec des projecteurs performants. Les films des autres sections peuvent nous arriver en Blu-ray, en DVCAM, mais nous donnons l’assurance que les projecteurs que nous allons utiliser sont de haut niveau. Nous avons déjà des appareils qui ont été commandés pour essayer d’élever le niveau. On avance par étapes. Il n’y aura pas de DCP dans toutes les salles. Nous avons évalué le coût et c’est extrêmement cher. L’Afrique a bien envie de suivre l’évolution de la technologie, mais l’Afrique suivra en fonction de ses moyens.
Propos recueillis et introduits par Michel AMARGER
(Africiné / Paris)
pour Images Francophones
Photo : Ardiouma Soma, Délégué Général du FESPACO 2015
Crédit : Fespaco
Le défi des responsables du FESPACO 2015 est double. Ils doivent maintenir le cap du festival, un temps remis en question par le changement de régime, en améliorant sa logistique. Ils ont aussi pour mission de rassurer les invités sur les risques du virus Ebola, confortés par le Ministre de la Culture et du Tourisme qui déclare tout danger écarté. Ces objectifs posés lors des conférences de presse, à Paris et à Bruxelles, il convient aussi d’envisager la 24ème édition comme une ouverture mesurée vers l’ère du numérique avec la présence accrue des cinéastes de la diaspora.
En intégrant dans la sélection officielle des oeuvres au format numérique, les organisateurs ont su augmenter la jauge des films proposés. Sur les 700 films reçus, le comité de sélection en a retenu 134 dont 86 sont en compétition et 48 en section non compétitive incluant le panorama. Ce choix valorise quelques œuvres connues, d’autres encore peu, écartant parfois des films attendus. La production des réalisateurs de la diaspora semble renforcée, à la fois pour les intégrer aux échanges du continent mais aussi pour combler son déficit d’images internes.
L’ouverture des sélections à de nouveaux formats, est aussi marquée par la thématique du colloque traditionnel, attaché à mesurer et à discuter les perspectives de l’audiovisuel africain « à l’ère du numérique ». Parallèlement, on annonce que le MICA, Marché International du Cinéma et de la télévision Africain, doit être plus structuré mais aussi délocalisé dans l’espace du SIAO, moins central. Les festivaliers auront ainsi plus d’occasions de sillonner Ouagadougou où le FESPACO se décline dans des lieux de plus en plus éclatés. Les déplacements des professionnels extérieurs au Burkina, seront peut-être facilités en amont grâce au nouveau partenariat noué entre le FESPACO et la compagnie aérienne Royal Air Maroc.
La tendance du FESPACO 2015 se veut donc professionnelle et efficace, à l’image de son nouveau Délégué Général. Ardiouma Soma participe au festival depuis 1989. Sa nomination à la tête de la manifestation, le 26 décembre 2014, est le point d’orgue d’un parcours de cinéphile et d’organisateur patient. Connu pour sa tempérance, il a coordonné la naissance de la Cinémathèque Africaine de Ouagadougou, assuré la direction de l’audiovisuel au Burkina, avant de se retrouver Délégué Général du Fespaco. Echanger avec lui sur l’orientation qu’il entend donner à sa fonction, c’est aussi définir l’esprit du 24ème FESPACO et les moyens dont il dispose pour accompagner l’expression du cinéma en Afrique.
Assurer la continuité du FESPACO
- Quel est le sens de votre attachement au FESPACO ?
J’ai toujours été un travailleur du FESPACO. Je ne sais vous dire ce qui m’a conduit à me retrouver Délégué Général. J’ai toujours été au FESPACO.
- Comment vous a-t-on proposé d’en assumer la direction ?
Je suis un agent public de l’Etat, un fonctionnaire comme on dit. L’État m’a mis à la disposition du FESPACO où j’ai passé 24 ans comme Délégué Artistique. À partir de 2012, l’État m’a appelé pour me confier les charges de la Direction Générale du Cinéma et de l’Audiovisuel, tout en gardant mon poste de Délégué Artistique du FESPACO. Donc, j’occupais les deux postes et on m’a demandé, en décembre 2014, de m’occuper de la gestion de ce festival comme Délégué Général. Si vous me demandez pourquoi, je ne saurai répondre car ce sont les autorités du Burkina Faso qui peuvent répondre à cette question.
- Quelles sont les impulsions que vous souhaitez donner au FESPACO alors que le festival est déjà sur des rails, si on peut dire ?
Oui, tout à fait. J’ai toujours fait partie de l’équipe du FESPACO, donc tout le travail qui a été fait jusqu’ici, je le connais. À chaque édition, on essaie de renforcer le côté professionnel et je suis partie prenante de l’équipe qui a toujours fait ce travail. Donc mon action est dans la continuité de cela.
- Il y a quand même un changement politique au Burkina Faso dont on a beaucoup parlé. Les gens se demandaient si le FESPACO allait être reporté ou pas, mais il continue… Peut-on dire pour autant que la politique du FESPACO reste la même ?
Oui. Le FESPACO est un espace dédié au cinéma et à l’audiovisuel africain où tous les deux ans, on présente cette vitrine du cinéma africain à la face du monde. Nous travaillons chaque fois, à renforcer cet espace. Je pense que les autorités politiques du Burkina Faso ont compris cet engagement qui a été pris. Si vous vous rappelez l’historique de ce festival, en 1969, ce sont des volontaires qui ont décidé de projeter des films africains pour les montrer au public.
À partir de 1972, l’État a décidé de s’engager et de prendre en charge la gestion de ce festival. Depuis cet engagement, quels que soient les régimes qui se succèdent au Burkina Faso, l’engagement demeure de soutenir ce festival qui a une vocation panafricaine, qui crée un espace de dialogue culturel pour les Africains, pour leur permettre de discuter avec tous les peuples du monde. C’est pourquoi je pense que les autorités politiques au Burkina, ont toujours laissé la liberté à l’équipe du festival de faire le travail artistique. C’est un espace qui appartient à toute l’Afrique, pas seulement au Burkina même si c’est ce pays et ses partenaires qui soutiennent le festival à bouts de bras. L’esprit reste panafricain, ouvert. Ca reste un espace d’expression, un espace de liberté d’expression.
Renforcer les moyens du FESPACO
- L’aide de l’État est-elle constante, cette année ?
Les moyens venus de la part de l’État sont constants et même augmentent. Je pense que nous devons être un des rares festivals au monde à qui l’État a dédié un siège. L’État a construit des infrastructures pour abriter le siège du festival, ainsi qu’une cinémathèque pour les archives de ce festival et au-delà, pour les archives du cinéma africain. L’État a construit une Place des cinéastes et a commencé à concevoir et fabriquer des effigies en bronze des Étalons de Yennenga. Une rue est consacrée à tous ces monuments du cinéma africain. C’est une constance de voir que tous les gouvernements qui se succèdent au Burkina ont un regard particulier pour le FESPACO. C’est un engagement de longue date sur lequel les gouvernements ne reviennent pas.
- Qu’en est-il des partenaires privés et les institutions qui vous suivent ? Il y a un moment avec votre prédécesseur, où l’on se demandait si on ne devait pas motiver et faire venir plus de sponsors privés. Aujourd’hui, quel est votre regard là dessus ?
Nous travaillons de manière à attirer de plus en plus les sponsors, mais cela n’est pas facile. Quand vous approchez certaines grandes marques, tout de suite ils font des calculs simples en disant : « Le FESPACO est au Burkina, vous l’organisez et vous me demandez un million d’euros. Moi, je fais mes calculs au Burkina, au Togo, au Bénin etc. Je vends combien de voitures par an ? » Ils font les calculs, des pourcentages et disent : « Je ne peux pas vous donner un million d’euros, je peux vous donner 10 000 euros. » Voilà comment ça se passe. Ce n’est pas l’esprit panafricain du festival que les sponsors étudient. Ils étudient l’événement qui se déroule au Burkina et ils font leurs calculs par rapport à ce qu’ils ont comme consommateurs dans cet espace. C’est ça qui rend difficile la question du sponsoring en Afrique. Si bien que nous sommes obligés de nous tourner vers les partenaires au développement, les institutions, les ONG qui travaillent dans le domaine de la culture, ou tout simplement dans celui du développement parce que le cinéma participe aussi au développement de nos pays. Donc on se tourne vers ces partenaires pour présenter des requêtes et espérer des entrées de financement pour soutenir notre festival. Ce n’est pas facile parce que c’est lié à la politique. Quand les politiques changent, ça devient difficile. Quand un pays européen décide des restrictions budgétaires, le soutien à la culture, à certains projets en Afrique, peut être touché. Quelquefois, on n’est pas très certains de la permanence des interventions de ces partenaires là. C’est varié, en fonction des éditions.
Vous pouvez avoir suffisamment d’argent, ou moins, avec les partenaires ; c’est pourquoi le soutien du gouvernement du Burkina est important. Quelle que soit la situation, le gouvernement burkinabé peut intervenir pour sauver le minimum. Ce minimum, c’est au moins le programme de la sélection officielle. Nous tenons à ce programme et les professionnels du cinéma aussi. L’État y tient aussi, pour que le FESPACO soit maintenu de façon régulière. C’est l’occasion de demander aux partenaires de continuer à soutenir ce festival qui est quand même un espace ouvert, de dialogue, et tout simplement un espace d’intégration.
Améliorer la qualité des projections
- Vous mettez en avant la compétition. C’est la vitrine du FESPACO pour vous ?
Oui, dans ce genre d’événement, à partir du moment où on a introduit un volet de compétition, ça devient la section phare du festival. Remporter l’Étalon de Yennenga, c’est comme la Coupe d’Afrique des Nations pour le football. Là, c’est la Coupe d’Afrique du Cinéma africain. Je crois que c’est important pour un cinéaste africain, de se retrouver dans cet espace et d’être reconnu par ses pairs puisque le jury est constitué essentiellement de professionnels du cinéma africain et de la diaspora. Il y a aussi des professionnels du cinéma du monde qui font partie du jury. C’est important qu’il y ait cette compétition qui puisse permettre de valoriser les films africains, tout en travaillant pour qu’il y ait d’autres espaces, de sorte qu’il y ait le maximum de films africains qui puissent avoir accès au FESPACO. Nous allons travailler à renforcer cela à travers le développement du MICA, le Marché International du Cinéma et de la télévision Africain, pour donner encore plus d’espace aux cinéastes, pour que ceux qui n’ont pas la possibilité d’accéder à la compétition puissent avoir un espace pour montrer leur travail, pour rencontrer des partenaires, des producteurs, des diffuseurs. Tout cela peut contribuer au fait de renforcer la participation au FESPACO, et aussi à mieux soutenir l’industrie du cinéma africain.
- Cette industrie est en train de changer, le FESPACO s’en fait écho tardivement puisqu’il s’ouvre pour la première fois au numérique. Comment gérez-vous cette évolution importante ?
Nous sommes obligés d’arriver à cette évolution du numérique. Le cinéma africain évolue, on doit suivre. Comme je le dis souvent, il faut aller au rythme du cinéma africain. Autant il rentre lentement dans le numérique, autant le FESPACO doit aussi y aller par étapes. Nous avons décidé que cette année, en 2015, pour la compétition des films longs-métrages, en concours pour l’Étalon de Yennenga, les grandes premières de toutes les projections de ces 20 films, se feront sous format numérique, en DCP [Digital Cinema Package, ou Cinéma Numérique ; c’est la version numérique de la copie 35mm, Ndlr], dans la salle du Ciné Burkina. Par la suite, leur deuxième ou troisième projection, se fera sous format Blu-ray. Mais cela se fera avec des projecteurs performants. Les films des autres sections peuvent nous arriver en Blu-ray, en DVCAM, mais nous donnons l’assurance que les projecteurs que nous allons utiliser sont de haut niveau. Nous avons déjà des appareils qui ont été commandés pour essayer d’élever le niveau. On avance par étapes. Il n’y aura pas de DCP dans toutes les salles. Nous avons évalué le coût et c’est extrêmement cher. L’Afrique a bien envie de suivre l’évolution de la technologie, mais l’Afrique suivra en fonction de ses moyens.
Propos recueillis et introduits par Michel AMARGER
(Africiné / Paris)
pour Images Francophones
Photo : Ardiouma Soma, Délégué Général du FESPACO 2015
Crédit : Fespaco