Lancement du Fonds de Promotion de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA)
Institué par la loi 2002-18 du 15 avril 2002, le Fonds de Promotion de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA) du Sénégal va prendre effet en 2014. Son alimentation pour la première fois par le chef de l'Etat, Macky Sall, à hauteur de 1 milliard de Francs Cfa (1,5 million d'euros), a permis à l'appel à projets pour le financement à la production, d'être lancé, depuis le 23 septembre.
Fonds d'1 milliard, réservé à la production pour son premier exercice
La Direction de la cinématographie du Sénégal (DCN) a publié le 23 septembre 2013 trois documents concernant le Fonds de Promotion de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA) : l'Appel à projets FOPICA 2014, le Règlement FOPICA et le Formulaire de candidature du FOPICA. Initié depuis 2002 par la loi sur l'industrie cinématographique et audiovisuelle adoptée à cette date et dont les modalités de fonctionnement ont été fixées par le décret 2004, ce Fonds n'a jamais été alimenté sous le règne du précédent Président, Abdoulaye Wade.
Il a fallu les onze récompenses décrochées à la 23ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) - dont l'Étalon d'Or de Yennenga 2013 remporté par le cinéaste Alain Gomis - pour que le nouveau chef de l'État, Macky Sall, réagisse. Lors de l'audience qu'il a accordée aux cinéastes primés, le mardi 12 mars 2013, il affirmait que "cette dotation permettra, par des mécanismes de mobilisation et d'utilisation pragmatiques, de contribuer à l'accroissement de la production cinématographique et audiovisuelle". Après lecture de son discours, le Président Sall avait tenu à préciser que le fonds n'est destiné pour le moment qu'à la production cinématographique. La critique cinématographique - si essentielle à faire connaître le travail des cinéastes - est donc pour l'heure totalement exclue, ainsi que les autres secteurs : la distribution, l'exploitation (les salles), les festivals.
On se rappelle, que l'ancien président, Abdoulaye Wade avait promis d'alimenter à hauteur de trois milliards de Francs Cfa le fonds de promotion de l'industrie cinématographique et audiovisuel adopté en 2004.
Le 31 janvier 2014, date limite de dépôt des projets de films
Elle invite les cinéastes professionnels (auteurs, réalisateurs et producteurs) sénégalais désirant tourner un film au Sénégal de déposer leur candidature pour une aide financière. Ils ont jusqu'au 31 janvier 2014 pour déposer leurs projets. Les formulaires de demande d'aide son téléchargeable aux sites suivants : www.culture.gouv.sn ou www.sencinema.org ou à retirer à la Direction de la Cinématographique, à Dakar. Cette aide financière sera octroyée sous forme d'avance sur recettes et ne sera versé qu'après bouclage de 40% du budget. Mais le candidat doit respecter certains critères pour espérer bénéficier de cet argent. Sur le document de présentation de l'appel à candidature consultable sur le site de la direction de la cinématographie (www.sencinema.org), les conditions exigées sont :
- Réalisateur / auteur résident au Sénégal
- Producteur / Coproducteur implanté au Sénégal
- Tournage intégral ou quasi intégral du film au Sénégal pour les courts métrages fictions ou 50% au moins du temps de tournage au Sénégal pour les longs métrages fictions.
- Au moins 75 % du montant d'appui portera sur l'emploi de techniciens et/ou de comédiens résident au Sénégal.
- Pour les téléfilms et séries audiovisuelles, joindre l'engagement d'un télédiffuseur à la demande du projet. etc. Les projets faisant apparaitre un plan de diffusion nationale du film avec une projection en avant première dans les régions bénéficieront d'une attention particulière.
Le cinéaste peut solliciter l'aide à travers une structure de production juridiquement constituée, disposant d'un capital et à jour de ses obligations fiscales et administratives. L'aide est sélective et prend en compte les œuvres cinématographiques et audiovisuelles concernant tous les genres (fictions, documentaires, web création, vidéo d'art…) et durées. Parmi les conditions à remplir, le projet de film doit être présenté par une société de production de droit sénégalais. Il doit aussi être réalisé ou coréalisé par un ou des ressortissants sénégalais et comporter un grand nombre d'éléments du Sénégal (scénario, contenu, cadres techniques et artistiques, acteurs…). (Consultez les documents de l'appel à projets sur le site www.sencinema.org)
Plafond du montant des aides accordées
La détermination du montant des aides relève de la décision du Comité de gestion composé de 14 membres dont des représentants administratifs : Ministre de la Culture et du Patrimoine, Directeur de la cinématographie, le Dage du ministère de la Culture, le représentant de la présidence de la République, de la Primature et du ministère des Finances, représentant de l'Association des critiques, des réalisateurs, producteurs, etc.
Chaque aide sera modulée dans la limite des plafonds arrêtés. Les barèmes applicables aux projets de films pour l'aide à la production sont arrêtés comme suit :
- 25 millions de francs Cfa maximum pour les films courts métrages fictions et documentaires,
-100 millions de francs Cfa maximum pour les longs métrages fictions et documentaires,
-30 millions de francs Cfa maximum pour les séries fictions et documentaires
Les cinéastes émettent leurs réserves et dénoncent cette forfaiture
Certains cinéastes sénégalais sont surpris de voir la direction de la cinématographie lancer l'appel à projets pour le Fonds de promotion de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA). Car pour eux, l'arrêté ministériel instituant les membres du Comité de gestion du fonds était contesté. "Ce comité de gestion n'existe pas, car nous avions émis des réserves, lors de son installation le 8 juillet dernier", fait savoir le président de l'association Cinéastes Sénégalais Associés (CINESEAS), Cheikh Ngaïdo Bâ, étonné de voir que les choses sont mises en route sans que les préalables soient respectés. Pour lui et ses collègues, Mansour Sora Wade, Maguette Diop (Le Fils de qui ?, 1980), "le forcing du ministre de la Culture, Abdou Aziz Mbaye ne passera pas". Selon eux, le fonds a été lancé sans concertation.
"C'est anormal qu'un ministre outrepasse des directives du chef de l'Etat", soutient M. Bâ qui ajoute : "Le bureau de l'Association des cinéastes dénonce cette forfaiture-forcing du directeur de la cinématographie. Les cinéastes avaient présenté un document émettant de sérieuses réserves tant sur la composition du Comité de gestion du fonds que sur son schéma de fonctionnement". Ils interpellent le ministre de la Culture afin qu'il y ait des concertations entre le Directeur de la Cinématographie, Hugues Diaz, avec les professionnels concernés par le fonds. "Monsieur le président, en prenant la décision de doter le fonds d'un milliard par an durant tout son mandat, avait demandé une large concertation avec les acteurs du secteur. Le ministre avec sa direction opérationnelle de la cinématographie est en train de passer outre, c'est regrettable. C'est une gestion opaque, ça ne passera pas, il faut qu'ils arrêtent de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas", dit le président des cinéastes sénégalais, Cheikh Ngaïdo Bâ (Xew Xew… la fête commence, 1982).
Pour le cinéaste et producteur Mansour Sora Wade (Les Feux de Mansaré, Ndeysaan - Le Prix du Pardon), il y a des choses à revoir. Par exemple dit-il : "qui est le cinéaste professionnel qui peut postuler à cet appel ?". Le Code de la cinématographie, voté en 2002, a tardé à être promulgué et n'est pas correctement appliqué. Le cadre n'est pas défini, comment saura-t-on qui est professionnel, alors qu'il n'y a pas de carte ? Autant de questions que se pose le réalisateur de Ndeysaan - Le Prix du Pardon (2002, film soutenu par le Fonds Francophone de l'OIF). "C'est une affaire politique, on veut nous utiliser, mais nous ne nous laisserons pas faire" estime celui qui avait été élu Président des Cinéastes Sénégalais Associés (CINESEAS).
Le cinéaste Alain Gomis avait donné son avis lors de cette audience du 12 mars 2013 au Palais de la République. Pour lui, cette somme d'un milliard n'est pas suffisante, mais, dit-il, "c'est déjà un premier pas important, car il n'y avait rien pour ce fonds voté depuis 2002 et jamais alimenté". Ce financement, souhaite-t-il, ira surtout vers les jeunes débutant dans le métier et qui ont besoin de trouver de l'argent sur place, car impossible pour eux d'avoir un financement à l'extérieur.
Cette mise en route du FOPICA sera-t-elle effective pour 2014 ? Attendons de voir. Se pose également la question de la concertation entre les cinéastes eux-mêmes. Les professionnels sénégalais du cinéma ne parlent pas toujours d'une même voix. Mansour Sora Wade et Cheikh Ngaïdo Bâ se réclamaient chacun Président (légitime) de l'association Cinéastes Sénégalais Associés (CINESEAS), suite à des élections controversées en leur sein.
Fatou Kiné SENE
Africiné, Dakar
Photo : Khady Ndiaye Bijou, actrice principale du film Les Feux de Mansaré et Mansour Sora Wade, réalisateur-producteur, en sélection au Fespaco 2009.
Crédit : Thierno I. DIA