La critique face aux enjeux culturels
Une vingtaine de journalistes culturels bénéficiaires d'une formation à la critique organisée par l'Organisation Internationale de la Francophonie, à Dakar.
Parents pauvres du cinéma voire des industries culturelles et pourtant maillons essentiels entre l'œuvre et le public, des journalistes ouest-africains ont bénéficié d'une formation à la critique organisée par l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). L'Atelier régional de formation de journalistes culturels : la critique face aux enjeux culturels s'est tenu à Dakar, du 11 au 16 décembre est la dernière de l'année 2017 d'une série de 3 ateliers proposés par l'OIF et dont la coordination a été confiée à des associations culturelles, sous l'égide de la Direction "Langue française, culture et diversités" de l'OIF.
C'est dans la capitale malgache, Antananarivo, que le premier atelier a eu lieu du 19 au 24 juin, coordonné par Africultures (Paris), avec Voahirana Barnoud-Razakamanantsoa, Soeuf Elbadawi et Moïse Gomis. Il regroupait des journalistes de l'Océan Indien (Madagascar, Comores, Djibouti, île Maurice
Du 22 au 24 novembre 2017 s'est tenu à Libreville, au Gabon, le second atelier sous-régional, par l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), en partenariat avec le Festival panafricain des musiques (FESPAM) et l'Unesco, bureau Afrique centrale. A l'issue des travaux de cet atelier, un réseau de journalistes culturels d'Afrique centrale a été mis sur pied. Le Camerounais Parfait Tabapsi, président de la Cameroon Art Critics (CAMAC) a été porté à sa tête.
Initialement prévu à Lomé (Togo), du 27 novembre au 2 décembre 2017, l'atelier Afrique de l'Ouest a été repoussé au 11-16 décembre 2017 et s'est finalement déroulé à Dakar, Sénégal ; la capitale togolaise étant secouée par des manifestations violemment réprimées. Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d'Ivoire, Guinée, Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Togo, Sénégal) étaient les pays ciblés. Seule la Guinée Bissau était absente au bout du compte sur les 11 pays.
À l'instar des deux précédents ateliers, une vingtaine de journalistes culturels ont été retenus par une sélection rigoureuse faite par Toussaint Tiendrébéogo, spécialiste de programme et Seynabou Sèye, attachée de programme, "Politiques de développement des industries culturelles et créatives", à l'OIF, Paris. Le double objectif était d'améliorer le niveau d'information et de compréhension des journalistes sur les enjeux culturels (interactions entre culture et développement, diversité culturelle, mondialisation culturelle, poids des industries culturelles dans le monde et leur importance comme vecteurs d'influence et de rayonnement international, etc.) et de transmettre des outils d'analyse critique d'œuvres culturelles de manière à renforcer leur travail de médiation auprès des publics. Des œuvres de plusieurs disciplines artistiques, notamment le cinéma, la littérature, les arts plastiques, l'architecture, ont été traitées.
La formation ouest-africaine s'est tenue à l'Hôtel Al Afifa, Dakar. Elle a été rehaussé par la présence du ministre sénégalais de la culture Abdou Latif Coulibaly qui a inauguré l'atelier. Journaliste de formation et de métier, il a dit tout son plaisir d'être avec "des collègues", selon son mot, combien il était important pour un journaliste d'être formé. Le journalisme est en mutation, c'est pourquoi maîtriser la prise de photos, sons et vidéos est un indéniable atout. Le journaliste culturel est amené à parfois sortir de sa spécialisation et c'est donc un plus que de pouvoir appréhender des objets à la fois autres et connexes : cinéma, littérature, arts plastiques, architecture, patrimoine….
Journaliste Reporter Images (JRI) franco-malgache établie à Tananarive où elle est correspondante pour France 24, Gaëlle Borgia a transmis les connaissances pour le multimédia (photo, interview sonore, vidéo et montage). Maître de Conférences à l‘Université Bordeaux Montaigne, chercheur au CELFA (Centre d'Etudes Littéraires et linguistiques Francophones et Africaines) et rédacteur en chef du magazine interculturel AquiSuds, l'universitaire haïtien Rafael Lucas a animé la formation en littérature, avec une approche à la fois historique et pratique (comment faire une critique littéraire), en prenant comme cas pratique le roman En attendant le vote des bêtes sauvages, de l'Ivoirien Ahmadou Kourouma, Paris, Seuil, 1998. L'auteur de ces lignes était le troisième formateur pour le cinéma et l'architecture.
Réalisateur du film Karmen Geï (2001, long métrage fiction soutenu par l'OIF), directeur de festival à Gorée et exploitant de salle, Joseph Gaï Ramakaétait l'artiste invité par l'atelier de Dakar. Il est actuellement engagé dans la construction d'un complexe cinématographique comprenant la salle de cinéma Le Sitoë et une école de cinéma, à Ziguinchor, en Casamance, dans le Sud du Sénégal. Il travaille sur l'adaptation de la pièce de théâtre Combat de nègre et de chiens (Bernard-Marie Koltès, 1979), comme l'a révélé l'acteur ivoirien Sidiki Bakaba (pressenti pour le rôle d'Alboury) dans une récente interview accordée à Michel Amarger et parue sur Images Francophones. Son profil était donc tout indiqué pour une rencontre et la diffusion privée de son long métrage fiction sélectionné au Festival de Cannes 2001 et qui pose avec poésie la question du dialogue des cultures, de la place de la femme, du contact de plusieurs formes d'arts (nouvelle, opéra, drame, musique classique africaine, musique religieuse), de la figure de l'artiste dans la société.
Bande annonce KARMEN GEI, Joseph GAYE Ramaka from Africiné www.africine.org on Vimeo.
Comme pour le roman de Kourouma, le film Karmen Geï a fait l'objet d'échanges passionnants qui ont débouché sur la rédaction d'articles et de productions multimédia (vidéos ou sons) dont certains sont déjà disponibles et qui seront en ligne sur Africultures (et Africiné Magazine, pour le cinéma). Le festival d'arts plastiques Partcours et le Monument de la Renaissance ont accueilli les participants de l‘atelier qui ont produit/écrit sur l'évènement dakarois se déroulant dans plusieurs endroits dont le Goethe Institut (avec une exposition, des oeuvres en Réalité Virtuelle) et la statue voulue par l'ancien président Abdoulaye Wade (administrateur du Monument, Racine Senghor a donné une interview aux trois groupes composant les participants de l'atelier).
Au-delà de la critique proprement dite, les participants ont appris un autre versant du cinéma, avec la confection de dossiers de presse (le talon d'Achille des cinémas africains est le manque de producteurs et d'attachés de presse). Ce qui leur permettra de diversifier leur apport aux films.
Une formation très originale donc qui a principale qualité une sélection qui a retenu des journalistes culturels de premier plan reconnus dans leur pays. La plupart sont chefs/cheftaines de desk Culture dans leur média voire directeurs de publications. Les 23 journalistes (rejoints par une opératrice culturelle) ont apprécié l'approche croisée des trois aspects culturels (cinéma, littérature et multimédia). Elle a permis aux journalistes de quitter leur zone de confort pour découvrir de nouvelles écritures critiques (artistiques et aussi dans la forme : multimédia, formes enrichies). Le programme de l'Atelier régional de formation de journalistes culturels : la critique face aux enjeux culturels s'est révélé cependant trop intense, alors que deux activités ont été supprimées faute de réponse rapide ou positive des partenaires locaux envisagés. Les sorties dans la ville ont amputé le programme pédagogique d'un temps essentiel pour la formation proprement dite.
Même en gardant la tenue sectorielle (Océan Indien, Afrique Centrale …), l'atelier mérite d'être réitéré et connu. Des ateliers croisées (avec des journalistes du Maghreb, de l'Océan Indien, Afrique de l'Ouest et du Centrale, ensemble) sont souhaitables afin de solidifier des réseaux panafricains plus larges.
Artiste invité
Joseph Gaï Ramaka, réalisateur du film Karmen (2001, Long métrage fiction, soutenu par l'OIF), directeur de festival et exploitant de salle.
LES PARTICIPANTS DE l'ATELIER
- M. Gilles-Arsène Tchedji, Le Quotidien (Dakar), Sénégal
- M. El Hadji Massiga Faye, Le Soleil, Sénégal
- Mme Fatou Kiné Sène, Agence de Presse Sénégalaise (APS), Sénégal
- Mme Oumy Ndour, Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS), Sénégal
- Mme Bigué Bob, Journal L'Enquête, Sénégal
- Mme Ana Rocha, Radio Futurs Médias (RFM), Sénégal
- Mme Adama Djitome Diatta, Radio Chine international (RCI), Sénégal
- Mme. Mélanie Sadio Goudiaby, opératrice culturelle, Direction de la Francophonie, Sénégal
- M. Ulvaeus L. H. Balogoun, Le Leader Info Bénin, Bénin
- Mme Ganiath Bello, Les Cahiers de Benie, Bénin
- M. Belélé Jérôme William Bationo, Infos Sciences Culture, Burkina Faso
- Mme Marceline Élélé Kantoro, Sidwaya, Burkina Faso
- Mme Betou Réveline Somé, Burkina24, Burkina Faso
- Mme Sita Yafolo Soro, Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), Côte d'Ivoire
- Mme Aya Esther N'Guessan Yao, Agence Ivoirienne de Presse (AIP), Côte d'Ivoire
- M. Ali Fofana, L'expression, Côte d'Ivoire
- M. Thierno Souleymane Bah, www.zoneafrique.net, Guinée
- M. Cheick Oumar Sangaré, Office de Radio et Télévision du Mali (ORTM), Mali
- M. Assane Koné, Notre Nation, Mali
- Mme Fatimetou Sow, Sahel tv. Tevragh zeina, Mauritanie
- M. Mamane Abdou , L'Indépendant Plus, Niger
- M. Souley Moutari, Quotidien Le Sahel, Niger
- M. Charles Kodjo Ognandou Ayetan, Présence Chrétienne / Africiné Magazine, Togo
- M. Dieudonné Motchosso Kodolakina, Togo Matin, Togo
LES FORMATEURS
- Mme Gaëlle Borgia, France 24, Madagascar
- M. Thierno Ibrahima Dia, Université Bordeaux Montaigne / Université de Niamey / Africiné Magazine / Images Francophones / Africultures, France / Sénégal
- M. Rafaël Lucas, Université Bordeaux Montaigne / CELFA, Haïti /France
LES ORGANISATEURS
- Coordinatrice de l'atelier : Mélanie Cournot, Africultures, France
- Coordinatrice OIF, Paris : Seynabou Sèye, Attachée de programme, "Politiques de développement des industries culturelles et créatives", OIF, Paris
- Coordinatrice OIF, Lomé : Yao DANKLOU, Assistant de gestion, Bureau Régional pour l'Afrique de l'Ouest (BRAO), OIF, Lomé, Togo
- Responsable de l'atelier : Toussaint Tiendrébéogo, Spécialiste de Projet "Industries Culturelles", Organisation Internationale de la Francophonie, Paris
Thierno I. Dia
Bordeaux, Africiné Magazine
pour Images Francophones
Photo : Une partie des participants, organisateurs et formateurs de l'Atelier régional de formation de journalistes culturels ouest-africains
Crédit image: Charles Ayetan / Ayité. DR