La coproduction cinématographique Sud-Sud, sous la loupe des universitaires, les 03 et 04 avril 2018
Un colloque international est organisé par l'Université d'Oujda, Maroc. Une projection de Lhajjates de Mohamed Achaour est offerte, le film a cartonné dans les salles.
Il y a quelque chose de rassurant quand l'université se saisit d'un domaine comme la création cinématographique. Quand cela se produit sur le continent africain, où le cloisonnement disciplinaire fait encore de la résistance est une vraie avancée. Que le Maroc accueille un pareil rassemblement n'est pas fortuit : c'est le pays africain où le cinéma est le plus dynamique et le plus structuré, cela depuis bien longemps. En effet, le Centre Cinématographique Marocain (CCM) est né avant son équivalent en France, le CNC (Centre National du Cinéma, ancienne appellation), précisément en 1944, soit deux ans avant l'organisme français, paradoxalement en pleine colonisation. Le Maroc est aussi celui qui pratique le plus de coproductions avec d'autres pays en Afrique, souvent à la postproduction, l'étape la plus délicate quand les énergies humaines et financières nécessaires sont presque asséchées. Des films aussi diverses que L'absence de Mama Keita ou Ramata de Alain-Léandre Baker en ont bénéficié.
Cette coopération a aussi ses limites. Lors du colloque de la critique panafricaine à Marrakech, décembre 2015, Sarim Fassi-Fihri, nouveau directeur du CCM avait bien attiré l'attention des critiques africains que si la coopération intra-africaine n'est pas un vain mot, sa vitalité n'est pas accessible aux publics. Au Maroc, les films coproduits avec les autres pays du continent ne sont pas le plus souvent programmés dans les salles. Une réflexion plus large reste donc à faire et l'université a son expertise à apporter. Economistes, juristes, sociologues sont autant que professionnels concernés et les universités africaines ont tout à gagner à inclure le curriculum des arts dans leurs formations, comme le fait l'université nigérienne Abdou Moumouni. En effet Niamey propose depuis quatre ans un large cursus en arts, dont le cinéma, la danse, l'histoire de l'art, le théâtre,...
Il revient aussi aux autorités africaines de mettre en place des cadres juridiques, économiques et fiscaux. Pour cela, la création de centres du cinéma est essentielle, même si un pays comme le Sénégal est a priori un contre-exemple : il ne dispose toujours pas d'organisme central autonome depuis son indépendance. Il constitue un modèle depuis trois ans avec son fonds d'aide ouvert dès sa première année aux coproductions panafricaines, dont une série télé ivoirienne, néanmoins coproduite par une société sénégalaise.
Le champ d'investigation est donc large.Le colloque international organisé dans le cadre de la célébration de la ville d'Oujda (capitale de la culture arabe), par la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l'Université Mohammed 1er, à Oujda ne se limite pas l'existant. "L'industrie du cinéma au Maroc et en Afrique subsaharienne : Vers la mise en place d'une coopération cinématographique Sud-Sud", titre du colloque marque bien l'ambition des organisateurs de tendre vers la prospective. Pour un premier essai, l'analyse se limite néanmoins aux pays francophones et arabophones. Le cinéma lusophone et anglophone sont ainsi pas représentés en dépit de l'appel à communications spécifiant être ouvert aux travaux présentés en anglais, arabe ou français. La coordination est assurée par madame Afaf Zaid (afaf_zaid@yahoo.fr) et monsieur Jaouad Serghini (jaouadserghini@yahoo.fr).
Outre les communications (dont celle du cinéaste Kamal Kamal sur le cinéma marocain), le colloque propose une soirée projection au Théâtre Mohammed VI, pour clôturer la première journée du colloque. C'est le film Lhajjates, du réalisateur marocain Mohamed Achaoursorti en 2017, qui est retenu. "Comédie grinçante sur la souffrance sociale des femmes et leur espoir d'une vie décente ", pour nos collègues de l'Agence Marocaine de Presse (MAP), ce second long métrage du réalisateur marocain est présenté comme " une jolie comédie portée par quatre magnifiques actrices " sur le site de la Cinémathèque de Tanger qui a programmé le film. Lhajjates (Les Pèlerines) a déplacé les foules : il est resté plus de dix semaines en salles au Maroc où il est sorti le 08 novembre 2017. Il était en compétition officielle de la 18ème édition du Festival National du Film de Tanger - FNF 2017, il y a un an. Avec Fatema Hrandi, Souad Hassan, Fatema Bouchan, Mina Touraf, Leila Hadioui et Mohamed "Momo" Bousfiha dans les rôles principaux, le film de Mohamed Achaour est produit par Moulay Karim Achaour (Claps production).
Liste des communications du colloque
- Mme Afaf Zaid, M. Jaouad Serghini, Faculté des Lettres, Oujda : " Le paysage cinématographique au Maroc : (r)évolution culturelle et structurelle. "
- M. Dorothée Dognon, Université d'Abomey Calavi, Benin (Ancien Directeur de la cinématographie de la République du Benin) : " L'industrie cinématographique marocaine et les nouvelles décisions de l'Union Africaine dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel "
- M. N'Dri Yao, Université Félix Houphouët Boigny, Côte d'Ivoire : " La coproduction cinématographique en Côte d'Ivoire : bilan et perspectives "
- M. Georges MADIBA OLOKO, Université de Douala (Directeur de la Cinématographie et des Productions Audiovisuelles), M. Longin Colbert ELOUNDOU, Université de Yaoundé 1, Cameroun : " Les stratégies de marché dans la coproduction Sud/Sud en Afrique Francophone ", M. Youssef Ait Hammou, Université Kadi Ayad, Marrakech : " Visibilité des films du Sud. Éloge du marketing offensif "
- M. Rachid Bekkaj, Institut Royal de formation des cadres, Rabat : " Le cinéma africain est un enjeu culturel continental majeur : approche sociologique "
- Mme Rachida Saidi, Faculté des Lettres, Oujda : " Le film documentaire : défis et perspectives "
- Mme Patricia Caillé, M. Claude Forest, Université de Strasbourg : " Coopérations Sud-Sud : cinéastes maghrébines à l'œuvre ! "
- Mme Najat Zerrouki, Faculté Pluridisciplinaire, Nador : " Le Maroc filmé par des femmes cinéastes : entre originalité et imitation. "
- M. Jean-Baptiste BONI ASSIÉ, Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d'Ivoire : " Côte d'Ivoire : Sociologie d'une industrie cinématographique en gestation (2000 à 2017) "
- Mlle Amal Alaoui, Université Abdelmalek Essadi, FLSH, Martil-Tétouan : " Le Maroc et l'Union africaine : la singularité d'un cinéma pluriel "
- M. Mohammed Koudded, Université Kasdi Merbah, Ouargla, Algérie : " La traduction cinématographique au Maroc : Vecteur de développement de la coopération cinématographique au Maghreb et en Afrique subsaharienne "
- M. Omar El Yahyaoui, FSTH, Université Mohammed 1er, Al Hoceima : " Le cinéma du Maroc comme moyen de développement coopératif en Afrique "
- Mme Amina Bensalah, Doctorante, Laboratoire Langues Cultures et Traduction : " Enjeux culturels de la traduction cinématographique au Maroc: cas de La prière de l'absent du réalisateur Hamid Benani"
- M. Khalid Hakim, Doctorant, Laboratoire Langues Cultures et Traduction : " L'identité culturelle dans le cinéma marocain: cas de Hakim Belabbes"
- M. Abderrahim Seddik, Docteur-chercheur, Faculté des Lettres, Oujda : " Le Cinéma au Maroc : lieu de mémoire et de dynamique culturelle. Cas de La Chambre noire de Hassan Benjelloun"
- M. Said Ouyssa, Doctorant Laboratoire : Littérature Générale et comparée : Imaginaires, Textes et Cultures : " L'adaptation cinématographique des romans, vers une rationalisation des enjeux culturels, sociaux et politiques "
- M. Dieudonné Alaka, Université de Yaoundé I, (Producteur) : " La coproduction Sud-Sud : expérimentation, enjeux et mécanismes au sein d'une société de production camerounaise "
- M. Kamal Kamal, réalisateur, Casablanca :" Le cinéma marocain en question "
- M. Khalid Sli, Directeur du Festival Maghrébin du Film d'Oujda : " Promouvoir le cinéma à l'Oriental : enjeux et défis "
- Mlle. Etouil Ilham, Doctorante, Équipe Communication et Développement : " Communication et Cinéma (région de l'Oriental)"
- Mme Patricia Caillé, Présentation du Réseau Hescale (Histoire, Économie, Sociologie des Cinémas d'Afrique et du Levant).
Programme complet ici : L'industrie du cinéma au Maroc et en Afrique subsaharienne : Vers la mise en place d'une coopération cinématographique Sud-Sud (cliquer sur le lien).
Thierno I. Dia
Africiné Magazine, Bordeaux
pour Images Francophones
Crédit image : DR