Journées cinématographiques de la Femme africaine de l'Image (JCFA) : Hommage à la comédienne africaine
L'actrice burkinabèe Joséphine Kaboré honorée par la profession, après plus de 50 ans de carrière. Elle a 83 ans.
Entre deux éditions du FESPACO (Burkina Faso), il se tient pendant les années paires, à Ouaga, les journées cinématographiques de la Femme africaine de l'Image (JCFA). C'est un évènementiel du FESPACO certes, mais consacré essentiellement à la junte féminine, aux femmes professionnelles africaines du cinéma et de l'audio-visuel. La quatrième édition (3 au 7 mars 2016) déroule le tapis rouge à la comédienne à travers le thème " la comédienne dans la création du film africain ".
En 2003, le FESPACO avait initié le débat autour du thème " Le comédien dans la création et la promotion du film africain ". Des conclusions du colloque de la dix-huitième édition de la biennale du Festival panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), l'on retiendra que le comédien se présente comme l'épine dorsale du succès commercial et médiatique d'un film. C'est ainsi que des recommandations avaient été faites à l'endroit des décideurs, pour un traitement diligent de l'acteur africain à travers des cachets honorables. L'acteur mérite plus qu'un droit à l'image puisqu'il est la face lisible et l'élément essentiel du dispositif cinématographique. Dans certaines industries cinématographiques (Hollywood et Bollywood), l'acteur ou l'actrice est souvent mieux payé-e que le réalisateur, car c'est autour de lui/elle que s'organise le montage financier du film. La célébrité de l'acteur (actrice) conduit souvent à la popularité du film, même si nous sommes conscients que l'inverse est possible.
Les Journées Cinématographiques de la femme africaine de l'image - JCFA 2016, ont tout simplement " genré " le thème suscité en 2003 en le conjuguant cette fois au féminin. Dans l'histoire récente du cinéma, l'image de certaines femmes ont régulièrement permis à des films de pulvériser des records commerciaux ou de rester dans les annales du cinéma. Elizabeth Taylor dans There's One Born Every Minute de Harold Young en 1942, Marilyn Monroe dans Dangerous years de Arthur Pierson en 1947, Brigitte Bardot dans Le trou normand de Jean Boyer en 1952, Sharon Stone dans Stardust memories de Woody Allen en 1980, Angelina Jolie dans Lookin'to get out de Hal Ashby en 1982, … Par leur nom, leur image, ces actrices ont donné de la popularité à des films qui ont mondialement cartonné ou qui sont cités régulièrement dans les livres d'histoire.
En Afrique, certaines comédiennes ont permis à des films de connaître un succès commercial. Du rôle de la " ménagère ", de la "bonne épouse ", aujourd'hui les comédiennes africaines interprètent presque tous les rôles. Elles sont présentes à l'écran en tant femmes politiques, battantes, prostituées, guerrières, sorcières, anges, etc. Possédant de grandes techniques (savoir rire, pleurer, chanter, danser, courir, etc.) pour interpréter un rôle, l'actrice africaine du cinéma est prête à tout donner (dans le bon sens) pour incarner à l'écran un personnage. Mais, comment peut on parler de la comédienne africaine et ne pas marquer une halte sur certains noms ?
Aï Keïta Yara, a incarné la reine Sarraounia dans la fiction de Med Hondo (Mauritanie) qui a remporté le grand prix du Yennenga en 1986. A l'époque, la jeune comédienne burkinabè avait presque fait le tour du monde comme une reine, pour réincarner et (ra)conter l'histoire de la reine Sarrounia dans les salles obscures des festivals dédiés au septième art. Ce succès lui a permis de signer plusieurs contrats avec d'autres réalisateurs africains. De l'interprétation du rôle d'une reine résistante, elle enveloppera par la suite la tunique de Mamy Wata de Moustapha Diop, de Haramuya de Drissa Touré, etc. Sa taille imposante, son teint naturel (sans ces horribles éclaircissants cancérigènes qui décapent la peau) et surtout son talent, ont fait d'elle - pendant près de deux décennies - une star du grand écran africain.
Ce passé glorieux, Zalika Souley l'a aussi connu. Il y a plus de quarante ans, Zalika était un monstre sacré du grand écran. La comédienne nigérienne était parfois présentée comme étant la première actrice africaine vraiment professionnelle. Elle a joué dans de nombreux films et travaillé avec de grands noms du cinéma nigérien (Oumarou Ganda, Moustapha Alassane) et d'autres réalisateurs africains comme Adama Haliilu du Nigéria.
Aujourd'hui, il est beau d'apprécier le talent de Fatoumata Diawara dans le rôle titre de Sya, le rêve du python de Dani Kouyaté, de Georgette Paré dans le rôle de Mimi dans Une femme pas comme les autres d'Abdoulaye Dao, de la Sénégalaise Maïmouna Ndiaye dans le rôle de l'avocate Tou Héma dans L'œil du cyclone de Sékou Traoré, ou encore de la Tunisienne Hend Sabry une des valeurs sûres du continent africain qui a débuté chez elle à 14 ans avec Les Silences du Palais de Moufida Tlatli, puis à continuer à briller au pays des pharaons et dans le monde entier avec L'Immeuble Yacoubian, L'Aquarium / Genenet al asmak en 2007, ou encore L'Envie / El Shooq de Khaled El Hagar qui sort fin mars son nouveau film. Sans occulter les actrices de la diaspora : France Zobda, Tella Kpomahou, Prudence Maïdou, Mata Gabin, …
Cependant, il faut aussi avoir une pensée pour toutes ces comédiennes qui ont frayé le chemin, bravé les injures, les préjugés, aux premières heures du cinéma en Afrique. Joséphine Kaboré fait partie de celles-ci dont il importe de reconnaitre la contribution dans la création du cinéma africain.
À l'Etat civil, elle est née en 1933, à Bobo Dioulasso (deuxième ville du Burkina Faso) sous le nom Yamba Compaoré. En 1947, elle reçoit le baptême catholique sous le nom de Joséphine. Par les liens du mariage, elle devient Joséphine Kaboré en 1950. Avant d'embrasser la carrière de comédienne de cinéma, Joséphine Kaboré exerçait comme agent des postes et transports où elle a été admise à une retraite anticipée en 1986. Passionnée du théâtre, elle intègre au début des années 1960 la Troupe Théâtrale de la Radiophonique (TTR). Heureuse opportunité qui lui permet de travailler avec des cinéastes comme Augustin Taoko, Emmanuel Sanou, Djim Kola, Abdoulaye Sow, etc.
Son talent de comédienne a été par la suite exploité par ces réalisateurs dans leurs œuvres cinématographiques. Mais son talent sera véritablement mis en lumière par Gaston Kaboré (avec qui elle n'a pas de lien de parenté hormis le nom de famille commun). Il exploite son talent dans ses œuvres Zan Boko, Rabi et Buud Yam, Etalon de Yennenga en 1997. Entre temps, d'autres cinéastes lui font confiance à l'instar de Kollo Sanou pour son film Jigi (l'espoir), Abdoulaye D. Sow dans Yelbeedo, Djim Kola avec Les Étrangers. Joséphine Kaboré a fréquenté les plateaux de tournage de presque tous les réalisateurs burkinabès. Dans sa récente filmographie, mentionnons les longs métrages Siraba d'Issa Traoré de Brahima, Ouaga saga de Dani Kouyaté ou encore le court métrage Safi, la petite mère du réalisateur Raso Ganemtoré.
À quatre vingt trois (83) ans, Joséphine Kaboré est toujours sollicitée par des cinéastes. Et ce n'est pas par hasard que son nom figure par les comédiens du film Wallaye ! du réalisateur suisse Berni Goldblat actuellement en tournage dans le sud ouest du Burkina Faso. C'est à juste titre que les JCFA 2016, ont déroulé le tapis rouge pour sa longue et riche carrière. Un hommage mérité lui a été rendu à lors de la cérémonie de clôture de la quatrième édition. Après plus d'un demi-siècle, c'est la première fois qu'un festival tire son chapeau à Joséphine Kaboré.
Bien avant cette distinction, l'État burkinabè a déjà reconnu son talent en l'élevant au grade de Chevalier de l'Ordre national du Mérite des arts, des lettres et de la communication avec agrafe Cinématographie.
Joséphine est aujourd'hui veuve, grand-mère, arrière grand-mère et mère de huit (8) enfants dont une fille.
Abraham N. Bayili
Africiné Magazine, Ouaga
pour Images Francophones
Image : L'actrice Joséphine Kaboré avec son trophée d'honneur, en compagnie de Stanislas Meda, Secrétaire général du Ministère de la Culture des arts et du Tourisme lors de la cérémonie de clôture des Journées Cinématographiques de la femme africaine de l'image - JCFA 2016
Crédit : DR
En 2003, le FESPACO avait initié le débat autour du thème " Le comédien dans la création et la promotion du film africain ". Des conclusions du colloque de la dix-huitième édition de la biennale du Festival panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), l'on retiendra que le comédien se présente comme l'épine dorsale du succès commercial et médiatique d'un film. C'est ainsi que des recommandations avaient été faites à l'endroit des décideurs, pour un traitement diligent de l'acteur africain à travers des cachets honorables. L'acteur mérite plus qu'un droit à l'image puisqu'il est la face lisible et l'élément essentiel du dispositif cinématographique. Dans certaines industries cinématographiques (Hollywood et Bollywood), l'acteur ou l'actrice est souvent mieux payé-e que le réalisateur, car c'est autour de lui/elle que s'organise le montage financier du film. La célébrité de l'acteur (actrice) conduit souvent à la popularité du film, même si nous sommes conscients que l'inverse est possible.
Les Journées Cinématographiques de la femme africaine de l'image - JCFA 2016, ont tout simplement " genré " le thème suscité en 2003 en le conjuguant cette fois au féminin. Dans l'histoire récente du cinéma, l'image de certaines femmes ont régulièrement permis à des films de pulvériser des records commerciaux ou de rester dans les annales du cinéma. Elizabeth Taylor dans There's One Born Every Minute de Harold Young en 1942, Marilyn Monroe dans Dangerous years de Arthur Pierson en 1947, Brigitte Bardot dans Le trou normand de Jean Boyer en 1952, Sharon Stone dans Stardust memories de Woody Allen en 1980, Angelina Jolie dans Lookin'to get out de Hal Ashby en 1982, … Par leur nom, leur image, ces actrices ont donné de la popularité à des films qui ont mondialement cartonné ou qui sont cités régulièrement dans les livres d'histoire.
En Afrique, certaines comédiennes ont permis à des films de connaître un succès commercial. Du rôle de la " ménagère ", de la "bonne épouse ", aujourd'hui les comédiennes africaines interprètent presque tous les rôles. Elles sont présentes à l'écran en tant femmes politiques, battantes, prostituées, guerrières, sorcières, anges, etc. Possédant de grandes techniques (savoir rire, pleurer, chanter, danser, courir, etc.) pour interpréter un rôle, l'actrice africaine du cinéma est prête à tout donner (dans le bon sens) pour incarner à l'écran un personnage. Mais, comment peut on parler de la comédienne africaine et ne pas marquer une halte sur certains noms ?
Aï Keïta Yara, a incarné la reine Sarraounia dans la fiction de Med Hondo (Mauritanie) qui a remporté le grand prix du Yennenga en 1986. A l'époque, la jeune comédienne burkinabè avait presque fait le tour du monde comme une reine, pour réincarner et (ra)conter l'histoire de la reine Sarrounia dans les salles obscures des festivals dédiés au septième art. Ce succès lui a permis de signer plusieurs contrats avec d'autres réalisateurs africains. De l'interprétation du rôle d'une reine résistante, elle enveloppera par la suite la tunique de Mamy Wata de Moustapha Diop, de Haramuya de Drissa Touré, etc. Sa taille imposante, son teint naturel (sans ces horribles éclaircissants cancérigènes qui décapent la peau) et surtout son talent, ont fait d'elle - pendant près de deux décennies - une star du grand écran africain.
Ce passé glorieux, Zalika Souley l'a aussi connu. Il y a plus de quarante ans, Zalika était un monstre sacré du grand écran. La comédienne nigérienne était parfois présentée comme étant la première actrice africaine vraiment professionnelle. Elle a joué dans de nombreux films et travaillé avec de grands noms du cinéma nigérien (Oumarou Ganda, Moustapha Alassane) et d'autres réalisateurs africains comme Adama Haliilu du Nigéria.
Aujourd'hui, il est beau d'apprécier le talent de Fatoumata Diawara dans le rôle titre de Sya, le rêve du python de Dani Kouyaté, de Georgette Paré dans le rôle de Mimi dans Une femme pas comme les autres d'Abdoulaye Dao, de la Sénégalaise Maïmouna Ndiaye dans le rôle de l'avocate Tou Héma dans L'œil du cyclone de Sékou Traoré, ou encore de la Tunisienne Hend Sabry une des valeurs sûres du continent africain qui a débuté chez elle à 14 ans avec Les Silences du Palais de Moufida Tlatli, puis à continuer à briller au pays des pharaons et dans le monde entier avec L'Immeuble Yacoubian, L'Aquarium / Genenet al asmak en 2007, ou encore L'Envie / El Shooq de Khaled El Hagar qui sort fin mars son nouveau film. Sans occulter les actrices de la diaspora : France Zobda, Tella Kpomahou, Prudence Maïdou, Mata Gabin, …
Cependant, il faut aussi avoir une pensée pour toutes ces comédiennes qui ont frayé le chemin, bravé les injures, les préjugés, aux premières heures du cinéma en Afrique. Joséphine Kaboré fait partie de celles-ci dont il importe de reconnaitre la contribution dans la création du cinéma africain.
À l'Etat civil, elle est née en 1933, à Bobo Dioulasso (deuxième ville du Burkina Faso) sous le nom Yamba Compaoré. En 1947, elle reçoit le baptême catholique sous le nom de Joséphine. Par les liens du mariage, elle devient Joséphine Kaboré en 1950. Avant d'embrasser la carrière de comédienne de cinéma, Joséphine Kaboré exerçait comme agent des postes et transports où elle a été admise à une retraite anticipée en 1986. Passionnée du théâtre, elle intègre au début des années 1960 la Troupe Théâtrale de la Radiophonique (TTR). Heureuse opportunité qui lui permet de travailler avec des cinéastes comme Augustin Taoko, Emmanuel Sanou, Djim Kola, Abdoulaye Sow, etc.
Son talent de comédienne a été par la suite exploité par ces réalisateurs dans leurs œuvres cinématographiques. Mais son talent sera véritablement mis en lumière par Gaston Kaboré (avec qui elle n'a pas de lien de parenté hormis le nom de famille commun). Il exploite son talent dans ses œuvres Zan Boko, Rabi et Buud Yam, Etalon de Yennenga en 1997. Entre temps, d'autres cinéastes lui font confiance à l'instar de Kollo Sanou pour son film Jigi (l'espoir), Abdoulaye D. Sow dans Yelbeedo, Djim Kola avec Les Étrangers. Joséphine Kaboré a fréquenté les plateaux de tournage de presque tous les réalisateurs burkinabès. Dans sa récente filmographie, mentionnons les longs métrages Siraba d'Issa Traoré de Brahima, Ouaga saga de Dani Kouyaté ou encore le court métrage Safi, la petite mère du réalisateur Raso Ganemtoré.
À quatre vingt trois (83) ans, Joséphine Kaboré est toujours sollicitée par des cinéastes. Et ce n'est pas par hasard que son nom figure par les comédiens du film Wallaye ! du réalisateur suisse Berni Goldblat actuellement en tournage dans le sud ouest du Burkina Faso. C'est à juste titre que les JCFA 2016, ont déroulé le tapis rouge pour sa longue et riche carrière. Un hommage mérité lui a été rendu à lors de la cérémonie de clôture de la quatrième édition. Après plus d'un demi-siècle, c'est la première fois qu'un festival tire son chapeau à Joséphine Kaboré.
Bien avant cette distinction, l'État burkinabè a déjà reconnu son talent en l'élevant au grade de Chevalier de l'Ordre national du Mérite des arts, des lettres et de la communication avec agrafe Cinématographie.
Joséphine est aujourd'hui veuve, grand-mère, arrière grand-mère et mère de huit (8) enfants dont une fille.
Abraham N. Bayili
Africiné Magazine, Ouaga
pour Images Francophones
Image : L'actrice Joséphine Kaboré avec son trophée d'honneur, en compagnie de Stanislas Meda, Secrétaire général du Ministère de la Culture des arts et du Tourisme lors de la cérémonie de clôture des Journées Cinématographiques de la femme africaine de l'image - JCFA 2016
Crédit : DR