Italie : la vague francophone en vogue
La 22ème édition du Festival du Cinéma Africain, d'Asie et d'Amérique Latine se déroulera à Milan du 19 au 25 Mars 2012.
Sous une apparente discrétion, l'Italie compte quelques festivals majeurs consacrés à l'Afrique et ouverts aux cinémas francophones : Milan, Vérone, Padoue, Parme, Trieste. Sans compter ceux de Rome et Turin qui en sélectionnent régulièrement ou encore ceux comme celui d'Asuni (Sardaigne) qui font des rétrospectives exceptionnelles. En sous-titrant les films en italien, ils leur font gagner de nouveaux publics.
Vérone : l'Afrique sous le balcon des amoureux
Il y a quelques mois, le Festival de Vérone a accueilli la parution de l'ouvrage : Camera Africa: Classici, noir e Nollywood e la nuova generazione del cinema delle Afriche ("Camera Africa: Classiques, noir et Nollywood et la nouvelle génération du cinéma des Afriques"), sous la direction de Vanessa Lanari en collaboration avec Fabrizio Colombo et Stefano Gaiga. Quelques réalisateurs y commentent leurs films coup de cœur, dont Parmi les auteurs, Raja Amari, réalisatrice tunisienne qui dit en quoi le film Hyènes (Mambéty, Sénégal) l'a marquée.
Ce livre - paru chez Cierre Edizioni, dans la collection Sequenze, avec l'appui de la fondation lettera27 - mûrissait depuis 2010, afin de faire partie de la célébration de la 30ème édition du plus ancien festival italien spécialisé autour des cinémas africains. En effet, depuis 1980, le Festival du Cinéma Africain de Vérone propose des films en compétitions et une sélection des meilleures productions du continent africain.
La ville est célèbre pour les amours de Roméo et Julliette : des touristes y défilent en masse pour admirer le balcon (reconstruit) de Juliette ; les plus hardis (ou désespérés) caressent le sein gauche, côté cœur, de la petite statue grandeur nature de la donzelle véronaise car une légende veut qu'on trouve enfin l'amour (dans l'année) si on lui touche cette partie de la poitrine.
Né en 1831 à Limone sul Garda (Brescia - Italie), c'est à Vérone où il étudie que le jeune Daniele Comboni découvre sa vocation qui fera de lui l'un des plus grands missionnaires de l'église chrétienne. Ce qui le conduira en Afrique Centrale particulièrement à Khartoum (capitale du Soudan). Fidèle à son credo, "O Nigrizia o morte" ("L'Afrique ou la mort"), il fonde en 1867 l'institut Comboniani, à Vérone.
Cent treize (113) ans après, les missionnaires Comboniens créent le festival de cinéma consacré au continent africain. Le cinéma francophone y règne alors en maître, néanmoins les organisateurs jouent les têtes chercheuses et contribuent à faire connaître le cinéma d'Afrique de l'Est (Kenya, …) majoritairement anglophone.
Les critiques de cinéma conviés depuis 1981 sont Tahar Chikhaoui (Tunisie), Baba Diop (Sénégal), Guido Convents (Belgique), Annamaria Gallone (Italie) ainsi que Clément Tapsoba (Burkina Faso). Excepté ce dernier, tous les autres ont contribué au livre Camera Africa. Premier site uniquement spécialisé autour des cinémas africains et Diaspora, Africiné (Dakar) a aussi proposé d'autres auteurs comme Meriam Azizi (Tunisie), pour ne citer qu'elle, outre Tahar Chikhaoui et Baba Diop son président. Parmi les contributeurs de l'ouvrage, il y a d'autres spécialistes italiens des cinémas africains : Alessandro Jedlowsky et Farah Polato. Cette dernière enseigne à l'Université de Padoue qui a développé ImmaginAfrica, Rencontres cinématographiques africaines. Padoue débute une semaine avant Vérone, sous la houlette de l'universitaire Silvia Failli (coordonnatrice d'ImmaginAfrica) et de la professeure Farah Polato.
Le festival de Vérone a du reste débuté comme des rencontres cinématographiques avant de s'ouvrir à la compétition. Il a trois directeurs artistiques : Fabrizio Colombo (missionaire combonien qui a vécu au Tchad où il a produit des jeunes musiciens) et Stefano Gaiga, en collaboration avec Giusy Buemi (elle est auteure d'une thèse sur le cinéma algérien). Vérone étend sa programmation à Cerea, Trieste et Padoue.
Padoue : la ville de Saint-Antoine et Giotto fait son cinéma
Du 8 au 15 novembre 2011, les rencontres cinématographiques africaines de Padoue ont déroulé leur septième édition. Les projections sont en langue originale sous-titrée en italien et les débats sont animés par des critiques de cinéma africains ou les réalisateurs invités (cette année Abdelkrim Bahloul, Bob Njanja ; au dernier moment Jeta Amata a été lui empêché).
La longue silhouette de feu Sotigui Kouyaté est le premier à traverser l'écran avec le court métrage Errance du Tunisien Nouri Bouzid, un des dix réalisateurs de la série "L'Afrique vue par..." produite en marge du festival Panafricain d'Alger 2009. L'acteur burkinabè y campe un griot en transit qui butte sur un fonctionnaire qui, derrière les salamalecs ("mon frère",...), cède à la xénophobie mettant à mal le principe que l'Africain doit pouvoir se sentir célébrer la fraternité sur tout le continent, interrompant son dialogue avec les enfants qui s'amusent et s'instruisent dans une ancienne arène romaine.
Le long métrage Quelques jours de répit, de Amor Hakkar a fermé la soirée d'ouverture : le réalisateur algérien y joue le premier rôle (Moshen, professeur de français à l'Université de Téhéran) avec Samir Guesmi (Hassan, photographe). C'est l'histoire tragide deux homosexuels iraniens qui cherchent refuge en France et tombent sur Yolande (Marina Vlady qui avait joué dans le film franco-gabonais La Cage, 1963).
À l'identique de Vérone et Milan, la sensibilisation du jeune public est une part importante du programme dans la ville de Saint Antoine : la séance de 9h du matin lui est consacrée tandis que celle de 21h est pour le grand public. Situé pas loin de la Chapelle des Scrovegni (ornée des remarquables fresques de Giotto), au centre de Padoue, le Centre Culturel San Gaetano/Altinate, disposant d'un magnifique musée et d'une belle bibliothèque publique, voit sa grande salle de projection souvent prise d'assaut par près de 200 collégiens/lycéens le matin et des Padouans plus âgés (beaucoup d'étudiants dont certains sont africains) le soir.