Israël boycotté. Les portes closes de l'Open Doors
Festival de film de Locarno 2015, Suisse
Open Doors est un laboratoire de coproduction organisé par le Festival de Locarno, avec le soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéral des affaires étrangères. La session 2015 d'Open Doors s'est consacrée au cinéma provenant de quatre pays du Maghreb (Algérie, Libye, Maroc, Tunisie). Le laboratoire de coproduction (8-11 août), a pour but de mettre en relation les réalisateurs et producteurs finalistes avec des partenaires potentiels afin de leur permettre d'obtenir le soutien et les financements nécessaires à leurs projets. En outre des prix ont été attribués par le Jury Open Doors afin de soutenir la production (remis à la maison de production) ou le développement (remis aux réalisateurs). Le programme des Open Doors Screenings a présenté une sélection de 22 films d'Algérie, de Libye, du Maroc et de Tunisie.
Des cinéastes maghrébins se sont joints à la conférence de presse organisée par le BDS - campagne de Boycott Désinvestissement Sanctions- organisée en marge du Festival du Film de Locarno pour protester contre le partenariat de celui-ci avec le Fonds israélien du Cinéma.
Plutôt un second qu'un premier regard
Au départ annoncée sous le titre " Carte blanche 2015 : coup de projecteur sur Israël ", l'initiative qui chaque année a pour but de présenter des films issus de talents émergents (cette année six films d'Israël) a été rebaptisée " First Look : Focus on Israeli Cinema " suite à la pression des producteurs et réalisateurs tunisiens qui avaient alors averti les responsables du festival de leur mécontentement. S'en suivra une déclaration officielle (lire la Mise au point de la part des cinéastes tunisiens invités au festival de Locarno) sur leur position et le retrait de leurs films de la programmation Open Doors consacrée cette édition à quatre pays du Maghreb : Algérie, Maroc, Tunisie et Lybie.
Ces cinéastes et professionnels africains de l'industrie, main dans la main avec le BDS Suisse à l'initiative de la conférence de presse, reprochent à l'évènement tessinois que le fonds Israeli Film Fund, (partenaire du festival à l'occasion de la Carte Blanche) soit soutenu par le Conseil israélien pour le cinéma, mandaté donc par le gouvernement israélien, et qu'il bénéficie aussi du soutien du service Cinéma du Ministère israélien des Affaires Etrangères. Faut-il enfin rappeler que les propos de la nouvelle ministre israélienne des affaires culturelles concernant l'appui aux artistes qui ne soutiennent pas les politiques de son gouvernement résonnent encore de façon glaciale dans le milieu.
Les responsables du festival se sont défendus : " La nature du projet qu'on dédie au cinéma israélien n'est pas une "carte blanche", d'une part parce qu'il ne s'agit pas d'une plateforme donnée à l'Etat d'Israél ou à l'Israeli Film Fund, et d'autre part parce que le choix des films en postproduction est opéré uniquement par la Direction Artistique du Festival ". En ajoutant : " Pour cette raison, en tenant compte des préoccupations dont nous ont fait part plusieurs réalisateurs, nous avons décidé de changer le nom de l'initiative en First Look, puisque le nom de Carte Blanche ne correspondait tout simplement pas à la réalité du projet. "
Politique de la chaise vide ou pas?
Le scénariste et réalisateur tunisien Mehdi Ben Attia (Je ne suis pas mort), qui a un projet en développement fait partie des signataires de la déclaration officielle. Cependant, il précise qu'il s'agit d'une action dans le cadre de la programmation de la section Open Doors.''J'ai été invité par le festival parce que j'ai un projet à présenter et aussi pour protester contre ce partenariat financier entre les Fonds d'Israël et le festival'', dit-il.
Même si les Tunisiens furent ceux qui se sont le plus prononcés contre ce partenariat (œuvres retirées), les autres pays du Maghreb à l'honneur, n'en sont pas en reste.''Nous n'avons pas fait d'appel, mais on a longtemps discuté pour savoir comment on allait réagir à ça'', explique Karim Moussaoui (Les Jours d'avant), réalisateur algérien aussi invité pour un projet de film. ''La réflexion n'était pas sur le soutien, cela a été très vite car nous aussi on est à 100% contre! La vraie question pour nous était de savoir si on boycottait ou pas? Si on allait venir ou pas? Et je suis là aujourd'hui pour exprimer notre soutien'', dit-il.
L'auteur de la comédie Le Veau d'or, le Marocain Hassan Legzouli s'est quant à lui exprimé sur sa réserve : ''Il y a eu une pétition qui a circulé et qu'on a signée pour marquer notre mécontentement. Mais, bien que je respecte la position de mes confrères tunisiens, je ne crois pas à la politique de la chaise vide. Ne pas être présent ne fait qu'inciter la propagande. Je ne veux pas être instrumentalisé ou être pris en otage, dit-il. Mais je suis là pour protester aussi'', ajoute-t-il.
A qui profite le boycott?
Le Boycott a eu une incidence sur la programmation. Elle se résumait parfois à un long-métrage par jour, alors que la section Open Doors ne dure que cinq jours sur tout le festival. Pas d'ambiance tendue mais tout de même un petit grincement pour les contenus absents. L'organisation du festival n'est pas revenue de manière officielle sur la controverse durant les manifestations depuis qu'elle a justifié son choix au nom de la neutralité culturelle et de la liberté d'expression. Selon le réalisateur israélien Nadav Lapid (L'institutrice), membre du jury du Concours international, c'est la liberté d'expression des artistes qui est ici la première victime : " C'est dommage qu'encore une fois c'est l'art qui en paie les frais, dit-il. " Je ne suis pas contre l'initiative mais je trouve ça dommage de vouloir pénaliser les films et les artistes israéliens qui n'y sont pour rien. Ils n'ont rien à avoir avec la politique ", précise l'auteur qui comptait parmi les huit cinéastes israéliens qui, lors du festival de film de Jérusalem 2014, avaient lancé un appel au cessez-le feu suite aux nombreuses victimes palestiniennes causées par les attaques de l'armée de l'Etat hébreu dans la bande de Gaza.
Cette passe d'armes entre cinéastes maghrébins et le festival de Locarno était prévisible à cause de la sensible question israélo-palestinienne. Mais cela repose le problème de l'art et du politique. Peut-on vraiment les dissocier ? Pour beaucoup de cinéastes d'Afrique, c'est une dissociation impossible.
Djia Mambu
Locarno, Août 2015.
Africiné, Bruxelles
pour Images Francophones
PALMARÈS Open Doors 2015
Open Doors Grant (50'000 CHF)
Prix financé par l'initiative Open Doors en collaboration avec la Ville de Bellinzone et le fonds suisse d'aide à la production Visions Sud Est, également soutenu par la DDC :
Production Grant (30'000 CHF) : LE FORT DES FOUS de Narimane Mari, Algérie
Development Grant (10'000 CHF) : ALLER SIMPLE de Nadia Raïs, Tunisie
Development Grant (10'000 CHF) : PAGAN MAGIC de Fyzal Boulifa, Maroc / France
Prix ICAM (20'000 EUR) - Bourse de ICAM (Investing in Culture & Art in the South Mediterranean), une nouvelle initiative financée par l'Union Européenne (Programme Med Culture) : SAINT INCONNU de Alaa Eddine Aljem, Maroc
Bourse CNC (10'000 EUR) : EN ATTENDANT LES HIRONDELLES de Karim Moussaoui, Algérie
Prix ARTE International Open Doors (6'000 EUR) : THE COLONEL'S STRAY DOGS de Khalid Shamis, Lybie / Afrique du Sud
Prix MAD Solutions
MAD Solutions a décidé de primer deux projets avec un accord de distribution incluant le financement des relations publiques, marketing, presse et publicité.
Alaa Karkouti, Cofondateur/Managing Partner/Analyste de Film : " En raison du nombre de projets importants dans la sélection d'Open Doors, nous avons décidé d'attribuer notre prix MAD Distribution à deux projets. Nous sommes convaincus que les pays du Maghreb sont riches en idées et contenus, et qu'ils ont besoin d'une diffusion dans tout le monde arabe. "
L'AMOUR DES HOMMES de Mehdi Ben Attia, Tunisie / France
RUQYA de Yanis Koussim, Algérie / France
Open Doors est organisé en étroite collaboration avec l'Industry Office du Festival de Locarno et bénéficie du soutien des partenaires suivants : ACE (Ateliers du cinéma européen), EAVE (European Audiovisual Entrepreneurs), Producers Network Marché du Film (Festival de Cannes) et le TorinoFilmLab. Le Festival se prévaut de la contribution d'Alex Moussa Sawadogo, expert du cinéma africain et directeur du festival Afrikamera de Berlin.
Photo: Les lauréats de MAD Solutions, pour le film L'AMOUR DES HOMMES, Mehdi Ben Attia et son producteur, David Mathieu-Mahias
Crédit : MAD Solutions
Des cinéastes maghrébins se sont joints à la conférence de presse organisée par le BDS - campagne de Boycott Désinvestissement Sanctions- organisée en marge du Festival du Film de Locarno pour protester contre le partenariat de celui-ci avec le Fonds israélien du Cinéma.
Plutôt un second qu'un premier regard
Au départ annoncée sous le titre " Carte blanche 2015 : coup de projecteur sur Israël ", l'initiative qui chaque année a pour but de présenter des films issus de talents émergents (cette année six films d'Israël) a été rebaptisée " First Look : Focus on Israeli Cinema " suite à la pression des producteurs et réalisateurs tunisiens qui avaient alors averti les responsables du festival de leur mécontentement. S'en suivra une déclaration officielle (lire la Mise au point de la part des cinéastes tunisiens invités au festival de Locarno) sur leur position et le retrait de leurs films de la programmation Open Doors consacrée cette édition à quatre pays du Maghreb : Algérie, Maroc, Tunisie et Lybie.
Ces cinéastes et professionnels africains de l'industrie, main dans la main avec le BDS Suisse à l'initiative de la conférence de presse, reprochent à l'évènement tessinois que le fonds Israeli Film Fund, (partenaire du festival à l'occasion de la Carte Blanche) soit soutenu par le Conseil israélien pour le cinéma, mandaté donc par le gouvernement israélien, et qu'il bénéficie aussi du soutien du service Cinéma du Ministère israélien des Affaires Etrangères. Faut-il enfin rappeler que les propos de la nouvelle ministre israélienne des affaires culturelles concernant l'appui aux artistes qui ne soutiennent pas les politiques de son gouvernement résonnent encore de façon glaciale dans le milieu.
Les responsables du festival se sont défendus : " La nature du projet qu'on dédie au cinéma israélien n'est pas une "carte blanche", d'une part parce qu'il ne s'agit pas d'une plateforme donnée à l'Etat d'Israél ou à l'Israeli Film Fund, et d'autre part parce que le choix des films en postproduction est opéré uniquement par la Direction Artistique du Festival ". En ajoutant : " Pour cette raison, en tenant compte des préoccupations dont nous ont fait part plusieurs réalisateurs, nous avons décidé de changer le nom de l'initiative en First Look, puisque le nom de Carte Blanche ne correspondait tout simplement pas à la réalité du projet. "
Politique de la chaise vide ou pas?
Le scénariste et réalisateur tunisien Mehdi Ben Attia (Je ne suis pas mort), qui a un projet en développement fait partie des signataires de la déclaration officielle. Cependant, il précise qu'il s'agit d'une action dans le cadre de la programmation de la section Open Doors.''J'ai été invité par le festival parce que j'ai un projet à présenter et aussi pour protester contre ce partenariat financier entre les Fonds d'Israël et le festival'', dit-il.
Même si les Tunisiens furent ceux qui se sont le plus prononcés contre ce partenariat (œuvres retirées), les autres pays du Maghreb à l'honneur, n'en sont pas en reste.''Nous n'avons pas fait d'appel, mais on a longtemps discuté pour savoir comment on allait réagir à ça'', explique Karim Moussaoui (Les Jours d'avant), réalisateur algérien aussi invité pour un projet de film. ''La réflexion n'était pas sur le soutien, cela a été très vite car nous aussi on est à 100% contre! La vraie question pour nous était de savoir si on boycottait ou pas? Si on allait venir ou pas? Et je suis là aujourd'hui pour exprimer notre soutien'', dit-il.
L'auteur de la comédie Le Veau d'or, le Marocain Hassan Legzouli s'est quant à lui exprimé sur sa réserve : ''Il y a eu une pétition qui a circulé et qu'on a signée pour marquer notre mécontentement. Mais, bien que je respecte la position de mes confrères tunisiens, je ne crois pas à la politique de la chaise vide. Ne pas être présent ne fait qu'inciter la propagande. Je ne veux pas être instrumentalisé ou être pris en otage, dit-il. Mais je suis là pour protester aussi'', ajoute-t-il.
A qui profite le boycott?
Le Boycott a eu une incidence sur la programmation. Elle se résumait parfois à un long-métrage par jour, alors que la section Open Doors ne dure que cinq jours sur tout le festival. Pas d'ambiance tendue mais tout de même un petit grincement pour les contenus absents. L'organisation du festival n'est pas revenue de manière officielle sur la controverse durant les manifestations depuis qu'elle a justifié son choix au nom de la neutralité culturelle et de la liberté d'expression. Selon le réalisateur israélien Nadav Lapid (L'institutrice), membre du jury du Concours international, c'est la liberté d'expression des artistes qui est ici la première victime : " C'est dommage qu'encore une fois c'est l'art qui en paie les frais, dit-il. " Je ne suis pas contre l'initiative mais je trouve ça dommage de vouloir pénaliser les films et les artistes israéliens qui n'y sont pour rien. Ils n'ont rien à avoir avec la politique ", précise l'auteur qui comptait parmi les huit cinéastes israéliens qui, lors du festival de film de Jérusalem 2014, avaient lancé un appel au cessez-le feu suite aux nombreuses victimes palestiniennes causées par les attaques de l'armée de l'Etat hébreu dans la bande de Gaza.
Cette passe d'armes entre cinéastes maghrébins et le festival de Locarno était prévisible à cause de la sensible question israélo-palestinienne. Mais cela repose le problème de l'art et du politique. Peut-on vraiment les dissocier ? Pour beaucoup de cinéastes d'Afrique, c'est une dissociation impossible.
Djia Mambu
Locarno, Août 2015.
Africiné, Bruxelles
pour Images Francophones
PALMARÈS Open Doors 2015
Open Doors Grant (50'000 CHF)
Prix financé par l'initiative Open Doors en collaboration avec la Ville de Bellinzone et le fonds suisse d'aide à la production Visions Sud Est, également soutenu par la DDC :
Production Grant (30'000 CHF) : LE FORT DES FOUS de Narimane Mari, Algérie
Development Grant (10'000 CHF) : ALLER SIMPLE de Nadia Raïs, Tunisie
Development Grant (10'000 CHF) : PAGAN MAGIC de Fyzal Boulifa, Maroc / France
Prix ICAM (20'000 EUR) - Bourse de ICAM (Investing in Culture & Art in the South Mediterranean), une nouvelle initiative financée par l'Union Européenne (Programme Med Culture) : SAINT INCONNU de Alaa Eddine Aljem, Maroc
Bourse CNC (10'000 EUR) : EN ATTENDANT LES HIRONDELLES de Karim Moussaoui, Algérie
Prix ARTE International Open Doors (6'000 EUR) : THE COLONEL'S STRAY DOGS de Khalid Shamis, Lybie / Afrique du Sud
Prix MAD Solutions
MAD Solutions a décidé de primer deux projets avec un accord de distribution incluant le financement des relations publiques, marketing, presse et publicité.
Alaa Karkouti, Cofondateur/Managing Partner/Analyste de Film : " En raison du nombre de projets importants dans la sélection d'Open Doors, nous avons décidé d'attribuer notre prix MAD Distribution à deux projets. Nous sommes convaincus que les pays du Maghreb sont riches en idées et contenus, et qu'ils ont besoin d'une diffusion dans tout le monde arabe. "
L'AMOUR DES HOMMES de Mehdi Ben Attia, Tunisie / France
RUQYA de Yanis Koussim, Algérie / France
Open Doors est organisé en étroite collaboration avec l'Industry Office du Festival de Locarno et bénéficie du soutien des partenaires suivants : ACE (Ateliers du cinéma européen), EAVE (European Audiovisual Entrepreneurs), Producers Network Marché du Film (Festival de Cannes) et le TorinoFilmLab. Le Festival se prévaut de la contribution d'Alex Moussa Sawadogo, expert du cinéma africain et directeur du festival Afrikamera de Berlin.
Photo: Les lauréats de MAD Solutions, pour le film L'AMOUR DES HOMMES, Mehdi Ben Attia et son producteur, David Mathieu-Mahias
Crédit : MAD Solutions