Hyènes (Mambéty) à Gorée Cinéma et Adama de Simon Rouby bientôt à Dakar.
Le cinéaste Joseph GAYE Ramaka et son équipe projettent le long métrage de Djibril Diop Mambéty le 10 octobre pour clôturer leur cycle de cinéma. Ils convient dès novembre les cinéphiles dans un nouveau lieu de projection, le Grand Théâtre Cinéma.
Élargir les frontières
C'est avec Fièvres du réalisateur Hicham Ayouch (Maroc) qui a remporté le grand prix à Ouaga (Etalon d'Or Fespaco 2015) que le cycle de Gorée Cinéma a débuté en mai 2015. Déjà six mois durant lesquels la dimension panafricaine a été au centre de la programmation. Pour le sixième cycle (qui clôture la Première saison), c'est le film sénégalais le plus panafricain (avec Moolaadé, 2003, Sembène Ousmane) qui est à l'honneur. Il s'agit du troisième et dernier long métrage du regretté Djibril Diop Mambéty (1945 Dakar - 1998 Paris).
Hyènes (Ramatou) a fait sa Première Mondiale au Festival de Cannes 1992, dans la section royale, en Compétition Officielle. Modeste, le grand frère du compositeur-cinéaste Wasis Diop et oncle de la réalisatrice Mati Diop dira : "je suis venu à Cannes en confrontation, pas en compétition". Le film adapte la pièce de théâtre Der Besuch der Alten Dame (La Visite de la Vieille dame, 1956) du dramaturge alémanique Friedrich Dürrenmatt (le plus grand auteur suisse, avec Max Frisch). Linguère Ramatou revient dans la ville de Colobane, 45 ans après y avoir été chassée et humiliée. Elle entend faire payer Dramaan Drameh qui n'avait pas reconnu la paternité de l'enfant qu'elle portait alors et les Colobanois. Elle réclame rien de moins que Dramaan soit tué en échange de 1 000 milliards. Quelle morale triomphera ? Mambéty propose une réflexion plus large que la trahison et le crime d'honneur, il en fait une puissante parabole sur le pouvoir exorbitant des institutions de Bretton Hoods (Banque Mondiale et Front Monétaire Internationale, FMI). C'était avant la crise en Argentine et surtout la récente crise en Grèce. Le linguiste sénégalais Papa Amadou Dia relève la double métaphore euphonique du titre (outre celle qui réfère à l'animal carnasssier) : Yen (la monnaie japonaise, sur le pouvoir de l'argent) et Yèèn ("vous" en langue wolove, sur la responsabilité de certains Africains dans le destin désatreux du continent extrêmement riche et terriblement appauvri).
Initialement prévu le 03 octobre, le cycle final a été déplacé au samedi 10 octobre 2015, car un deuil national a été décrété au Sénégal en hommage aux centaines de victimes mortes ou blessées durant le Pélérinage musulman à la Mecque, fin septembre 2015 (le bilan et la cause restent controversés). Par respect et solidarité, Gorée Cinéma a reculé d'une semaine son évènement.
La projection est précédée par un concert du mythique groupe Xalam 2. Autour de feu Prosper Niang ces musiciens talentueux de Dakar ont enflammé les scènes et les cœurs sur tous les continents, donnant une couleur nuancée à la musique sénégalaise dominée par le Mbalax. Ils ont aussi apporté leur concours à nombre de collaborations musicales et fricoté avec le remuant mbalax. À force de recherches et d'ouvertures, les savants contre-temps des Diolas côtoient des arpèges de guitare rock, les solos de piano dialoguent avec les quatre temps des sabars, ces percussions sénégalaises popularisées par le Tambour Major Doudou Ndiaye Rose qui vient de nous quitter il y a quelques semaines.
Le pianiste Henri Guillabert vient de signer le titre Jëlëti ("Trouver" en wolof, album Dadjé) avec le chanteur Souleymane Faye, une puissante ôde à l'amour ; dans le clip vidéo on y retrouve l'acteur haïtien Jimmy Jean-Louis, l'actrice ivoirienne Marie-Philomène Nga, le rappeur et danseur sénégalais Baye Souley, le percussionniste Doudou Ndiaye Rose, pour ne citer que ceux-là.
Le Cinéma au Grand Théâtre, avec un long métrage animation
Il fut inauguré en retard, en 2011 (l'édifice situé près de la gare ferroviaire était prévu pour la seconde édition du Festival Mondial des Arts Nègres, FESMAN, qui s'est tenu après plusieurs reports en décembre 2010, durant 3 semaines). Pour veiller sur ce joyau que le président sénégalais qualifiait de " l'une des sept merveilles " qu'il avait le projet de construire (exclusivement à Dakar, curieusement), dont une école d'Architecture et la Bibliothèque Nationale. La direction fut confiée à Youma Fall (elle est désormais Directrice de la diversité et du développement culturels à l'Organisation Internationale de la francophonie OIF).
Adama du réalisateur français Simon Rouby ouvre le bal le 1er Novembre. Un hommage aux tirailleurs africains (sénégalais, algériens...) dont l'histoire reste encore mal explorée, malgré les nombreux films (Camp de Thiaroye de Sembène Ousmane et Thierno Faty Sow, Y'a bon, de Rachid Bouchareb) et recherches (Mansour Kébé, Armelle Mabon, Eric Deroo, …). Le 1er décembre 1944 alors que la guerre n'était pas achevée plusieurs dizaines de tirailleurs ont été massacrés par l'armée coloniale française… pour laquelle ils s'étaient battus.
Le film suit Adama, 12 ans, vit dans un village isolé d'Afrique de l'Ouest. Au-delà des falaises, s'étend le Monde des Souffles. Là où règnent les Nassaras. Une nuit, Samba, son frère aîné, disparaît. Adama, bravant l'interdit des anciens, décide de partir à sa recherche. Il entame, avec la détermination sans faille d'un enfant devenant homme, une quête qui va le mener au-delà des mers, au Nord, jusqu'aux lignes de front de la première guerre mondiale. Nous sommes en 1916. Réalisé par Simon Rouby, le scénario est de Julien Lilti, il est produit par Philippe Aigle et Séverine Lathuillière (Naïa, Paris).Le livre vient de sortir en librairies aux éditions Actes Sud Junior.
Le film sera le 21 octobre 2015, sur les écrans en France (distribution Océan Films). Azize Diabaté, Pascal Nzonzi, Oxmo Puccino et Jack Mba prêtent leur voix aux personnages de ce film d'animation.L'équipe du film (Simon Rouby, réalisateur, Julien Lilti, scénariste, Philippe Aigle et Séverine Lathuillière, producteurs) sera à Dakar dès le 28 octobre (Institut français de Dakar) puis le 1er novembre 2015 au Grand Théâtre. Le Grand Théâtre Cinéma signe le retour des grandes salles de cinéma dans la capitale sénégalaise. La page officielle sur facebook (cliquez sur le lien).
Les organisateurs
Réalisateur de Karmen, Plan Jaxaay, Et si Latif avait raison ?, entre autres, Joseph Gaï Ramaka a réuni autour de lui une équipe soutenue par la Mairie de Gorée et le Port de Dakar entre autres. Il s'inscrit dans la lignée des cinéastes sénégalais qui se sont toujours engagés pour transmettre le cinéma. Le regretté Samba Félix Ndiaye ou encore As Thiam (avec le Média Centre de Dakar), ainsi que pendant plusieurs années Ousmane William Mbaye au restaurant Bidew bi du Centre culturel français de Dakar. Ramaka a toujours été dans le sens de promouvoir la critique sociale et donner aux cinéphiles les moyens de l'exercer en toute intelligence et autonomie (et contre les obscurantismes face auxquels le Sénégal, pas plus que le monde entier, n'est à l'abri).
Thierno I. Dia
Magazine Africiné (Dakar), Bordeaux
pour Images Francophones
Image : Scène du film Adama de Simon Rouby (France 2015, animation 1h33).
Crédit : Océan Films.
C'est avec Fièvres du réalisateur Hicham Ayouch (Maroc) qui a remporté le grand prix à Ouaga (Etalon d'Or Fespaco 2015) que le cycle de Gorée Cinéma a débuté en mai 2015. Déjà six mois durant lesquels la dimension panafricaine a été au centre de la programmation. Pour le sixième cycle (qui clôture la Première saison), c'est le film sénégalais le plus panafricain (avec Moolaadé, 2003, Sembène Ousmane) qui est à l'honneur. Il s'agit du troisième et dernier long métrage du regretté Djibril Diop Mambéty (1945 Dakar - 1998 Paris).
Hyènes (Ramatou) a fait sa Première Mondiale au Festival de Cannes 1992, dans la section royale, en Compétition Officielle. Modeste, le grand frère du compositeur-cinéaste Wasis Diop et oncle de la réalisatrice Mati Diop dira : "je suis venu à Cannes en confrontation, pas en compétition". Le film adapte la pièce de théâtre Der Besuch der Alten Dame (La Visite de la Vieille dame, 1956) du dramaturge alémanique Friedrich Dürrenmatt (le plus grand auteur suisse, avec Max Frisch). Linguère Ramatou revient dans la ville de Colobane, 45 ans après y avoir été chassée et humiliée. Elle entend faire payer Dramaan Drameh qui n'avait pas reconnu la paternité de l'enfant qu'elle portait alors et les Colobanois. Elle réclame rien de moins que Dramaan soit tué en échange de 1 000 milliards. Quelle morale triomphera ? Mambéty propose une réflexion plus large que la trahison et le crime d'honneur, il en fait une puissante parabole sur le pouvoir exorbitant des institutions de Bretton Hoods (Banque Mondiale et Front Monétaire Internationale, FMI). C'était avant la crise en Argentine et surtout la récente crise en Grèce. Le linguiste sénégalais Papa Amadou Dia relève la double métaphore euphonique du titre (outre celle qui réfère à l'animal carnasssier) : Yen (la monnaie japonaise, sur le pouvoir de l'argent) et Yèèn ("vous" en langue wolove, sur la responsabilité de certains Africains dans le destin désatreux du continent extrêmement riche et terriblement appauvri).
Initialement prévu le 03 octobre, le cycle final a été déplacé au samedi 10 octobre 2015, car un deuil national a été décrété au Sénégal en hommage aux centaines de victimes mortes ou blessées durant le Pélérinage musulman à la Mecque, fin septembre 2015 (le bilan et la cause restent controversés). Par respect et solidarité, Gorée Cinéma a reculé d'une semaine son évènement.
La projection est précédée par un concert du mythique groupe Xalam 2. Autour de feu Prosper Niang ces musiciens talentueux de Dakar ont enflammé les scènes et les cœurs sur tous les continents, donnant une couleur nuancée à la musique sénégalaise dominée par le Mbalax. Ils ont aussi apporté leur concours à nombre de collaborations musicales et fricoté avec le remuant mbalax. À force de recherches et d'ouvertures, les savants contre-temps des Diolas côtoient des arpèges de guitare rock, les solos de piano dialoguent avec les quatre temps des sabars, ces percussions sénégalaises popularisées par le Tambour Major Doudou Ndiaye Rose qui vient de nous quitter il y a quelques semaines.
Le pianiste Henri Guillabert vient de signer le titre Jëlëti ("Trouver" en wolof, album Dadjé) avec le chanteur Souleymane Faye, une puissante ôde à l'amour ; dans le clip vidéo on y retrouve l'acteur haïtien Jimmy Jean-Louis, l'actrice ivoirienne Marie-Philomène Nga, le rappeur et danseur sénégalais Baye Souley, le percussionniste Doudou Ndiaye Rose, pour ne citer que ceux-là.
Le Cinéma au Grand Théâtre, avec un long métrage animation
Il fut inauguré en retard, en 2011 (l'édifice situé près de la gare ferroviaire était prévu pour la seconde édition du Festival Mondial des Arts Nègres, FESMAN, qui s'est tenu après plusieurs reports en décembre 2010, durant 3 semaines). Pour veiller sur ce joyau que le président sénégalais qualifiait de " l'une des sept merveilles " qu'il avait le projet de construire (exclusivement à Dakar, curieusement), dont une école d'Architecture et la Bibliothèque Nationale. La direction fut confiée à Youma Fall (elle est désormais Directrice de la diversité et du développement culturels à l'Organisation Internationale de la francophonie OIF).
Adama du réalisateur français Simon Rouby ouvre le bal le 1er Novembre. Un hommage aux tirailleurs africains (sénégalais, algériens...) dont l'histoire reste encore mal explorée, malgré les nombreux films (Camp de Thiaroye de Sembène Ousmane et Thierno Faty Sow, Y'a bon, de Rachid Bouchareb) et recherches (Mansour Kébé, Armelle Mabon, Eric Deroo, …). Le 1er décembre 1944 alors que la guerre n'était pas achevée plusieurs dizaines de tirailleurs ont été massacrés par l'armée coloniale française… pour laquelle ils s'étaient battus.
Le film suit Adama, 12 ans, vit dans un village isolé d'Afrique de l'Ouest. Au-delà des falaises, s'étend le Monde des Souffles. Là où règnent les Nassaras. Une nuit, Samba, son frère aîné, disparaît. Adama, bravant l'interdit des anciens, décide de partir à sa recherche. Il entame, avec la détermination sans faille d'un enfant devenant homme, une quête qui va le mener au-delà des mers, au Nord, jusqu'aux lignes de front de la première guerre mondiale. Nous sommes en 1916. Réalisé par Simon Rouby, le scénario est de Julien Lilti, il est produit par Philippe Aigle et Séverine Lathuillière (Naïa, Paris).Le livre vient de sortir en librairies aux éditions Actes Sud Junior.
Le film sera le 21 octobre 2015, sur les écrans en France (distribution Océan Films). Azize Diabaté, Pascal Nzonzi, Oxmo Puccino et Jack Mba prêtent leur voix aux personnages de ce film d'animation.L'équipe du film (Simon Rouby, réalisateur, Julien Lilti, scénariste, Philippe Aigle et Séverine Lathuillière, producteurs) sera à Dakar dès le 28 octobre (Institut français de Dakar) puis le 1er novembre 2015 au Grand Théâtre. Le Grand Théâtre Cinéma signe le retour des grandes salles de cinéma dans la capitale sénégalaise. La page officielle sur facebook (cliquez sur le lien).
Les organisateurs
Réalisateur de Karmen, Plan Jaxaay, Et si Latif avait raison ?, entre autres, Joseph Gaï Ramaka a réuni autour de lui une équipe soutenue par la Mairie de Gorée et le Port de Dakar entre autres. Il s'inscrit dans la lignée des cinéastes sénégalais qui se sont toujours engagés pour transmettre le cinéma. Le regretté Samba Félix Ndiaye ou encore As Thiam (avec le Média Centre de Dakar), ainsi que pendant plusieurs années Ousmane William Mbaye au restaurant Bidew bi du Centre culturel français de Dakar. Ramaka a toujours été dans le sens de promouvoir la critique sociale et donner aux cinéphiles les moyens de l'exercer en toute intelligence et autonomie (et contre les obscurantismes face auxquels le Sénégal, pas plus que le monde entier, n'est à l'abri).
Thierno I. Dia
Magazine Africiné (Dakar), Bordeaux
pour Images Francophones
Image : Scène du film Adama de Simon Rouby (France 2015, animation 1h33).
Crédit : Océan Films.