Henri Joseph KOUMBA BIDIDI : « Le Collier du Makoko aborde la thématique du métissage et de l'interculturalité »
Le réalisateur gabonais (en photo) s'exprime sur les circonstances qui ont guidé son deuxième long métrage et les conditions de tournage.
Confirmez-vous que Le Collier du Makoko, votre dernier long métrage a été entièrement produit par le Gabon ?
Oui c’est un film qui a été entièrement produit par le Gabon. Mais il faut quand même préciser une chose, c’est que ce film a obtenu auprès du Centre national du cinéma français le crédit mutuel d’impôts. C’est-à-dire qu’en raison du contenu du film, son partage de la culture français et francophone, le CNC n’a pas apporté de l’argent, mais il a accordé un bénéfice sur la TVA, pour toutes les opérations qui ont été financées en France. On peut dire que c’est une façon de nous soulager d’un certain budget effectivement.
Cette TVA là que nous avons économisée nous a permis de financer quasiment la plupart des effets spéciaux à près de 70%. On peut également bien parler de la prestation de notre producteur exécutif qui est la maison de production Adelaïde production en France.
Maintenant le financement, il est entièrement privé. J’insiste sur le mot privé, parce que c’est une histoire pour moi qui relève un peu du conte de fée. J’ai rencontré quelqu’un [Jeff BONGO ONDIMBA, Les Productions de l’Équateur, Ndlr] qui a vu un de mes précédents films, Les Couilles de l’éléphant. Il m’a abordé un jour en me disant « j’ai vu votre film et j’ai vu aussi d’autres choses que vous faites, j’ai vraiment aimé et j’aimerai bien investir dans le cinéma ». Nous avons discuté sur pas mal de projets et un jour on est tombé d’accord pour dire que ce scénario sur Le collier du Makoko – qui à l’époque s’intitulait Le lion de Poubara – était vraiment un film à faire. Compte tenu de son fond, de son contenu. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé avec un aîné, Charles Mensah, paix à son âme, qui est le producteur délégué du film. Il nous a dit « je vous laisse tout le côté artistique et organisationnel du film, moi je me charge de chercher les financements ».
Lorsqu’on dit que c’est un film qui a coûté 4 millions d’euros [2,623 milliards de Francs CFA ; certaines sources avançaient 5 milliards de CFA soit 7,622 millions d'euros, Ndlr], les uns et les autres peuvent s’imaginer que c’est du cash flow. C’est le budget du film, mais ce n’est pas toute la somme qui a été trouvée. Nous avons – après des négociations – réussi à obtenir l’assistance, des sponsorings, parfois même de l’amitié. Ça aussi, ça existe. Quelqu’un va vous céder un décor qui pouvait vous coûter un million Fcfa. Il fallait au moins disposer de l’équivalent d’à peu près un million d’euro, parce qu’il a fallu fabriquer des décors, créer certains villages qui n’existaient pas.
Une partie du tournage s’est déroulée en France, une autre au Gabon. Comment avez-vous organisé le tournage ?
Un film c’est une budgétisation par objectif de programme. Ce film, on a commencé à nous mettre réellement dedans en 2007 et nous l’avons tourné en 2010. Donc nous avons eu le temps de nous organiser pour que ce soit un tournage continu. On a réduit le tournage en France à 11 jours parce qu’il fallait rentrer dans le budget, il a fallu 15 jours pour le rapatriement du matériel, faire entrer les lions à Libreville, avec toutes les opérations administratives que cela comporte. On peut dire que, cumulé, c’est quatre mois de tournage, et il a fallu également 4 à 5 mois de montage.
On note dans votre scénario la mise en exergue du métissage. Qu’est-ce que cela symbolise pour vous ?
Vous avez mis le doigt sur le sujet, parce qu’effectivement c’est un film sur le métissage. Il est physique, humain, mais il est aussi culturel. Nous sommes dans un monde où pour exister nous devons apporter ce que nous avons d’original. C’est un peu le thème du film. Mais dans la mondialisation, c’est en gardant, en retrouvant notre identité, que nous apportons aux autres ce que nous avons de plus pur. Et c’est avec cela que les autres aussi peuvent composer, et c’est vrai que cela nous conduit à un monde de partage, du donner et du recevoir. Dans lequel il y a forcément une nouvelle dimension qui va naître, le métissage.
Ce métissage est culturel mais il est aussi ambiant. Ce n’est pas gratuit que des insectes viennent de par le monde pour revenir en Afrique, alors que les lions sont partis d’Afrique. C’est un discours global sur le métissage et sur ce que nous avons de plus sûr, à savoir que toute la planète a un destin commun. Si nous prenons conscience de gérer ce patrimoine que nous avons en héritage avec grand soin pour les générations qui viennent, c’est le plus grand bien que nous pouvons rendre à la nature qui nous a amené ici.
C’est cette thématique du métissage qui vous a le plus poussé à réaliser ce film ?
Le scénario originel a été écrit par Robert Darène, c’est un vieux réalisateur français qui est arrivé au Gabon en 1938. A l’époque il était comédien, il a incarné Savorgnan de Brazza dans le film Brazza réalisé par Léon Poirier. Il est revenu 1962 au Gabon tourner, avec notre doyen Philippe Mory, le premier long métrage gabonais La Cage. C’est lui qui a écrit le premier scénario, qui s’intitulait Le Lion de Poubara, dont nous nous sommes inspirés pour faire Le collier du Makoko. Parce que nous avons voulu, 50 ans après, donner la parole à ces précurseurs. Mais je l’ai adapté ; on avait deux ou trois autres scénarii.
On remarque aussi un mélange de genres cinématographiques comme la comédie et le fantastique, c’est un choix que vous emblez affectionner …
C’est vrai que le film, on le qualifierait d’une comédie d’aventure. Il y a deux ou trois genres qui se mélangent. Il y a de l’aventure, il y a un peu de fantastique, il y a de la comédie. C’est un peu ma touche, parce que j’aime des histoires qui se racontent comme si de rien n’était mais qui, en vérité, abordent des sujets assez sérieux. C’est ce que j’ai fait avec Les Couilles de l’éléphant. C’est un genre que je cultive et que j’adore. J’aime bien les choses qui sont décontractées, qui vont naturellement.
Vous avez mentionné que Patience Dabany, qui joue le rôle de la reine, ne vous a rien coûté. Est-ce le cas pour les autres acteurs, notamment Eriq Ebouaney ou Hélène De Fougerolles ?
Ce que j’ai dit, c’est une boutade. Dire qu’elle ne nous a rien coûté ne peut pas être totalement vrai. Mais si je vous le dis, je veux dire que nous avons fait ce film dans un cadre hautement professionnel. Tout est sur contrat. Qui apporte quoi et qui a quoi en retour ? À propos de madame Patience Dabany, c’était simplement pour dire qu’en vérité nous n’avons pas donné grand-chose, par rapport à ce qu’elle aurait dû nous coûter. Il faut dire qu’elle a déjà produit deux films au Gabon [Obali, 1976, et Ayouma, 1977, Ndlr] et elle est très impliquée dans la culture. Donc, lorsque nous avons fait le casting et qu’on avait du mal à trouver la personne qui devait incarner ce rôle, nous nous sommes tournés vers elle parce que c’est une chanteuse. Elle a la facilité, en faisant les clips, de se mettre devant une caméra.
Elle nous a juste dit qu’elle ne bouge qu’avec un certain nombre de personnes qui s’occupent d’elle. Donc ce n’est pas l’équipe qu’on a mise en place pour le film qui s’est occupée de sa coiffure, qui est un peu spéciale. Nous avons dû gérer toutes ces choses qui sont aussi une forme de budget. Sinon, nous avons travaillé dans un cadre où pour les comédiens qui avaient des agents artistiques, nous avons traité avec ces derniers. Ceux qui voulaient travailler avec nous directement, nous l’avons fait.
Je peux vous dire qu’aussi bien dans le cas d’Hélène de Fougerole que celui d’Eriq Ebouaney, ils ont accepté le projet avec enthousiasme. Ils ont dû dire à leurs agents qu’ils acceptent de travailler dans des conditions qui ne correspondaient pas avec ce qui était exigé de coutume. C’est parce qu’ils ont voulu participer à un projet qu’ils ont trouvé exaltant.
Le film fait quand même la part belle aux comédiens gabonais…
Oui, pour des questions économiques. Disons que pour une production, il est toujours mieux d’avoir des personnes qui sont sur place. Mais pour les rôles principaux, nous avons lancé un casting tout azimut. Même pour le rôle de la reine, on a lancé un casting à Paris, nous avons rencontré des comédiennes africaines talentueuses. Ensuite, nous avons fait face à un autre problème : la plupart des comédiens qui tournent au village ne parlant pas bien français, il aurait été difficile de leur faire jouer en français. Il fallait donc que la personne qui joue la reine puisse être en phase avec eux, qu’elle parle leur langue vernaculaire.
On a l’impression d’un concentré des divers aspects de la culture gabonaise…
C’est l’histoire qui l’impose, si vous regardez bien. Je vais vous dire, au moment où nous écrivions le scénario, il y avait en Ouganda un conflit entre l’administration et les chefferies traditionnelles. Il se trouve que dans la plupart de nos pays, l’administration administre le pays, mais à l’intérieur on a des groupes qui ont une organisation sociale, politique qui parfois fait en sorte que les missions issues de ces groupes peuvent interférer avec celles de l’administration. A partir du scénario originel, nous avons pensez qu’il était bon de poser le problème de cette façon, à savoir qu’il y a une chefferie locale qui veut procéder à une intronisation, alors que l’administration a d’autres voies d’intervention. Là nous utilisons les artifices de l’écriture d’un scénario pour faire avancer l’histoire, mettre des conflits. Compte tenu du fond de discours qui est celui de l’interculturalité, c’était effectivement l’occasion de mettre côte à côte des cultures différentes.
Comment s’est passé le tournage avec le lion, les sites étaient-ils réels ?
Vous savez le cinéma c’est le cinéma. On peut tourner une scène en Chine une autre aux États-Unis, on mélange et ça donne l’impression que ça s’est fait au même endroit. Pour des difficultés de calendrier, de logistique, de circonstance, on est obligé parfois de s’adapter. Le plus important est de garder la cohérence du film. Mais je peux vous dire que même les gens qui connaissent bien le Gabon, n’ont pas relevé ces mélanges que nous avons faits. Sinon, tous les décors sont réels. Ce qui a été créé ce sont surtout les mélanges entre les animaux et les acteurs. Vous imaginez bien que ce n’est pas évident de mettre un lion dans une foule. Il y a tellement de risques que personne ne peut s’hasarder à créer une telle condition. Il faut dire que nous avons eu un ou deux incidents avec le lion qui aurait pu amener à la catastrophe, Dieu merci cela n’est pas arrivé.
Vous avez tourné avec combien de caméras ?
Pour certaines scènes, nous avons tourné avec deux caméras. Soit parce qu’il fallait gagner du temps, soit parce qu’il s’agissait des scènes qui auraient été difficiles à refaire, notamment lorsqu’il fallait faire des cascades.
Où en êtes-vous avec la distribution ?
Il est sorti seulement au Gabon en 2011, là on est en train de travailler pour le sortir hors du Gabon. Mais entretemps, il y a des festivals comme Écrans noirs [à Yaoundé, Ndlr] où on ne pouvait pas ne pas venir honorer Bassek de notre présence. Nous sommes en contact avec deux distributeurs pour sa sortie. Les choses seront fixées au plus tard en septembre.
Qu’attendez-vous de ce film ?
Tout ce qu’on peut attendre d’un film ou d’un produit qu’on a mis sur le marché, c’est qu’il circule au maximum et qu’il rencontre l’adhésion si ce n’est l’estime du public.
Qu’il remporte des prix…
Ce n’est pas un film de festivals, nous savons tous quel est l’esprit de ces derniers. Ce sont en général des films qui tendent vers le contemplatif. Ça c’est plutôt un film qui est dans le narratif. Mais il est tout à fait normal que nous le présentions à des festivals pour le rendre plus visible et aussi pour tester comment il fonctionne avec un public. Au Gabon, il a fait presque 20 000 entrées en 15 jours de projection. Ce n’est pas rien, parce qu’on est juste dans une salle, chaque fois. On l’a projeté à Libreville, à Port Gentil et à Franceville, donc, nous assurons maintenant sa sortie à l’extérieur pour voir comment le ressortir au Gabon. Mais il fallait déjà le sortir à chaud, pour qu’il n’y ait pas trop de « kongossas » (de bavardages) autour.
Êtes-vous déjà sur un autre projet cinématographique, ou bien vous attendez de jouir d’abord des retombés de Le Collier du Makoko ?
Vous savez, l’idée doit toujours précéder les moyens. Quand une idée est bien fondée et qu’elle est partagée par les autres, les moyens arrivent d’eux-mêmes. J’en suis persuadé et c’est une idée que je défends. En attendant de passer à autre chose, nous avons déjà des projets en termes de séries, de films, au niveau des Productions de l’Équateur [société basée à Libreville, Ndlr].
Propos recueillis par Pélagie Ng’onana
(Africiné, Yaoundé)
Oui c’est un film qui a été entièrement produit par le Gabon. Mais il faut quand même préciser une chose, c’est que ce film a obtenu auprès du Centre national du cinéma français le crédit mutuel d’impôts. C’est-à-dire qu’en raison du contenu du film, son partage de la culture français et francophone, le CNC n’a pas apporté de l’argent, mais il a accordé un bénéfice sur la TVA, pour toutes les opérations qui ont été financées en France. On peut dire que c’est une façon de nous soulager d’un certain budget effectivement.
Cette TVA là que nous avons économisée nous a permis de financer quasiment la plupart des effets spéciaux à près de 70%. On peut également bien parler de la prestation de notre producteur exécutif qui est la maison de production Adelaïde production en France.
Maintenant le financement, il est entièrement privé. J’insiste sur le mot privé, parce que c’est une histoire pour moi qui relève un peu du conte de fée. J’ai rencontré quelqu’un [Jeff BONGO ONDIMBA, Les Productions de l’Équateur, Ndlr] qui a vu un de mes précédents films, Les Couilles de l’éléphant. Il m’a abordé un jour en me disant « j’ai vu votre film et j’ai vu aussi d’autres choses que vous faites, j’ai vraiment aimé et j’aimerai bien investir dans le cinéma ». Nous avons discuté sur pas mal de projets et un jour on est tombé d’accord pour dire que ce scénario sur Le collier du Makoko – qui à l’époque s’intitulait Le lion de Poubara – était vraiment un film à faire. Compte tenu de son fond, de son contenu. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé avec un aîné, Charles Mensah, paix à son âme, qui est le producteur délégué du film. Il nous a dit « je vous laisse tout le côté artistique et organisationnel du film, moi je me charge de chercher les financements ».
Lorsqu’on dit que c’est un film qui a coûté 4 millions d’euros [2,623 milliards de Francs CFA ; certaines sources avançaient 5 milliards de CFA soit 7,622 millions d'euros, Ndlr], les uns et les autres peuvent s’imaginer que c’est du cash flow. C’est le budget du film, mais ce n’est pas toute la somme qui a été trouvée. Nous avons – après des négociations – réussi à obtenir l’assistance, des sponsorings, parfois même de l’amitié. Ça aussi, ça existe. Quelqu’un va vous céder un décor qui pouvait vous coûter un million Fcfa. Il fallait au moins disposer de l’équivalent d’à peu près un million d’euro, parce qu’il a fallu fabriquer des décors, créer certains villages qui n’existaient pas.
Une partie du tournage s’est déroulée en France, une autre au Gabon. Comment avez-vous organisé le tournage ?
Un film c’est une budgétisation par objectif de programme. Ce film, on a commencé à nous mettre réellement dedans en 2007 et nous l’avons tourné en 2010. Donc nous avons eu le temps de nous organiser pour que ce soit un tournage continu. On a réduit le tournage en France à 11 jours parce qu’il fallait rentrer dans le budget, il a fallu 15 jours pour le rapatriement du matériel, faire entrer les lions à Libreville, avec toutes les opérations administratives que cela comporte. On peut dire que, cumulé, c’est quatre mois de tournage, et il a fallu également 4 à 5 mois de montage.
On note dans votre scénario la mise en exergue du métissage. Qu’est-ce que cela symbolise pour vous ?
Vous avez mis le doigt sur le sujet, parce qu’effectivement c’est un film sur le métissage. Il est physique, humain, mais il est aussi culturel. Nous sommes dans un monde où pour exister nous devons apporter ce que nous avons d’original. C’est un peu le thème du film. Mais dans la mondialisation, c’est en gardant, en retrouvant notre identité, que nous apportons aux autres ce que nous avons de plus pur. Et c’est avec cela que les autres aussi peuvent composer, et c’est vrai que cela nous conduit à un monde de partage, du donner et du recevoir. Dans lequel il y a forcément une nouvelle dimension qui va naître, le métissage.
Ce métissage est culturel mais il est aussi ambiant. Ce n’est pas gratuit que des insectes viennent de par le monde pour revenir en Afrique, alors que les lions sont partis d’Afrique. C’est un discours global sur le métissage et sur ce que nous avons de plus sûr, à savoir que toute la planète a un destin commun. Si nous prenons conscience de gérer ce patrimoine que nous avons en héritage avec grand soin pour les générations qui viennent, c’est le plus grand bien que nous pouvons rendre à la nature qui nous a amené ici.
C’est cette thématique du métissage qui vous a le plus poussé à réaliser ce film ?
Le scénario originel a été écrit par Robert Darène, c’est un vieux réalisateur français qui est arrivé au Gabon en 1938. A l’époque il était comédien, il a incarné Savorgnan de Brazza dans le film Brazza réalisé par Léon Poirier. Il est revenu 1962 au Gabon tourner, avec notre doyen Philippe Mory, le premier long métrage gabonais La Cage. C’est lui qui a écrit le premier scénario, qui s’intitulait Le Lion de Poubara, dont nous nous sommes inspirés pour faire Le collier du Makoko. Parce que nous avons voulu, 50 ans après, donner la parole à ces précurseurs. Mais je l’ai adapté ; on avait deux ou trois autres scénarii.
On remarque aussi un mélange de genres cinématographiques comme la comédie et le fantastique, c’est un choix que vous emblez affectionner …
C’est vrai que le film, on le qualifierait d’une comédie d’aventure. Il y a deux ou trois genres qui se mélangent. Il y a de l’aventure, il y a un peu de fantastique, il y a de la comédie. C’est un peu ma touche, parce que j’aime des histoires qui se racontent comme si de rien n’était mais qui, en vérité, abordent des sujets assez sérieux. C’est ce que j’ai fait avec Les Couilles de l’éléphant. C’est un genre que je cultive et que j’adore. J’aime bien les choses qui sont décontractées, qui vont naturellement.
Vous avez mentionné que Patience Dabany, qui joue le rôle de la reine, ne vous a rien coûté. Est-ce le cas pour les autres acteurs, notamment Eriq Ebouaney ou Hélène De Fougerolles ?
Ce que j’ai dit, c’est une boutade. Dire qu’elle ne nous a rien coûté ne peut pas être totalement vrai. Mais si je vous le dis, je veux dire que nous avons fait ce film dans un cadre hautement professionnel. Tout est sur contrat. Qui apporte quoi et qui a quoi en retour ? À propos de madame Patience Dabany, c’était simplement pour dire qu’en vérité nous n’avons pas donné grand-chose, par rapport à ce qu’elle aurait dû nous coûter. Il faut dire qu’elle a déjà produit deux films au Gabon [Obali, 1976, et Ayouma, 1977, Ndlr] et elle est très impliquée dans la culture. Donc, lorsque nous avons fait le casting et qu’on avait du mal à trouver la personne qui devait incarner ce rôle, nous nous sommes tournés vers elle parce que c’est une chanteuse. Elle a la facilité, en faisant les clips, de se mettre devant une caméra.
Elle nous a juste dit qu’elle ne bouge qu’avec un certain nombre de personnes qui s’occupent d’elle. Donc ce n’est pas l’équipe qu’on a mise en place pour le film qui s’est occupée de sa coiffure, qui est un peu spéciale. Nous avons dû gérer toutes ces choses qui sont aussi une forme de budget. Sinon, nous avons travaillé dans un cadre où pour les comédiens qui avaient des agents artistiques, nous avons traité avec ces derniers. Ceux qui voulaient travailler avec nous directement, nous l’avons fait.
Je peux vous dire qu’aussi bien dans le cas d’Hélène de Fougerole que celui d’Eriq Ebouaney, ils ont accepté le projet avec enthousiasme. Ils ont dû dire à leurs agents qu’ils acceptent de travailler dans des conditions qui ne correspondaient pas avec ce qui était exigé de coutume. C’est parce qu’ils ont voulu participer à un projet qu’ils ont trouvé exaltant.
Le film fait quand même la part belle aux comédiens gabonais…
Oui, pour des questions économiques. Disons que pour une production, il est toujours mieux d’avoir des personnes qui sont sur place. Mais pour les rôles principaux, nous avons lancé un casting tout azimut. Même pour le rôle de la reine, on a lancé un casting à Paris, nous avons rencontré des comédiennes africaines talentueuses. Ensuite, nous avons fait face à un autre problème : la plupart des comédiens qui tournent au village ne parlant pas bien français, il aurait été difficile de leur faire jouer en français. Il fallait donc que la personne qui joue la reine puisse être en phase avec eux, qu’elle parle leur langue vernaculaire.
On a l’impression d’un concentré des divers aspects de la culture gabonaise…
C’est l’histoire qui l’impose, si vous regardez bien. Je vais vous dire, au moment où nous écrivions le scénario, il y avait en Ouganda un conflit entre l’administration et les chefferies traditionnelles. Il se trouve que dans la plupart de nos pays, l’administration administre le pays, mais à l’intérieur on a des groupes qui ont une organisation sociale, politique qui parfois fait en sorte que les missions issues de ces groupes peuvent interférer avec celles de l’administration. A partir du scénario originel, nous avons pensez qu’il était bon de poser le problème de cette façon, à savoir qu’il y a une chefferie locale qui veut procéder à une intronisation, alors que l’administration a d’autres voies d’intervention. Là nous utilisons les artifices de l’écriture d’un scénario pour faire avancer l’histoire, mettre des conflits. Compte tenu du fond de discours qui est celui de l’interculturalité, c’était effectivement l’occasion de mettre côte à côte des cultures différentes.
Comment s’est passé le tournage avec le lion, les sites étaient-ils réels ?
Vous savez le cinéma c’est le cinéma. On peut tourner une scène en Chine une autre aux États-Unis, on mélange et ça donne l’impression que ça s’est fait au même endroit. Pour des difficultés de calendrier, de logistique, de circonstance, on est obligé parfois de s’adapter. Le plus important est de garder la cohérence du film. Mais je peux vous dire que même les gens qui connaissent bien le Gabon, n’ont pas relevé ces mélanges que nous avons faits. Sinon, tous les décors sont réels. Ce qui a été créé ce sont surtout les mélanges entre les animaux et les acteurs. Vous imaginez bien que ce n’est pas évident de mettre un lion dans une foule. Il y a tellement de risques que personne ne peut s’hasarder à créer une telle condition. Il faut dire que nous avons eu un ou deux incidents avec le lion qui aurait pu amener à la catastrophe, Dieu merci cela n’est pas arrivé.
Vous avez tourné avec combien de caméras ?
Pour certaines scènes, nous avons tourné avec deux caméras. Soit parce qu’il fallait gagner du temps, soit parce qu’il s’agissait des scènes qui auraient été difficiles à refaire, notamment lorsqu’il fallait faire des cascades.
Où en êtes-vous avec la distribution ?
Il est sorti seulement au Gabon en 2011, là on est en train de travailler pour le sortir hors du Gabon. Mais entretemps, il y a des festivals comme Écrans noirs [à Yaoundé, Ndlr] où on ne pouvait pas ne pas venir honorer Bassek de notre présence. Nous sommes en contact avec deux distributeurs pour sa sortie. Les choses seront fixées au plus tard en septembre.
Qu’attendez-vous de ce film ?
Tout ce qu’on peut attendre d’un film ou d’un produit qu’on a mis sur le marché, c’est qu’il circule au maximum et qu’il rencontre l’adhésion si ce n’est l’estime du public.
Qu’il remporte des prix…
Ce n’est pas un film de festivals, nous savons tous quel est l’esprit de ces derniers. Ce sont en général des films qui tendent vers le contemplatif. Ça c’est plutôt un film qui est dans le narratif. Mais il est tout à fait normal que nous le présentions à des festivals pour le rendre plus visible et aussi pour tester comment il fonctionne avec un public. Au Gabon, il a fait presque 20 000 entrées en 15 jours de projection. Ce n’est pas rien, parce qu’on est juste dans une salle, chaque fois. On l’a projeté à Libreville, à Port Gentil et à Franceville, donc, nous assurons maintenant sa sortie à l’extérieur pour voir comment le ressortir au Gabon. Mais il fallait déjà le sortir à chaud, pour qu’il n’y ait pas trop de « kongossas » (de bavardages) autour.
Êtes-vous déjà sur un autre projet cinématographique, ou bien vous attendez de jouir d’abord des retombés de Le Collier du Makoko ?
Vous savez, l’idée doit toujours précéder les moyens. Quand une idée est bien fondée et qu’elle est partagée par les autres, les moyens arrivent d’eux-mêmes. J’en suis persuadé et c’est une idée que je défends. En attendant de passer à autre chose, nous avons déjà des projets en termes de séries, de films, au niveau des Productions de l’Équateur [société basée à Libreville, Ndlr].
Propos recueillis par Pélagie Ng’onana
(Africiné, Yaoundé)