Festival Filmer à Tout Prix, du 5 au 15 Novembre 2015, Bruxelles
Cette année, une section intitulée Afriques en rhizome présente des productions de cinéastes africains et des diasporas.
Cette section est programmée par Katy Léna Ndiaye, Marta Kucza et Rosa Spaliviero. Il s'agit de voir quelles routes empruntent les créations des cinéastes et quelles Afriques nourrissent leurs imaginaires. Hommage à la regrettée Chantal Akerman ; José-Luis Guérin est l'invité d'honneur.
Filmer à Tout Prix 2015 (16ème FATP) s'ouvre le jeudi 5 novembre et ce, jusqu'au 15 novembre 2015. Ce festival a lieu une fois tous les deux ans, c'est un rendez-vous historique et incontournable pour le documentaire en Belgique francophone. Il est organisé par GSARA (Groupe Socialiste d'Action et de Réflexion sur l'Audiovisuel).
GSARA, pour un citoyen éclairé
C'est un organisme d'Education Permanente créé dans les années soixante-dix avec l'apparition de la vidéo. Sa vocation est "la formation sociopolitique du citoyen, au sens le plus large du mot" par le biais de l'audiovisuel et des technologies de la communication, d'agir en vue d'une plus grande participation citoyenne aux enjeux politiques, sociaux, économiques et culturels de la société civile.
Outre le festival biennal Filmer à tout prix (FATP), depuis 1998, en partenariat avec le Centre du Cinéma de la Communauté française Wallonie - Bruxelles, le GSARA organise depuis 2001 le festival Arrêts sur Images "Arrêts sur Images", organisé chaque année par la régionale de Charleroi, avec des films à contenu social et politique.
En parallèle à la gestion de ses propres documents, le GSARA offre également un service de classement, de protection, de digitalisation et de mise à disposition d'archives audiovisuelles de la mémoire: mémoire ouvrière, mémoire de l'immigration. Ce qui en fait un acteur important dans le domaine de l'archivage.
GSARA développe une activité internationale, de 2005 à 2007 et même plus tard, l'organisme s'investit auprès du Média Centre de Dakar, au Sénégal. Il en sort plusieurs productions dont le court métrage La Brèche (2007) où Abdoul Aziz Cissé signe avec brio une puissante et très inspirée réflexion sur les enjeux écologiques auxquelles les populations africaines font face. Le cinéaste montre ici qu'au-delà du milieu physique, c'est aussi l'imaginaire qui s'y déploie qui voit ses ailes coupées. Il y a aussi Surtout, souriez ! (2006) de Fatou Jupiter Touré, passée avec bonheur devant la caméra comme actrice, même si elle nous confiait en novembre 2014, à Dakar, être en instance de production.
Sa compatriote et collègue réalisatrice, Katy Léna Ndiaye (journaliste également sur le RTBF, chaîne publique belge) a mis sur pied, avec Marta Kucza et Rosa Spaliviero, pour Filmer à Tout Prix 2015 une programmation intitulée Afriques en rhizome. Chaque projection est accompagnée d'une présentation par un cinéaste, chercheur, journaliste, historien ou analyste politique.
Afriques en rhizome
Proposé par Gilles Deleuze et Félix Guattari, le terme de rhizome a été emprunté par le billant philosophe antillais et écrivain Édouard Glissant comme principe de sa Poétique de la Relation, selon laquelle "toute identité s'étend dans un rapport à l'Autre ". Il n'est dès lors pas étonnant que Édouard Glissant : un monde en relation (2010, 52mins), film portrait du Malien Manthia Diawara consacré à Glissant fasse partie des 12 films du programme focus. Parmi eux Le Malentendu colonial du Camerounais Jean-Marie Teno (présentement invité aux Etats-Unis pour un séjour de travail d'un an, comme "Mellon Visiting Artist, à Wellesley College, une université privée féminine en sciences humaines située près de Boston, afin de monter son prochain film et rédiger le suivant). Ce film qui réfléchit sur le viol colonial est coproduit par l'Allemande Bärbel Mauch (Berlin) ; il est l'un des premiers à faire connaître le premier génocide du 20ème siècle survenu contre les Hereros, en Namibie. Une scène du film est violente : les autorités allemandes reconnaissent officiellement ce génocide, entre quatre murs, sans plus de protocole, pas assez pour que le Pape François, à la suite de plusieurs médias et hommes politiques, ait pu présenter le génocide arménien comme le premier du siècle dernier.
Yellow Fever de la Kenyane N'gendo Mukii triture fiction, réalité et animation, afin de réfléchir sur les identités assignées/ choisies (éclaircissements de la peau, rajout de cheveux artificiels,...).
Le regretté Bakary Diallo (Mali, mort dans le crash d'avion survenu en Algérie l'année dernière), sorti du Fresnoy, verse dans l'ésotérisme (parfois un peu trop épais, surtout pour ceux qui ne sont pas familiers de l'Afrique de l'Ouest) avec Tomo et Dankumba, primé au Fespaco 2013, tous deux présents dans le programme concocté par Katy Léna Ndiaye, Marta Kucza et Rosa Spaliviero.
La Diaspora n'est pas en reste et explique encore un peu plus le pluriel d'Afrique de cette section, avec E Minha Cara (C'est mon visage) de Thomas Harris, Africain-Américain du Bronx (New-York) interrogeant son identité métisse dans une Amérique glacée par les rapports de race.
Il y a également Afronauts, film de science fiction, de la Ghanéenne Frances Bodomo, s'appuyant sur plusieurs acteurs célèbres - Hoji Fortuna, Yolonda Ross, Diandra Forrest - pour raconter une histoire inspirée par des faits vrais : une histoire alternative de la course vers l'espace dans les années 1960. La nuit du 16 juillet 1969, alors que l'Amérique se prépare à envoyer Apollo 11 sur la lune, un groupe d'exilés dans le désert zambien font leur possible pour lancer les premiers leur fusée. Née au Ghana de parents ghanéens, Frances Bodomo a grandi sur quatre continents - au Ghana, Norvège, Californie et Hong Kong - avant de s'installer à New York pour s'inscrire à l'Université de Columbia. Elle est le reflet de la culture protéiforme qui est issue des contacts culturels (parfois dans la violence, pas toujours).
La tonalité globale de la sélection Afriques en rhizome tire vers des formes expérimentales du cinéma, où la narration est éclatée, par couches autonomes et à la fois solidaires, en rizhome.
L'Afrique est présente aussi en Compétition Officielle avec le dernier film de Malek Bensmail, Contre-Pouvoirs (photo), une plongée qui éclaire les conditions de travail des journalistes du quotidien algérois El Watan, par delà les tensions et espoirs qui traversent la société algérienne. Car, le Filmer à Tout Prix 2015 c'est aussi une compétition internationale, une programmation est très riche et originale, plusieurs soirées belges avec les films Noche Herida, Chroniques courtisanes, Bureau de chômage... mais aussi des films plus inédits comme Killing time, Au-delà des icebergs.... , et aussi Magna Graecia (film d'ouverture répondant à la thématique des déplacements et migrations), de nombreux court métrages, un hommage à Chantal Akerman, récemment disparue, le cinéaste José Luis Guérin qui est invité d'honneur et un prix citoyen : le regard bruxellois.
Thierno I. Dia
Magazine Africiné (Dakar), Correspondant basé à Bordeaux
pour Images Francophones
Plus d'infos sur le Programme Afriques en rhizome : www.gsara.tv/fatp/2015/evenement-categories/afriques-en-rhizome/
Photo : extraite du film Contre-pouvoirs (Malek Bensmail, 2015, sortie française prévue le 27 janvier 2016).
Crédit image : Zeugma Films (distributeur)
Filmer à Tout Prix 2015 (16ème FATP) s'ouvre le jeudi 5 novembre et ce, jusqu'au 15 novembre 2015. Ce festival a lieu une fois tous les deux ans, c'est un rendez-vous historique et incontournable pour le documentaire en Belgique francophone. Il est organisé par GSARA (Groupe Socialiste d'Action et de Réflexion sur l'Audiovisuel).
GSARA, pour un citoyen éclairé
C'est un organisme d'Education Permanente créé dans les années soixante-dix avec l'apparition de la vidéo. Sa vocation est "la formation sociopolitique du citoyen, au sens le plus large du mot" par le biais de l'audiovisuel et des technologies de la communication, d'agir en vue d'une plus grande participation citoyenne aux enjeux politiques, sociaux, économiques et culturels de la société civile.
Outre le festival biennal Filmer à tout prix (FATP), depuis 1998, en partenariat avec le Centre du Cinéma de la Communauté française Wallonie - Bruxelles, le GSARA organise depuis 2001 le festival Arrêts sur Images "Arrêts sur Images", organisé chaque année par la régionale de Charleroi, avec des films à contenu social et politique.
En parallèle à la gestion de ses propres documents, le GSARA offre également un service de classement, de protection, de digitalisation et de mise à disposition d'archives audiovisuelles de la mémoire: mémoire ouvrière, mémoire de l'immigration. Ce qui en fait un acteur important dans le domaine de l'archivage.
GSARA développe une activité internationale, de 2005 à 2007 et même plus tard, l'organisme s'investit auprès du Média Centre de Dakar, au Sénégal. Il en sort plusieurs productions dont le court métrage La Brèche (2007) où Abdoul Aziz Cissé signe avec brio une puissante et très inspirée réflexion sur les enjeux écologiques auxquelles les populations africaines font face. Le cinéaste montre ici qu'au-delà du milieu physique, c'est aussi l'imaginaire qui s'y déploie qui voit ses ailes coupées. Il y a aussi Surtout, souriez ! (2006) de Fatou Jupiter Touré, passée avec bonheur devant la caméra comme actrice, même si elle nous confiait en novembre 2014, à Dakar, être en instance de production.
Sa compatriote et collègue réalisatrice, Katy Léna Ndiaye (journaliste également sur le RTBF, chaîne publique belge) a mis sur pied, avec Marta Kucza et Rosa Spaliviero, pour Filmer à Tout Prix 2015 une programmation intitulée Afriques en rhizome. Chaque projection est accompagnée d'une présentation par un cinéaste, chercheur, journaliste, historien ou analyste politique.
Afriques en rhizome
Proposé par Gilles Deleuze et Félix Guattari, le terme de rhizome a été emprunté par le billant philosophe antillais et écrivain Édouard Glissant comme principe de sa Poétique de la Relation, selon laquelle "toute identité s'étend dans un rapport à l'Autre ". Il n'est dès lors pas étonnant que Édouard Glissant : un monde en relation (2010, 52mins), film portrait du Malien Manthia Diawara consacré à Glissant fasse partie des 12 films du programme focus. Parmi eux Le Malentendu colonial du Camerounais Jean-Marie Teno (présentement invité aux Etats-Unis pour un séjour de travail d'un an, comme "Mellon Visiting Artist, à Wellesley College, une université privée féminine en sciences humaines située près de Boston, afin de monter son prochain film et rédiger le suivant). Ce film qui réfléchit sur le viol colonial est coproduit par l'Allemande Bärbel Mauch (Berlin) ; il est l'un des premiers à faire connaître le premier génocide du 20ème siècle survenu contre les Hereros, en Namibie. Une scène du film est violente : les autorités allemandes reconnaissent officiellement ce génocide, entre quatre murs, sans plus de protocole, pas assez pour que le Pape François, à la suite de plusieurs médias et hommes politiques, ait pu présenter le génocide arménien comme le premier du siècle dernier.
Yellow Fever de la Kenyane N'gendo Mukii triture fiction, réalité et animation, afin de réfléchir sur les identités assignées/ choisies (éclaircissements de la peau, rajout de cheveux artificiels,...).
Le regretté Bakary Diallo (Mali, mort dans le crash d'avion survenu en Algérie l'année dernière), sorti du Fresnoy, verse dans l'ésotérisme (parfois un peu trop épais, surtout pour ceux qui ne sont pas familiers de l'Afrique de l'Ouest) avec Tomo et Dankumba, primé au Fespaco 2013, tous deux présents dans le programme concocté par Katy Léna Ndiaye, Marta Kucza et Rosa Spaliviero.
La Diaspora n'est pas en reste et explique encore un peu plus le pluriel d'Afrique de cette section, avec E Minha Cara (C'est mon visage) de Thomas Harris, Africain-Américain du Bronx (New-York) interrogeant son identité métisse dans une Amérique glacée par les rapports de race.
Il y a également Afronauts, film de science fiction, de la Ghanéenne Frances Bodomo, s'appuyant sur plusieurs acteurs célèbres - Hoji Fortuna, Yolonda Ross, Diandra Forrest - pour raconter une histoire inspirée par des faits vrais : une histoire alternative de la course vers l'espace dans les années 1960. La nuit du 16 juillet 1969, alors que l'Amérique se prépare à envoyer Apollo 11 sur la lune, un groupe d'exilés dans le désert zambien font leur possible pour lancer les premiers leur fusée. Née au Ghana de parents ghanéens, Frances Bodomo a grandi sur quatre continents - au Ghana, Norvège, Californie et Hong Kong - avant de s'installer à New York pour s'inscrire à l'Université de Columbia. Elle est le reflet de la culture protéiforme qui est issue des contacts culturels (parfois dans la violence, pas toujours).
La tonalité globale de la sélection Afriques en rhizome tire vers des formes expérimentales du cinéma, où la narration est éclatée, par couches autonomes et à la fois solidaires, en rizhome.
L'Afrique est présente aussi en Compétition Officielle avec le dernier film de Malek Bensmail, Contre-Pouvoirs (photo), une plongée qui éclaire les conditions de travail des journalistes du quotidien algérois El Watan, par delà les tensions et espoirs qui traversent la société algérienne. Car, le Filmer à Tout Prix 2015 c'est aussi une compétition internationale, une programmation est très riche et originale, plusieurs soirées belges avec les films Noche Herida, Chroniques courtisanes, Bureau de chômage... mais aussi des films plus inédits comme Killing time, Au-delà des icebergs.... , et aussi Magna Graecia (film d'ouverture répondant à la thématique des déplacements et migrations), de nombreux court métrages, un hommage à Chantal Akerman, récemment disparue, le cinéaste José Luis Guérin qui est invité d'honneur et un prix citoyen : le regard bruxellois.
Thierno I. Dia
Magazine Africiné (Dakar), Correspondant basé à Bordeaux
pour Images Francophones
Plus d'infos sur le Programme Afriques en rhizome : www.gsara.tv/fatp/2015/evenement-categories/afriques-en-rhizome/
Photo : extraite du film Contre-pouvoirs (Malek Bensmail, 2015, sortie française prévue le 27 janvier 2016).
Crédit image : Zeugma Films (distributeur)