Festival du Cinéma Africain, d'Asie et d'Amérique Latine de Milan, Italie (4-10 avril 2016)
Avec Rama Thiaw, Jeremiah Mosese, Aliou Sow, Ng'endo Mukii, Takeshi Kitano, Leyla Bouzid....
Les deux directrices du festival de Milan, Annamaria Gallone et Alessandra Speciale (devenue aussi Présidente du MFN - Milano Film Network, début février 2016) reviennent comme de coutume avec une programmation audacieuse et ouverte. Malgré le marasme économique dont la culture est la première cible, le Festival du Cinéma Africain, d'Asie et d'Amérique Latine de Milan (FCAAAL 2016) se dresse comme une vigie. Fondé en 1991, il fête ses 26 ans. Les mondes africains, asiatiques et latinos dialogues un peu plus dans la capitale lombarde, du 4 au 10 avril. Les valeurs sûres y côtoient les talents émergents, de Takeshi Kitano à Leyla Bouzid.
Le thème de cette année est "Designing Futures" que l'on pourrait traduire par "Elaboration des avenirs" (ou "Conception des futurs"). La sélection montre un monde dont les citoyens prennent leur destinée en main, encore plus la section dédiée au thème de 2016, l'année du zèbre (le noir et le blanc, en couleur ; car c'est la complexité du monde qui permet de réfléchir). La section "Designing Futures" réunit deux films qui se complètent fort bien : The Revolution won't be televised de Rama Thiaw et Une révolution africaine, les dix jours qui ont fait chuter Blaise Compaoré (de Boubacar Sangaré et Gideon Vink, Burkina Faso). Les deux films sont chronologiques et suivent à hauteur de caméra une révolution en train de se faire. La Sénégalaise suit le groupe Keur Gui (les deux rappeurs et leur manageur) dans le feu de la mobilisation qui s'oppose à une prolongation du régime d'Abdoulaye Wade (2000-2012) ; après 12 ans de pouvoir, il s'incline. Au-delà d'un récit politique mené sans esbroufe et avec poésie, l'autre grande force du film réside dans la peinture de la relation intime entre les deux rappeurs. Thiat et Kilifeu n'ont pas apporté une potion magique aux Burkinabès, juste un conseil judicieux : c'est l'union (entre artistes et société civile) qui est déterminante. Avec des témoins de premier plan, les deux coréalisateurs détricotent autant la détermination qui a fait chuter le tombeur de Thomas Sankara que l'ivresse d'un pouvoir usé. Le sujet de Black President (Mpumelelo Mcata, Zimbabwe) et celui de Opening Stellenbosch: From Assimilation To Occupation (Aryan Kaganof, Afrique du Sud, en Première Mondiale) dévoilent la cohésion pour ne pas dire la cohérence des artistes et étudiants africains face aux dictatures et aux scories de l'histoire, pour ceux qui en douteraient encore.
Terremère et Mosonngoa: The Mocked One étaient déjà en confrontation au festival de Louxor 2015. Si l'un parle de la Mauritanie (et de la France) et l'autre du Lesotho, ils sont portés par la même âpreté et le même universalisme : se battre contre ses propres peurs aide à consolider l'amour que ce soit l'attachement à une personne, une terre ou à une filiation.
Ils se retrouvent tous deux à Milan, dans la compétition courts métrages, avec d'autres bijoux (tous ont déjà une œuvre multiprimée ou naissante : Maryam Touzani, Sherif Elbendary, Bernard Auguste Kouemo Yanghu, Tope Oshin, Fifaliana Nantenaina, Louw Venter, Farid Bentoumi, Jeremiah Mosese, Bahaa el Gamal, Randriamahaly Sitraka et Ng'endo Mukii). Une génération de cinéastes africains talentueux et sans complexe est bien présente. Elle le fait savoir avec dignité et tendresse au Festival du Cinéma Africain, d'Asie et d'Amérique Latine de Milan (FCAAAL 2016).
Thierno I. Dia
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