Festival des cinémas arabes, l'Institut du monde arabe de Paris reprend sa place de référence
La 1ère édition propose une production pleine de vitalité à une riche audience
Du 28 juin au 08 juillet 2018, l'Institut du monde arabe (Paris) remet un peu plus le cinéma à l'honneur, avec sa première édition du Festival des cinémas arabes. En effet, le septième survient en force (le ciné club du mardi a gardé la flamme) après une éclipse de douze ans : la Biennale des cinémas arabes (1992-2006) tenait le haut du pavé depuis les murs du célébre institut frappé par la crise financière. Aujourd'hui encore cette défunte Biennale parisienne demeure une référence mondiale et une source inestimable d'informations. Le Festival des cinémas arabes 2018 programme plus de 80 films, fictions et documentaires, courts et longs, tous produits au cours des trois dernières années, dont des premières parisiennes, françaises(dont Jusqu'à la fin des temps premier long métrage de Yasmine Chouikh, Algérie, où l'amour fleurit dans un cimetière) et même mondiales (Khan, le Mentor, de l'Egyptien Ahmed Rashwan, et Valse de l'aube, de Emna Najjar, Tunisie). Sur twitter, l'équipe du film The man behind the microphone de Claire Belhassine (Tunisie/Qatar/Royaume-Uni) dont c'était la Première française chante les mérites du public. Car ce festival se distingue par sa programmation, son public et la competition. Outre l'Institut du monde arabe, il se tient également (avec des séances hors les murs) en région parisienne (au Cinéma MJC-Théâtre de Colombes qui accueille ainsi l'Avant-première de Sofia de Meryem Benm'Barek samedi 7 juillet à 20h00, et au Cinéma Le Studio, Aubervilliers) eten Lorraine (un partenariat avec le Festival du Film arabe de Fameck - Val de Fensch).
Capharnaüm de la Libanaise Nadine Labaki (Prix du jury et Prix du jury œcuménique, au dernier festival de Cannes) est le film d'ouverture. "Dans cette fiction sur l'enfance maltraitée, à travers la figure de cet enfant de 12 ans qui fait un procès à ses parents pour lui avoir donné vie, Nadine Labaki s'intéresse également à ces domestiques sans-papiers exploités dans les foyers libanais", analyse Falila Gbadamassi (Africiné Magazine). Elle qualifie le film de "grand moment de cinéma" et qui est "porté par l'extraordinaire performance d'une révélation, le jeune acteur Zain Al Rafeea (Zain à l'écran également)".
Black Mamba (Tunisie, 2017, Fiction) suit Sarra, jeune fille de la classe moyenne de Tunis, qui mène, en apparence, la vie ordinaire que sa mère lui a tracée : elle prend des cours de couture et s'apprête à épouser un gentil garçon. Mais Sarra a d'autres plans inavoués à travers lesquels elle veut échapper à sa vie actuelle. Amel Guellaty met ici en scène Sarra Hannachi, Saida Hammi, Chedly Taghouti, Charfeddine Taouriti), dans ce court métrage dont Asma Chiboub (Atlas Vision) est la productrice et avec le soutien du Fonds Image de la Francophonie (OIF). Autre film soutenu par l'OIF et sélectionné au Festival des cinémas arabes 2018 : Benzine de la Tunisienne Sarra Abidi, avec Salem et Halima, un couple de quinquagénaire à la recherche acharnée et désespérée de leur fils unique disparu après la révolution tunisienne de janvier 2011.
Le public découvre le nouveau court métrage fiction de Carine May et Hakim Zouhani, (Algérie/France), Master of the classe, autour de Berry professeur vacataire dans une école qui enseigne le français à des élèves d'origine étrangère et doit affronter un examen pour être titularisé ainsi que l'arrivée d'un nouvel élève dans sa classe.
Il y a également Vote OFF qui nous plonge à Alger, en mars 2014, durant la campagne pour les élections présidentielle avec une jeunesse qui a la trentaine et qui n'a jamais voté. Cette jeunesse fait l'impasse sur un acte démocratique majeur, celui d'aller voter. La faute aux voteurs où le manque d'idées des politiciens ? La réflexion du film documentaire de Fayçal Hammoum (récemment au FCAT 2018 - Festival du Cinéma Africain de Tarifa et Tanger) nous amène à dépasser le cadre de son pays et prendre la mesure d'un phénomène qui touche le monde entier et laisse un boulevard à des dirigeants populistes, bellicistes et aux pratiques liberticides (même des pays qui s'arrogent le monopole de la démocratie malgré la ségrégation raciale pas si ancienne) érigeant des murs au lieu d'ouvrir des ponts.
Les Parisiens ont droit aussi à Photocopy où Mahmoud ne veut plus que vie soit la fade photocopie de millions d'autres ; il avait fait l'ouverture du festival El Gouna (Egypte), partenaire de l'évènement parisien. Derrière la comédie de mamies braqueuses Lhajjates éclaire la dureté de la survie au Maroc. Quant à The Last of Us (Akher Wahed Fina), c'est un film qui impose le respect, selonr Hassouna Mansouri (Africiné Magazine). "En travaillant sur des notions de base comme le temps et l'espace, Slim s'éloigne complètement des idées galvaudées et surprend le spectateur par une sorte de détachement, élévation intellectuelle et spirituelle l'amenant à remettre tout en question" écrit le critique amsterdamois.
Responsable du Département cinéma, Layane Chawaf est la Déléguée Générale du festival dont l'actrice et réalisatrice palestinienne établie à Paris Hiam Abbass est la Présidente d'honneur. Cette année ce sont les 70 ans de la Naqba, "La Catastrophe", qui a vu des milliers de Palestiniens tués et une bonne part expulsés de leur terre en 1948. Olivier Barlet (Africultures) est un des trois sélectionneurs du Festival des cinémas arabes 2018 (suivre le lien, pour le programme complet).
Thierno I. Dia
Africiné Magazine, correspondant à Bordeaux
pour Images Francophones
Image : scène du film Capharnaüm de Nadine Labaki (Liban). Crédit : DR