Festival de Cannes 2014 - Les Africains campent au Marché du Film
Lieu de promotion de tous les cinémas du monde, le marché du Film du festival de Cannes a accueilli plus 12.000 participants, abrité 400 stands, projeté 4700 œuvres et présenté quelques 1900 projets. Le Cameroun et l'Égypte rejoignent l'Algérie, le Kenya, le Maroc, le Gabon, l'Afrique du Sud et aussi les Cinémas du monde dans les pavillons du Village international.
Qu'est-ce qui fait que le Marché du Film de Cannes est le premier marché de ventes de films au monde interrogeait le magazine Écran Total dans leur numéro spécial consacré à Cannes : " C'est la combinaison du Festival, une vitrine du cinéma qui bénéficie d'une très importante exposition médiatique, et du Marché qui s'est agrandi et a affirmé son efficacité, qui rend la présence à Cannes indéniablement profitable ", répondait Jérôme Paillard, Directeur délégué du Marché du Film.
Depuis sa création en 1959 où il accueillait une dizaine de participants et ne comptait qu'une seule salle de projection, le marché s'est imposé comme un évènement international incontournable pour les professionnels de l'industrie cinématographique.
Les cinq dernières années ont enregistré une progression majeure de la participation africaine (82%) et ces deux dernières éditions ne font que confirmer la tendance. En 2013, les contributions de l'Afrique du Sud, la Tunisie et l'Egypte marquent une progression spectaculaire (30% pour l'ensemble du continent). Apparaissaient aussi pour la première fois l'Ethiopie et la Côte d'Ivoire. On attend encore les chiffres du Festival de Cannes 2014 qui confirmeront la présence africaine.
Des films de qualité et une confiance en la production nationale
L'Agence Algerienne pour le Rayonnement Culturel (AARC) est une agence publique qui consacre une grande partie de son activité à l'industrie cinématographique. Elle compte près de 100 films dont 60 longs métrages fiction - y compris Hors-la-loi et La Voie de l'ennemi (Two Men in Town) de Rachid Bouchareb, et des films de Mohamed Lakhdar-Hamina, lauréat de la Palme d'or en 1975 avec Chronique des années de braise (Waqai' Sanawat al-Jamr) - une vingtaine de documentaires et près d'une quinzaine de courts métrages. " Jusqu'à présent, l'agence n'assurait que son rôle de coproducteur, mais maintenant elle assure la production et la distribution ", avance Redha Talmat-Amar, Responsable de la distribution de l'AARC. " On a choisi treize films dont neufs longs métrages, deux courts métrages et deux documentaires, en privilégiant les films récents qui sont sortis en 2014 mais qui n'ont pas connu d'exploitation " poursuit-il.
C'est la troisième participation de l'AARC au Marché du film et sa première au Pavillon international. Encore au stade relationnel, opération pilote oblige, l'agence espère se tailler une place significative, au sein de cet immense village, grâce à la qualité de ses productions. " Les distributeurs de nos jours sont très craintifs, par rapport aux frais qu'ils doivent engager. Si le film est un flop, ils perdent énormément... Il faut avoir confiance en la qualité des films que l'on propose. Le cinéma algérien a son histoire propre et peut se démarquer par la qualité de ses productions, par l'histoire du pays", rassure Redha Talmat-Amar.
Village ouvre-toi !
Depuis 2000, le Village international permet aux agences de productions nationales et associations professionnelles de cinéma de promouvoir leur cinématographie, leurs lieux de tournage et autres services. C'est essentiellement ici qu'on est vu à l'échelle internationale et qu'on prend contact avec les vendeurs et distributeurs nationaux.
Reparties en deux longues allées, le long de la plage, en contournait l'arrière du Palais du festival, les plages Riviera et Pantiero offrent une plateforme de rendez-vous professionnels, conférences de presse, interviews, ateliers et de cocktails de networking.
Seul pavillon de l'Afrique de l'Est, le Kenya participe pour la 7ème fois au marché et pour la deuxième année consécutive au Village international. Pour ce pays qui tente de reconstruire une culture cinématographique quasi absente pendant près de 30 ans, la promotion de la nouvelle génération de réalisateurs est capitale. " Nous avons une bonne audience des séries TV et des films TV ; mais les longs métrages fictions sont encore à implanter, explique Chris K.A. Foot, Président de la Commission du Film du Kenya, " on est donc accompagné de six réalisateurs kenyans cette année, pour les mettre davantage en avant et pousser leur travail", dit-il.
" En réalité, beaucoup de choses se passent en amont "
Entré en force au Village international côté Riviera, le Cameroun n'est pas passé inaperçu, grâce aux gigantesques affiches promotionnelles de films de la production Patou Films International (Roger Milla, La Légende d'Alain Fongué, Le Mec idéal d'Owell Brown, etc.), Les Films du Raphia de Jean-Marie Teno (Une feuille dans le vent, Chef !, Vacances au pays, etc.) ou encore des courts métrages comme L'Appel et Dans le doute de Patricia Kwende.
"On participe au marché depuis 2004 mais cette année est exceptionnelle, parce que c'est la première fois qu'on est présent avec le pavillon. C'est intéressant, parce qu'on reste sur place et les gens viennent vers vous. C'est aussi un honneur, une façon de marquer le coup, de faire partie du Marché dans son intégralité ", témoigne le producteur Jean Roke Patoudem (Patou Films International) dont le pavillon n°106 n'a cessé d'être envahi par d'interminables va-et-vient. Un constat palpable certes mais qui a nécessité tout un travail de préparation qui dure depuis des mois.
"En réalité, beaucoup de choses se passent en amont ", raconte le producteur camerounais, " Dès le mois février, on a accès à la base de données du Marché et on connaît les sociétés qui seront présentes. C'est à partir de ce moment-là qu'on commence le boulot, la mise en contact, les relations, discussions avec les partenaires étrangers ", poursuit-il. " C'est aux détenteurs de films de rentrer dans cette base et de cibler les acheteurs par rapport à leurs œuvres, au contenu qu'ils veulent proposer et d'entrer en contact avec eux. Ensuite, faire son créneau, donner des rendez-vous à Cannes et ainsi de suite ".
Les Sud-Africains n'ont jamais été aussi nombreux sur la Croisette
Pour cause, l'Afrique du Sud célébrait ses vingt années de démocratie, ou disons plutôt de la fin du régime de l'apartheid. Une large délégation de pas moins de 80 ressortissants étaient donc à Cannes. L'Afrique du Sud qui compte quelques 20 à 25 fictions par an, ne parvient pourtant pas à faire des profits localement, d'où l'intérêt d'élargir le marché au niveau international.
Parmi cette délégation, l'Association for Transformation in Film and Television (ATFT) accompagnait une quinzaine de producteurs sud-Africains. Première présence au marché tout aussi remarquée notamment par le flux de passage et de soirées de réseautage assurées. " On amène des délégations de professionnels dans les marchés internationaux. On les prépare avec des ateliers en amont. On leur apprend comment ça fonctionne, comment faire des deal, comment être le plus efficace possible. Puis, on sort un catalogue qu'on partage avec les agents, distributeurs, coproducteurs potentiels et on arrange les réunions ", relate Pascal Schmitz, Directeur de l'Association.
Loin d'être isolés, les jeunes producteurs sont donc encadrés et cet environnement leur permet de se positionner dans l'univers du cinéma. " On ne décide pas selon les projets, on prend qui veut aller, les premiers inscrits sont les premiers servis pour laisser la chance d'être exposé au marché, peu importe leur projet" ajoute Mayenzeke Baza, chargé des Relations internationales à ATFT.
Et ça peut porter ses fruits. Pour preuve, par exemple, le comédien sud-africain David Kau de cette même délégation a signé avec les fondateurs des entreprises Archstone, basés à Los Angeles, pour la production et la distribution d'un prochain film, Sekwankwetla sur l'histoire d'un super héros africain dont le tournage est prévu à KwaZulu-Natal (Région de Durban).
Cannes étant considéré comme "The Place To Be in Cinema" ["Là où il faut être, en cinéma", ndlr], on y travaille beaucoup son carnet d'adresse, renforce ses relations et planifie l'après Cannes, voir le prochain Cannes. Comme dit Jérôme Paillard, Directeur délégué du Marché du Film, en conclusion de son interview, " Tout le monde de l'industrie du cinéma est à Cannes ".
Djia Mambu
Africiné, Bruxelles
pour Images Francophones
Correspondance spéciale, à Cannes, mai 2014
avec le soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie
Photo : Nesroun Bouhil, Redha Talmat-Amar, Nabila Rezaig, AARC (Agence algérienne pour le rayonnement culturel) au pavillon Algérie, Cannes mai 2014.
Crédit : Djia Mambu
Depuis sa création en 1959 où il accueillait une dizaine de participants et ne comptait qu'une seule salle de projection, le marché s'est imposé comme un évènement international incontournable pour les professionnels de l'industrie cinématographique.
Les cinq dernières années ont enregistré une progression majeure de la participation africaine (82%) et ces deux dernières éditions ne font que confirmer la tendance. En 2013, les contributions de l'Afrique du Sud, la Tunisie et l'Egypte marquent une progression spectaculaire (30% pour l'ensemble du continent). Apparaissaient aussi pour la première fois l'Ethiopie et la Côte d'Ivoire. On attend encore les chiffres du Festival de Cannes 2014 qui confirmeront la présence africaine.
Des films de qualité et une confiance en la production nationale
L'Agence Algerienne pour le Rayonnement Culturel (AARC) est une agence publique qui consacre une grande partie de son activité à l'industrie cinématographique. Elle compte près de 100 films dont 60 longs métrages fiction - y compris Hors-la-loi et La Voie de l'ennemi (Two Men in Town) de Rachid Bouchareb, et des films de Mohamed Lakhdar-Hamina, lauréat de la Palme d'or en 1975 avec Chronique des années de braise (Waqai' Sanawat al-Jamr) - une vingtaine de documentaires et près d'une quinzaine de courts métrages. " Jusqu'à présent, l'agence n'assurait que son rôle de coproducteur, mais maintenant elle assure la production et la distribution ", avance Redha Talmat-Amar, Responsable de la distribution de l'AARC. " On a choisi treize films dont neufs longs métrages, deux courts métrages et deux documentaires, en privilégiant les films récents qui sont sortis en 2014 mais qui n'ont pas connu d'exploitation " poursuit-il.
C'est la troisième participation de l'AARC au Marché du film et sa première au Pavillon international. Encore au stade relationnel, opération pilote oblige, l'agence espère se tailler une place significative, au sein de cet immense village, grâce à la qualité de ses productions. " Les distributeurs de nos jours sont très craintifs, par rapport aux frais qu'ils doivent engager. Si le film est un flop, ils perdent énormément... Il faut avoir confiance en la qualité des films que l'on propose. Le cinéma algérien a son histoire propre et peut se démarquer par la qualité de ses productions, par l'histoire du pays", rassure Redha Talmat-Amar.
Village ouvre-toi !
Depuis 2000, le Village international permet aux agences de productions nationales et associations professionnelles de cinéma de promouvoir leur cinématographie, leurs lieux de tournage et autres services. C'est essentiellement ici qu'on est vu à l'échelle internationale et qu'on prend contact avec les vendeurs et distributeurs nationaux.
Reparties en deux longues allées, le long de la plage, en contournait l'arrière du Palais du festival, les plages Riviera et Pantiero offrent une plateforme de rendez-vous professionnels, conférences de presse, interviews, ateliers et de cocktails de networking.
Seul pavillon de l'Afrique de l'Est, le Kenya participe pour la 7ème fois au marché et pour la deuxième année consécutive au Village international. Pour ce pays qui tente de reconstruire une culture cinématographique quasi absente pendant près de 30 ans, la promotion de la nouvelle génération de réalisateurs est capitale. " Nous avons une bonne audience des séries TV et des films TV ; mais les longs métrages fictions sont encore à implanter, explique Chris K.A. Foot, Président de la Commission du Film du Kenya, " on est donc accompagné de six réalisateurs kenyans cette année, pour les mettre davantage en avant et pousser leur travail", dit-il.
" En réalité, beaucoup de choses se passent en amont "
Entré en force au Village international côté Riviera, le Cameroun n'est pas passé inaperçu, grâce aux gigantesques affiches promotionnelles de films de la production Patou Films International (Roger Milla, La Légende d'Alain Fongué, Le Mec idéal d'Owell Brown, etc.), Les Films du Raphia de Jean-Marie Teno (Une feuille dans le vent, Chef !, Vacances au pays, etc.) ou encore des courts métrages comme L'Appel et Dans le doute de Patricia Kwende.
"On participe au marché depuis 2004 mais cette année est exceptionnelle, parce que c'est la première fois qu'on est présent avec le pavillon. C'est intéressant, parce qu'on reste sur place et les gens viennent vers vous. C'est aussi un honneur, une façon de marquer le coup, de faire partie du Marché dans son intégralité ", témoigne le producteur Jean Roke Patoudem (Patou Films International) dont le pavillon n°106 n'a cessé d'être envahi par d'interminables va-et-vient. Un constat palpable certes mais qui a nécessité tout un travail de préparation qui dure depuis des mois.
"En réalité, beaucoup de choses se passent en amont ", raconte le producteur camerounais, " Dès le mois février, on a accès à la base de données du Marché et on connaît les sociétés qui seront présentes. C'est à partir de ce moment-là qu'on commence le boulot, la mise en contact, les relations, discussions avec les partenaires étrangers ", poursuit-il. " C'est aux détenteurs de films de rentrer dans cette base et de cibler les acheteurs par rapport à leurs œuvres, au contenu qu'ils veulent proposer et d'entrer en contact avec eux. Ensuite, faire son créneau, donner des rendez-vous à Cannes et ainsi de suite ".
Les Sud-Africains n'ont jamais été aussi nombreux sur la Croisette
Pour cause, l'Afrique du Sud célébrait ses vingt années de démocratie, ou disons plutôt de la fin du régime de l'apartheid. Une large délégation de pas moins de 80 ressortissants étaient donc à Cannes. L'Afrique du Sud qui compte quelques 20 à 25 fictions par an, ne parvient pourtant pas à faire des profits localement, d'où l'intérêt d'élargir le marché au niveau international.
Parmi cette délégation, l'Association for Transformation in Film and Television (ATFT) accompagnait une quinzaine de producteurs sud-Africains. Première présence au marché tout aussi remarquée notamment par le flux de passage et de soirées de réseautage assurées. " On amène des délégations de professionnels dans les marchés internationaux. On les prépare avec des ateliers en amont. On leur apprend comment ça fonctionne, comment faire des deal, comment être le plus efficace possible. Puis, on sort un catalogue qu'on partage avec les agents, distributeurs, coproducteurs potentiels et on arrange les réunions ", relate Pascal Schmitz, Directeur de l'Association.
Loin d'être isolés, les jeunes producteurs sont donc encadrés et cet environnement leur permet de se positionner dans l'univers du cinéma. " On ne décide pas selon les projets, on prend qui veut aller, les premiers inscrits sont les premiers servis pour laisser la chance d'être exposé au marché, peu importe leur projet" ajoute Mayenzeke Baza, chargé des Relations internationales à ATFT.
Et ça peut porter ses fruits. Pour preuve, par exemple, le comédien sud-africain David Kau de cette même délégation a signé avec les fondateurs des entreprises Archstone, basés à Los Angeles, pour la production et la distribution d'un prochain film, Sekwankwetla sur l'histoire d'un super héros africain dont le tournage est prévu à KwaZulu-Natal (Région de Durban).
Cannes étant considéré comme "The Place To Be in Cinema" ["Là où il faut être, en cinéma", ndlr], on y travaille beaucoup son carnet d'adresse, renforce ses relations et planifie l'après Cannes, voir le prochain Cannes. Comme dit Jérôme Paillard, Directeur délégué du Marché du Film, en conclusion de son interview, " Tout le monde de l'industrie du cinéma est à Cannes ".
Djia Mambu
Africiné, Bruxelles
pour Images Francophones
Correspondance spéciale, à Cannes, mai 2014
avec le soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie
Photo : Nesroun Bouhil, Redha Talmat-Amar, Nabila Rezaig, AARC (Agence algérienne pour le rayonnement culturel) au pavillon Algérie, Cannes mai 2014.
Crédit : Djia Mambu