Festival Ciné Droit Libre à Ouagadougou. 7 jours à Kigali, lauré !
Pour sa 10ème édition, le festival Ciné Droit Libre a institué la compétition entre les films, pour la première fois, à travers le grand prix Sergio Vieira de Mello, le prix Dakonia et le prix du public. Les films primés dessinent en creux les nouvelles orientations du cinéma documentaire en Afrique.
Le Festival Ciné Droit Libre - Ouagadougou 2014 s'est déroulé à Ouagadougou (Burkina-Faso) du 1er au 7 juin 2014. Cette année, le thème était I Have a Dream (" J'ai un rêve ", en anglais), en référence au célèbre discours de Martin Luther King.
Créé il y a une décennie pour diffuser des films engagés et politiquement incorrects, ce festival reste fidèle à son approche qui consiste à faire suivre chaque film projeté d'un débat public. Une façon de questionner le film, dans ses rapports avec le réel. Ainsi, une quarantaine de films ont été projetés à l'Institut français de Ouagadougou, à l'Université, dans les cités universitaires et au Village du festival.
En effet, ce festival est une des rares plateformes de diffusion des films qui revendiquent leur engagement et qui sont des poils à gratter des pouvoirs publics. Bien que les films de fiction ne soient pas exclus, ce sont les films documentaires qui sont les plus nombreux. C'est certainement l'inclination de ce festival, pour un cinéma d'intervention sociale, qui explique ce fait.
Mais après dix ans d'existence, le festival en instaurant des prix pour les meilleurs films a voulu primer des œuvres cinématographiques dont les sujets sont d'importance pour le changement social mais surtout dont la qualité esthétique est indéniable. Si pendant longtemps, on a réduit le film documentaire à son sujet, occultant du même coup ses qualités formelles, de plus en plus la frontière entre le documentaire et la fiction se fait moins étanche et des documentaires passent dans les salles avec un certain succès. C'est donc cette montée de la créativité dans le cinéma documentaire que le festival veut encourager.
La sélection 2014 était de bonne qualité. Les films abordaient les questions de droits de l'homme tout en restant des films, c'est-à-dire d'abord une mise en forme du monde à travers les images. En d'autres termes, la préoccupation artistique a le primat sur l'urgence de discours militant.
7 jours à Kigali, la semaine où le Rwanda a basculé lauréat
Le Prix du Meilleur film est dénommé Prix Sergio Vieira de Mello, du nom du fonctionnaire onusien [ des Nations Unies, ONU, ndlr] qui refusa de quitter Bagdad et d'abandonner les populations. Dix films documentaires d'Afrique, d'Europe et de la Diaspora étaient en compétition. Dix films qui dessinent l'état et les tendances du film documentaire contemporain.
Le documentaire 7 jours à Kigali (20 ans après le génocide rwandais) de Mehdi Bâ et de Jeremy Frey a ravi le premier prix pour son sujet, son traitement et surtout pour ses qualités esthétiques. Ce film tranche avec la plupart des films consacrés au génocide rwandais. D'habitude, les ossuaires de Murambi, le musée de Gisozi, les milices aux yeux injectés de sang avec des machettes ensanglantées, les charniers, sont les invariants qui hantent la pellicule ; comme si on ne pouvait filmer le génocide sans une poétique du macabre.
Avec ce film, rien de tout ça. Le Rwanda est filmé du ciel. Kigali apparaît avec ses toits de tuiles rouges, ses grandes avenues boisées, ses collines verdoyantes, sa lumière si particulière, translucide qui habille les choses et les êtres d'une pellicule argentée. La vie pulse à travers les passants, les yeux des enfants. C'est sur ce morceau de paradis que s'est perpétrée la plus grande horreur du siècle.
Les réalisateurs donnent la parole aux protagonistes. Un couple d'humanitaires, un soldat belge, une mère de famille tutsie, un Américain, un photo-reporter français, la star de la radio Mille collines [le média principal des génocidaires hutus, ndlr], etc. Un récit choral qui dénoue le fil arachnéen de la semaine où le Rwanda a basculé dans l'horreur. Des gestes, des mots, des silences et des regards qui restituent qui font revivre les terribles heures de cette semaine en enfer.
Un plan d'un ciel envahi de nuages accompagne la mécanique génocidaire, une machette courant sur un mur rouge sang est une métaphore du génocide, une balançoire orpheline d'enfants souligne le récit, un vol de colombes traverse le ciel tandis qu'Immaculée raconte comment Idriss, un Hutu musulman, les ont recueillis, elle et ses enfants, et cachés au péril de sa vie.
Si l'émotion sourd de ce film, cela n'est pas recherché, fabriqué. Quand l'officier belge s'étouffe dans ses larmes, révolté par l'indifférence de la communauté internationale qui aurait pu arrêter le génocide, la caméra se retire gênée, avant de revenir. Même le terrible récit d'Yvonne sur l'assassinat d'un bébé tutsi par les milices, la caméra reste là, frontale, désemparée. Comme l'est le spectateur, sonné par les mots.
Ce film de mémoire très pédagogique qui s'attache à l'élucidation d'un génocide est un véritable reportage très fouillé et très objectif. Et c'est aussi une œuvre filmique qui recourt à la poétique de l'image. Est-ce parce qu'il est coréalisé par un journaliste reporter chevronné (Mehdi Bâ), en intelligence avec le cinéaste Jeremy Frey ? Est-ce vers cette association de la baleine et du poisson pilote que devrait se tourner le film documentaire, pour avoir une démarche d'explicitation du monde tout en recourant aux possibilités de l'image, pour rendre compte de ce monde ?
Avant l'Audience décroche le prix Diakonia
Le Prix Diakonia qui mettait en compétition cinq films burkinabès a échu au documentaire Avant l'Audience du regretté Kouka Aimé Zongo et de Yssouf Koussé. Ce documentaire [qui a bénéficié du soutien du Fonds Francophone de l'OIF / CIRTEF, ndlr] est une plongée au cœur de l'univers carcéral pour suivre ces détenus qui attendent un jugement qui ne vient point.
C'est une immersion dans l'univers carcéral du Burkina. Dès le début du film, la caméra rentre dans le fourgon pénitentiaire pour traverser la ville et s'introduire dans la prison civile de la capitale. Danse cahotante des images comme la vie de ces détenus qui a basculé. Gros plan sur les pieds qui descendent du fourgon. Des pieds qui, pour longtemps ne refranchiront plus le portail de la Maco [Maison d'Arrêt Centrale de Ouaga, ndlr], qui ne fouleront plus le macadam de la capitale.
On suit quelques détenus qui sont en attente de jugement. Souleymane, Nassouri et Yobi et quelques autres. Ils attendent. Ils espèrent un procès, une relaxe, un nouveau départ dans la vie, dehors. On suit la lenteur d'une machine judiciaire qui, du mandat de dépôt au jugement, peut mettre six ans et voire plus. Pendant ce temps, les détenus entrent dans l'atroce défilé des jours, des mois et des années qui se suivent et se ressemblent. Passent les fêtes de Tabaski [nom ouest-africain de la fête musulmane dite "du mouton" qui célèbre le sacrifice d'Ibrahim/Abraham, ndlr], de Noël, les tâches quotidiennes, la banalité des jours gris. Et le détenu perd ses espoirs qui choient comme des feuilles mortes en saison sèche. Et puis, les rêves de liberté refleurissent, car l'homme en prison est comme un arbre : il pousse des racines à force d'immobilisme, il porte ses espoirs comme un feuillage. Par instinct de survie.
De temps à autre, un juge d'instruction passe à la prison ; mais les détenus, la plupart illettrés et ne comprenant rien au jargon judiciaire, restent hébétés. D'autant que beaucoup ne bénéficient pas de l'assistance d'un avocat. Pathétique est Souleymane qui croit qu'il suffit de faire amende honorable pour être blanchi, confondant juge et prêtre. Il y a quelque chose de kafkaïen dans cette bureaucratie judiciaire qui exige des détenus qu'ils rédigent des demandes pour connaître l'état d'avancement de leur dossier. Ces demandes se perdent dans les dédales de l'administration et il faut les refaire, le refaire jusqu'à l'absurde…
Ce film a été primé, malgré quelques faiblesses de montage, à cause de sa démarche artistique qui augure d'un cinéma documentaire de création au Burkina Faso. La prison est filmée comme un personnage. Omniprésent. Obsédant. Inquiétant. Ainsi l'univers carcéral est présent dans chaque plan à travers les grilles, les barbelés, les murs qui obstruent l'horizon, le garde pénitentiaire en faction sur le mirador, arme en bandoulière et dont la silhouette inquiétante se découpe dans le ciel.
La Prison est un monstre, gueule béante qui avale sa ration alimentaire de détenus. Mais c'est un ogre usé, aux entrailles noires, pourries. Un gros plan sur ses assises montre une bâtisse croulante, un grabataire intubé de partout, incontinent dont les déjections s'écoulent à travers des tuyauteries pourries et s'étalent en flaques suries et putrides. Un univers qui donne le haut-le-cœur au spectateur et lui fait comprendre l'urgence de juger ces détenus.
Les enfants sorciers de Kinshasa plébiscité par le public
Le Prix du public est revenu au film Les Enfants sorciers de Kinshasa (Kinshasa Kids) de Marc-Henri Wajnberg (Belgique) est le docu-fiction qui a eu le Prix du public. L'histoire de ces enfants accusés d'être des sorciers et rejetés par leurs familles et qui sont contraints de vivre d'expédients dans la rue a ému les spectateurs. Surtout que le réalisateur a choisi de monter le côté solaire de ces gosses qui décident de changer leur condition, à travers l'organisation d'un concert à Kinshasa. C'est le charisme de ces huit gosses aux personnalités si tranchées et le rêve qui habite ce film qui ont fait son succès. L'ambiguïté de la réception a aussi favorisé ce film parce qu'il a été perçu par la plupart des téléspectateurs comme un reportage documentaire et rarement comme un docu-fiction qui est parti d'un matériau documentaire mais dont l'histoire est une fable. Cela est-il dû au fait que les comédiens sont dans la réalité accusés d'être des enfants sorciers [des "Shégués", en argot kinois, ndlr]? Peut-être.
Les trois films primés à Ciné Droit Libre - Ouagadougou 2014 représentent, chacun à sa manière, une forme particulière du documentaire. D'ailleurs le film de Marc-Henri Wajnberg montre que sur le plan formel, la différence entre le documentaire et la fiction est très mince. En outre, de plus en plus, le documentaire doit être soucieux des formes du récit cinématographique en exploitant les ressources du montage, de l'image et du son.
Saïdou Alceny BARRY
Africiné, Ouagadougou
Photo : Yvonne Galinier, témoin, rescapée du 2ème génocide du 20ème siècle perpétré en Afrique (avec celui des Héréros, en Namibie, par l'armée allemande, en 1904).
Crédit : Ladybirds Films / Java Films
Créé il y a une décennie pour diffuser des films engagés et politiquement incorrects, ce festival reste fidèle à son approche qui consiste à faire suivre chaque film projeté d'un débat public. Une façon de questionner le film, dans ses rapports avec le réel. Ainsi, une quarantaine de films ont été projetés à l'Institut français de Ouagadougou, à l'Université, dans les cités universitaires et au Village du festival.
En effet, ce festival est une des rares plateformes de diffusion des films qui revendiquent leur engagement et qui sont des poils à gratter des pouvoirs publics. Bien que les films de fiction ne soient pas exclus, ce sont les films documentaires qui sont les plus nombreux. C'est certainement l'inclination de ce festival, pour un cinéma d'intervention sociale, qui explique ce fait.
Mais après dix ans d'existence, le festival en instaurant des prix pour les meilleurs films a voulu primer des œuvres cinématographiques dont les sujets sont d'importance pour le changement social mais surtout dont la qualité esthétique est indéniable. Si pendant longtemps, on a réduit le film documentaire à son sujet, occultant du même coup ses qualités formelles, de plus en plus la frontière entre le documentaire et la fiction se fait moins étanche et des documentaires passent dans les salles avec un certain succès. C'est donc cette montée de la créativité dans le cinéma documentaire que le festival veut encourager.
La sélection 2014 était de bonne qualité. Les films abordaient les questions de droits de l'homme tout en restant des films, c'est-à-dire d'abord une mise en forme du monde à travers les images. En d'autres termes, la préoccupation artistique a le primat sur l'urgence de discours militant.
7 jours à Kigali, la semaine où le Rwanda a basculé lauréat
Le Prix du Meilleur film est dénommé Prix Sergio Vieira de Mello, du nom du fonctionnaire onusien [ des Nations Unies, ONU, ndlr] qui refusa de quitter Bagdad et d'abandonner les populations. Dix films documentaires d'Afrique, d'Europe et de la Diaspora étaient en compétition. Dix films qui dessinent l'état et les tendances du film documentaire contemporain.
Le documentaire 7 jours à Kigali (20 ans après le génocide rwandais) de Mehdi Bâ et de Jeremy Frey a ravi le premier prix pour son sujet, son traitement et surtout pour ses qualités esthétiques. Ce film tranche avec la plupart des films consacrés au génocide rwandais. D'habitude, les ossuaires de Murambi, le musée de Gisozi, les milices aux yeux injectés de sang avec des machettes ensanglantées, les charniers, sont les invariants qui hantent la pellicule ; comme si on ne pouvait filmer le génocide sans une poétique du macabre.
Avec ce film, rien de tout ça. Le Rwanda est filmé du ciel. Kigali apparaît avec ses toits de tuiles rouges, ses grandes avenues boisées, ses collines verdoyantes, sa lumière si particulière, translucide qui habille les choses et les êtres d'une pellicule argentée. La vie pulse à travers les passants, les yeux des enfants. C'est sur ce morceau de paradis que s'est perpétrée la plus grande horreur du siècle.
Les réalisateurs donnent la parole aux protagonistes. Un couple d'humanitaires, un soldat belge, une mère de famille tutsie, un Américain, un photo-reporter français, la star de la radio Mille collines [le média principal des génocidaires hutus, ndlr], etc. Un récit choral qui dénoue le fil arachnéen de la semaine où le Rwanda a basculé dans l'horreur. Des gestes, des mots, des silences et des regards qui restituent qui font revivre les terribles heures de cette semaine en enfer.
Un plan d'un ciel envahi de nuages accompagne la mécanique génocidaire, une machette courant sur un mur rouge sang est une métaphore du génocide, une balançoire orpheline d'enfants souligne le récit, un vol de colombes traverse le ciel tandis qu'Immaculée raconte comment Idriss, un Hutu musulman, les ont recueillis, elle et ses enfants, et cachés au péril de sa vie.
7 days in Kigali, Mehdi BA & Jeremy FREY extrait byJava Films from Africiné www.africine.org on Vimeo.
Si l'émotion sourd de ce film, cela n'est pas recherché, fabriqué. Quand l'officier belge s'étouffe dans ses larmes, révolté par l'indifférence de la communauté internationale qui aurait pu arrêter le génocide, la caméra se retire gênée, avant de revenir. Même le terrible récit d'Yvonne sur l'assassinat d'un bébé tutsi par les milices, la caméra reste là, frontale, désemparée. Comme l'est le spectateur, sonné par les mots.
Ce film de mémoire très pédagogique qui s'attache à l'élucidation d'un génocide est un véritable reportage très fouillé et très objectif. Et c'est aussi une œuvre filmique qui recourt à la poétique de l'image. Est-ce parce qu'il est coréalisé par un journaliste reporter chevronné (Mehdi Bâ), en intelligence avec le cinéaste Jeremy Frey ? Est-ce vers cette association de la baleine et du poisson pilote que devrait se tourner le film documentaire, pour avoir une démarche d'explicitation du monde tout en recourant aux possibilités de l'image, pour rendre compte de ce monde ?
Avant l'Audience décroche le prix Diakonia
Le Prix Diakonia qui mettait en compétition cinq films burkinabès a échu au documentaire Avant l'Audience du regretté Kouka Aimé Zongo et de Yssouf Koussé. Ce documentaire [qui a bénéficié du soutien du Fonds Francophone de l'OIF / CIRTEF, ndlr] est une plongée au cœur de l'univers carcéral pour suivre ces détenus qui attendent un jugement qui ne vient point.
C'est une immersion dans l'univers carcéral du Burkina. Dès le début du film, la caméra rentre dans le fourgon pénitentiaire pour traverser la ville et s'introduire dans la prison civile de la capitale. Danse cahotante des images comme la vie de ces détenus qui a basculé. Gros plan sur les pieds qui descendent du fourgon. Des pieds qui, pour longtemps ne refranchiront plus le portail de la Maco [Maison d'Arrêt Centrale de Ouaga, ndlr], qui ne fouleront plus le macadam de la capitale.
On suit quelques détenus qui sont en attente de jugement. Souleymane, Nassouri et Yobi et quelques autres. Ils attendent. Ils espèrent un procès, une relaxe, un nouveau départ dans la vie, dehors. On suit la lenteur d'une machine judiciaire qui, du mandat de dépôt au jugement, peut mettre six ans et voire plus. Pendant ce temps, les détenus entrent dans l'atroce défilé des jours, des mois et des années qui se suivent et se ressemblent. Passent les fêtes de Tabaski [nom ouest-africain de la fête musulmane dite "du mouton" qui célèbre le sacrifice d'Ibrahim/Abraham, ndlr], de Noël, les tâches quotidiennes, la banalité des jours gris. Et le détenu perd ses espoirs qui choient comme des feuilles mortes en saison sèche. Et puis, les rêves de liberté refleurissent, car l'homme en prison est comme un arbre : il pousse des racines à force d'immobilisme, il porte ses espoirs comme un feuillage. Par instinct de survie.
De temps à autre, un juge d'instruction passe à la prison ; mais les détenus, la plupart illettrés et ne comprenant rien au jargon judiciaire, restent hébétés. D'autant que beaucoup ne bénéficient pas de l'assistance d'un avocat. Pathétique est Souleymane qui croit qu'il suffit de faire amende honorable pour être blanchi, confondant juge et prêtre. Il y a quelque chose de kafkaïen dans cette bureaucratie judiciaire qui exige des détenus qu'ils rédigent des demandes pour connaître l'état d'avancement de leur dossier. Ces demandes se perdent dans les dédales de l'administration et il faut les refaire, le refaire jusqu'à l'absurde…
Ce film a été primé, malgré quelques faiblesses de montage, à cause de sa démarche artistique qui augure d'un cinéma documentaire de création au Burkina Faso. La prison est filmée comme un personnage. Omniprésent. Obsédant. Inquiétant. Ainsi l'univers carcéral est présent dans chaque plan à travers les grilles, les barbelés, les murs qui obstruent l'horizon, le garde pénitentiaire en faction sur le mirador, arme en bandoulière et dont la silhouette inquiétante se découpe dans le ciel.
La Prison est un monstre, gueule béante qui avale sa ration alimentaire de détenus. Mais c'est un ogre usé, aux entrailles noires, pourries. Un gros plan sur ses assises montre une bâtisse croulante, un grabataire intubé de partout, incontinent dont les déjections s'écoulent à travers des tuyauteries pourries et s'étalent en flaques suries et putrides. Un univers qui donne le haut-le-cœur au spectateur et lui fait comprendre l'urgence de juger ces détenus.
Les enfants sorciers de Kinshasa plébiscité par le public
Le Prix du public est revenu au film Les Enfants sorciers de Kinshasa (Kinshasa Kids) de Marc-Henri Wajnberg (Belgique) est le docu-fiction qui a eu le Prix du public. L'histoire de ces enfants accusés d'être des sorciers et rejetés par leurs familles et qui sont contraints de vivre d'expédients dans la rue a ému les spectateurs. Surtout que le réalisateur a choisi de monter le côté solaire de ces gosses qui décident de changer leur condition, à travers l'organisation d'un concert à Kinshasa. C'est le charisme de ces huit gosses aux personnalités si tranchées et le rêve qui habite ce film qui ont fait son succès. L'ambiguïté de la réception a aussi favorisé ce film parce qu'il a été perçu par la plupart des téléspectateurs comme un reportage documentaire et rarement comme un docu-fiction qui est parti d'un matériau documentaire mais dont l'histoire est une fable. Cela est-il dû au fait que les comédiens sont dans la réalité accusés d'être des enfants sorciers [des "Shégués", en argot kinois, ndlr]? Peut-être.
KINSHASA KIDS de Marc-Henri Wajnberg - BA from Africiné www.africine.org on Vimeo.
Les trois films primés à Ciné Droit Libre - Ouagadougou 2014 représentent, chacun à sa manière, une forme particulière du documentaire. D'ailleurs le film de Marc-Henri Wajnberg montre que sur le plan formel, la différence entre le documentaire et la fiction est très mince. En outre, de plus en plus, le documentaire doit être soucieux des formes du récit cinématographique en exploitant les ressources du montage, de l'image et du son.
Saïdou Alceny BARRY
Africiné, Ouagadougou
Photo : Yvonne Galinier, témoin, rescapée du 2ème génocide du 20ème siècle perpétré en Afrique (avec celui des Héréros, en Namibie, par l'armée allemande, en 1904).
Crédit : Ladybirds Films / Java Films