Fespaco 2013 : Le cinéma pour tous en plein air
Le CNA présente « Fespaco classique, la mémoire du cinéma africain et sa réception en milieu rural ».
Le cinéma itinérant est une vieille tradition en Afrique. Nombre d’initiatives sont nées et ont fait long feu, confrontées qu’elles étaient à des problèmes de structuration et de financement. En 2001, le Cinéma Numérique Ambulant est né et s’est progressivement installé dans sept pays africains ainsi qu’en France. Initiative de plus ou véritable challenge ? Voyage au cœur d’un réseau d’associations de diffusion mobile qui brille par sa présence continue sur le terrain et par ses ambitions d’extension.
Forte présence du Cinéma Numérique Ambulant
Les Cinémas Numériques Ambulants participent à la 23ème édition du Fespaco. « Diffuseur du cinéma africain en milieu rural, le CNA ne peut pas être absent du plus grand rendez-vous des professionnels du cinéma africain. Le Fespaco constitue la première plateforme de rencontre de l’ensemble des salariés des CNA, l’occasion pour eux de rencontrer d’autres professionnels du cinéma et des cinéastes dont les films font briller des milliers de paires d’yeux dans les centaines de villages qu’ils parcourent chaque année », explique Wend-Lassida Ouédraogo, le coordonnateur du CNA Afrique. Aussi, 60 salariés et adhérents des CNA sont présents à Ouagadougou pour participer à la grand-messe des cinémas d’Afrique.
Pour sa cinquième participation au Fespaco, le CNA entend maintenir vive la mémoire du cinéma africain à travers le projet « Fespaco classique, la mémoire du cinéma africain et sa réception en milieu rural ». Du 25 février au 1er mars 2013, tous les soirs à la tombée de la nuit, le Village CNA à la Cité An III abrite des projections-débats autour des films du patrimoine africain, primés ou projetés au Fespaco, et qui ont été plébiscités par les publics des villages au cours des projections en plein air du CNA.
Ces films sont classés par thématiques : la tradition et l’enfance avec Yaaba du Burkinabé Idrissa Ouédraogo, Quartier Mozart du Camerounais Jean-Pierre Békolo pour la comédie sociale, Tasuma, le feu du Burkinabé Daniel Kollo Sanou pour la colonisation et Gito l’ingrat du Burundais Léonce Ngabo sur le thème de l’immigration. À côté de cela, une soirée est consacrée au documentaire de création, fait par des femmes.
Présidente du CNA Afrique, Rosalie Ndah justifie cette programmation de documentaires féminins : « C’est un fait inédit : tous les jurys du Fespaco sont présidés cette année par des femmes. Pour nous, c’était donc l’occasion de donner plus de visibilité aux œuvres des réalisatrices. Un documentaire réalisé par une femme peut présenter quelque chose de différent, voir le positif et les opportunités là où un homme verrait l’insupportable».
Pour cette soirée documentaire, deux films de jeunes réalisatrices ont été choisis : Itchombi de la Togolaise Gentille Assih et Le prix du sang de la Camerounaise Anne Elisabeth Ngo Minka. Des films aux thématiques fortes, respectivement sur la circoncision et sur la virginité de la femme. Ils interrogent donc les traditions et la place de la femme dans la société.
Chaque projection est suivie d’un débat réunissant les réalisateurs des films, les critiques de cinéma et les animatrices du CNA qui rendent compte de l’accueil du public. Wend-Lassida Ouédraogo soutient que, bien que la critique soit fondamentale dans son rôle de mise en perspective des œuvres, « le "retour" dont peuvent témoigner les équipes du CNA est bien différent de celui que les médias et les critiques, travaillant généralement en milieu urbain, peuvent avoir, et il est intéressant de les confronter à l'occasion de cette manifestation ». La présence permanente des équipes du CNA sur le terrain lui permet d’avoir une forte connaissance des réactions des publics, et donne l’opportunité à ses partenaires de pouvoir adapter leurs messages.
Pour élargir cette connaissance du terrain, le CNA va installer deux unités mobiles de projection à Madagascar et en Tunisie au cours des prochains mois. Prémices des CNA Océan indien et CNA Maghreb, qui vont porter le nombre de pays du CNA à dix après le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la France, le Niger, le Mali, le Sénégal et le Togo. Annonce en a été faite par le CNA à l’occasion du Fespaco 2013 à Ouagadougou, au Burkina Faso.
Au commencement était un projet familial
Le Cinéma Numérique Ambulant est parti d’un projet familial pour devenir, 12 ans après, un réseau international qui compte huit associations de droit local, une structure de coordination, quinze unités de projections, 50 salariés, 1200 projections par an pour plus de 12 000 spectateurs.
En 1999, le Français Christian Lambert travaille sur le plateau du film Barbecue Pejo du réalisateur béninois Jean Odoutan, comme directeur de production. Deux ans plus tard, il se rend compte que les films sur lesquels il a travaillé en Afrique ne seront jamais vus par les villageois qui ont pourtant si bien accueilli les équipes pendant les tournages. Il décide alors, avec sa compagne Laurence Vendroux, de créer un cinéma itinérant pour donner une chance à ces productions d’être vues. C’est ainsi qu’ils achètent une vieille voiture, embarquent en famille pendant les vacances et se lancent dans l’aventure.
Le succès de l’initiative est immédiat ; la rencontre avec le public, fusionnelle. Les villages bénéficiaires des projections en plein air en redemandent sans cesse, tandis que les villages voisins les réclament à cor et à cri. Cette forte demande est à l’origine de la création d’une première unité de préfiguration à Ouidah au Bénin, qui sera plus tard transférée à Cotonou.
Avec l’aide de l’Union Européenne ainsi qu’à la requête des ministres de la Culture et des Ordonnateurs nationaux, le CNA s’installe en 2003 au Niger, s’y ajoute en 2004 le Mali. En 2005, les CNA du Bénin, du Mali et du Niger participent pour la première fois au Fespaco et organisent des projections dans des quartiers de Ouagadougou. De cette participation naît la nécessité de créer un CNA au Burkina Faso. Projet concrétisé deux ans plus tard sur fonds propres. Puis, grâce au soutien de l’Union Européenne, trois nouveaux CNA sont créés : en 2010 au Sénégal, en 2011 au Togo et en 2012 au Cameroun. Tous les CNA sont regroupés au sein d’une structure de coordination, le CNA Afrique créé en 2009 avec siège à Ouagadougou, la « capitale » des cinémas d’Afrique.
Le CNA s’installe bientôt à Madagascar et en Tunisie avec l’appui de la Fondation Orange. De fortes demandes émanent aussi de Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Tchad, Centrafrique et Congo Brazzaville en Afrique centrale. Jusqu’ici, le CNA n’est installé que dans des pays francophones, mais son ambition est de s’ouvrir aux pays anglophones et lusophones, en accord avec sa devise « le cinéma pour tous, le cinéma partout ».
Christian Lambert définit cette extension comme le fait d’« avancer en créant quelque chose. L’idée du CNA qui date de la sortie des DVD, il y a presque 15 ans, était réellement une bonne idée. Elle est destinée à se développer, à s’améliorer, à être imitée et même plagié », soutient Christian Lambert. « En plus, l’extension de réseau de cinémas itinérants permettra mécaniquement d’augmenter les moyens reversés à l’industrie du cinéma. Il faut tout faire pour que l’impact que peuvent avoir ces réseaux soit le plus important possible », ajoute Christian Lambert.
La solution de l’auto-financement
A l’occasion du Fespaco, le CNA met en place une commission des ayants droit constituée de professionnels du cinéma, dont la mission est de l’aider à mieux rémunérer les droits des films qu’il projette et à mieux contribuer à l’économie cinématographique africaine.
Car « même s’il est un créateur d’emploi, argumente Christian Lambert, le Cinéma Numérique Ambulant n’est pas un produit rentable au sens où on l’entend généralement ». Le réseau CNA est organisé en associations indépendantes qui gèrent des unités de projections mobiles autonomes. Le CNA consacre les premières parties de ses soirées cinéma à des films de sensibilisation ou spots publicitaires soutenus par des entreprises, des Ong et organismes onusiens. Ce qui lui permet par la suite d’organiser des projections non payantes.
« Non payantes et pas gratuites », précise Christian Lambert, car il est demandé une contribution non financière aux villages pour l’organisation des soirées : « Pour le CNA, faire payer les villages n’a pas de sens : les recettes ne peuvent pas de manière significative couvrir le budget d’une soirée de projection, le nombre de spectateurs diminuerait considérablement et le modèle économique du CNA serait totalement remis en question».
Le CNA Afrique est l’instance chargé d’identifier les films à acquérir et d’en négocier les droits. Il gère un fonds de films alimenté par l’ensemble des CNA et en retour, il met les films dont les droits sont acquis à la disposition de ces CNA. En général, ce sont des films ayant déjà connu une carrière commerciale et dans des festivals qui retrouvent ainsi une seconde vie. Dans un monde de vitesse, l’enjeu est aujourd’hui que le CNA diffuse des films plus récents qui rendent compte de l’évolution rapide des sociétés. L’autre défi est de continuer à diffuser des films du patrimoine africain, tout en s’ouvrant au monde dans un contexte de mondialisation.
Décoloniser les écrans africains
Le CNA a pour mission la diffusion des films du patrimoine africain au plus grand nombre, notamment dans des villages et des quartiers défavorisés en milieu urbain. Le CNA contribue à l’une des missions que s’est fixé le Fespaco : celui de décoloniser les écrans africains, pour que le public puisse se reconnaître à travers les images qu’il regarde et partant, se forge un imaginaire propre.
« Le CNA est un important outil culturel, de communication et de loisir. Il apporte des films africains aux populations africaines les plus marginalisées par leur isolement géographique ou par leur enclavement socio-économique. Il permet une accessibilité immédiate à ce public, ce qui lui confère un aspect populaire et une valeur éducative. Le CNA ouvre la possibilité et l’accès à un imaginaire commun, source de réflexion, de témoignage et de dialogue entre les populations» sur des comportements qui constituent un obstacle à leur épanouissement, ajoute Rosalie Ndah.
Pour Wend-Lassida Ouédraogo, le CNA est une salle de projection ambulante avec toutes les conditions techniques adaptées, qui n’est pas concurrent des salles classiques : «Au contraire, il travaille à former et à fidéliser un public. Il est un exploitant occasionnel qui contribue à créer un public permanent pour les salles ». Christian Lambert renchérit : « il est démontré que les enfants des familles qui sont allées au cinéma continuent plus tard de pratiquer ce loisir culturel. Mes pensées vont souvent vers tous ces ados ou pré-ados qui vivent dans ces villages, dans le dénuement, l’absence de divertissement et qui, pendant 6 mois, tous les 15 jours, vont avoir droit à la fête du cinéma… Je suis sûr que c’est une expérience qui marque à vie », estime Christian Lambert.
Le CNA pallie à l’absence des salles de cinéma et maintient vivante une culture cinématographique. Il apporte un patrimoine cinématographique aux populations qui autrement, n’y auraient pas accès. Ses autres projets, le Studio Photo Numérique Ambulant et le Vidéo Fada renforcent cet impact.
Stéphanie Dongmo
Africiné / Cameroun
Forte présence du Cinéma Numérique Ambulant
Les Cinémas Numériques Ambulants participent à la 23ème édition du Fespaco. « Diffuseur du cinéma africain en milieu rural, le CNA ne peut pas être absent du plus grand rendez-vous des professionnels du cinéma africain. Le Fespaco constitue la première plateforme de rencontre de l’ensemble des salariés des CNA, l’occasion pour eux de rencontrer d’autres professionnels du cinéma et des cinéastes dont les films font briller des milliers de paires d’yeux dans les centaines de villages qu’ils parcourent chaque année », explique Wend-Lassida Ouédraogo, le coordonnateur du CNA Afrique. Aussi, 60 salariés et adhérents des CNA sont présents à Ouagadougou pour participer à la grand-messe des cinémas d’Afrique.
Pour sa cinquième participation au Fespaco, le CNA entend maintenir vive la mémoire du cinéma africain à travers le projet « Fespaco classique, la mémoire du cinéma africain et sa réception en milieu rural ». Du 25 février au 1er mars 2013, tous les soirs à la tombée de la nuit, le Village CNA à la Cité An III abrite des projections-débats autour des films du patrimoine africain, primés ou projetés au Fespaco, et qui ont été plébiscités par les publics des villages au cours des projections en plein air du CNA.
Ces films sont classés par thématiques : la tradition et l’enfance avec Yaaba du Burkinabé Idrissa Ouédraogo, Quartier Mozart du Camerounais Jean-Pierre Békolo pour la comédie sociale, Tasuma, le feu du Burkinabé Daniel Kollo Sanou pour la colonisation et Gito l’ingrat du Burundais Léonce Ngabo sur le thème de l’immigration. À côté de cela, une soirée est consacrée au documentaire de création, fait par des femmes.
Présidente du CNA Afrique, Rosalie Ndah justifie cette programmation de documentaires féminins : « C’est un fait inédit : tous les jurys du Fespaco sont présidés cette année par des femmes. Pour nous, c’était donc l’occasion de donner plus de visibilité aux œuvres des réalisatrices. Un documentaire réalisé par une femme peut présenter quelque chose de différent, voir le positif et les opportunités là où un homme verrait l’insupportable».
Pour cette soirée documentaire, deux films de jeunes réalisatrices ont été choisis : Itchombi de la Togolaise Gentille Assih et Le prix du sang de la Camerounaise Anne Elisabeth Ngo Minka. Des films aux thématiques fortes, respectivement sur la circoncision et sur la virginité de la femme. Ils interrogent donc les traditions et la place de la femme dans la société.
Chaque projection est suivie d’un débat réunissant les réalisateurs des films, les critiques de cinéma et les animatrices du CNA qui rendent compte de l’accueil du public. Wend-Lassida Ouédraogo soutient que, bien que la critique soit fondamentale dans son rôle de mise en perspective des œuvres, « le "retour" dont peuvent témoigner les équipes du CNA est bien différent de celui que les médias et les critiques, travaillant généralement en milieu urbain, peuvent avoir, et il est intéressant de les confronter à l'occasion de cette manifestation ». La présence permanente des équipes du CNA sur le terrain lui permet d’avoir une forte connaissance des réactions des publics, et donne l’opportunité à ses partenaires de pouvoir adapter leurs messages.
Pour élargir cette connaissance du terrain, le CNA va installer deux unités mobiles de projection à Madagascar et en Tunisie au cours des prochains mois. Prémices des CNA Océan indien et CNA Maghreb, qui vont porter le nombre de pays du CNA à dix après le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la France, le Niger, le Mali, le Sénégal et le Togo. Annonce en a été faite par le CNA à l’occasion du Fespaco 2013 à Ouagadougou, au Burkina Faso.
Au commencement était un projet familial
Le Cinéma Numérique Ambulant est parti d’un projet familial pour devenir, 12 ans après, un réseau international qui compte huit associations de droit local, une structure de coordination, quinze unités de projections, 50 salariés, 1200 projections par an pour plus de 12 000 spectateurs.
En 1999, le Français Christian Lambert travaille sur le plateau du film Barbecue Pejo du réalisateur béninois Jean Odoutan, comme directeur de production. Deux ans plus tard, il se rend compte que les films sur lesquels il a travaillé en Afrique ne seront jamais vus par les villageois qui ont pourtant si bien accueilli les équipes pendant les tournages. Il décide alors, avec sa compagne Laurence Vendroux, de créer un cinéma itinérant pour donner une chance à ces productions d’être vues. C’est ainsi qu’ils achètent une vieille voiture, embarquent en famille pendant les vacances et se lancent dans l’aventure.
Le succès de l’initiative est immédiat ; la rencontre avec le public, fusionnelle. Les villages bénéficiaires des projections en plein air en redemandent sans cesse, tandis que les villages voisins les réclament à cor et à cri. Cette forte demande est à l’origine de la création d’une première unité de préfiguration à Ouidah au Bénin, qui sera plus tard transférée à Cotonou.
Avec l’aide de l’Union Européenne ainsi qu’à la requête des ministres de la Culture et des Ordonnateurs nationaux, le CNA s’installe en 2003 au Niger, s’y ajoute en 2004 le Mali. En 2005, les CNA du Bénin, du Mali et du Niger participent pour la première fois au Fespaco et organisent des projections dans des quartiers de Ouagadougou. De cette participation naît la nécessité de créer un CNA au Burkina Faso. Projet concrétisé deux ans plus tard sur fonds propres. Puis, grâce au soutien de l’Union Européenne, trois nouveaux CNA sont créés : en 2010 au Sénégal, en 2011 au Togo et en 2012 au Cameroun. Tous les CNA sont regroupés au sein d’une structure de coordination, le CNA Afrique créé en 2009 avec siège à Ouagadougou, la « capitale » des cinémas d’Afrique.
Le CNA s’installe bientôt à Madagascar et en Tunisie avec l’appui de la Fondation Orange. De fortes demandes émanent aussi de Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Tchad, Centrafrique et Congo Brazzaville en Afrique centrale. Jusqu’ici, le CNA n’est installé que dans des pays francophones, mais son ambition est de s’ouvrir aux pays anglophones et lusophones, en accord avec sa devise « le cinéma pour tous, le cinéma partout ».
Christian Lambert définit cette extension comme le fait d’« avancer en créant quelque chose. L’idée du CNA qui date de la sortie des DVD, il y a presque 15 ans, était réellement une bonne idée. Elle est destinée à se développer, à s’améliorer, à être imitée et même plagié », soutient Christian Lambert. « En plus, l’extension de réseau de cinémas itinérants permettra mécaniquement d’augmenter les moyens reversés à l’industrie du cinéma. Il faut tout faire pour que l’impact que peuvent avoir ces réseaux soit le plus important possible », ajoute Christian Lambert.
La solution de l’auto-financement
A l’occasion du Fespaco, le CNA met en place une commission des ayants droit constituée de professionnels du cinéma, dont la mission est de l’aider à mieux rémunérer les droits des films qu’il projette et à mieux contribuer à l’économie cinématographique africaine.
Car « même s’il est un créateur d’emploi, argumente Christian Lambert, le Cinéma Numérique Ambulant n’est pas un produit rentable au sens où on l’entend généralement ». Le réseau CNA est organisé en associations indépendantes qui gèrent des unités de projections mobiles autonomes. Le CNA consacre les premières parties de ses soirées cinéma à des films de sensibilisation ou spots publicitaires soutenus par des entreprises, des Ong et organismes onusiens. Ce qui lui permet par la suite d’organiser des projections non payantes.
« Non payantes et pas gratuites », précise Christian Lambert, car il est demandé une contribution non financière aux villages pour l’organisation des soirées : « Pour le CNA, faire payer les villages n’a pas de sens : les recettes ne peuvent pas de manière significative couvrir le budget d’une soirée de projection, le nombre de spectateurs diminuerait considérablement et le modèle économique du CNA serait totalement remis en question».
Le CNA Afrique est l’instance chargé d’identifier les films à acquérir et d’en négocier les droits. Il gère un fonds de films alimenté par l’ensemble des CNA et en retour, il met les films dont les droits sont acquis à la disposition de ces CNA. En général, ce sont des films ayant déjà connu une carrière commerciale et dans des festivals qui retrouvent ainsi une seconde vie. Dans un monde de vitesse, l’enjeu est aujourd’hui que le CNA diffuse des films plus récents qui rendent compte de l’évolution rapide des sociétés. L’autre défi est de continuer à diffuser des films du patrimoine africain, tout en s’ouvrant au monde dans un contexte de mondialisation.
Décoloniser les écrans africains
Le CNA a pour mission la diffusion des films du patrimoine africain au plus grand nombre, notamment dans des villages et des quartiers défavorisés en milieu urbain. Le CNA contribue à l’une des missions que s’est fixé le Fespaco : celui de décoloniser les écrans africains, pour que le public puisse se reconnaître à travers les images qu’il regarde et partant, se forge un imaginaire propre.
« Le CNA est un important outil culturel, de communication et de loisir. Il apporte des films africains aux populations africaines les plus marginalisées par leur isolement géographique ou par leur enclavement socio-économique. Il permet une accessibilité immédiate à ce public, ce qui lui confère un aspect populaire et une valeur éducative. Le CNA ouvre la possibilité et l’accès à un imaginaire commun, source de réflexion, de témoignage et de dialogue entre les populations» sur des comportements qui constituent un obstacle à leur épanouissement, ajoute Rosalie Ndah.
Pour Wend-Lassida Ouédraogo, le CNA est une salle de projection ambulante avec toutes les conditions techniques adaptées, qui n’est pas concurrent des salles classiques : «Au contraire, il travaille à former et à fidéliser un public. Il est un exploitant occasionnel qui contribue à créer un public permanent pour les salles ». Christian Lambert renchérit : « il est démontré que les enfants des familles qui sont allées au cinéma continuent plus tard de pratiquer ce loisir culturel. Mes pensées vont souvent vers tous ces ados ou pré-ados qui vivent dans ces villages, dans le dénuement, l’absence de divertissement et qui, pendant 6 mois, tous les 15 jours, vont avoir droit à la fête du cinéma… Je suis sûr que c’est une expérience qui marque à vie », estime Christian Lambert.
Le CNA pallie à l’absence des salles de cinéma et maintient vivante une culture cinématographique. Il apporte un patrimoine cinématographique aux populations qui autrement, n’y auraient pas accès. Ses autres projets, le Studio Photo Numérique Ambulant et le Vidéo Fada renforcent cet impact.
Stéphanie Dongmo
Africiné / Cameroun