Entretien avec Henry Welsh, Président de l’Association des Trophées Francophones du Cinéma (ATFCiné)
« Les instances gouvernementales (sénégalaises) ont manifesté la volonté d’accorder une aide accrue pour le cinéma (national). On voudrait voir ce même effet se développer dans les autres pays». (Henry Welsh, Président ATFCiné)
En route vers l’aéroport de Léopold Sedar Senghor à Dakar, Henry Welsh président de l’ATFCiné (et fondateur des Jutra®, équivalent québécoisen des Oscar® ou des César®) s’apprête à quitter le Sénégal, au lendemain de la Journée internationale de la Francophonie où il vient de dévoiler la liste des films en lice pour les nominations des Trophées Francophones du Cinéma, en présence de M. Abdoul Aziz Mbaye, Ministre de la culture du Sénégal. Ce sont 53 longs métrages et 21 courts métrages en provenance de 27 pays qui vont concourir aux Trophées Francophones du Cinéma qui seront décernés, pour la toute première fois, à Dakar le 29 juin 2013 prochain.
Comment vont les préparatifs à Dakar ?
Très bien. Ce voyage m’a permis de consolider mes relations avec le Ministre sénégalais de la Culture, M. Abdoul Aziz M’Baye et d’observer l’aspect technique des préparations. Pour ce qui est de la communication, les autorités de la culture sénégalaise, alors présentes au Fespaco à Ouagadougou, avaient déjà confirmé lors de la journée du Sénégal que cette cérémonie allait avoir lieu à Dakar. La deuxième étape était donc de dévoiler la liste des films qui font partie de la compétition, en ce 20 mars à l’occasion de la Journée Internationale de la Francophonie.
Pourquoi avoir choisi Dakar pour cette toute première édition?
C’est une volonté de notre part. On a voulu lancer un signal fort, en faisant en sorte que cette cérémonie francophone prenne place dans un pays du Sud, plutôt qu’en Suisse, au Luxembourg ou n’importe quel pays francophone du Nord. Lorsqu’on a fait les règlements de l’association, on a insisté pour que la France, le Canada et la Belgique soient exclus comme pays hôtes de l’événement. Il y a déjà des galas dans ces pays (Les Césars, les Jutra, les Magritte). L’idée c’est d’attirer l’attention du monde entier sur d’autres pays de la francophonie.
De plus, il y a vraiment quelque chose qui se passe autour du cinéma sénégalais. Il est à l’honneur, et particulièrement cette année comme on l’a vu au Fespaco, notamment grâce à Tey, La Pirogue ou encore Président Dia qui se distinguent beaucoup dans les circuits internationaux. Ici à Dakar, il y a une véritable effervescence autour du cinéma en ce moment.
Comment avez-vous approché tous ces pays, pour les intéresser à participer à ce concours du cinéma francophone?
Ce n’est pas évident d’avoir le concours de tous les pays de la francophonie. Parce d’abord ça n’existe pas. Et puis, il y a des pays qui ne produisent qu’un seul film par an. On a par exemple un film de l’Île Maurice, un film de l’Arménie et un film du Cambodge. Puis, évidemment il y a le Maroc, le Togo, le Gabon et d’autres qui ont plus de films. On est très content parce que d’abord il y a pas mal de film qui vont en compétition et aussi, je pense que la barre est plus haute. Ce ne sont pas des films qu’on nous a balancé comme ça; ce sont des films de qualité. Et enfin, parce que ça se passera au Sénégal, en Afrique.
Et pourtant, il n’y a aucun représentant africain dans la structure même de l’association, pourquoi?
Ce n’est pas du tout exclu, c’est juste qu’à un moment donné, il a fallu démarrer quelque chose. Ça fait quelques années qu’on a ce projet et on a consulté des professionnels par ci et là, mais plusieurs sont très pris par d’autres événements et festivals. Dans les statuts, c’est prévu que n’importe quel professionnel issu des pays de la Francophonie peut faire parti du Conseil. Donc, la présence africaine dans l’association va être très vite assurée. Certainement pour la prochaine édition, il y aura des Africains au sein du Conseil d’Administration et au sein de la structure de l’association.
Maintenant que la compétition est officiellement lancée, rappelez-nous un peu le processus ?
Chaque pays qu’on a invité à participer à la compétition francophone (26 pays de la Francophonie l’Algérie) a mis en place un comité qui a décidé de la façon dont il l’entend de maximum trois longs métrages et un court qui vont porter les couleurs du pays. Nous, à ce niveau, nous n’intervenons pas du tout ; chaque pays a sa propre responsabilité. À partir de là, on a constitué une Académie Francophone du Cinéma (environs 140 personnalités de la culture francophone mondiale), on a fait un coffret de tous les films en liste et on les a envoyés aux académiciens pour leur permettre de voir le film à la suite de quoi, ils vont délivrer un vote par bulletin secret via internet dont les résultats seront annoncés le 23 mai à Cannes.
Dans un deuxième tour de vote, les mêmes académiciens vont revoter pour désigner les finalistes, ceux qui vont recevoir les trophées, mais on va ajouter à ce collège électoral un collège électoral supplémentaire qui lui est composé de professionnels de l’industrie du cinéma sénégalais.
Dans chaque catégorie, il y aura cinq finalistes mais dont au moins un film du pays organisateur. C’est-à-dire que chaque catégorie va profiter au cinéma du pays d’accueil. Donc par exemple dans la catégorie du meilleur acteur, il y aura un acteur sénégalais, dans la catégorie de meilleure actrice, il y aura une actrice sénégalaise et ainsi de suite.
Pourquoi un comité local supplémentaire sur la décision finale, ne craignez-vous pas de privilégier le pays organisateur?
On fait ça pour motiver le pays qui accueille l’événement et ce sera ainsi pour tous les pays qui accueilleront les éditions qui vont suivre. Un collège supplémentaire local prendra part au vote final. Il faut que le pays qui reçoit puisse y trouver son intérêt et qui puisse bénéficier de l’influence continue sur le vote final. Le pays qui nous accueille doit avoir un intérêt à participer à ce gala. On espère ainsi motiver les autres pays de la francophonie à prendre part à cet événement.
Comment assurer une représentation de certains pays africains alors que l’on sait leur taux de production encore faible et irrégulier?
C’est vrai que certains pays ne nous donnent pas des films. Le Burundi ou encore le Vietnam n’ont rien donné par exemple, mais peut être que l’année prochaine, ils pourraient nous en donner.
Vous savez, quand j’ai démarré les Jutra au Québec, tout le monde me disait qu’il n’y aura jamais assez de films, année après année pour pouvoir initier des galas de prix. On croyait qu’à un moment donné, j’allais me retrouver avec plus rien. Et voilà que c’est tout l’inverse qui s’est produit. Ce que j’ai fait avec les Jutra, je souhaiterai le faire grâce aux Trophées, à l’échelle internationale de la francophonie.
Autour de cette opération, notamment avec l’OIF qui vient de mettre en place un Fonds africain du cinéma, on va essayer de susciter quelque chose qui va produire des effets à long terme, qui permettra aux pays qui n’ont pas de capacités de productions importantes, comme au Sénégal par exemple, de se lancer dans des productions. Parce que aujourd’hui, on peut fabriquer des cinémas avec beaucoup moins d’argent qu’autrefois.
Dîner des nommés, cérémonie de remise des trophées, soirée de gala en présence des plus hautes personnalités culturelles du Sénégal et de la Francophonie… Est-ce que le public et les cinéphiles trouvent toujours leur place dans tout ça?
Absolument ! En réalité, on mise beaucoup sur les forces vives du cinéma sénégalais. Il y a environs 200 à 250 grandes personnalités maximum invitées. Mais tout le reste ça va être du public, des gens qui ont un intérêt pour le cinéma. Le gala n’est qu’une partie, c’est un peu comme la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Autour, il va y avoir beaucoup d’événements. Le comité sénégalais sera responsable d’organiser des débats autour du thème « Sénégal, Cinéma et Francophonie », des projections gratuites, des rencontres, des débats, notamment une rétrospective sur Djibril Diop Mambety. En organisant cet événement, on va pouvoir rejoindre non seulement les gens de Dakar mais à travers la télévision sénégalaise et TV5 Monde, encore plus de monde.
La visibilité des cinémas africains sera sans doute plus visible à l’étranger mais pourra-t-on en dire autant sur le continent Noir?
Oui, il devrait y avoir un impact sur le continent. J’ai déjà eu des conversations avec d’autres pays africains qui seraient très intéressés à tenir la cérémonie. Le Bénin, le Maroc, par exemple ont eu des réactions très positives, mais ça dépend aussi des ressources que le pays peut consacrer.
Ce que je peux dire, c’est qu’au niveau du Sénégal, il y a un véritable effet boule de neige grâce aux récompenses du cinéma, ça a fait beaucoup bouger les instances gouvernementales qui ont manifesté la volonté d’accorder une aide accrue pour le cinéma sénégalais. C’est cet effet boule de neige que nous voulons voir se développer dans les autres pays francophones. On veut justement que ça incite les dirigeants politiques à se mobiliser et faire plus pour le cinéma national. Alors on commence avec le Sénégal mais on espère qu’après la première édition, il y aura une réaction du Burkina Faso, du Benin, du Togo, etc.
Comment l’Organisation Internationale de la Francophonie prend elle part à tout ça?
On ne pouvait pas avancer si on n’avait pas d’une certaine façon un soutien, une reconnaissance, même symbolique de l‘OIF, ce qui est le cas. J’ai rencontré personnellement Clément Duhaime qui nous a assuré de son soutien et du support qu’il pouvait nous donner. Il est aussi heureux pour le Secrétaire général de l’OIF, que cet événement prenne place au Sénégal, parce que, comme vous le savez, Abdou Diouf ne renouvellera pas son mandat. Aussi, un an plus tard, c’est là qu’aura lieu le 15e sommet de l’Organisation. Donc, on fait une espèce de démarrage d’une opération qui va aboutir à un moment extrêmement fort pour les Africains et les Francophones du monde entier. Il y a une cohérence énorme et on est vraiment heureux de voir que l’OIF prenne part au projet.
Djia Mambu
Africiné, Montréal.
Correspondance spéciale
Les Films de long métrage en compétition pour les Trophées Francophones du Cinéma 2013
(en rouge) : lien (cliquez dessus) vers les films ou réalisateurs/trices sur Images Francophones ou/et Africiné.
38 TEMOINS - Lucas Belvaux - BELGIQUE
À PERDRE LA RAISON - Joachim Lafosse - BELGIQUE
ANGLE MORT - Christophe Wagner - LUXEMBOURG
ASSISTANCE MORTELLE - Raoul Peck - HAÏTI
AU DELA DES COLLINES - Christian Mungiu - ROUMANIE
AUJOURD’HUI - Alain Gomis - SÉNÉGAL
L’AURORE SUR LE LAC DE VAN - Artak Iguithian - ARMÉNIE
BAB SHARKI - Ahmed Atef - EGYPTE
BABYLON - Ismael Chebbi / Youssef Chebbi / Alaeddine Slim - TUNISIE
C’ÉTAIT MIEUX DEMAIN – Hinde Boujemaa - TUNISIE
LES CHEVAUX DE DIEU - Nabil Ayouch - MAROC
LE COLLIER DU MAKOKO - Henri Joseph Koumba Bididi - GABON
LE CRIME SILENCIEUX - Guillaume Komi Ozou - TOGO
DA MONZON - Sidi Diabaté - MALI
DES ESCARGOTS ET DES HOMMES - Tudor Giorgiu - ROUMANIE
DUCH LE MAITRE DES FORGES DE L’ENFER- Rithy Panh - CAMBODGE
L’ENFANT D’EN HAUT - Ursula Meier - SUISSE
L’ÉTRANGE HISTOIRE DE L’AVENTURE SPATIALE LIBANAISE - Joana Hadji Thomas / Khalil Joreige - LIBAN
LES ENFANTS DE TROUMARON – Harrikrisna & Sharvan Annenden - ÎLE MAURICE
LE FOULARD NOIR - Boubakar Diallo - BURKINA FASO
GOODBYE MOROCCO - Nadir Moknèche - ALGÉRIE
GUELOU LE PRECIPICE - Serge Dieudonné Yeou - BÉNIN
HIVER NOMADE - Manuel Von Sturler - SUISSE
INCH ALLAH - Anais Barbeau Lavalette - CANADA
LES INVISIBLES - Sébastien Lifshitz - FRANCE
J.A.C.E. - Menelaos Karamaghiolis - GRÈCE
LAURENCE ANYWAYS - Xavier Dolan - CANADA
LOUISE WIMMER - Cyril Menneguin - FRANCE
MA TERRE, NOTRE TERRE - Donato Rotunno - LUXEMBOURG
MALAK - Abdeslam Kelai - MAROC
MARIAM - Moussa Tidjani / Oumar Moussa - TCHAD
MATIERE GRISE - Kivu Ruhorahoza - RWANDA
LE MEC IDEAL - Owell Brown - COTE D’IVOIRE
MOI ZAPHIRA ! - Apolline Traoré - BURKINA FASO
OPERATION LIBERTAD - Nicolas Wadimoff - SUISSE
LA PIROGUE - Moussa Touré - SÉNÉGAL
PLACE TAHRIR 2011 - Tamer Ezzat / Ayten Amin / Amir Salama - EGYPTE
LE POIDS DU SERMENT - Kollo Daniel Sanou - BURKINA FASO
POURQUOI MOI - Abdel Hakim A. Laleye - BÉNIN
REBELLE - Kim Nguyen - CANADA
RENGAINE - Rachid Djaïdani - FRANCE
LA ROUTE D’EN HAUT - Jean Louis Schuller - LUXEMBOURG
SI JAMAIS… - Christopher Papakaliatis - GRÈCE
LE SOMMEIL D’OR - Davy Chou - CAMBODGE
SONSON - Jean Claude Bourjolly - HAÏTI
LE TEMPS D’UNE SECONDE - Lara Saba - LIBAN
LE THE OU L’ELECTRICITE - Jérôme Le Maire - BELGIQUE
LES TOILES D’ARAIGNEES - Ibrahima Touré - MALI
TOUT LE MONDE DANS NOTRE FAMILLE - Radu Jude - ROUMANIE
UN HOMME D’HONNEUR - Jean-Claude Codsi - LIBAN
VIVA RIVA - Djo Tunda Wa Munga - CONGO
YEMA - Djamila Sahraoui - ALGÉRIE
ZERO - Nour Eddine Lakhmari - MAROC
Les Films de court métrage en compétition pour les Trophées Francophones du Cinéma 2013
86400 - Patrick Badianjile Kuba - CONGO
L’AGENDA ET MOI - Neveen Shalaby - EGYPTE
LE BANC PUBLIC - Djamel Allam - ALGÉRIE
CE N’EST PAS UN FILM DE COW BOYS - Benjamin Parent - FRANCE
LA CIBLE - Mounir Abbar - MAROC
CONFESS - Jean Baptiste Ouedraogo - BURKINA FASO
LE CRI DU HOMARD - Nicolas Guiot - BELGIQUE
DEMAIN COMMENCE AUJOURD’HUI - Camille Moïse alias Kharmeliaud - HAÏTI
DIALEMI - Nadine Otsobogo - GABON
ET SI L’ON S’UNISSAIT - Cheikh Abdoulaye Camara - GUINÉE
HENRY - Yan England - CANADA
ILS SONT FOUS ON S’EN FOUT - Seydou Coulibaly - COTE D’IVOIRE
MON PETIT PRINCE À MOI - Armen Ronov - ARMÉNIE
LA NUIT DE L’OURS - Samuel Guillaume & Frédéric Guillaume - SUISSE
PRESIDENT DIA - William Mbaye - SÉNÉGAL
LES PROFONDEURS - Youssef Chebbi - TUNISIE
RENCONTRE VIRTUELLE - Ayeman Aymar Ecce - BENIN
SUPERMAN, SPIDERMAN OU BATMAN - Tudor Giorgiu - ROUMANIE
TRACE - Oumar Sinenta - MALI
UN JOUR EN LIBERTE - Ovinda Van Maele - LUXEMBOURG
UN MARDI - Sabine El Chaama - LIBAN
Sur la photo : M. Abdoul Aziz Mbaye, ministre de la culture du Sénégal avec M. Henry Welsh, président de l'ATFciné.
Crédit : IXION communications
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