Entretien avec Bella Agossou, actrice béninoise-espagnole
"Le cinéma africain a un grand futur… ".
Béninoise originaire de Savalou, dans le département des Collines (localité située au centre du Bénin à environ 225 Km de Cotonou, la capitale économique du pays), Bella Agossou est une actrice professionnelle qui réside en Espagne, plus précisément à Barcelone, depuis 2002. Elle a travaillé sur des longs métrages de cinéma, des téléfilms, séries télés et au théâtre. Revenant de temps en temps à Cotonou, nous avons obtenu un entretien exclusif à bâtons rompues, à l'occasion d'une prise de contact avec la presse culturelle béninoise. Elle nous a parlé de son parcours, elle s'est prononcée sur l'avenir du cinéma africain qui selon elle, augure de meilleurs lendemains, sur les subventions occidentales accordées aux réalisateurs africains, ses projets…
Présentez-vous à nos lecteurs, s'il vous plaît.
Je suis originaire de Savalou, commune du département des Collines située au centre du Bénin à environ 225 Km de Cotonou, la capitale économique du pays. Je suis Barcelonaise d'adoption et Espagnole de nationalité depuis quelques années.
Comment êtes-vous devenue actrice de cinéma ?
J'étais comédienne dans une compagnie de théâtre dénommée "Sonagnon" à Cotonou, avant de rejoindre la Barcelone. Arrivée là-bas, j'ai fait quatre ans d'études supérieures dans l'une des plus grandes écoles de théâtre en Espagne, dénommée "Nancy Tonon".
Pourrions-nous avoir un bref listing de votre parcours professionnel ?
Avant de jouer dans les films, j'ai fait des spots publicitaires pour des grandes sociétés de Barcelone. J'ai joué dans plusieurs films, théâtres et clips. Je peux vous citer quelques longs-métrages notamment El Cok de la Ciutat (Le coeur de la ville) d'Esteve Rovika en 2008, Un Conte de Nadal [téléfilm] de Ferran Llagostera en 2009, Johan Primero (Johan d'abord) de Johan Kramer en 2010, Catalunya über alles! (Catalunya au delà de tout) de Ramon Termens en 2010, Alakrana [mini série tv] de Salvador Calvo en 2011, Tengo Ganas de Ti (Twilight Love 2 / J'ai envie de toi) de Fernando Gonzalez Molina en 2012, Kubala, Moreno i Manchón (One Man Show), [série tv] de Kiko Ruiz en 2013, Un cuento de Navidad (Un conte de Noël) [téléfilm] de Silvia Quer en 2013, Born (Naissance) de Claudio Zulian en 2013, Palmeras en la Nieve (Des Palmiers dans la neige) de Fernando Gonzalez Molina en 2014, Los Nuestros (Les otages du désert) [mini série tv] de Salvador Calvo en 2014, El Cuaderno de Sara (Le cahier de Sarah) de Norberto Lopez Amado en 2017. Le dernier n'est pas encore sorti.
Parmi ces films, lequel a connu de grand succès ?
J'ai eu la chance de jouer dans des grands films réalisés par les meilleurs réalisateurs d'Espagne, donc la plupart ont connu de succès. Il est à noter que le film "Palmeras en la Nieve" (Des palmiers dans la neige) de Fernando Gonzalez Molina en 2014 est le plus cher de la décennie dans la production de films en Espagne.
Que faites-vous pour transmettre vos savoirs et expériences à la jeune génération montante d'acteurs ?
Je suppose que je fais avec les gens qui sont autour de moi. Nous faisons des répétitions de théâtre, de composition de slams. Je ne sais pas si je le fais déjà avec eux.
Que pensez-vous du cinéma africain ?
Je pense qu'il y a un grand futur pour le cinéma africain. Il y a beaucoup d'histoires en Afrique à expliquer, même si aujourd'hui où il n'y a pas des grandes infrastructures adéquates pour la production comme en Europe.
Quelle comparaison faites-vous entre cinéma africain, européen et américain ?
C'est des réalités incomparables parce que le cinéma américain est une lourde industrie qui fonctionne très bien, le cinéma européen également est au pas avec son industrie tandis que le cinéma africain est ce qu'il est. Je crois que c'est incomparable parce que ces cinémas ne jouent pas sur la même base en termes d'infrastructures, d'écoles, de formations etc.
Auriez-vous une quelconque relation avec votre compatriote et confrère Hollywoodien, Djimon Hounsou ?
Non, mais c'est quelqu'un que j'admire beaucoup et que j'ai voulu connaître, seulement que l'occasion ne s'est pas encore présentée. Ce qui est sûr, on finira par se rencontrer.
La Direction de la Cinématographie fait peau neuve avec Eric Todan, actuel locataire du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée du Bénin (Cncia-Bénin) qui a la vision de faire doter le Bénin de véritables films cinématographiques aux normes et standards internationaux. A cet effet, ils collaborent avec tous les experts et consultants de l'industrie cinématographique. Vous ont-ils contactée ?
Non, ils ne m'ont pas encore contactée. Peut-être, ils ne savent pas comment me joindre, peut-être aussi, ils ignorent qu'il y a quelqu'un comme moi. Je suis tout de même contente pour cette ambition et je serai ravie d'apporter mon expérience.
Depuis quelques années, les salles de cinéma ne fonctionnent plus au Bénin. Que proposez-vous ?
C'est inadmissible et impossible que dans un pays les salles de cinéma sont non-fonctionnelles. Ces salles de cinéma sont des vitrines de messages de sensibilisation, d'information, d'apport de solutions etc. Je ne sais pas pourquoi ces salles sont fermées, mais il est urgent que les dirigeants les réhabilitent et les restaurent pour qu'elles vivent et fassent vivre le cinéma. C'est très important.
Comment vit la Diaspora cinématographique béninoise en Espagne ?
Nous avons créé un groupe dénommé "Black View" qui rassemble tous les acteurs du monde artistique (acteurs, réalisateurs, artistes plasticiens, monteurs etc). Ce groupe est présidé par Santiago Zannou. Son objectif est de montrer comment les choses bougent en Espagne et de mettre en valeur la culture de ces Africains de la Diaspora.
Le Bénin est Etalon d'argent au récent Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (Fespaco) 2017. Quelles ont été vos impressions ?
Génial ! J'étais terriblement fière de Sylvestre Amoussou et c'est quelque chose qui me passionne beaucoup. À travers ce prix, Sylvestre Amoussou monte en puissance encore. C'était le seul long métrage du Bénin, en compétition dans cette catégorie [il s'agit du film L'Orage africain : un continent sous influence, ndlr]. Et quand c'est ainsi, c'est la montée également à tous ceux qui ont contribué à la réussite de ce film (acteurs, producteur, scénariste, monteur etc.) Et ce sont des opportunités qui peuvent s'ouvrir aux acteurs du film. Je n'ai pas manqué de partager ce triomphe dans des groupes et réseaux sociaux parce que si mon compatriote gagne, c'est moi et mon pays qui gagnent.
Nous avons constaté que les films dans lesquels vous avez joué sont tous en espagnol. Que faites-vous pour que les francophones aient accès à ces films ?
Le problème est que je suis dans mon rôle d'actrice ; à part cela, je ne sais pas ce qu'il faut faire. Je suppose qu'il faut acheter les droits d'auteurs pour ensuite sous-titrer ou doubler en français. J'avais milité pour qu'un film soit sous-titré en français pour que mes compatriotes suivent, mais hélas. Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur un film pour la diffusion dans les pays francophones.
Nous constatons que la plupart des réalisations cinématographiques africaines présentes sur tous les festivals de cinéma de la planète sont souvent subventionnées ou sponsorisées par les occidentaux. A travers ces dons, ils commandent et orientent souvent les scénarios. Pensez-vous que cela arrangerait-il le continent à vraiment promouvoir ses valeurs, sa culture et richesses ?
On dit toujours, si tu dépends de quelqu'un, tu ne peux que te soumettre à lui. Je pense que ce serait vraiment difficile que cette situation change à moins que si nous voudrions partir de nos propres moyens. Et là, il faut commencer petitement pour devenir grand. Imaginez que j'ai un projet de court-métrage basé sur une histoire africaine pour lequel je voulais de producteurs espagnols. Ils m'ont dit de chercher des producteurs au Bénin, parce que c'est un film à petit budget. C'est pour dire que c'est en commençant petitement qu'on devient grand. Mais les Burkinabés font leurs propres films. Vouloir vivre des subventions des autres, c'est se soumettre.
Quels sont vos projets ?
Je suis actuellement en phase de casting pour la mise en scène d'une pièce théâtrale qui fera le tour d'une cinquantaine de villes espagnoles. J'ai également été sélectionné pour jouer dans un film dénommé Le légionnaire et le singe où je joue le rôle d'une religieuse. C'est un film en pré-production. Nous sommes également en train de faire un film béninois qui a pour ambition la conquête des festivals de cinéma en Europe.
Propos recueillis par Hector TOVIDOKOU
Cotonou, Africiné Magazine
pour Images Francophones
en collaboration avec Africultures
Image : L'actrice Bella Agossou
Crédit : DR
Présentez-vous à nos lecteurs, s'il vous plaît.
Je suis originaire de Savalou, commune du département des Collines située au centre du Bénin à environ 225 Km de Cotonou, la capitale économique du pays. Je suis Barcelonaise d'adoption et Espagnole de nationalité depuis quelques années.
Comment êtes-vous devenue actrice de cinéma ?
J'étais comédienne dans une compagnie de théâtre dénommée "Sonagnon" à Cotonou, avant de rejoindre la Barcelone. Arrivée là-bas, j'ai fait quatre ans d'études supérieures dans l'une des plus grandes écoles de théâtre en Espagne, dénommée "Nancy Tonon".
Pourrions-nous avoir un bref listing de votre parcours professionnel ?
Avant de jouer dans les films, j'ai fait des spots publicitaires pour des grandes sociétés de Barcelone. J'ai joué dans plusieurs films, théâtres et clips. Je peux vous citer quelques longs-métrages notamment El Cok de la Ciutat (Le coeur de la ville) d'Esteve Rovika en 2008, Un Conte de Nadal [téléfilm] de Ferran Llagostera en 2009, Johan Primero (Johan d'abord) de Johan Kramer en 2010, Catalunya über alles! (Catalunya au delà de tout) de Ramon Termens en 2010, Alakrana [mini série tv] de Salvador Calvo en 2011, Tengo Ganas de Ti (Twilight Love 2 / J'ai envie de toi) de Fernando Gonzalez Molina en 2012, Kubala, Moreno i Manchón (One Man Show), [série tv] de Kiko Ruiz en 2013, Un cuento de Navidad (Un conte de Noël) [téléfilm] de Silvia Quer en 2013, Born (Naissance) de Claudio Zulian en 2013, Palmeras en la Nieve (Des Palmiers dans la neige) de Fernando Gonzalez Molina en 2014, Los Nuestros (Les otages du désert) [mini série tv] de Salvador Calvo en 2014, El Cuaderno de Sara (Le cahier de Sarah) de Norberto Lopez Amado en 2017. Le dernier n'est pas encore sorti.
Parmi ces films, lequel a connu de grand succès ?
J'ai eu la chance de jouer dans des grands films réalisés par les meilleurs réalisateurs d'Espagne, donc la plupart ont connu de succès. Il est à noter que le film "Palmeras en la Nieve" (Des palmiers dans la neige) de Fernando Gonzalez Molina en 2014 est le plus cher de la décennie dans la production de films en Espagne.
Que faites-vous pour transmettre vos savoirs et expériences à la jeune génération montante d'acteurs ?
Je suppose que je fais avec les gens qui sont autour de moi. Nous faisons des répétitions de théâtre, de composition de slams. Je ne sais pas si je le fais déjà avec eux.
Que pensez-vous du cinéma africain ?
Je pense qu'il y a un grand futur pour le cinéma africain. Il y a beaucoup d'histoires en Afrique à expliquer, même si aujourd'hui où il n'y a pas des grandes infrastructures adéquates pour la production comme en Europe.
Quelle comparaison faites-vous entre cinéma africain, européen et américain ?
C'est des réalités incomparables parce que le cinéma américain est une lourde industrie qui fonctionne très bien, le cinéma européen également est au pas avec son industrie tandis que le cinéma africain est ce qu'il est. Je crois que c'est incomparable parce que ces cinémas ne jouent pas sur la même base en termes d'infrastructures, d'écoles, de formations etc.
Auriez-vous une quelconque relation avec votre compatriote et confrère Hollywoodien, Djimon Hounsou ?
Non, mais c'est quelqu'un que j'admire beaucoup et que j'ai voulu connaître, seulement que l'occasion ne s'est pas encore présentée. Ce qui est sûr, on finira par se rencontrer.
La Direction de la Cinématographie fait peau neuve avec Eric Todan, actuel locataire du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée du Bénin (Cncia-Bénin) qui a la vision de faire doter le Bénin de véritables films cinématographiques aux normes et standards internationaux. A cet effet, ils collaborent avec tous les experts et consultants de l'industrie cinématographique. Vous ont-ils contactée ?
Non, ils ne m'ont pas encore contactée. Peut-être, ils ne savent pas comment me joindre, peut-être aussi, ils ignorent qu'il y a quelqu'un comme moi. Je suis tout de même contente pour cette ambition et je serai ravie d'apporter mon expérience.
Depuis quelques années, les salles de cinéma ne fonctionnent plus au Bénin. Que proposez-vous ?
C'est inadmissible et impossible que dans un pays les salles de cinéma sont non-fonctionnelles. Ces salles de cinéma sont des vitrines de messages de sensibilisation, d'information, d'apport de solutions etc. Je ne sais pas pourquoi ces salles sont fermées, mais il est urgent que les dirigeants les réhabilitent et les restaurent pour qu'elles vivent et fassent vivre le cinéma. C'est très important.
Comment vit la Diaspora cinématographique béninoise en Espagne ?
Nous avons créé un groupe dénommé "Black View" qui rassemble tous les acteurs du monde artistique (acteurs, réalisateurs, artistes plasticiens, monteurs etc). Ce groupe est présidé par Santiago Zannou. Son objectif est de montrer comment les choses bougent en Espagne et de mettre en valeur la culture de ces Africains de la Diaspora.
Le Bénin est Etalon d'argent au récent Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (Fespaco) 2017. Quelles ont été vos impressions ?
Génial ! J'étais terriblement fière de Sylvestre Amoussou et c'est quelque chose qui me passionne beaucoup. À travers ce prix, Sylvestre Amoussou monte en puissance encore. C'était le seul long métrage du Bénin, en compétition dans cette catégorie [il s'agit du film L'Orage africain : un continent sous influence, ndlr]. Et quand c'est ainsi, c'est la montée également à tous ceux qui ont contribué à la réussite de ce film (acteurs, producteur, scénariste, monteur etc.) Et ce sont des opportunités qui peuvent s'ouvrir aux acteurs du film. Je n'ai pas manqué de partager ce triomphe dans des groupes et réseaux sociaux parce que si mon compatriote gagne, c'est moi et mon pays qui gagnent.
Nous avons constaté que les films dans lesquels vous avez joué sont tous en espagnol. Que faites-vous pour que les francophones aient accès à ces films ?
Le problème est que je suis dans mon rôle d'actrice ; à part cela, je ne sais pas ce qu'il faut faire. Je suppose qu'il faut acheter les droits d'auteurs pour ensuite sous-titrer ou doubler en français. J'avais milité pour qu'un film soit sous-titré en français pour que mes compatriotes suivent, mais hélas. Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur un film pour la diffusion dans les pays francophones.
Nous constatons que la plupart des réalisations cinématographiques africaines présentes sur tous les festivals de cinéma de la planète sont souvent subventionnées ou sponsorisées par les occidentaux. A travers ces dons, ils commandent et orientent souvent les scénarios. Pensez-vous que cela arrangerait-il le continent à vraiment promouvoir ses valeurs, sa culture et richesses ?
On dit toujours, si tu dépends de quelqu'un, tu ne peux que te soumettre à lui. Je pense que ce serait vraiment difficile que cette situation change à moins que si nous voudrions partir de nos propres moyens. Et là, il faut commencer petitement pour devenir grand. Imaginez que j'ai un projet de court-métrage basé sur une histoire africaine pour lequel je voulais de producteurs espagnols. Ils m'ont dit de chercher des producteurs au Bénin, parce que c'est un film à petit budget. C'est pour dire que c'est en commençant petitement qu'on devient grand. Mais les Burkinabés font leurs propres films. Vouloir vivre des subventions des autres, c'est se soumettre.
Quels sont vos projets ?
Je suis actuellement en phase de casting pour la mise en scène d'une pièce théâtrale qui fera le tour d'une cinquantaine de villes espagnoles. J'ai également été sélectionné pour jouer dans un film dénommé Le légionnaire et le singe où je joue le rôle d'une religieuse. C'est un film en pré-production. Nous sommes également en train de faire un film béninois qui a pour ambition la conquête des festivals de cinéma en Europe.
Propos recueillis par Hector TOVIDOKOU
Cotonou, Africiné Magazine
pour Images Francophones
en collaboration avec Africultures
Image : L'actrice Bella Agossou
Crédit : DR