Enjeux de la distribution des films africains
À l'occasion de la 14e édition du festival Cinémas d'Afrique qui se tenait à Angers (France) du 16 au 21 avril 2013, des réalisateurs africains se sont prêtés au jeu d'une discussion sur la (non) distribution commerciale des films africains et leur difficulté d'accès au marché. Compte-rendu.
Au premier étage du Café de la Mairie, l'ambiance est cordiale en ce jeudi matin ensoleillé. Et les réalisateurs, producteurs et acteurs d'Afrique francophone (Sénégal, Mali, Madagascar, Maroc, Togo, Burkina Faso), d'Afrique anglophone (Kenya, Afrique du Sud) et d'Afrique lusophone (Mozambique) présents malgré de nombreux problèmes de visas, débattent de la distribution des films africains.
Longs-métrages de fiction : l'enjeu des salles de cinéma
Côté long-métrage donc, voilà bien longtemps que les réalisateurs ont compris que leurs films n'existaient que dans des réseaux non commerciaux de festivals, des diffusions télévisées payantes pour le producteur et, à quelques exceptions près, un circuit de distribution commercial restreint. Car comme l'exprime ironiquement le réalisateur-producteur sénégalais Ousmane William Mbaye : " En Afrique, les droits d'auteurs n'existent pas, les télévisions n'achètent pas les films et les salles de cinéma ferment. Notre cinéma est un cinéma subventionné ".
Programmé en ouverture du festival d'Angers, Andalousie, mon amour ! est un long-métrage marocain de Mohamed Nadif, coproduit par Arwan Productions et 2M avec un budget d'environ 450.133 €. Ce budget se décompose comme suit : 360.133€ d'avance sur recettes du Centre de Cinématographie Marocain (CCM), plus environ 80.000€ de la seconde chaîne de télévision marocaine (2M) et 10.000€ d'aide à la finition de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Avec une première sélection dans la catégorie " Coup de cœur " du Festival de Marrakech 2011, le film a obtenu un visa culturel (délivré par une commission pour la diffusion en festivals) ainsi qu'un visa définitif lui permettant une sortie en salles (au Maroc) sur cinq copies, en janvier 2012.
Bien que le Maroc bénéficie d'une industrie cinématographique exemplaire sur le continent[1] et un parc de salles conséquent (33 salles de 58 écrans au 1er semestre 2013), le réalisateur Mohamed Nadif reconnaît que les retombées financières des films " ne remboursent jamais totalement les films aidés ". Et pour cause, au Maroc, si 50% des recettes en salle est automatiquement reversé au CCM, 25% reviennent à l'exploitant et le reste est partagé entre le producteur et le distributeur, la part d'exploitation augmentant selon le nombre de semaines passées à l'affiche.
Un partenariat négocié entre le CCM et une agence de publicité permet en revanche aux distributeurs de bénéficier d'une campagne gratuite de spots télévisés de 15s à 30s ; la fréquence de diffusion variant selon la longueur du spot. Dans le cas d'Andalousie, mon amour !, Mohamed Nadif a également négocié des spots radiophoniques à titre gracieux, en échange d'une visibilité de logo sur les affiches de son film.
Si Andalousie, mon amour ! a circulé dans une vingtaine de festivals - remportant au passage le prix de la meilleure réalisation au Festival de cinéma africain de Khourigba (Maroc) en 2012 - il a largement bénéficié d'un réseau de festivals méditerranéens ou arabes à travers le monde. C'est ainsi qu'aux Semaines du cinéma méditerranéen du pays de Lunel (France), Mohamed Nadif a fait la connaissance d'un distributeur français, Jacques Choukroun, qui a décidé de sortir le film en septembre 2013 avec sa société, Les films des deux rives, spécialisée dans la distribution d'œuvres méditerranéennes. " Seuls cinq ou six films représentent le Maroc à l'étranger, raconte Mohamed Nadif. Ceux qui ont des coproducteurs en Europe ont plus facilement accès à des distributeurs européens ".
N'ayant pour sa part négocié aucune coproduction internationale, Mohamed Nadif argumente : " Je pense à la diffusion quand je prépare un film, mais je m'adresse à un public marocain. Pour avoir un producteur étranger, tu dois accepter de modifier ton script. En France, les distributeurs ne peuvent pas défendre plus d'un film étranger par an, car ce sont de petits distributeurs. Il y a d'abord les films américains, ensuite les films français puis les films européens et les films étrangers ".
Longs-métrages documentaires : l'enjeu de la télévision
Côté documentaire, les réalisateurs présents sont unanimes : la diffusion des films doit être rémunérée. " Il faut qu'on arrête de dire qu'on fait des films pour exprimer quelque chose, car il faut qu'on puisse en vivre " assène Gentille Assih, réalisatrice togolaise du film Le rite, la folle et moi. " Le seul moyen de vaincre la crise du cinéma en Afrique, c'est de penser télévision " affirme Ousmane William Mbaye, réalisateur et coproducteur du documentaire Président Dia.
Longs-métrages de fiction : l'enjeu des salles de cinéma
Côté long-métrage donc, voilà bien longtemps que les réalisateurs ont compris que leurs films n'existaient que dans des réseaux non commerciaux de festivals, des diffusions télévisées payantes pour le producteur et, à quelques exceptions près, un circuit de distribution commercial restreint. Car comme l'exprime ironiquement le réalisateur-producteur sénégalais Ousmane William Mbaye : " En Afrique, les droits d'auteurs n'existent pas, les télévisions n'achètent pas les films et les salles de cinéma ferment. Notre cinéma est un cinéma subventionné ".
Programmé en ouverture du festival d'Angers, Andalousie, mon amour ! est un long-métrage marocain de Mohamed Nadif, coproduit par Arwan Productions et 2M avec un budget d'environ 450.133 €. Ce budget se décompose comme suit : 360.133€ d'avance sur recettes du Centre de Cinématographie Marocain (CCM), plus environ 80.000€ de la seconde chaîne de télévision marocaine (2M) et 10.000€ d'aide à la finition de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Avec une première sélection dans la catégorie " Coup de cœur " du Festival de Marrakech 2011, le film a obtenu un visa culturel (délivré par une commission pour la diffusion en festivals) ainsi qu'un visa définitif lui permettant une sortie en salles (au Maroc) sur cinq copies, en janvier 2012.
Bien que le Maroc bénéficie d'une industrie cinématographique exemplaire sur le continent[1] et un parc de salles conséquent (33 salles de 58 écrans au 1er semestre 2013), le réalisateur Mohamed Nadif reconnaît que les retombées financières des films " ne remboursent jamais totalement les films aidés ". Et pour cause, au Maroc, si 50% des recettes en salle est automatiquement reversé au CCM, 25% reviennent à l'exploitant et le reste est partagé entre le producteur et le distributeur, la part d'exploitation augmentant selon le nombre de semaines passées à l'affiche.
Un partenariat négocié entre le CCM et une agence de publicité permet en revanche aux distributeurs de bénéficier d'une campagne gratuite de spots télévisés de 15s à 30s ; la fréquence de diffusion variant selon la longueur du spot. Dans le cas d'Andalousie, mon amour !, Mohamed Nadif a également négocié des spots radiophoniques à titre gracieux, en échange d'une visibilité de logo sur les affiches de son film.
Si Andalousie, mon amour ! a circulé dans une vingtaine de festivals - remportant au passage le prix de la meilleure réalisation au Festival de cinéma africain de Khourigba (Maroc) en 2012 - il a largement bénéficié d'un réseau de festivals méditerranéens ou arabes à travers le monde. C'est ainsi qu'aux Semaines du cinéma méditerranéen du pays de Lunel (France), Mohamed Nadif a fait la connaissance d'un distributeur français, Jacques Choukroun, qui a décidé de sortir le film en septembre 2013 avec sa société, Les films des deux rives, spécialisée dans la distribution d'œuvres méditerranéennes. " Seuls cinq ou six films représentent le Maroc à l'étranger, raconte Mohamed Nadif. Ceux qui ont des coproducteurs en Europe ont plus facilement accès à des distributeurs européens ".
N'ayant pour sa part négocié aucune coproduction internationale, Mohamed Nadif argumente : " Je pense à la diffusion quand je prépare un film, mais je m'adresse à un public marocain. Pour avoir un producteur étranger, tu dois accepter de modifier ton script. En France, les distributeurs ne peuvent pas défendre plus d'un film étranger par an, car ce sont de petits distributeurs. Il y a d'abord les films américains, ensuite les films français puis les films européens et les films étrangers ".
Longs-métrages documentaires : l'enjeu de la télévision
Côté documentaire, les réalisateurs présents sont unanimes : la diffusion des films doit être rémunérée. " Il faut qu'on arrête de dire qu'on fait des films pour exprimer quelque chose, car il faut qu'on puisse en vivre " assène Gentille Assih, réalisatrice togolaise du film Le rite, la folle et moi. " Le seul moyen de vaincre la crise du cinéma en Afrique, c'est de penser télévision " affirme Ousmane William Mbaye, réalisateur et coproducteur du documentaire Président Dia.