Écrans noirs 2012, au Cameroun et au Gabon
La 16ème édition du festival de cinéma, qui se tient à Yaoundé, Douala et Libreville entre le 30 juin et le 13 juillet, consacre une rétrospective de films gabonais.
Le festival international de cinéma Écrans noirs s'est ouvert samedi 30 juin au Palais des congrès de Yaoundé. Après la montée des marches, les organisateurs de l'évènement ont, pour la première fois, toujours sur le modèle cannois, choisi une maîtresse de cérémonie : l'actrice ivoirienne Emma Lohoues. Cette dernière a fait son entrée aux Écrans noirs l'année dernière avec la comédie romantique « Le Mec idéal » de Owell Brown, un rôle qui lui a valu plusieurs distinctions (Prix de la meilleure comédienne au Festival international du film de Khouribga au Maroc en 2011, Prix de la meilleure actrice au China Golden Rooster & Hundred Flowers Film Festival 2011).
Cette 16ème édition du festival a été solennellement ouverte par Laurent Serge Etoundi Ngoa, le Ministre des Petites et moyennes entreprises, de l'Économie sociale et de l'Artisanat, qui représentait le Premier Ministre. Tout en louant les efforts des organisateurs, il a félicité la longévité du festival et relevé le partenariat signé le 21 mars dernier entre le ministère des Arts et de la Culture du Cameroun (Minac) et sept festivals dont les Écrans noirs. Un partenariat qui, « à partir de l'année prochaine, permettra une allocation permanente au festival inscrit dans le budget de l'État ».
La soirée s'est terminée par la projection du film d'ouverture, « Rebelle », du Canadien Kim Nguyen. Sorti cette année et sélectionné par les Écrans noirs pour l'actualité de son thème, ce long métrage en compétition dans la catégorie film étranger, était ainsi diffusé pour la première fois en Afrique subsaharienne. Il raconte, non sans clichés, le drame et les amours d'une fille-soldat forcée de tuer ses parents et d'intégrer un groupe de rebelles assassins. Kim Nguyen a d'abord envisagé de tourner son film au Cameroun, avant de poser ses valises au Congo RDC. Il explique : « j'ai pensé qu'il était urgent de parler de la guerre d'une autre façon. On avait déjà fait des films sur la guerre, sur les enfants-soldats, mais on n'avait pas assez fait de films sur les femmes-soldats. C'était pour moi une plongée dans un univers que je ne connaissais pas. J'ai compris en le réalisant qu'il faut juger les actes, pas les hommes ». Rachel Mwanza (15 ans cette année), l'actrice principale du film recrutée parmi les enfants de la rue, a été distinguée du prix de la meilleure actrice à la Berlinale 2012.
Rétrospective gabonaise
Cette année, la principale innovation du festival est son retour à Douala, mais aussi à Libreville du 9 au 13 juillet. Les Écrans noirs ont déserté la capitale gabonaise depuis 2004. « Nous avons arrêté pour des raisons économiques. En plus, nous rencontrions beaucoup de problèmes de visa et des problèmes à la douane avec des films en 35 mm. Nous revenons à nos premières amours en allant à Libreville. Nous pensons un jour reprendre l'Afrique centrale », explique Bassek Ba Kobhio, le délégué général du festival qu'il a fondé en 1997.
Pour marquer ce retour au Gabon, les Écrans noirs consacrent une rétrospective du cinéma gabonais. Et c'est avec plaisir que les festivaliers vont revoir ou découvrirent « Les tam-tams se sont tus » (1971) de Philippe Mory, « La cage » (1962) de Robert Darène, « Dôlè » (1999) de Imunga Ivanga, « Identité » (1972) de Pierre Marie Ndong, « Raphia » (1987) de Paul Mouketa et « Les couilles de l'éléphant » (2002) de Henri Joseph Koumba Bididi. Ce dernier réalisateur est en compétition long métrage avec un film plus récent, « Le collier de Makoko » (2010). Le Gabon est également en compétition (documentaire) avec Le Maréchalat du roi Dieu de Nathalie Y. Pontalier (45min), L'épopée de la musique gabonaise (Joël Moundounga, 52 min) et Non- coupables (de Pauline Mvélé, 52 min) qui concourent contre Zwelidumile (de Ramadan Suleman, 107min, Afrique du sud) ou encore The education of Auma Obama (de Branwen Okpako, 52min, Nigeria), entre autres.
Le Cameroun absent
Dans la catégorie Compétition Long Métrage, le Burkina Faso et le Maroc se taillent la part du lion avec respectivement trois et deux films, sur les neuf en lice pour succéder à « Voyage à Alger » d'Abdelkrim Bahloul, qui avait remporté l'Écran d'or en 2011. Cette année encore, aucun film camerounais ne figure en compétition long métrage, faute de proposition pertinente face aux films à l'esthétique recherchée comme « Viva Riva ! » du Congolais Djo Tunda Wa Munga (interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe et de violence) ou encore « Aujourd'hui (Tey) » du Sénégalais Alain Gomis.
La 3ème édition des Rencontres audiovisuelles de Douala (Rado), en avril, avait déjà donné l'occasion de regretter cette léthargie du cinéma camerounais. Noureddine Sail, le directeur du Centre cinématographique marocain, avait alors déclaré qu'« un pays qui ne produit pas au moins un long métrage par an n'existe pas ». Dans son discours, le ministre Etoundi Ngoa a redit la volonté du gouvernement camerounais de relancer le cinéma. Un vaste chantier qui comprend le projet « Shoot in Cameroon » dont l'objectif est d'inciter les producteurs étrangers à venir tourner au Cameroun, l’ouverture d’au moins une salle de cinéma et l’appui aux projets cinématographiques.
Par ailleurs, le cinéma camerounais d'expression anglaise revient en force avec quatre films dans la Compétition Afrique centrale, sur les huit que compte cette catégorie : « On the brin » de Waa Nkeng Musi, « Dealer » de Andrew Njanjo, « Vice and vertue » de Kaka Sylvester et « Great passion » de Tikum Titus. Des réalisateurs qui, tous, sont membres de la Cameroon film industry (Collywood), l'association des professionnels du cinéma d'expression anglaise. Président de cette association, Waa Musi se félicite de ce que le nombre de films d'auteurs anglophones sélectionnés aux Ecrans noirs aille croissant : « Pour Collywood, c'était un défi de faire en sorte que les Écrans noirs soient ouverts aux films anglophones, sans que les producteurs soient obligés de les sous-titrer en français. Ce qui a été fait cette année. Le problème maintenant c'est de savoir si, au niveau du jury, ces films ne seront pas défavorisés du fait de la barrière que peut constituer la langue ».
Cinéma et télévision
Après « Le cinéma africain et ses acteurs » l'année dernière, le thème du festival cette année est « Le développement de la télévision africaine : atout ou frein pour le cinéma du continent ». Pendant deux jours, du 5 au 6 juillet, des professionnels du secteur vont plancher sur ce thème à l'occasion d'un colloque. Directeur du festival Écrans noirs, Marcel Épée explique que peu de chaînes africaines diffusent des productions cinématographiques africaines. « D’un côté, il y a des chaînes qui ont besoin de programmes de diffusion, de l'autre côté, il y a des cinéastes qui ont besoin des financements pour leurs films. Donc, nous mettons sur pied une plate-forme d’échanges pour essayer de voir comment est-ce que ces deux entités peuvent se soutenir ». C'est aussi dans cet ordre d'idées que l'Association des producteurs indépendants du Cameroun (Apic), que préside Cyrille Masso, organise les 3 et 4 juillet prochains à l'Institut Goethe de Yaoundé, en marge du festival, une rencontre professionnelle entre producteurs de documentaires et diffuseurs sur le thème "Le documentaire et la télévision en Afrique".
À Libreville comme à Douala, les Écrans noirs se déroulent à l'Institut français. À Yaoundé, six lieux ont été retenus pour les projections de films : l'Institut français, l'Institut Goethe, le centre culturel espagnol, la salle de la Caisse nationale de prévoyance sociale, le Palais des congrès et le Village du festival. Le Village du festival a migré du Palais des sports vers le boulevard du 20 mai, un lieu cédé gracieusement par la Communauté urbaine de Yaoundé et qui, situé en plein centre-ville, est beaucoup plus accessible et donc à même d'attirer un public nombreux au festival. Car, le public est le principal challenge des organisateurs des Écrans noirs. D'autant plus que l'année dernière, plusieurs films ont été projetés avec moins de dix personnes dans la salle. Pour séduire le public, les Écrans organise, tous les soirs, des animations musicales au village du festival. Un concours de miss et masters, comédie et musique, baptisé « Le Ciné talent », a aussi été lancé, avec pour objectifs d'intéresser les jeunes au cinéma, de dénicher des talents à destiner aux métiers du cinéma.
Écrans noirs 2012 rend un hommage posthume au comédien congolais Dieudonné Kabongo, décédé en octobre 2011 à l'âge de 61 ans. Il était présent au festival l'année dernière, avec le film « Un pas en avant... les dessous de la corruption » du Béninois Sylvestre Amoussou dans lequel il a joué.
Stéphanie Dongmo
Africiné, Yaoundé
Cette 16ème édition du festival a été solennellement ouverte par Laurent Serge Etoundi Ngoa, le Ministre des Petites et moyennes entreprises, de l'Économie sociale et de l'Artisanat, qui représentait le Premier Ministre. Tout en louant les efforts des organisateurs, il a félicité la longévité du festival et relevé le partenariat signé le 21 mars dernier entre le ministère des Arts et de la Culture du Cameroun (Minac) et sept festivals dont les Écrans noirs. Un partenariat qui, « à partir de l'année prochaine, permettra une allocation permanente au festival inscrit dans le budget de l'État ».
La soirée s'est terminée par la projection du film d'ouverture, « Rebelle », du Canadien Kim Nguyen. Sorti cette année et sélectionné par les Écrans noirs pour l'actualité de son thème, ce long métrage en compétition dans la catégorie film étranger, était ainsi diffusé pour la première fois en Afrique subsaharienne. Il raconte, non sans clichés, le drame et les amours d'une fille-soldat forcée de tuer ses parents et d'intégrer un groupe de rebelles assassins. Kim Nguyen a d'abord envisagé de tourner son film au Cameroun, avant de poser ses valises au Congo RDC. Il explique : « j'ai pensé qu'il était urgent de parler de la guerre d'une autre façon. On avait déjà fait des films sur la guerre, sur les enfants-soldats, mais on n'avait pas assez fait de films sur les femmes-soldats. C'était pour moi une plongée dans un univers que je ne connaissais pas. J'ai compris en le réalisant qu'il faut juger les actes, pas les hommes ». Rachel Mwanza (15 ans cette année), l'actrice principale du film recrutée parmi les enfants de la rue, a été distinguée du prix de la meilleure actrice à la Berlinale 2012.
Rétrospective gabonaise
Cette année, la principale innovation du festival est son retour à Douala, mais aussi à Libreville du 9 au 13 juillet. Les Écrans noirs ont déserté la capitale gabonaise depuis 2004. « Nous avons arrêté pour des raisons économiques. En plus, nous rencontrions beaucoup de problèmes de visa et des problèmes à la douane avec des films en 35 mm. Nous revenons à nos premières amours en allant à Libreville. Nous pensons un jour reprendre l'Afrique centrale », explique Bassek Ba Kobhio, le délégué général du festival qu'il a fondé en 1997.
Pour marquer ce retour au Gabon, les Écrans noirs consacrent une rétrospective du cinéma gabonais. Et c'est avec plaisir que les festivaliers vont revoir ou découvrirent « Les tam-tams se sont tus » (1971) de Philippe Mory, « La cage » (1962) de Robert Darène, « Dôlè » (1999) de Imunga Ivanga, « Identité » (1972) de Pierre Marie Ndong, « Raphia » (1987) de Paul Mouketa et « Les couilles de l'éléphant » (2002) de Henri Joseph Koumba Bididi. Ce dernier réalisateur est en compétition long métrage avec un film plus récent, « Le collier de Makoko » (2010). Le Gabon est également en compétition (documentaire) avec Le Maréchalat du roi Dieu de Nathalie Y. Pontalier (45min), L'épopée de la musique gabonaise (Joël Moundounga, 52 min) et Non- coupables (de Pauline Mvélé, 52 min) qui concourent contre Zwelidumile (de Ramadan Suleman, 107min, Afrique du sud) ou encore The education of Auma Obama (de Branwen Okpako, 52min, Nigeria), entre autres.
Le Cameroun absent
Dans la catégorie Compétition Long Métrage, le Burkina Faso et le Maroc se taillent la part du lion avec respectivement trois et deux films, sur les neuf en lice pour succéder à « Voyage à Alger » d'Abdelkrim Bahloul, qui avait remporté l'Écran d'or en 2011. Cette année encore, aucun film camerounais ne figure en compétition long métrage, faute de proposition pertinente face aux films à l'esthétique recherchée comme « Viva Riva ! » du Congolais Djo Tunda Wa Munga (interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe et de violence) ou encore « Aujourd'hui (Tey) » du Sénégalais Alain Gomis.
La 3ème édition des Rencontres audiovisuelles de Douala (Rado), en avril, avait déjà donné l'occasion de regretter cette léthargie du cinéma camerounais. Noureddine Sail, le directeur du Centre cinématographique marocain, avait alors déclaré qu'« un pays qui ne produit pas au moins un long métrage par an n'existe pas ». Dans son discours, le ministre Etoundi Ngoa a redit la volonté du gouvernement camerounais de relancer le cinéma. Un vaste chantier qui comprend le projet « Shoot in Cameroon » dont l'objectif est d'inciter les producteurs étrangers à venir tourner au Cameroun, l’ouverture d’au moins une salle de cinéma et l’appui aux projets cinématographiques.
Par ailleurs, le cinéma camerounais d'expression anglaise revient en force avec quatre films dans la Compétition Afrique centrale, sur les huit que compte cette catégorie : « On the brin » de Waa Nkeng Musi, « Dealer » de Andrew Njanjo, « Vice and vertue » de Kaka Sylvester et « Great passion » de Tikum Titus. Des réalisateurs qui, tous, sont membres de la Cameroon film industry (Collywood), l'association des professionnels du cinéma d'expression anglaise. Président de cette association, Waa Musi se félicite de ce que le nombre de films d'auteurs anglophones sélectionnés aux Ecrans noirs aille croissant : « Pour Collywood, c'était un défi de faire en sorte que les Écrans noirs soient ouverts aux films anglophones, sans que les producteurs soient obligés de les sous-titrer en français. Ce qui a été fait cette année. Le problème maintenant c'est de savoir si, au niveau du jury, ces films ne seront pas défavorisés du fait de la barrière que peut constituer la langue ».
Cinéma et télévision
Après « Le cinéma africain et ses acteurs » l'année dernière, le thème du festival cette année est « Le développement de la télévision africaine : atout ou frein pour le cinéma du continent ». Pendant deux jours, du 5 au 6 juillet, des professionnels du secteur vont plancher sur ce thème à l'occasion d'un colloque. Directeur du festival Écrans noirs, Marcel Épée explique que peu de chaînes africaines diffusent des productions cinématographiques africaines. « D’un côté, il y a des chaînes qui ont besoin de programmes de diffusion, de l'autre côté, il y a des cinéastes qui ont besoin des financements pour leurs films. Donc, nous mettons sur pied une plate-forme d’échanges pour essayer de voir comment est-ce que ces deux entités peuvent se soutenir ». C'est aussi dans cet ordre d'idées que l'Association des producteurs indépendants du Cameroun (Apic), que préside Cyrille Masso, organise les 3 et 4 juillet prochains à l'Institut Goethe de Yaoundé, en marge du festival, une rencontre professionnelle entre producteurs de documentaires et diffuseurs sur le thème "Le documentaire et la télévision en Afrique".
À Libreville comme à Douala, les Écrans noirs se déroulent à l'Institut français. À Yaoundé, six lieux ont été retenus pour les projections de films : l'Institut français, l'Institut Goethe, le centre culturel espagnol, la salle de la Caisse nationale de prévoyance sociale, le Palais des congrès et le Village du festival. Le Village du festival a migré du Palais des sports vers le boulevard du 20 mai, un lieu cédé gracieusement par la Communauté urbaine de Yaoundé et qui, situé en plein centre-ville, est beaucoup plus accessible et donc à même d'attirer un public nombreux au festival. Car, le public est le principal challenge des organisateurs des Écrans noirs. D'autant plus que l'année dernière, plusieurs films ont été projetés avec moins de dix personnes dans la salle. Pour séduire le public, les Écrans organise, tous les soirs, des animations musicales au village du festival. Un concours de miss et masters, comédie et musique, baptisé « Le Ciné talent », a aussi été lancé, avec pour objectifs d'intéresser les jeunes au cinéma, de dénicher des talents à destiner aux métiers du cinéma.
Écrans noirs 2012 rend un hommage posthume au comédien congolais Dieudonné Kabongo, décédé en octobre 2011 à l'âge de 61 ans. Il était présent au festival l'année dernière, avec le film « Un pas en avant... les dessous de la corruption » du Béninois Sylvestre Amoussou dans lequel il a joué.
Stéphanie Dongmo
Africiné, Yaoundé