Dubaï & New York : les Diasporas à l’honneur
Le NYADIFF célèbre ses 20 ans et le DIFF a déjà 9 éditions.
Ce sont deux festivals qui se sont solidement installés dans le paysage cinématographique mondial. L’un en Amérique du Nord, l’autre au Moyen-Orient.
Dubai sélectionne 158 films
D’abord, ne pas confondre le DIFF avec le DIFF (Durban International Film festival, en Afrique du Sud qui vient de lancer son appel à films pour sa compétition 2013. Le DIFF dont il s’agit cci, c’est le Dubai International Film festival, autrement dit le Festival International du Cinéma de Dubaï, aux Émirats arabes Unis.
Pour sa 9ème édition (du 09 au 16 décembre 2012), Dubaï donne une leçon de modestie dont le FESPACO (Ouagadougou) devrait bien s’inspirer : une sélection de films à taille humaine qui ne cherche pas une fausse exhaustivité. Le DIFF 2012 a retenu 158 films, pas plus, avec plusieurs programmes et une large fenêtre sur les cinémas du Monde.
Lancé en 2004, le Festival International du Cinéma de Dubaï avance avec l'ambition de "bâtir une compréhension culturelle à travers la création cinématographique". Les films primés sont très éclectiques, ainsi que l’équipe.
Khadija Leclere [en PHOTO] y a remporté en 2007 le Muhr d’Or du Meilleur court métrage, pour son très beau Sarah, sur la quête familiale à Tanger d’une jeune femme belge. La réalisatrice marocco-belge revient cette fois dans la programmation Arabian Nights (Nuits Arabes) en compétition : elle est au 9ème Festival de Dubai avec son premier long métrage de fiction, Le Sac de farine où elle détricote l’arrachement de la terre-mère, à hauteur d’enfant.
Plusieurs films sélectionnés sont réalisés par des expatriés africains ou du Moyen Orient (ou des cinéastes ayant des ascendants de ces deux régions). Parmi les Africains, citons juste le Marocain Fyzal Boulifa, sous pavillon britannique avec The Curse. Ce film avait fait sa Première mondiale cette année au 65ème Festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs) où il avait eu le Prix Illy du Court métrage. Il concourt à Dubai pour le Muhr Arab Short.
Noor, de l’Égyptien Ahmed Ibrahim (compétition Court métrage Arabe) portraiture Fingo, 13 ans, qui veut accrocher des lumières (d’où le titre du film: Nour signifie lumière en arabe) devant sa maison pour le Ramadan. Il réalise rapidement que ces lumières sont plus qu’une décoration.
Autre film égyptien, L’Hiver du mécontentement (Winter of discontent), le nouveau film d’Ibrahim El Batout. Le film est d'abord celui de l'enfermement d'un homme, Amr, en janvier 2011. Il reste cloîtré chez lui, tout en suivant sur internet la montée de la colère contre le régime. Un retour sur 1999 fait comprendre qu'il a été torturé et que le traumatisme comme le souci de sa sécurité le poussent à cet isolement destructeur.
À Dubaï, plusieurs films analysent les sociétés d’accueil (voir dans la programmation de cette année les films venant de France), dans le credo du DIFF sur la compréhension interculturelle.
Le contraire aussi existe : l’Américain Jeremy Xido est présent avec un film musical, Death Metal Angola qui révèle que dans ce pays ravagé par la guerre (à cause de ses richesses ?) les Angolais ont réussi à en faire la première scène rock d’Afrique.
Bande annonce de ZABANA! de Saïd Oul Khelifa
Sous pavillon algérien, Zabana ! de Saïd Ould Khelifa (en compétition) interroge tout autant l’histoire de son pays que celle de la France où la colonisation reste encore une épine effleurée avec difficulté.
C’est donc une programmation cohérente et rationnelle que l’équipe multiculturelle (le Sud-Africain Nashen Moodley a dirigé la sélection africaine dès les débuts) offre en 2012.
Le Sceau des diasporas, pour New-York
C’est un festival créé pour montrer les films de la diaspora africaine. Début le 23 novembre, il s’étale jusqu’au 11 décembre pour sa 20ème édition.
Le NYADIFF : New York African Diaspora International Film Festival 2012 défend l’ouverture et l’enracinement. La programmation n’est pas verrouillée autour des réalisateurs africains (ou d’ascendance africaine), elle veille également à rappeler que Maghreb et Machrek font partie intégrante du continent africain si multiple dans ses composantes. Les deux directeurs du festival Diarah Ndaw Spech et Reinaldo Spech y mélangent avant-premières et films de patrimoine.
Ainsi, le Français Michel Ocelot est dans la sélection avec Kirikou and the Sorceress. Il a grandi en Guinée et fait son film d’animation avec des acteurs sénégalais dont la sublime Awa Sène Sarr, récemment primée en Belgique.
Parmi les « vieux films » : Retour à Gorée du Suisse Pierre-Yves Borgeaud figure aux films proposés au public new-yorkais. Ce documentaire musical suit le chanteur sénégalais Youssou Ndour dans un grand parcours de mémoire, autour des avatars issus des flancs de l’esclavage européen atlantique.
Bande annonce de RETOUR A GOREE de Pierre-Yves Borgeaud
Autre œuvre de patrimoine, Bezness (1992), du Tunisien Nouri Bouzid, sur le tourisme sexuel et la place de l'image dans un pays où sa représentation est un tabou ou encore Femmes du Caire (Scheherazade, Tell Me a Story) de Yousry Nasrallah, ainsi que Toussaint Louverture du Franco-Sénégalais Philippe Niang, portrait du grand homme politique haïtien.
Parmi les avant-Premières, le film colombien La Playa D.C. de Juan Andrés Arangoou encore Doctor Bello (film d’ouverture, par Tony Abulu, 2012, USA/Nigeria)
La Namibie est l’invité d’honneur de cette édition 2012.
L’équipe du festival a le don d’aller chercher des films rares et précieux comme Garifuna en péril (réalisé par Ali Allie & Ruben Reyes, 2012, 100mins, sur un professeur qui enseigne la langue garifuna afin de préserver sa culture afro-amérindienne dans son village natal aux Honduras, en Amérique Centrale) ou le film uruguayen Adios Momo de Leonardo Ricagni qui raconte l’histoire d’Obdulio, un garçon afro-uruguayen qui vit avec sa grand-mère et vend des journaux (ce qui rappelle le moyen métrage de Djibril Diop Mambéty).
Thierno I. DIA
Images francophones
Plus d’infos
DIFF : www.dubaifilmfest.com
DIFF 2012 sur Africiné : www.africine.org/?menu=evt&no=28910
NYADIFF : http://nyadiff.org/
NYADIFF 2012 sur Africiné : www.africine.org/?menu=evt&no=28559
Photo : La réalisatrice Khadija Leclere (Maroc, Belgique).
Dubai sélectionne 158 films
D’abord, ne pas confondre le DIFF avec le DIFF (Durban International Film festival, en Afrique du Sud qui vient de lancer son appel à films pour sa compétition 2013. Le DIFF dont il s’agit cci, c’est le Dubai International Film festival, autrement dit le Festival International du Cinéma de Dubaï, aux Émirats arabes Unis.
Pour sa 9ème édition (du 09 au 16 décembre 2012), Dubaï donne une leçon de modestie dont le FESPACO (Ouagadougou) devrait bien s’inspirer : une sélection de films à taille humaine qui ne cherche pas une fausse exhaustivité. Le DIFF 2012 a retenu 158 films, pas plus, avec plusieurs programmes et une large fenêtre sur les cinémas du Monde.
Lancé en 2004, le Festival International du Cinéma de Dubaï avance avec l'ambition de "bâtir une compréhension culturelle à travers la création cinématographique". Les films primés sont très éclectiques, ainsi que l’équipe.
Khadija Leclere [en PHOTO] y a remporté en 2007 le Muhr d’Or du Meilleur court métrage, pour son très beau Sarah, sur la quête familiale à Tanger d’une jeune femme belge. La réalisatrice marocco-belge revient cette fois dans la programmation Arabian Nights (Nuits Arabes) en compétition : elle est au 9ème Festival de Dubai avec son premier long métrage de fiction, Le Sac de farine où elle détricote l’arrachement de la terre-mère, à hauteur d’enfant.
Bande-annonce "LE SAC DE FARINE" de Kadija Leclere de ANGA Productions sur Vimeo.
Plusieurs films sélectionnés sont réalisés par des expatriés africains ou du Moyen Orient (ou des cinéastes ayant des ascendants de ces deux régions). Parmi les Africains, citons juste le Marocain Fyzal Boulifa, sous pavillon britannique avec The Curse. Ce film avait fait sa Première mondiale cette année au 65ème Festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs) où il avait eu le Prix Illy du Court métrage. Il concourt à Dubai pour le Muhr Arab Short.
Noor, de l’Égyptien Ahmed Ibrahim (compétition Court métrage Arabe) portraiture Fingo, 13 ans, qui veut accrocher des lumières (d’où le titre du film: Nour signifie lumière en arabe) devant sa maison pour le Ramadan. Il réalise rapidement que ces lumières sont plus qu’une décoration.
Autre film égyptien, L’Hiver du mécontentement (Winter of discontent), le nouveau film d’Ibrahim El Batout. Le film est d'abord celui de l'enfermement d'un homme, Amr, en janvier 2011. Il reste cloîtré chez lui, tout en suivant sur internet la montée de la colère contre le régime. Un retour sur 1999 fait comprendre qu'il a été torturé et que le traumatisme comme le souci de sa sécurité le poussent à cet isolement destructeur.
À Dubaï, plusieurs films analysent les sociétés d’accueil (voir dans la programmation de cette année les films venant de France), dans le credo du DIFF sur la compréhension interculturelle.
Le contraire aussi existe : l’Américain Jeremy Xido est présent avec un film musical, Death Metal Angola qui révèle que dans ce pays ravagé par la guerre (à cause de ses richesses ?) les Angolais ont réussi à en faire la première scène rock d’Afrique.
Bande annonce de ZABANA! de Saïd Oul Khelifa
Sous pavillon algérien, Zabana ! de Saïd Ould Khelifa (en compétition) interroge tout autant l’histoire de son pays que celle de la France où la colonisation reste encore une épine effleurée avec difficulté.
C’est donc une programmation cohérente et rationnelle que l’équipe multiculturelle (le Sud-Africain Nashen Moodley a dirigé la sélection africaine dès les débuts) offre en 2012.
Le Sceau des diasporas, pour New-York
C’est un festival créé pour montrer les films de la diaspora africaine. Début le 23 novembre, il s’étale jusqu’au 11 décembre pour sa 20ème édition.
Le NYADIFF : New York African Diaspora International Film Festival 2012 défend l’ouverture et l’enracinement. La programmation n’est pas verrouillée autour des réalisateurs africains (ou d’ascendance africaine), elle veille également à rappeler que Maghreb et Machrek font partie intégrante du continent africain si multiple dans ses composantes. Les deux directeurs du festival Diarah Ndaw Spech et Reinaldo Spech y mélangent avant-premières et films de patrimoine.
Ainsi, le Français Michel Ocelot est dans la sélection avec Kirikou and the Sorceress. Il a grandi en Guinée et fait son film d’animation avec des acteurs sénégalais dont la sublime Awa Sène Sarr, récemment primée en Belgique.
Parmi les « vieux films » : Retour à Gorée du Suisse Pierre-Yves Borgeaud figure aux films proposés au public new-yorkais. Ce documentaire musical suit le chanteur sénégalais Youssou Ndour dans un grand parcours de mémoire, autour des avatars issus des flancs de l’esclavage européen atlantique.
Bande annonce de RETOUR A GOREE de Pierre-Yves Borgeaud
Autre œuvre de patrimoine, Bezness (1992), du Tunisien Nouri Bouzid, sur le tourisme sexuel et la place de l'image dans un pays où sa représentation est un tabou ou encore Femmes du Caire (Scheherazade, Tell Me a Story) de Yousry Nasrallah, ainsi que Toussaint Louverture du Franco-Sénégalais Philippe Niang, portrait du grand homme politique haïtien.
Parmi les avant-Premières, le film colombien La Playa D.C. de Juan Andrés Arangoou encore Doctor Bello (film d’ouverture, par Tony Abulu, 2012, USA/Nigeria)
La Namibie est l’invité d’honneur de cette édition 2012.
L’équipe du festival a le don d’aller chercher des films rares et précieux comme Garifuna en péril (réalisé par Ali Allie & Ruben Reyes, 2012, 100mins, sur un professeur qui enseigne la langue garifuna afin de préserver sa culture afro-amérindienne dans son village natal aux Honduras, en Amérique Centrale) ou le film uruguayen Adios Momo de Leonardo Ricagni qui raconte l’histoire d’Obdulio, un garçon afro-uruguayen qui vit avec sa grand-mère et vend des journaux (ce qui rappelle le moyen métrage de Djibril Diop Mambéty).
Thierno I. DIA
Images francophones
Plus d’infos
DIFF : www.dubaifilmfest.com
DIFF 2012 sur Africiné : www.africine.org/?menu=evt&no=28910
NYADIFF : http://nyadiff.org/
NYADIFF 2012 sur Africiné : www.africine.org/?menu=evt&no=28559
Photo : La réalisatrice Khadija Leclere (Maroc, Belgique).