Djimon Hounsou se met à la réalisation avec "In Search of Voodoo : Roots to Heaven"
À la recherche du vodoun : les racines du ciel, un film documentaire réalisé et produit par l'acteur-réalisateur et producteur béninois expatrié aux États-Unis.
C'est au Bénin, sa terre mère, que Djimon Hounsou a décidé d'entamer, caméra au poing, un parcours initiatique dans les dédales à la fois fascinants et envoûtants du vaudoun. Avec une carrière flamboyante à Hollywood comme principale point d'appui, où il a interprété des rôles emblématiques dans Amistad de Steven Spielberg, Blood Diamond d'Edward Zwick ou encore Gladiator de Ridley Scott, donné sa voix pour la version américaine du film Le Passage du milieu du Martiniquais Guy Deslauriers, Djimon Hounsou passe à la réalisation.
Cette année à Ouidah comme partout ailleurs au Bénin, des adeptes venus de tout le pays et des quatre coins du monde se sont retrouvés pour célébrer la 25ème édition de la fête du vaudoun. Chaque 10 janvier, ils sont nombreux à se réunir pour célébrer les différentes divinités du culte vaudoun. Initiée sous l'impulsion de l'ancien président Nicéphore Soglo, cette fête rassemble des milliers de personnes chaque année, depuis son institution dans les années 1990. De Ouidah à Grand Popo en passant par toutes les autres villes du pays, le 10 janvier, les hommes et les dieux s'unissent pour faire la fête!
Pendant pratiquement deux mois, Djimon Hounsou a sillonné le Bénin à la recherche de la quintessence du vaudoun. À la tête d'une grosse équipe constituée à la fois de professionnels du cinéma américains et béninois, dont plusieurs jeunes de l'Institut Supérieur des Métiers de l'Audiovisuel (ISMA), l'acteur hollywoodien d'origine béninoise a rencontré différentes personnes ressources pour alimenter son documentaire. Entre le clap final du tournage et son retour aux USA à la mi-janvier, il a accepté de recevoir la presse. C'est donc au cœur de Cotonou, dans le quartier Haie Vive, qu'il a bien voulu revenir sur son parcours, les rôles phares qui l'ont constitué, ses débuts à Hollywood et bien entendu sa nouvelle vie de réalisateur (avec In Search of Voodoo : Roots to Heaven).
Monsieur Hounsou, vous faites partie du cercle très fermé des acteurs d'origine africaine qui ont réussi à mener une carrière brillante dans l'industrie cinématographique américaine. Quels sont les souvenirs que vous gardez de votre arrivée à Hollywood?
Les débuts ont été très difficiles... J'ai passé du temps, comme tout aventurier, à essayer de vivre en fonction de la manière dont la situation se présentait à moi. Je me souviens que j'ai vécu dans le garage de certains amis, et parfois la situation était encore plus dure. Il m'est arrivé de vivre dans la rue. Dix longues années se sont écoulées, avant que je ne commence à y voir clair. En arrivant aux USA, j'ai d'abord été mannequin, puis j'ai travaillé dans les clips vidéos, dans des campagnes de publicité, etc... Ces différents jobs m'ont aidé à assimiler la langue le plus rapidement possible.
A propos de vos débuts justement, il est souvent rapporté que votre success story commence près d'une fontaine à Beaubourg. Est-ce vrai?
Une partie de l'histoire est vraie. Je flânais souvent dans les rues, mais mon endroit de préférence à Paris c'était le Centre Beaubourg. Je m'essayais sur un banc dans le parc et je fomentais mes plans pour le futur. Un jour, quelqu'un m'a abordé en me disant "J'ai un ami photographe qui fait des photos de personnes qui ont une gueule intéressante. Je trouve que vous en avez une, est ce que cela vous dirait qu'il vous prenne en photo ?". La personne était étrange, cela m'a rendu suspicieux par rapport à ses motivations. J'ai gentiment pris sa carte mais je ne voulais pas qu'il se rende compte que je vivais dans la rue. Une semaine après, la personne repasse et me trouve assis sur le même banc et me demande pourquoi je ne l'ai pas appelée, en insistant que son ami photographe voulait absolument me rencontrer. La vérité aussi c'est que je n'avais pas un franc dans ma poche pour passer un coup de fil. J'ai donc été sonner directement à la porte de l'ami photographe. Cette première séance de photo m'a conduit vers une agence de mannequin, qui m'a dirigé vers la maison Thierry Mugler et c'est de là que tout est parti. Thierry Mugler m'a proposé de faire un voyage avec Iman, Katoucha [Niane] et d'autres dans le désert du Sahara. Il m'a ensuite proposé un voyage aux USA et là l'opportunité s'est présentée. C'est comme ça que j'ai commencé ma carrière à Hollywood.
Vous faites partie des rares acteurs d'origine africaine qui ont brillamment réussi à Hollywood. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente d'être un acteur d'origine africaine à Hollywood?
Je suis comme un poisson dans l'eau qui nage contre le courant. Le courant est vertical, et il y en a très peu qui arrivent à nager. En disant cela, je ne veux en aucune manière détruire le rêve de ceux qui envisagent d'y aller. Je ne suis pas le premier et j'espère ne pas être le dernier. J'ose croire qu'il y aura d'autres jeunes acteurs et cinéastes qui vont arriver à réussir avec brio à Hollywood.
Est-ce difficile d'exister à l'écran? Avez-vous l'impression que l'on vous a cantonné dans un certain type de rôle?
Non. Je ne suis pas cantonné à un certain type de rôle. Évidemment ce sont des choses qui arrivent parfois. Le genre de films avec lequel on commence sont ceux qui vont marquer les débuts de notre carrière jusqu'à ce qu'on se développe. Et pour être honnête, je dois reconnaître que Hollywood m'a beaucoup souri, mais cela ne veut pas dire que les choses sont plus simples pour autant. Ça a été difficile et ça l'est toujours...
Parfois quand on regarde une personne qui a réussi, on a l'impression que cette personne a eu sa chance, que tout a été simple, et certains vous jalousent pour votre réussite. Ce qu'on oublie, c'est que souvent nous n'avons aucune notion du nombre de fois où cette personne a dû se casser la figure et faire ses preuves. On ne regarde que l'enveloppe qui est bien présentée, sans avoir aucune idée de ce qui a concouru à lui donner autant d'épaisseur.
En regardant votre carrière de plus près, quel est selon vous le dénominateur commun des rôles comme ceux que vous avez interprétés dans Blood Diamond ou encore Amistad ?
C'est l'Afrique. Ce sont les histoires du continent qui ont été montrées sur les chaînes mondiales. Il y a certes un côté commercial, mais au-delà de cela, ce qui m'importe c'est le message qu'il y a derrière ces histoires. Il y a aussi l'état politique des pays dans lesquels est située la diégèse de ces films. Ce sont des histoires qui font la une tous les jours sur le continent mais on en parle tellement peu...
Venons-en à votre documentaire. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet [produit par sa propre société Fanaticus Entertainment] ?
Je me souviens qu'à mon arrivée aux USA, quand je disais que j'étais originaire du Bénin, la plupart des personnes que je rencontrais ne connaissait pas mon pays d'origine. Et pour les rares qui en avaient entendu parler, automatiquement ils l'associaient au vaudoun. Quelque part, j'ai voulu savoir comment une chose soit disant maléfique a pu traverser plus de six siècles, tout en restant intact. J'ai voulu chercher et comprendre quels sont les attributs qui définissent le vaudoun. Au terme de ma recherche, je ne sais toujours pas si c'est vraiment une religion... Je suis toujours à la recherche de ce que c'est vraiment.
Quel bilan dressez-vous, après vos deux mois de tournage au Bénin?
Je ne peux pas faire la synthèse des choses aussi rapidement et je ne peux pas dire qu'après deux mois de tournage, je sais ce que c'est le vaudoun. J'arrive à assimiler certaines données ; mais cela reste assez complexe... Je perçois le vaudoun comme une autoroute universelle. Nous sommes tous des conducteurs qui roulons à une certaine allure sur ladite autoroute. Il nous arrive par moments de passer devant un accident de la circulation, à un endroit où il y a eu un accident, mais la vie continue et le fluide est toujours en mouvement.
Vous vous mettez à la réalisation avec de gros moyens de productions ces derniers vous ont facilité le travail. Mais quel est votre analyse par rapport à la production cinématographique sur le continent et même pour les productions de la diaspora qui peine encore à s'affranchir parfois en termes de financement?
Nous avons très peu de respect pour nos propres cultures. À mon sens, il n'y a aucun État digne de ce nom qui fait respecter et prévaloir sa culture, c'est pour cela que nous n'existons pas. Tu existes dans le monde uniquement si tu peux raconter ton histoire. Les vainqueurs d'une histoire sont ceux qui la racontent !
Vous allez bientôt retourner aux USA pour le montage de votre documentaire. Quand peut-on espérer le voir?
Nous allons travailler pendant six mois environ. J'espère qu'il pourra commencer sa vie en festival à partir de l'été.
Propos recueillis par Wendy Bashi, à Cotonou
Africiné magazine, Bruxelles
pour Images Francophones
Photo : Le réalisateur béninois Djimon Hounsou
Crédit : Wendy Bashi
Autres photos : Wendy Bashi (à Ouidah) ou DR (sur le tournage du film In Search of Voodoo : Roots to Heaven)
Cette année à Ouidah comme partout ailleurs au Bénin, des adeptes venus de tout le pays et des quatre coins du monde se sont retrouvés pour célébrer la 25ème édition de la fête du vaudoun. Chaque 10 janvier, ils sont nombreux à se réunir pour célébrer les différentes divinités du culte vaudoun. Initiée sous l'impulsion de l'ancien président Nicéphore Soglo, cette fête rassemble des milliers de personnes chaque année, depuis son institution dans les années 1990. De Ouidah à Grand Popo en passant par toutes les autres villes du pays, le 10 janvier, les hommes et les dieux s'unissent pour faire la fête!
Pendant pratiquement deux mois, Djimon Hounsou a sillonné le Bénin à la recherche de la quintessence du vaudoun. À la tête d'une grosse équipe constituée à la fois de professionnels du cinéma américains et béninois, dont plusieurs jeunes de l'Institut Supérieur des Métiers de l'Audiovisuel (ISMA), l'acteur hollywoodien d'origine béninoise a rencontré différentes personnes ressources pour alimenter son documentaire. Entre le clap final du tournage et son retour aux USA à la mi-janvier, il a accepté de recevoir la presse. C'est donc au cœur de Cotonou, dans le quartier Haie Vive, qu'il a bien voulu revenir sur son parcours, les rôles phares qui l'ont constitué, ses débuts à Hollywood et bien entendu sa nouvelle vie de réalisateur (avec In Search of Voodoo : Roots to Heaven).
Monsieur Hounsou, vous faites partie du cercle très fermé des acteurs d'origine africaine qui ont réussi à mener une carrière brillante dans l'industrie cinématographique américaine. Quels sont les souvenirs que vous gardez de votre arrivée à Hollywood?
Les débuts ont été très difficiles... J'ai passé du temps, comme tout aventurier, à essayer de vivre en fonction de la manière dont la situation se présentait à moi. Je me souviens que j'ai vécu dans le garage de certains amis, et parfois la situation était encore plus dure. Il m'est arrivé de vivre dans la rue. Dix longues années se sont écoulées, avant que je ne commence à y voir clair. En arrivant aux USA, j'ai d'abord été mannequin, puis j'ai travaillé dans les clips vidéos, dans des campagnes de publicité, etc... Ces différents jobs m'ont aidé à assimiler la langue le plus rapidement possible.
A propos de vos débuts justement, il est souvent rapporté que votre success story commence près d'une fontaine à Beaubourg. Est-ce vrai?
Une partie de l'histoire est vraie. Je flânais souvent dans les rues, mais mon endroit de préférence à Paris c'était le Centre Beaubourg. Je m'essayais sur un banc dans le parc et je fomentais mes plans pour le futur. Un jour, quelqu'un m'a abordé en me disant "J'ai un ami photographe qui fait des photos de personnes qui ont une gueule intéressante. Je trouve que vous en avez une, est ce que cela vous dirait qu'il vous prenne en photo ?". La personne était étrange, cela m'a rendu suspicieux par rapport à ses motivations. J'ai gentiment pris sa carte mais je ne voulais pas qu'il se rende compte que je vivais dans la rue. Une semaine après, la personne repasse et me trouve assis sur le même banc et me demande pourquoi je ne l'ai pas appelée, en insistant que son ami photographe voulait absolument me rencontrer. La vérité aussi c'est que je n'avais pas un franc dans ma poche pour passer un coup de fil. J'ai donc été sonner directement à la porte de l'ami photographe. Cette première séance de photo m'a conduit vers une agence de mannequin, qui m'a dirigé vers la maison Thierry Mugler et c'est de là que tout est parti. Thierry Mugler m'a proposé de faire un voyage avec Iman, Katoucha [Niane] et d'autres dans le désert du Sahara. Il m'a ensuite proposé un voyage aux USA et là l'opportunité s'est présentée. C'est comme ça que j'ai commencé ma carrière à Hollywood.
Vous faites partie des rares acteurs d'origine africaine qui ont brillamment réussi à Hollywood. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente d'être un acteur d'origine africaine à Hollywood?
Je suis comme un poisson dans l'eau qui nage contre le courant. Le courant est vertical, et il y en a très peu qui arrivent à nager. En disant cela, je ne veux en aucune manière détruire le rêve de ceux qui envisagent d'y aller. Je ne suis pas le premier et j'espère ne pas être le dernier. J'ose croire qu'il y aura d'autres jeunes acteurs et cinéastes qui vont arriver à réussir avec brio à Hollywood.
Est-ce difficile d'exister à l'écran? Avez-vous l'impression que l'on vous a cantonné dans un certain type de rôle?
Non. Je ne suis pas cantonné à un certain type de rôle. Évidemment ce sont des choses qui arrivent parfois. Le genre de films avec lequel on commence sont ceux qui vont marquer les débuts de notre carrière jusqu'à ce qu'on se développe. Et pour être honnête, je dois reconnaître que Hollywood m'a beaucoup souri, mais cela ne veut pas dire que les choses sont plus simples pour autant. Ça a été difficile et ça l'est toujours...
Parfois quand on regarde une personne qui a réussi, on a l'impression que cette personne a eu sa chance, que tout a été simple, et certains vous jalousent pour votre réussite. Ce qu'on oublie, c'est que souvent nous n'avons aucune notion du nombre de fois où cette personne a dû se casser la figure et faire ses preuves. On ne regarde que l'enveloppe qui est bien présentée, sans avoir aucune idée de ce qui a concouru à lui donner autant d'épaisseur.
En regardant votre carrière de plus près, quel est selon vous le dénominateur commun des rôles comme ceux que vous avez interprétés dans Blood Diamond ou encore Amistad ?
C'est l'Afrique. Ce sont les histoires du continent qui ont été montrées sur les chaînes mondiales. Il y a certes un côté commercial, mais au-delà de cela, ce qui m'importe c'est le message qu'il y a derrière ces histoires. Il y a aussi l'état politique des pays dans lesquels est située la diégèse de ces films. Ce sont des histoires qui font la une tous les jours sur le continent mais on en parle tellement peu...
Venons-en à votre documentaire. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet [produit par sa propre société Fanaticus Entertainment] ?
Je me souviens qu'à mon arrivée aux USA, quand je disais que j'étais originaire du Bénin, la plupart des personnes que je rencontrais ne connaissait pas mon pays d'origine. Et pour les rares qui en avaient entendu parler, automatiquement ils l'associaient au vaudoun. Quelque part, j'ai voulu savoir comment une chose soit disant maléfique a pu traverser plus de six siècles, tout en restant intact. J'ai voulu chercher et comprendre quels sont les attributs qui définissent le vaudoun. Au terme de ma recherche, je ne sais toujours pas si c'est vraiment une religion... Je suis toujours à la recherche de ce que c'est vraiment.
Quel bilan dressez-vous, après vos deux mois de tournage au Bénin?
Je ne peux pas faire la synthèse des choses aussi rapidement et je ne peux pas dire qu'après deux mois de tournage, je sais ce que c'est le vaudoun. J'arrive à assimiler certaines données ; mais cela reste assez complexe... Je perçois le vaudoun comme une autoroute universelle. Nous sommes tous des conducteurs qui roulons à une certaine allure sur ladite autoroute. Il nous arrive par moments de passer devant un accident de la circulation, à un endroit où il y a eu un accident, mais la vie continue et le fluide est toujours en mouvement.
Vous vous mettez à la réalisation avec de gros moyens de productions ces derniers vous ont facilité le travail. Mais quel est votre analyse par rapport à la production cinématographique sur le continent et même pour les productions de la diaspora qui peine encore à s'affranchir parfois en termes de financement?
Nous avons très peu de respect pour nos propres cultures. À mon sens, il n'y a aucun État digne de ce nom qui fait respecter et prévaloir sa culture, c'est pour cela que nous n'existons pas. Tu existes dans le monde uniquement si tu peux raconter ton histoire. Les vainqueurs d'une histoire sont ceux qui la racontent !
Vous allez bientôt retourner aux USA pour le montage de votre documentaire. Quand peut-on espérer le voir?
Nous allons travailler pendant six mois environ. J'espère qu'il pourra commencer sa vie en festival à partir de l'été.
Propos recueillis par Wendy Bashi, à Cotonou
Africiné magazine, Bruxelles
pour Images Francophones
Photo : Le réalisateur béninois Djimon Hounsou
Crédit : Wendy Bashi
Autres photos : Wendy Bashi (à Ouidah) ou DR (sur le tournage du film In Search of Voodoo : Roots to Heaven)