Cinesah Festival : le Nord Cameroun fait son cinéma pour cette première édition
Un festival initié par Fatimatou Ahmat Gadjama (Association Kaotal, Bruxelles). Dans la sélection : It's Us (Nick Reding, Kenya), Ninah's Dowry (Victor Viyuoh, Cameroun), Le Garçon et le Monde / O Menino e o Mundo (Alê Abreu, Brésil) et Soureyya (Laminou Tilimdo, Cameroun).
Le Festival du Cinéma au Sahel (Cinesah) a mobilisé un nombre considérable de spectateurs malgré le climat sécuritaire difficile qui règne au nord Cameroun. Pour sa première édition, l'équipe de programmation a proposé des séances de projection/débats, des ateliers de photographie pour les plus jeunes, tout ceci placé sous haute surveillance par les autorités de la ville de Garoua où se déroulait le festival. Retour sur cette première édition.
" C'est la première fois qu'on voit autant de personnes réunies pour un événement au centre culturel français de Garoua. Je ne savais pas que le cinéma pouvait rassembler tout ce monde "s'exclame Alpha, un jeune cameraman venu couvrir le lancement de la première édition du Cinésah Festival 2015. Du 29 octobre au 01 novembre dernier, la ville de Garoua dans la région septentrionale du Cameroun a été le théâtre de trois journées de bouillonnement culturel intense. Dans cette ville située à environ mille deux cent kilomètre de Yaoundé la capitale, on se sent très vite à la campagne comparé aux tumultes d'une ville comme Yaoundé. Habitée par quelques 300.000 âmes, quand on arrive à Garoua, on se croirait dans un tout autre pays qui serait proche de par de nombreux aspects (géographique, culturel et autres) des pays de l'ouest africain.
C'est dans ce contexte culturel à la lisière de l'Afrique centrale et l'Afrique de l'ouest que l'Association Kaotal (dont la direction est basée en Belgique) a décidé de relever un double défi: braquer les projecteurs sur le septième art dans cette partie du pays, et prouver qu'il est possible de rassembler du monde et se réjouir malgré l'image terne et morose dont est affublée le Nord Cameroun depuis des mois.
"J'ai toujours rêvé de faire un festival au Nord Cameroun, explique Fatimatou Ahmat Gadjama, l'initiatrice du Cinesah Fesitval. Étant en Belgique, j'ai eu à collaborer avec de nombreux festival de cinéma comme l'Afrika Film Fesitval de Leuven (AFF) et d'autres basés en Afrique. A chaque fois que je me suis rendue dans d'autres pays sur le continent, j'étais agréablement surprise par l'implication des femmes dans l'industrie cinématographique. Je savais que la même chose existait chez moi au Nord Cameroun. Mon envie était de montrer que chez moi aussi les femmes sont dynamiques " explique-t-elle en faisant référence à la thématique retenue pour ce numéro un d'une longue série: Femmes, enfants et cinéma dans le septentrion.
Absence du secteur cinématographique dans le septentrion...
Et bien que l'ambition de cette première édition fût de mettre le septentrion et ses cinéastes à l'honneur, les professionnels du cinéma et ceux des métiers attenants ont timidement répondu à l'appel. Manque de communication en amont autour de l'événement? Manque de confiance en l'équipe organisatrice ou tout simplement faible représentation des professionnels du cinéma à Garoua ? Difficile de savoir. Cette première édition était aussi un projet pilote, une manière pour Fatimatou Ahmat de prendre la température, de lancer une initiative avant de réajuster sa programmation pour la deuxième édition qui aura certainement lieu l'année prochaine au mois de décembre.
Laminou M. Tilimdo, réalisateur vivant entre le Nord et le Sud du pays a tenu à participer à cette première édition. Son film, Soureyya, a été programmé en fin de festival. " Ce festival a le mérite d'exister, insiste-t-il. Mon inquiétude était que le festival ne puisse pas se réaliser. Ici, nous n'avons pas l'habitude de voir ce genre d'initiative " poursuit-il, avant de dresser un rapide bilan de la production cinématographique dans le septentrion camerounais. " Les trois régions du Nord (Maroua, Garoua et Ngaoundere) représentent un tiers du pays sur le plan géographique et démographique. Nous sommes beaucoup plus excentrés par rapport aux capitales politiques et économiques, nous sommes loin de tout. Par exemple au niveau des chaînes de télévision, il n'y a pas grand-chose. Il est vrai qu'une nouvelle chaîne privée vient de s'implanter mas il n'y a pas d'entreprises qui puissent nous accompagner. Il n'y a pratiquement rien. On se bat comme on peut " déplore Laminou Tilimdo qui surenchérit sur le fait qu'il est le seul réalisateur de sa région à faire ce métier et à en vivre.
Initiation à la photographie
Autour du cinéma, un autre secteur a été mis en exergue pendant le Cinésah Festival 2015. La photographie a fait l'objet d'atelier d'initiations animé par le photographe Jonathan Jamoulle venu tout droit de Bruxelles. " Je suis très ravi d'avoir fait ce workshop avec des enfants qui n'avaient jamais touché un appareil photo avant. Ils étaient assoiffés de connaissance, ils ne se sont jamais plaints quand il a fallu recommencer les exercices. C'était fastidieux pour eux mais je suis content du résultat. De nombreuses personnes en voyant le résultat des dix heures de cours qu'ont suivi les enfants avaient encore du mal à croire que toutes ces photos avaient été réalisées par des enfants aussi jeunes ". Des ateliers qui ont consisté en quelques notions élémentaires de l'histoire de la photographie, des notions de technique de base, des notions de cadrage et de composition ainsi que des notions de narration confie le photographe, amplement satisfait de son séjour camerounais.
Avec une programmation riche mais composée de très peu de films en Fulfulde (une des principales langues parlée au Nord Cameroun, aussi appelée " peul "), cette première édition du Cinesah Festival a eu le mérite d'exister comme n'ont cessé de le répéter les nombreux festivaliers qui ont répondu présents à l'appel de l'équipe organisatrice. Les premiers jalons étant posés, la deuxième édition est attendue de pieds fermes par les habitants de Garoua, qui espère cette fois ci, une programmation qui répondra à leurs attentes.
Wendy Bashi
Correspondante, à Bruxelles, magazine Africiné (Dakar)
pour Images Francophones
Image : Cérémonie d'ouverture du Cinésah Festival 2015
Crédit : Jonathan Jamoulle, Garoua, 2015.
" C'est la première fois qu'on voit autant de personnes réunies pour un événement au centre culturel français de Garoua. Je ne savais pas que le cinéma pouvait rassembler tout ce monde "s'exclame Alpha, un jeune cameraman venu couvrir le lancement de la première édition du Cinésah Festival 2015. Du 29 octobre au 01 novembre dernier, la ville de Garoua dans la région septentrionale du Cameroun a été le théâtre de trois journées de bouillonnement culturel intense. Dans cette ville située à environ mille deux cent kilomètre de Yaoundé la capitale, on se sent très vite à la campagne comparé aux tumultes d'une ville comme Yaoundé. Habitée par quelques 300.000 âmes, quand on arrive à Garoua, on se croirait dans un tout autre pays qui serait proche de par de nombreux aspects (géographique, culturel et autres) des pays de l'ouest africain.
C'est dans ce contexte culturel à la lisière de l'Afrique centrale et l'Afrique de l'ouest que l'Association Kaotal (dont la direction est basée en Belgique) a décidé de relever un double défi: braquer les projecteurs sur le septième art dans cette partie du pays, et prouver qu'il est possible de rassembler du monde et se réjouir malgré l'image terne et morose dont est affublée le Nord Cameroun depuis des mois.
"J'ai toujours rêvé de faire un festival au Nord Cameroun, explique Fatimatou Ahmat Gadjama, l'initiatrice du Cinesah Fesitval. Étant en Belgique, j'ai eu à collaborer avec de nombreux festival de cinéma comme l'Afrika Film Fesitval de Leuven (AFF) et d'autres basés en Afrique. A chaque fois que je me suis rendue dans d'autres pays sur le continent, j'étais agréablement surprise par l'implication des femmes dans l'industrie cinématographique. Je savais que la même chose existait chez moi au Nord Cameroun. Mon envie était de montrer que chez moi aussi les femmes sont dynamiques " explique-t-elle en faisant référence à la thématique retenue pour ce numéro un d'une longue série: Femmes, enfants et cinéma dans le septentrion.
Absence du secteur cinématographique dans le septentrion...
Et bien que l'ambition de cette première édition fût de mettre le septentrion et ses cinéastes à l'honneur, les professionnels du cinéma et ceux des métiers attenants ont timidement répondu à l'appel. Manque de communication en amont autour de l'événement? Manque de confiance en l'équipe organisatrice ou tout simplement faible représentation des professionnels du cinéma à Garoua ? Difficile de savoir. Cette première édition était aussi un projet pilote, une manière pour Fatimatou Ahmat de prendre la température, de lancer une initiative avant de réajuster sa programmation pour la deuxième édition qui aura certainement lieu l'année prochaine au mois de décembre.
Laminou M. Tilimdo, réalisateur vivant entre le Nord et le Sud du pays a tenu à participer à cette première édition. Son film, Soureyya, a été programmé en fin de festival. " Ce festival a le mérite d'exister, insiste-t-il. Mon inquiétude était que le festival ne puisse pas se réaliser. Ici, nous n'avons pas l'habitude de voir ce genre d'initiative " poursuit-il, avant de dresser un rapide bilan de la production cinématographique dans le septentrion camerounais. " Les trois régions du Nord (Maroua, Garoua et Ngaoundere) représentent un tiers du pays sur le plan géographique et démographique. Nous sommes beaucoup plus excentrés par rapport aux capitales politiques et économiques, nous sommes loin de tout. Par exemple au niveau des chaînes de télévision, il n'y a pas grand-chose. Il est vrai qu'une nouvelle chaîne privée vient de s'implanter mas il n'y a pas d'entreprises qui puissent nous accompagner. Il n'y a pratiquement rien. On se bat comme on peut " déplore Laminou Tilimdo qui surenchérit sur le fait qu'il est le seul réalisateur de sa région à faire ce métier et à en vivre.
Initiation à la photographie
Autour du cinéma, un autre secteur a été mis en exergue pendant le Cinésah Festival 2015. La photographie a fait l'objet d'atelier d'initiations animé par le photographe Jonathan Jamoulle venu tout droit de Bruxelles. " Je suis très ravi d'avoir fait ce workshop avec des enfants qui n'avaient jamais touché un appareil photo avant. Ils étaient assoiffés de connaissance, ils ne se sont jamais plaints quand il a fallu recommencer les exercices. C'était fastidieux pour eux mais je suis content du résultat. De nombreuses personnes en voyant le résultat des dix heures de cours qu'ont suivi les enfants avaient encore du mal à croire que toutes ces photos avaient été réalisées par des enfants aussi jeunes ". Des ateliers qui ont consisté en quelques notions élémentaires de l'histoire de la photographie, des notions de technique de base, des notions de cadrage et de composition ainsi que des notions de narration confie le photographe, amplement satisfait de son séjour camerounais.
Avec une programmation riche mais composée de très peu de films en Fulfulde (une des principales langues parlée au Nord Cameroun, aussi appelée " peul "), cette première édition du Cinesah Festival a eu le mérite d'exister comme n'ont cessé de le répéter les nombreux festivaliers qui ont répondu présents à l'appel de l'équipe organisatrice. Les premiers jalons étant posés, la deuxième édition est attendue de pieds fermes par les habitants de Garoua, qui espère cette fois ci, une programmation qui répondra à leurs attentes.
Wendy Bashi
Correspondante, à Bruxelles, magazine Africiné (Dakar)
pour Images Francophones
Image : Cérémonie d'ouverture du Cinésah Festival 2015
Crédit : Jonathan Jamoulle, Garoua, 2015.