César : Timbuktu ouvre la voie au cinéma africain
« Multi-césarisé », nominé aux Oscars, proche du million d’entrées en France, déjà distribué dans plus de dix pays, le film d’Abderrahmane Sissako pose les jalons d’un renouveau du cinéma africain.
Jamais un film africain n’avait suscité un tel engouement depuis la palme d’or de Mohamed Lakhdar Hamina au festival de Cannes 1975 avec « Chronique des années de braise ». En raflant sept César, après deux prix Lumière de la presse étrangère, le Bayard d’or du festival de Namur, le Prix du Meilleur film au festival de Durban, le prix du jury oecuménique et le prix François Chalais au Festival de Cannes, Abderrahmane Sissako a atteint un niveau de reconnaissance qu’aucun réalisateur du continent africain n’avait jamais connu. Même si l’oscar du meilleur film en langue étrangère n’est pas au rendez-vous, Timbuktu bénéficie d’une sortie prometteuse aux Etats-Unis (plus de 362 000$ de recettes) et a déjà dépassé les 160 000 spectateurs hors de France.
Si le film est une production française, Timbuktu a mis à l’honneur le Mali (représenté lors de la cérémonie des César par Fatoumata Diawara), la Mauritanie (pays du réalisateur et principal lieu de tournage) mais aussi la Tunisie, très présente avec les trois César de Nadia Ben Rachid (montage), Sofian el Fani (photo) et Amine Bouhafa (musique). Ce dernier a d’ailleurs dédié son trophée à la jeunesse tunisienne « qui a su dire non au despotisme ». Dans l’équipe panafricaine du film, on note également les Sénégalais Kessen Tall (co-scénariste et compagne d’Abderrahmane Sissako) et Demba Dieye (assistant-réalisateur), le Burkinabè Sékou Traoré (régisseur) et même la Haïtienne Kettly Noël.
Derrière le triomphe de Timbuktu aux César, on aperçoit une Afrique qui n’est plus seulement résistante mais qui peut aussi se montrer conquérante, non pas à la manière d’une escouade de djihadistes, mais en tant que puissance culturelle et artistique.
Le groupe TF1 ne s’y est pas trompé qui a choisi de surfer sur la vague de César de Timbuktu pour lancer Afrostream, une nouvelle offre de films africains/afro-américains en streaming. Une opération qui vient après les initiatives africaines des groupes Canal Plus et Lagardère annoncées en 2014.
Tous ces signes encourageants ne doivent pas faire oublier qu’Abderrahmane Sissako a mis neuf ans à tourner un nouveau long-métrage après « Bamako » dont le succès public était pourtant déjà impressionnant. Ni que le même Sissako n’est pas parvenu à ressusciter le Cinéma « Le Soudan » de Bamako, contrairement à Mahamat-Saleh Haroun qui a redonné vie à la salle « Le Normandie » à Ndjamena (dirigée par Issa Serge Coelo).
Dans une Afrique francophone privée de salles, les cinéastes font penser parfois à ces joueurs de football sans ballon qui ont tant marqué les spectateurs du film Timbuktu. Mais on peut espérer maintenant que le désert cinématographique africain appartient au passé. Les projets d’ouverture de multiplexes ne manquent pas. S’ils ont tardé à se concrétiser, c’est peut-être qu’il manquait une étincelle : celle de la fierté et de la confiance retrouvée. Timbuktu peut faire beaucoup pour cela. En matière de renouveau du parc de salles de cinéma, les pays d’Afrique francophone peuvent s’inspirer d’un exemple encourageant : celui de l’île Maurice. En trois ans seulement, ce pays est passé de l’état de désert cinématographique à une situation où plusieurs dizaines de salles neuves parviennent à drainer un public retrouvé et où le premier film de réalisateur africain distribué a été… Timbuktu.
Pierre Barrot
Images Francophones
Image : Affiche et scène du film Timbuktu
Crédit : Le Pacte
Si le film est une production française, Timbuktu a mis à l’honneur le Mali (représenté lors de la cérémonie des César par Fatoumata Diawara), la Mauritanie (pays du réalisateur et principal lieu de tournage) mais aussi la Tunisie, très présente avec les trois César de Nadia Ben Rachid (montage), Sofian el Fani (photo) et Amine Bouhafa (musique). Ce dernier a d’ailleurs dédié son trophée à la jeunesse tunisienne « qui a su dire non au despotisme ». Dans l’équipe panafricaine du film, on note également les Sénégalais Kessen Tall (co-scénariste et compagne d’Abderrahmane Sissako) et Demba Dieye (assistant-réalisateur), le Burkinabè Sékou Traoré (régisseur) et même la Haïtienne Kettly Noël.
Derrière le triomphe de Timbuktu aux César, on aperçoit une Afrique qui n’est plus seulement résistante mais qui peut aussi se montrer conquérante, non pas à la manière d’une escouade de djihadistes, mais en tant que puissance culturelle et artistique.
Le groupe TF1 ne s’y est pas trompé qui a choisi de surfer sur la vague de César de Timbuktu pour lancer Afrostream, une nouvelle offre de films africains/afro-américains en streaming. Une opération qui vient après les initiatives africaines des groupes Canal Plus et Lagardère annoncées en 2014.
Tous ces signes encourageants ne doivent pas faire oublier qu’Abderrahmane Sissako a mis neuf ans à tourner un nouveau long-métrage après « Bamako » dont le succès public était pourtant déjà impressionnant. Ni que le même Sissako n’est pas parvenu à ressusciter le Cinéma « Le Soudan » de Bamako, contrairement à Mahamat-Saleh Haroun qui a redonné vie à la salle « Le Normandie » à Ndjamena (dirigée par Issa Serge Coelo).
Dans une Afrique francophone privée de salles, les cinéastes font penser parfois à ces joueurs de football sans ballon qui ont tant marqué les spectateurs du film Timbuktu. Mais on peut espérer maintenant que le désert cinématographique africain appartient au passé. Les projets d’ouverture de multiplexes ne manquent pas. S’ils ont tardé à se concrétiser, c’est peut-être qu’il manquait une étincelle : celle de la fierté et de la confiance retrouvée. Timbuktu peut faire beaucoup pour cela. En matière de renouveau du parc de salles de cinéma, les pays d’Afrique francophone peuvent s’inspirer d’un exemple encourageant : celui de l’île Maurice. En trois ans seulement, ce pays est passé de l’état de désert cinématographique à une situation où plusieurs dizaines de salles neuves parviennent à drainer un public retrouvé et où le premier film de réalisateur africain distribué a été… Timbuktu.
Pierre Barrot
Images Francophones
Image : Affiche et scène du film Timbuktu
Crédit : Le Pacte