Biopic sur Sankara : un financement panafricain
Le film du réalisateur marocain Hicham Ayouch, écrit avec le Djiboutien Abdourahman Waberi, obtient le soutien du fonds Etisal (Louxor, Egypte).
C’est en Mai 2015, à l’occasion du lancement du Festival Gorée Cinéma qu’Hicham Ayouch, Étalon d’or de Yennenga, nous a parlé de sa volonté de réaliser un film biographique sur Thomas Sankara. « Il a essayé de faire des choses en Afrique. Il a essayé de créer une nouvelle façon de gouverner, une nouvelle façon de pensée. Il a rendu les Africains, en particulier les Burkinabès, fiers d’eux-mêmes. Son héritage est d’actualité ». Ce sont les mots utilisés par Hicham Ayouch pour parler de Thomas Sankara qui fut président du Burkina Faso de 1983 à 1987. Il a incarné et dirigé la révolution burkinabée du 4 août 1983, jusqu'à son assassinat lors d'un coup d'État qui amène au pouvoir Blaise Compaoré, le 15 octobre 1987.
Thomas Sankara mérite aujourd’hui que les artistes s’intéressent encore plus à lui. C’est le point de vue du cinéaste Hicham Ayouch qui rappelle que des chanteurs comme Awadi, Alpha Blondy ont déjà évoqué ce grand homme. Thomas Sankara a été portraituré aussi par beaucoup de cinéastes. Ainsi, Balufu Bakupa-Kanyinda en 1991 avec Thomas Sankara, l'espoir assassiné ou Robin Shuffield qui a réalisé Thomas Sankara, l'homme intègre (2006). Au Fespaco 2015, Christophe Cupelin, réalisateur suisse et Burkinabé d’adoption, a présenté le documentaire sobrement intitulé Capitaine Thomas Sankara. Réalisé en 2012, c’est après la révolution d’Octobre 2014 qui a chassé Blaise Compaoré qu’il a été diffusé au Burkina Faso. Twaaga aussi parle de Thomas Sankara. Ce très beau court métrage de Cédric Ido était en compétition officielle au Fespaco 2015.
Hicham Ayouch ne peut manquer d’être soutenu dans sa volonté farouche de faire revivre Thomas Sankara. Viscéralement attaché à son continent, le réalisateur marocain estime que l’Afrique a besoin d’avoir des figures positives incarnées à l’écran. Il ne faut pas réduire le cinéma africain à des films misérabilistes qui parlent de l’immigration clandestine, de la famine, etc. Il prône des représentations de jeunes qui incarnent des valeurs positives parce que les Africains ont besoin d’avoir de l’espoir, une vision belle de l’avenir et du monde.
En ce début septembre 2016, il y a du nouveau dans ce projet si cher à Hicham Ayouch. C’est sur son mur Facebook qu’il a annoncé avoir reçu une subvention du Festival du film Africain de Louxor en Egypte. C’est dans le cadre du programme STEP (Space to Establish Partnership Program) Etisal. C’est en 2013, lors de la deuxième édition du festival de Louxor que des réunions préparatoires pour Etisal ont eu lieu avec des producteurs, réalisateurs, directeurs des festivals….
Ces derniers ont recommandé la mise en place d’un fonds pour les jeunes cinéastes africains, la création d’un marché du film africain pour la promotion et la distribution. Pour y arriver, les participants ont préconisé l’usage de la technologie numérique moderne ainsi que la création d’une base de données et une bibliothèque numérique des films africains. Le fonds Etisal était doté de 100.000 dollars pour soutenir la production de 10 courts métrages en 2014. C’est en 2015 que Step est venu s’y greffer. Son but est d’aider les jeunes cinéastes du continent africain et de la diaspora en pré ou post production de leur premier ou deuxième long métrage, indique le site officiel du festival.
Hicham Ayouch vient d’en bénéficier (après le Sénégalais Moussa Touré en 2014, pour son film sur l’esclavage). Le nouveau lauréat a déjà trois longs métrages de cinéma à son actif. En 2006, il a réalisé Tizza Oul (Les Arêtes du cœur), en 2009 Fissures et en 2013 Fièvres grand prix du Fespaco 2015. Pour le film biographique sur Thomas Sankara, il a entamé depuis février 2015 une collaboration avec le Djiboutien Abdourahman A. Waberi. Ayouch explique avoir porté son choix sur lui parce qu’il est « un super écrivain et un mec en or ». Abdourahman A. Waberi a écrit de nombreux romans et essais, dont Aux États-Unis d’Afrique (Lattès, 2006), Passage des larmes (Lattès, 2009) et La divine chanson (Zulma, 2014), prix Louis-Guilloux 2015.
Il nous avait confié en 2015 avoir une partie du financement du film Thomas Sankara et que les recherches de fonds se poursuivent en Afrique mais aussi dans le reste du monde. Le film sur Sankara sera une coproduction internationale. Concernant le budget global du projet Hicham Ayouch informe fermement que ce sont des détails dans lesquels il ne veut pas entrer. Il est réalisateur, il parle d’artistique.
Concernant sa prochaine édition, prévue du 16 au 22 mars 2017, le Festival de Louxor du Film Africain (Luxor African Film Festival - LAFF 2017) a ouvert son appel à films qui sera être clôturé le 15 Décembre 2016. Seule la catégorie des films consacrés aux libertés et droits humains "Al-Husseiny Abou-Deif" est ouverte à tous les pays du monde. Les autres catégories sont réservées aux cinéastes des pays d’Afrique.
Sayed Fouad, le président du LAFF, a annoncé que le Maroc est le pays invité d'honneur de la sixième édition. Azza al-Hosseiny, directrice exécutive de LAFF, a ajouté que la sixième édition rendra hommage au réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako, au réalisateur égyptien Yousry Nasrallah et la star égyptienne Nelly Karim. L'Afro-Américain Spike Lee est aussi invité d'honneur.
Le LAFF est organisé par l’Independent Shabab Foundation, avec le soutien des ministères égyptiens de la Culture, des Affaires étrangères, du Tourisme et de la Jeunesse, la Banque Nationale d'Egypte, Le Gouvernorat de Louxor et le Syndicat des Cinéastes Egyptien.
Le financement égyptien pour Hicham Ayouch s’inscrit dans un concours de scénario de longs métrages en phase de pré-production et développement. Outre SANKARA (Maroc, Burkina Faso et Afrique du Sud) du réalisateur Hicham Ayouch, la liste de films gagnants du Fonds Etisal comprend VOUS MOURREZ DANS VOS VINGT ANS (Soudan et Egypte) du Soudanais Amgad Abou-El-Ela et VOLEURS DE CHEVRE de Robert Nyanzi (Ouganda).
Le Fonds Etisal soutient le premier et le deuxième gagnant avec un montant de cinq mille dollars chacun, tandis que le troisième gagnant participera à l'atelier de longs métrages au cours de la sixième édition du festival qui se déroulera du 10 au 22 Mars, 2017 à la ville de Louxor. La compétition de scénarios a vu la présentation de huit projets venant de sept pays : le Kenya, le Maroc, le Burkina Faso, l'Egypte, l'Ouganda, le Soudan et la Côte d'Ivoire.
Il fallait que l’Afrique soit indépendante, qu’elle arrête de tendre la main, qu’elle soit auto-suffisante, c’est un des messages de Sankara que Hicham Ayouch veut concrétiser dans le cadre de la réalisation de ce film biographique. Même s’il n’est pas fermé aux financements américains ou européens, Hicham Ayouch souhaite que les pays africains francophones et anglophones financent le projet. Sera-t-il facile de réaliser ce projet ? Hicham Ayouch n’y pense pas trop. Pour lui, ce qui importe c’est faire revivre le Capitaine Thomas Noël Isidore Sankara pour qui il a une admiration sans limite.
Pour le Suisse Christophe Cupelin, dont le documentaire de 2012 a eu un très bel accueil à la fois critique et public, « Sankara était en avance sur son temps et vingt-sept ans après sa mort, il est toujours en avance sur son temps. On essaie de le rattraper. Les paroles de Sankara concernent d’abord évidemment le Burkina, mais cela concerne aussi les autres parties du monde ».
Oumy Régina Sambou
Africiné Magazine, Dakar
pour Images Francophones
en collaboration avec Africultures.
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