Avant-Première : « Ô Sembène », du cinéaste malien Souleymane Cissé
Honneur à l’aîné des anciens : nouveau rendez-vous le 28 février au Fespaco 2013, avec l'OIF.
Recevant un hommage au Festival de Carthage 2012, le cinéaste malien Souleymane Cissé est venu avec un film en Avant-Première. Son documentaire « Ô Sembène » rend hommage au réalisateur de « Moolaadé », …. La modestie de la démarche (l’hommage dans l’hommage) a touché les festivaliers. Son film revient sur les obsèques du défunt cinéaste Ousmane Sembène. Cissé refait son deuil cinq ans après la disparition de l’aîné des anciens.
Le réalisateur malien Souleymane Cissé a honoré le défunt cinéaste sénégalais Ousmane Sembène en lui consacrant un long métrage.
C’est au théâtre municipal de Tunis qu’a eu lieu l’avant-première mondiale de son film « Ô Sembène » dédié à l’aîné des anciens, dans le cadre de la 24ème session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC).
Le Malien estime qu’il a ressenti un choc en apprenant la disparition de ce géant du cinéma africain qui a tracé la voie pour eux. « Ô Sembène » est pour lui un film personnel. «Lorsque j’ai été informé du décès, je me suis rendu à Dakar et j’ai commencé à filmer sans savoir quoi capter», fait-il savoir au public composé surtout de jeunes tunisiens. Il dit avoir capté l’émotion, le sentiment qui l’animait dans ces moments précis de douleur.
Ce qui est intéressant ici, c’est de voir un cinéaste « établi » (avec plusieurs longs métrages en 35mm) comme Cissé se mettre à la caméra, comme dans le cinéma guérilla.
Son documentaire débute des images d’archives : un voyage de Sembène en compagnie du professeur Samba Gadjigo, à Londres en 2005. Filmé dans un magasin vendant des pipes, le cinéaste sénégalais était émerveillé de voir tous ces jolis objets. Il choisit les meilleurs.
Une autre séquence le montre à Dakar en 2007 chez lui, à Gallé Ceddo, face à l’océan atlantique. Il dira une phrase qui a enthousiasmé les cinéphiles qui ont applaudi. «L’Europe n’est pas le centre, elle est la périphérie de l’Afrique», estime le réalisateur de « Moolaadé » (2004).
Le silence est rompu par la voix mélodieuse de la défunte griotte sérère, Yandé Codou Sène. La maladie emporte l’Aîné des anciens le dimanche après midi du 10 juin 2007. La femme de maison témoigne devant la caméra des projets de films qu’il avait à faire. Spécialiste de l’œuvre du père du cinéma sénégalais, le professeur Maguèye Kassé (Université de Dakar) rappelle l’amour que Ousmane Sembène vouait à sa mère en particulier et à sa famille. La caméra de Souleymane Cissé restitue avec émotion la veillée funèbre et la levée du corps – le lendemain lundi – à la morgue de l’Hôpital Principal de Dakar.
À la morgue, M. Cissé s’attarde sur les politiques venus en masse à la levée du corps. Ce moment de douleur projette les politiciens sénégalais sous les projecteurs du cinéma. Le gouvernement sénégalais est représenté par le Premier ministre, Macky Sall, le ministre de la Culture et du Patrimoine historique classé, Mame Birame Diouf, entre autres. Pour Macky Sall, il s'agit de rendre hommage à un combattant de la liberté, à celui qui a contribué au respect de la dignité de l'homme noir. Président des cinéastes sénégalais, Cheikh Ngaïdo Bâ a interpellé les autorités sénégalaises pour que le dernier film de Sembène soit tourné. ‘Il faut que tous les Etats du Mandé unissent leurs forces pour tourner « Almamy Samory Touré [Projet de film] », une œuvre qui tenait à cœur Sembène’, souligne-t-il.
Parmi les leaders politiques, il y a aussi la présence de Djibo Kâ, Landing Savané, Alioune Badara Cissé…, outre Cheick Oumar Sissoko (cinéaste malien) en qualité de Ministre de la Culture à l’époque. Au nombre des artistes, citons juste le chanteur Youssou Ndour passé au ministère de la Culture, actuel Ministre du Tourisme et des Loisirs. Macky Sall est aujourd’hui Président de la République du Sénégal. Le film « Samory Touré » demeure une chimère.
Ceux qui ont eu des divergences d’idées avec Sembène ont témoigné de la grandeur de l’homme. Lorsque le cortège funèbre se dirige vers le cimetière de Yoff, à la descente du pont vers le garage pompier, Souleymane se désole (en voix off) du sort réservé à Ousmane Sembène. «Si c’était un politique, on aurait amassé une foule pour l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure», fait-il remarquer après avoir constaté la simplicité du cortège funèbre pour un «monument du cinéma africain».
Assistant et fils « adoptif » de Sembène, Clarence Delgado se montre inconsolable au cimetière. Le réalisateur malien capte des images fugaces et éternelles du réalisateur feu Samba Sarr, de feu Thierno Faty Sow (coréalisateur de Camp de Thiaroye) et du regretté Samba Félix Ndiaye descendant de voiture après l’enterrement.
En rendant hommage à Ousmane Sembène, le réalisateur malien Souleymane Cissé honore aussi la mémoire de tous ces trois réalisateurs disparus également des suites de maladie. Ce qui met la lumière
Cissé s'attarde longuement sur les objets d’art qui ornent la maison de Sembène : statues, masques, nattes, etc. Il se sert d’images d’archives dans son documentaire. Certaines lui viendraient du réalisateur tunisien Mohamed Challouf, grand ami de Sembène.
Pour l’ambassadeur du Sénégal en Tunisie, Amadou Sow, «cette œuvre extraordinaire est rendue à un monument du cinéma sénégalais, mais africain voir mondial». Car selon lui, Ousmane Sembène en plus d’être un cinéaste émérite est un écrivain de très haut niveau. «Qui n’a pas étudié Les Bouts de bois de Dieu durant ses jeunes années ? Je me souviendrais toujours d’un de ses très grands films qui a marqué de manière indélébile la conscience des Sénégalais : Guelwaar. C’est un film qui cherche a redonner à l’Afrique sa dignité et cela a été le combat quotidien de Ousmane Sembène», fait-il remarquer.
Souleymane Cissé a été formé dans la même école que Ousmane Sembène. Il a fait l’école de cinéma de Moscou, le VGIK. «Ils sont tous des cinéastes engagés, Souleymane Cissé est sur les pas de Sembène, cela montre que les réalisateurs africains doivent rester solidaires et continuer sur le chemin tracé par l’aîné», indique l’ambassadeur sénégalais, Amadou Sow, accompagné de son épouse.
L’Ambassadeur du Mali aussi présent à cette projection, très ému à la fin, s’est dit ravi de voir un monument du cinéma africain rendre hommage à un autre monument du 7 e art par qui le combat est parti pour une reconnaissance du cinéma du continent.
Rendez-vous le 28 février au Fespaco 2013, à 10h30.
La copie projeté était imparfaite : le mixage son reste à parfaire a averti le réalisateur malien. À Ouagadougou, il devrait être possible de voir un travail plus léché. En effet, dans le cadre du FESPACO 2013, l’Organisation Internationale de la Francophonie organise une conférence (le 28 février à 10 h 30), en hommage à Sembène Ousmane. La conférence sera suivie de la projection du film « Ô Sembène », de Souleymane Cissé. Le lieu sera précisé ultérieurement sur ce site.
Fatou Kiné SENE
Africiné, Dakar
Illustration : Le Tunisien Tahar Chériaa et Sembène Ousmane, devant la maison de ce dernier. Photo : Mohamed Challouf
Le réalisateur malien Souleymane Cissé a honoré le défunt cinéaste sénégalais Ousmane Sembène en lui consacrant un long métrage.
C’est au théâtre municipal de Tunis qu’a eu lieu l’avant-première mondiale de son film « Ô Sembène » dédié à l’aîné des anciens, dans le cadre de la 24ème session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC).
Le Malien estime qu’il a ressenti un choc en apprenant la disparition de ce géant du cinéma africain qui a tracé la voie pour eux. « Ô Sembène » est pour lui un film personnel. «Lorsque j’ai été informé du décès, je me suis rendu à Dakar et j’ai commencé à filmer sans savoir quoi capter», fait-il savoir au public composé surtout de jeunes tunisiens. Il dit avoir capté l’émotion, le sentiment qui l’animait dans ces moments précis de douleur.
Ce qui est intéressant ici, c’est de voir un cinéaste « établi » (avec plusieurs longs métrages en 35mm) comme Cissé se mettre à la caméra, comme dans le cinéma guérilla.
Son documentaire débute des images d’archives : un voyage de Sembène en compagnie du professeur Samba Gadjigo, à Londres en 2005. Filmé dans un magasin vendant des pipes, le cinéaste sénégalais était émerveillé de voir tous ces jolis objets. Il choisit les meilleurs.
Une autre séquence le montre à Dakar en 2007 chez lui, à Gallé Ceddo, face à l’océan atlantique. Il dira une phrase qui a enthousiasmé les cinéphiles qui ont applaudi. «L’Europe n’est pas le centre, elle est la périphérie de l’Afrique», estime le réalisateur de « Moolaadé » (2004).
Le silence est rompu par la voix mélodieuse de la défunte griotte sérère, Yandé Codou Sène. La maladie emporte l’Aîné des anciens le dimanche après midi du 10 juin 2007. La femme de maison témoigne devant la caméra des projets de films qu’il avait à faire. Spécialiste de l’œuvre du père du cinéma sénégalais, le professeur Maguèye Kassé (Université de Dakar) rappelle l’amour que Ousmane Sembène vouait à sa mère en particulier et à sa famille. La caméra de Souleymane Cissé restitue avec émotion la veillée funèbre et la levée du corps – le lendemain lundi – à la morgue de l’Hôpital Principal de Dakar.
À la morgue, M. Cissé s’attarde sur les politiques venus en masse à la levée du corps. Ce moment de douleur projette les politiciens sénégalais sous les projecteurs du cinéma. Le gouvernement sénégalais est représenté par le Premier ministre, Macky Sall, le ministre de la Culture et du Patrimoine historique classé, Mame Birame Diouf, entre autres. Pour Macky Sall, il s'agit de rendre hommage à un combattant de la liberté, à celui qui a contribué au respect de la dignité de l'homme noir. Président des cinéastes sénégalais, Cheikh Ngaïdo Bâ a interpellé les autorités sénégalaises pour que le dernier film de Sembène soit tourné. ‘Il faut que tous les Etats du Mandé unissent leurs forces pour tourner « Almamy Samory Touré [Projet de film] », une œuvre qui tenait à cœur Sembène’, souligne-t-il.
Parmi les leaders politiques, il y a aussi la présence de Djibo Kâ, Landing Savané, Alioune Badara Cissé…, outre Cheick Oumar Sissoko (cinéaste malien) en qualité de Ministre de la Culture à l’époque. Au nombre des artistes, citons juste le chanteur Youssou Ndour passé au ministère de la Culture, actuel Ministre du Tourisme et des Loisirs. Macky Sall est aujourd’hui Président de la République du Sénégal. Le film « Samory Touré » demeure une chimère.
Ceux qui ont eu des divergences d’idées avec Sembène ont témoigné de la grandeur de l’homme. Lorsque le cortège funèbre se dirige vers le cimetière de Yoff, à la descente du pont vers le garage pompier, Souleymane se désole (en voix off) du sort réservé à Ousmane Sembène. «Si c’était un politique, on aurait amassé une foule pour l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure», fait-il remarquer après avoir constaté la simplicité du cortège funèbre pour un «monument du cinéma africain».
Assistant et fils « adoptif » de Sembène, Clarence Delgado se montre inconsolable au cimetière. Le réalisateur malien capte des images fugaces et éternelles du réalisateur feu Samba Sarr, de feu Thierno Faty Sow (coréalisateur de Camp de Thiaroye) et du regretté Samba Félix Ndiaye descendant de voiture après l’enterrement.
En rendant hommage à Ousmane Sembène, le réalisateur malien Souleymane Cissé honore aussi la mémoire de tous ces trois réalisateurs disparus également des suites de maladie. Ce qui met la lumière
Cissé s'attarde longuement sur les objets d’art qui ornent la maison de Sembène : statues, masques, nattes, etc. Il se sert d’images d’archives dans son documentaire. Certaines lui viendraient du réalisateur tunisien Mohamed Challouf, grand ami de Sembène.
Pour l’ambassadeur du Sénégal en Tunisie, Amadou Sow, «cette œuvre extraordinaire est rendue à un monument du cinéma sénégalais, mais africain voir mondial». Car selon lui, Ousmane Sembène en plus d’être un cinéaste émérite est un écrivain de très haut niveau. «Qui n’a pas étudié Les Bouts de bois de Dieu durant ses jeunes années ? Je me souviendrais toujours d’un de ses très grands films qui a marqué de manière indélébile la conscience des Sénégalais : Guelwaar. C’est un film qui cherche a redonner à l’Afrique sa dignité et cela a été le combat quotidien de Ousmane Sembène», fait-il remarquer.
Souleymane Cissé a été formé dans la même école que Ousmane Sembène. Il a fait l’école de cinéma de Moscou, le VGIK. «Ils sont tous des cinéastes engagés, Souleymane Cissé est sur les pas de Sembène, cela montre que les réalisateurs africains doivent rester solidaires et continuer sur le chemin tracé par l’aîné», indique l’ambassadeur sénégalais, Amadou Sow, accompagné de son épouse.
L’Ambassadeur du Mali aussi présent à cette projection, très ému à la fin, s’est dit ravi de voir un monument du cinéma africain rendre hommage à un autre monument du 7 e art par qui le combat est parti pour une reconnaissance du cinéma du continent.
Rendez-vous le 28 février au Fespaco 2013, à 10h30.
La copie projeté était imparfaite : le mixage son reste à parfaire a averti le réalisateur malien. À Ouagadougou, il devrait être possible de voir un travail plus léché. En effet, dans le cadre du FESPACO 2013, l’Organisation Internationale de la Francophonie organise une conférence (le 28 février à 10 h 30), en hommage à Sembène Ousmane. La conférence sera suivie de la projection du film « Ô Sembène », de Souleymane Cissé. Le lieu sera précisé ultérieurement sur ce site.
Fatou Kiné SENE
Africiné, Dakar
Illustration : Le Tunisien Tahar Chériaa et Sembène Ousmane, devant la maison de ce dernier. Photo : Mohamed Challouf