Abdelilah Eljaouhary : un critique sous la casquette d'un réalisateur
Le cinéaste marocain prépare son premier long métrage fiction. Entretien mené par Amina Barakat.
Au Maroc, on compte beaucoup d'acteurs et actrices qui se mettent derrière la caméra, mais là c'est un critique du cinéma qui prend plaisir à jouer au maestro. Il s'agit d'Abdelilah Eljaouhary, enseignant de formation qui a choisi d'intégrer le domaine des faiseurs d'image.
Il a commencé par l'animation puis la réalisation d'une émission sur le cinéma, pour le compte de la première chaine marocaine, puis il a tenté la réalisation d'un court métrage de fiction intitulé Clics et déclics (2011) tourné en 35mm, très bien reçu aux différents festivals internationaux. Son second court métrage intitulé De l'eau et du sang produit en 2014 a été primé à Ouagadougou en 2015. C'est parti pour la réalisation d'autres films ; une aventure qui s'est avérée prometteuse. Pour cet amoureux du 7ème art, le succès est au rendez vous puisque, ses films se sont tous soldés (si on inclue Le Danseuse, 2012, sur un homme partagé entre deux identités, celle d'un homme la journée et de femme le soir) par un accueil critique très positif auprès des festivals au Burkina Faso, en Suisse... Son dernier projet de long métrage Cris de l'âme a obtenu une avance sur recettes de trois millions quatre cent mille dirhams (3 400 000 dh / 310 658 euros / environ 204 millions de francs FCFA) de la Commission d'Aide à la Production des Œuvres Cinématographiques du CCM(Centre Cinématographique Marocain).
Pour l'occasion, Abdelilah Eljaouhary a bien voulu jouer aux questions /réponses du magazine Africiné.
Comment un critique et animateur d'une émission sur le cinéma vient à la réalisation ?
J'ai atterri dans ce domaine par amour à l'art en général et pour le cinéma spécialement. Un amour lié à ma passion pour les films, dans l'espoir de réaliser un rêve au fond de moi,de se mettre aux côtés des faiseurs de l'image marocains que je respecte beaucoup. C'est sur les plateaux du tournage de certains de mes amis réalisateurs que j'ai pu acquérir l'expérience requise. J'ai aussi animé et réalisé des émissions culturelles et cinématographiques pour la société nationale de la radio et télévision marocaine, puis j'ai suivi des cours de cette discipline par correspondance. C'est après que mon premier bébé /film est né sous le titre de Clics et déclics. Il a eu beaucoup de succès ; une raison de plus pour mieux faire.
Jusque-là, tes courts métrages sont applaudis et primés dans plusieurs festivals ; auxquels vous avez pris part, un début plutôt prometteur, comment vous comptez garder cette notoriété ?
Je pense que tout artiste sincère dans son travail et respectant la déontologie du métier peut réussir sa carrière, en fabriquant de beaux films.J'ai toujours admiré les grandes productions internationales, arabes et marocaines. Il faut aussi savoir choisir les sujets à traiter et le faire avec professionnalisme, donc travailler avec un staff qualifié. Pour garder cette notoriété, il faut respecter ces critères. Mes films ont eu le succès qu'ils méritent.
Pour l'ensemble de vos réalisations, est-ce que la production n'a pas été un calvaire pour vous ?
Les problèmes de la production au Maroc sont très nombreux, surtout avec ceux qui préfèrent profiter matériellement au détriment de la qualité du produit. Je n'ai pas échappé à leurs arnaques moi et mes techniciens , quand un producteur intrus dans le domaine a fait main basse sur l'aide octroyé à mon film De l'eau et du sang et a disparu dans la nature. Jusqu'à cet instant, je n'ai pas vu la couleur d'un rond qui m'est de droit, par contre j'ai eu la chance de travailler avec d'autres producteurs honnêtes qui respectent leur travail. Pour l'occasion, je demande aux décideurs au sein de CCM (Centre Cinématographique Marocain) d'être vigilants envers ces gens là.
Au Maroc, il y a pratiquement un festival pour chaque ville, en quoi cela peut il être bénéfique pour le cinéma national ?
La multiplication des festivals au Maroc est plutôt bénéfique, parce que ces manifestations participent à la sensibilisation du public de l'importance de la culture cinématographique surtout dans les villes qui ne possèdent pas de salles de cinéma. C'est aussi une opportunité pour la rencontres des stars et leurs fans. Ce phénomène est une valeur ajoutée si ces festivités ne sont pas gâchées par les "troubles fêtes ".
En tant que réalisateur, est-ce que ces festivals sont bénéfiques pour vous ?
Je cois fermement que cela est aussi positif pour moi en tant que réalisateur, car on peut facilement et directement tester la réaction du public, en discuter avec lui et écouter son avis et ses critiques positives ou négatives, si on part du principe que cela fait la promotion du cinéma.
On est arrivé à une production cinématographique annuelle assez importante au niveau des longs métrages (plus de 20 films) et des courts métrages (au environ de 80 films) en plus des documentaires. Peut-on donc parler du cinéma marocain ou bien des films marocains ?
Cette problématique est présente dans toutes les occasions et sujets de discussion entre les professionnels du cinéma et les critiques. On est encore loin d'un cinéma qui répond aux normes d'une industrie cinématographique, comme le cinéma américain ou et celle de l'Inde. Certes, comparé à ces deux exemples, le Maroc a un poids assez modeste mais il a fait de gros progrès avec son cumul assez intéressant qui permet une présence permanente dans les différents festivals internationaux ; bien que certaines productions laissent à désirer.
En général on peut dire que c'est une situation qui promet.
Le nombre des réalisateurs et réalisatrices s'accroit au fil des années, les films aussi, par contre le nombre des salles obscures ne fait que diminuer, comment expliquer cette situation ?
La disparition des salles obscures est un vrai problème. Le signal d'alarme est depuis pas mal de temps. Cela est dû déjà à la détérioration des lieux, l'absence d'entretien. Les propriétaires des salles mettent la clef sous la porte, La piraterie a accentué la gravité de cette situation, ce qui poussait le public à déserter les salles pour regarder leurs films tranquillement chez eux. L'absence des programmes scolaires à caractère culturel joue aussi un rôle négatif. Donc il faut revoir le système éducatif national.
Le Maroc est un vrai studio naturel ; par sa diversité géographique riche en potentiel humain et culturel. Vous croyez que cela peut jouer un rôle important dans l'économie du pays ?
Par sa richesse et son cadre luxuriant, le Maroc attire pas mal de sociétés de production internationales, pour le tournage de leurs films tel que Ridley Scott, Martin Scorsese, Clint Eastwood et bien d'autres géants de la réalisation. Ce qui entraine l'entrée des devises, la création d'emplois. Les techniciens locaux acquièrent des expériences et les artistes en profitent aussi. C'est une promotion directe favorable à l'image de marque d'un Maroc, en vue d'encourager son tourisme.
Est-ce qu'on peut faire du cinéma une arme pour lutter contre l'intégrisme et le terrorisme ?
Oui, le cinéma est désormais une arme qui peut participer à la lutte contre le terrorisme et la violence, car la culture est en général un moyen investigateur pour mener à bien toutes les formes anti intégrismes. Il est donc important que la culture et le cinéma soient dans le quotidien des jeunes citoyens qui auront la mission de prendre la relève pour continuer à vivre dans un pays où l'amour et la tolérance est une monnaie courante.
propos introduits et recueillis par Amina Barakat
Africiné, Rabat,
pour Images Francophones
en collaboration avec Africultures
Crédit image : DR
Il a commencé par l'animation puis la réalisation d'une émission sur le cinéma, pour le compte de la première chaine marocaine, puis il a tenté la réalisation d'un court métrage de fiction intitulé Clics et déclics (2011) tourné en 35mm, très bien reçu aux différents festivals internationaux. Son second court métrage intitulé De l'eau et du sang produit en 2014 a été primé à Ouagadougou en 2015. C'est parti pour la réalisation d'autres films ; une aventure qui s'est avérée prometteuse. Pour cet amoureux du 7ème art, le succès est au rendez vous puisque, ses films se sont tous soldés (si on inclue Le Danseuse, 2012, sur un homme partagé entre deux identités, celle d'un homme la journée et de femme le soir) par un accueil critique très positif auprès des festivals au Burkina Faso, en Suisse... Son dernier projet de long métrage Cris de l'âme a obtenu une avance sur recettes de trois millions quatre cent mille dirhams (3 400 000 dh / 310 658 euros / environ 204 millions de francs FCFA) de la Commission d'Aide à la Production des Œuvres Cinématographiques du CCM(Centre Cinématographique Marocain).
Pour l'occasion, Abdelilah Eljaouhary a bien voulu jouer aux questions /réponses du magazine Africiné.
Comment un critique et animateur d'une émission sur le cinéma vient à la réalisation ?
J'ai atterri dans ce domaine par amour à l'art en général et pour le cinéma spécialement. Un amour lié à ma passion pour les films, dans l'espoir de réaliser un rêve au fond de moi,de se mettre aux côtés des faiseurs de l'image marocains que je respecte beaucoup. C'est sur les plateaux du tournage de certains de mes amis réalisateurs que j'ai pu acquérir l'expérience requise. J'ai aussi animé et réalisé des émissions culturelles et cinématographiques pour la société nationale de la radio et télévision marocaine, puis j'ai suivi des cours de cette discipline par correspondance. C'est après que mon premier bébé /film est né sous le titre de Clics et déclics. Il a eu beaucoup de succès ; une raison de plus pour mieux faire.
Jusque-là, tes courts métrages sont applaudis et primés dans plusieurs festivals ; auxquels vous avez pris part, un début plutôt prometteur, comment vous comptez garder cette notoriété ?
Je pense que tout artiste sincère dans son travail et respectant la déontologie du métier peut réussir sa carrière, en fabriquant de beaux films.J'ai toujours admiré les grandes productions internationales, arabes et marocaines. Il faut aussi savoir choisir les sujets à traiter et le faire avec professionnalisme, donc travailler avec un staff qualifié. Pour garder cette notoriété, il faut respecter ces critères. Mes films ont eu le succès qu'ils méritent.
Pour l'ensemble de vos réalisations, est-ce que la production n'a pas été un calvaire pour vous ?
Les problèmes de la production au Maroc sont très nombreux, surtout avec ceux qui préfèrent profiter matériellement au détriment de la qualité du produit. Je n'ai pas échappé à leurs arnaques moi et mes techniciens , quand un producteur intrus dans le domaine a fait main basse sur l'aide octroyé à mon film De l'eau et du sang et a disparu dans la nature. Jusqu'à cet instant, je n'ai pas vu la couleur d'un rond qui m'est de droit, par contre j'ai eu la chance de travailler avec d'autres producteurs honnêtes qui respectent leur travail. Pour l'occasion, je demande aux décideurs au sein de CCM (Centre Cinématographique Marocain) d'être vigilants envers ces gens là.
Au Maroc, il y a pratiquement un festival pour chaque ville, en quoi cela peut il être bénéfique pour le cinéma national ?
La multiplication des festivals au Maroc est plutôt bénéfique, parce que ces manifestations participent à la sensibilisation du public de l'importance de la culture cinématographique surtout dans les villes qui ne possèdent pas de salles de cinéma. C'est aussi une opportunité pour la rencontres des stars et leurs fans. Ce phénomène est une valeur ajoutée si ces festivités ne sont pas gâchées par les "troubles fêtes ".
En tant que réalisateur, est-ce que ces festivals sont bénéfiques pour vous ?
Je cois fermement que cela est aussi positif pour moi en tant que réalisateur, car on peut facilement et directement tester la réaction du public, en discuter avec lui et écouter son avis et ses critiques positives ou négatives, si on part du principe que cela fait la promotion du cinéma.
On est arrivé à une production cinématographique annuelle assez importante au niveau des longs métrages (plus de 20 films) et des courts métrages (au environ de 80 films) en plus des documentaires. Peut-on donc parler du cinéma marocain ou bien des films marocains ?
Cette problématique est présente dans toutes les occasions et sujets de discussion entre les professionnels du cinéma et les critiques. On est encore loin d'un cinéma qui répond aux normes d'une industrie cinématographique, comme le cinéma américain ou et celle de l'Inde. Certes, comparé à ces deux exemples, le Maroc a un poids assez modeste mais il a fait de gros progrès avec son cumul assez intéressant qui permet une présence permanente dans les différents festivals internationaux ; bien que certaines productions laissent à désirer.
En général on peut dire que c'est une situation qui promet.
Le nombre des réalisateurs et réalisatrices s'accroit au fil des années, les films aussi, par contre le nombre des salles obscures ne fait que diminuer, comment expliquer cette situation ?
La disparition des salles obscures est un vrai problème. Le signal d'alarme est depuis pas mal de temps. Cela est dû déjà à la détérioration des lieux, l'absence d'entretien. Les propriétaires des salles mettent la clef sous la porte, La piraterie a accentué la gravité de cette situation, ce qui poussait le public à déserter les salles pour regarder leurs films tranquillement chez eux. L'absence des programmes scolaires à caractère culturel joue aussi un rôle négatif. Donc il faut revoir le système éducatif national.
Le Maroc est un vrai studio naturel ; par sa diversité géographique riche en potentiel humain et culturel. Vous croyez que cela peut jouer un rôle important dans l'économie du pays ?
Par sa richesse et son cadre luxuriant, le Maroc attire pas mal de sociétés de production internationales, pour le tournage de leurs films tel que Ridley Scott, Martin Scorsese, Clint Eastwood et bien d'autres géants de la réalisation. Ce qui entraine l'entrée des devises, la création d'emplois. Les techniciens locaux acquièrent des expériences et les artistes en profitent aussi. C'est une promotion directe favorable à l'image de marque d'un Maroc, en vue d'encourager son tourisme.
Est-ce qu'on peut faire du cinéma une arme pour lutter contre l'intégrisme et le terrorisme ?
Oui, le cinéma est désormais une arme qui peut participer à la lutte contre le terrorisme et la violence, car la culture est en général un moyen investigateur pour mener à bien toutes les formes anti intégrismes. Il est donc important que la culture et le cinéma soient dans le quotidien des jeunes citoyens qui auront la mission de prendre la relève pour continuer à vivre dans un pays où l'amour et la tolérance est une monnaie courante.
propos introduits et recueillis par Amina Barakat
Africiné, Rabat,
pour Images Francophones
en collaboration avec Africultures
Crédit image : DR