28ème Festival International du Film Francophone de Namur
Une pépinière de jeunes talents au sein d’une francophonie à deux vitesses ?
Ouvert le 27 Septembre, le 28ème FIFF - Festival International du film francophone de Namur 2013 s’est clôturé le vendredi 04 octobre dernier. Tout le monde attendait ce climax de la manifestation probablement la plus importante dédiée entièrement aux cinémas francophones. Mais ce festival n’est pas seulement un concours pour les prestigieux Bayards (d’une valeur de 80.000 euros en tout) comme celui en or remporté cette année par le Belge Vincent Lannoo pour son film Les Âmes de papier. Chaque année, Namur se transforme en un lieu de rassemblement de talents venus de différents endroits du monde pour célébrer les cultures francophones (147 films dont 76 longs métrages).
Scène privilégiée pour les cinémas d’Afrique
Pour l’Afrique, Namur demeure une scène privilégiée pour les professionnels du cinéma francophones. Tous les grands noms des cinémas africains sont en effet passés par là ; de Sembène et Cissé à Sissako et à Haroun en passant par Bouzid et Touré. Cette année aussi, le talent africain a eu la place qui lui est due.
Alors que Grigris de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad) et Hercule contre Hermès de Mohamed Ulad (Maroc) prenaient part aussi à la compétition officielle des longs métrages de cette année, le Tunisien Abdellatif Kéchiche trônait sur la cérémonie d’ouverture avec son nouveau coup de génie, La Vie d'Adèle - Chapitres 1 & 2 déjà couronné par la Palme d’or en mai dernier et qui fait couler énormément d’encre mais aussi de salive chez les curieux et surtout des cinéphiles.
Avec chaque édition, la capitale wallonne devient donc une scène où les grands sont honorés, une source où les talents viennent se ravitailler en inspiration (les Leçons de cinéma de Jean-Paul de Zaeytijd, Vincent Van Gelder, Catherine Corsini et Benoît Graffin), en possibilités de production (10ème Forum de Namur, Atelier Grand Nord, Brunch des programmateurs et producteurs) mais aussi et surtout un nid où les talents viennent éclore.
Une vraie pépinière
Outre la compétition officielle, place a été faite aux jeunes talents. La compétition dédiée aux premières œuvres est particulièrement ouverte aux jeunes cinéastes africains. Pas moins de trois titres ont représenté le continent noir dans la compétition des premières œuvres. L’Armée du salut d’Abdellah Taïa (Maroc), Des étoiles (Under the Starry Sky) de Dyana Gaye (Sénégal) et Nesma de Homeida Béhi (Tunisie). Ce sont là trois noms qu’il faudra suivre de près, parce que quand on vient à Namur avec son premier film, il y a de fortes chances que l’on y revienne avec d’autres. Il y a quelques années, Dyana Gaye était venue présenter ses premiers courts métrages. Cette année, elle revient avec un petit bijou de film qui est comme une potion magique composant souffle mystique avec les thèmes sociaux et politiques d’actualité. Le tout enveloppé dans une poésie enchantante [A LIRE : Critique du film de Dyana Gaye, sur Africiné].
Coté court métrage, on ne peut pas rater Les Jours d'avant, le nouveau film de l’Algérien Karim Moussaoui qui est reparti avec le Prix du Jury du court métrage. Le prix accordé par Studio Equipe est destiné à financer des prestations techniques. Ce qui laisse augurer d’un très probable retour du jeune cinéaste. La fraicheur du regard dont il fait preuve dans ce court métrage, la pertinence du propos et le souci de mettre la forme en scénario, mise en scène et montage au service, qui plus est d’une manière subtile, d’un propos profondément intelligent sur le cours des évènements, sont autant d’arguments qui laissent penser qu’un nouveau talent vient de naître et avec qui il faudra désormais compter.
Il en est tout autant du Marocain Mounir Abbar. Son court métrage La Cible est une preuve indiscutable d’un cinéaste qui promet. Son écriture est de celles qui laissent sentir le poids du temps devant le spectacle de l’attente tout en tentant toutes sortes d’interprétations. La densité de ce court métrage en fait un exercice d’école, en termes d’écriture de suspens où le propos ne dessert pas la forme. Bien au contraire, les deux se complètent pour produire un effet poétique, le moins que l’on puisse dire, rare.
Et d’autres promesses encore
On peut venir à Namur avec un film, et c’est bien. Mais on vient à Namur aussi avec un projet de film. Le FIFF se veut aussi une fabrique où les films sont accompagnés dans leur processus d’écriture et de production. Pour cela, il y a deux fenêtres: le Forum de Namur - Forum francophone de la production et Dans les traces d' "Atelier Grand Nord". Le second est ouvert exclusivement aux pays du Nord de la Francophonie; c’est-à-dire France, Québec, Belgique, Suisse et Luxembourg. Par contre, le premier fait place aux cinémas du Sud.
Au Forum de cette année ont participé, en effet, Dima El-Horr (Liban) avec L’Amour Idéal – produit par Arnaud Dommerc pour Andolfi Production (France) et Abbout Productions (Georges Schoucair, Liban) – et Daouda Coulibaly (Mali) avec un nouveau projet intitulé Ladji Nyè, produit par Eric Névé pour La Chauve-souris (France) et Astou Films (Sénégal). Sans oublier Body de Halima Ouardiri (Suisse), produit par Joëlle Bertossa pour Close Up Films (Suisse) et EyeSteelFilm (Canada)
Ces deux ateliers d’accompagnement sont considérés comme deux outils pour stimuler la production des projets francophones. C’est par là que sont passés à titre indicatif Nesma de Homeida Béhi (Tunisie) et Des étoiles (Under the Starry Sky) de Dyana Gaye (Sénégal / France). En dix ans d’existence, ces deux ateliers ont vu passer tant de films et de jeunes talents qui ont depuis grandi. Ils ne cessent donc de revenir avec de nouveaux projets. 54 films ont été portés à l’écran (dont 5 sont encore en postproduction) pendant les 9 éditions des deux programmes. À lui seul, Le Forum de Namur a expertisé pas moins de 72 projets de films, en plus des six projets de cette année.
Une francophonie à deux vitesses ?
La 29ème édition du Festival International du Film Francophone de Namur se déroulera du 03 au 10 octobre 2014. Les projets de cette année seront probablement finis ; d’autres cinéastes viendront avec de nouveaux projets. Le cinéma francophone aura encore une fête pleine d’émotions et de promesses renouvelées et infinies. Pour cela il n’ya pas de soucis.
Il reste cependant un grand défi pour un festival pareil, c’est de veiller à ce que la francophonie ne continue pas de fonctionner à deux vitesses, celle du Nord et celle du Sud. Ce qu’un tel festival nourrit comme rêve c’est que l’écart entre les cinéastes, du moins en termes de moyens de production, soit réduit au maximum.
Certes la francophonie est un héritage culturel relativement bien partagé par tous. Il n’en est hélas pas encore de même dès qu’il s’agit des conditions économiques et politiques dans lesquels les films naissent, se développent et arrivent sur les écrans. Il y a là encore des efforts à faire. Mais cela ne tient pas à un seul festival, quand bien même il serait le Festival International du Film Francophone le plus grand et le plus important comme celui de Namur.
par Hassouna Mansouri
Africiné / Amsterdam
pour Images Francophones
Photo : la réalisatrice et productrice sénégalaise, Angèle Diabang, membre du Jury Longs Métrages du FIFF 2013.
© Tous droits réservés par FIFFNamur
Scène privilégiée pour les cinémas d’Afrique
Pour l’Afrique, Namur demeure une scène privilégiée pour les professionnels du cinéma francophones. Tous les grands noms des cinémas africains sont en effet passés par là ; de Sembène et Cissé à Sissako et à Haroun en passant par Bouzid et Touré. Cette année aussi, le talent africain a eu la place qui lui est due.
Alors que Grigris de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad) et Hercule contre Hermès de Mohamed Ulad (Maroc) prenaient part aussi à la compétition officielle des longs métrages de cette année, le Tunisien Abdellatif Kéchiche trônait sur la cérémonie d’ouverture avec son nouveau coup de génie, La Vie d'Adèle - Chapitres 1 & 2 déjà couronné par la Palme d’or en mai dernier et qui fait couler énormément d’encre mais aussi de salive chez les curieux et surtout des cinéphiles.
Avec chaque édition, la capitale wallonne devient donc une scène où les grands sont honorés, une source où les talents viennent se ravitailler en inspiration (les Leçons de cinéma de Jean-Paul de Zaeytijd, Vincent Van Gelder, Catherine Corsini et Benoît Graffin), en possibilités de production (10ème Forum de Namur, Atelier Grand Nord, Brunch des programmateurs et producteurs) mais aussi et surtout un nid où les talents viennent éclore.
Une vraie pépinière
Outre la compétition officielle, place a été faite aux jeunes talents. La compétition dédiée aux premières œuvres est particulièrement ouverte aux jeunes cinéastes africains. Pas moins de trois titres ont représenté le continent noir dans la compétition des premières œuvres. L’Armée du salut d’Abdellah Taïa (Maroc), Des étoiles (Under the Starry Sky) de Dyana Gaye (Sénégal) et Nesma de Homeida Béhi (Tunisie). Ce sont là trois noms qu’il faudra suivre de près, parce que quand on vient à Namur avec son premier film, il y a de fortes chances que l’on y revienne avec d’autres. Il y a quelques années, Dyana Gaye était venue présenter ses premiers courts métrages. Cette année, elle revient avec un petit bijou de film qui est comme une potion magique composant souffle mystique avec les thèmes sociaux et politiques d’actualité. Le tout enveloppé dans une poésie enchantante [A LIRE : Critique du film de Dyana Gaye, sur Africiné].
NESMA - A film by Homeïda BAHI from INSOMNIA World Sales on Vimeo.
Coté court métrage, on ne peut pas rater Les Jours d'avant, le nouveau film de l’Algérien Karim Moussaoui qui est reparti avec le Prix du Jury du court métrage. Le prix accordé par Studio Equipe est destiné à financer des prestations techniques. Ce qui laisse augurer d’un très probable retour du jeune cinéaste. La fraicheur du regard dont il fait preuve dans ce court métrage, la pertinence du propos et le souci de mettre la forme en scénario, mise en scène et montage au service, qui plus est d’une manière subtile, d’un propos profondément intelligent sur le cours des évènements, sont autant d’arguments qui laissent penser qu’un nouveau talent vient de naître et avec qui il faudra désormais compter.
Il en est tout autant du Marocain Mounir Abbar. Son court métrage La Cible est une preuve indiscutable d’un cinéaste qui promet. Son écriture est de celles qui laissent sentir le poids du temps devant le spectacle de l’attente tout en tentant toutes sortes d’interprétations. La densité de ce court métrage en fait un exercice d’école, en termes d’écriture de suspens où le propos ne dessert pas la forme. Bien au contraire, les deux se complètent pour produire un effet poétique, le moins que l’on puisse dire, rare.
Et d’autres promesses encore
On peut venir à Namur avec un film, et c’est bien. Mais on vient à Namur aussi avec un projet de film. Le FIFF se veut aussi une fabrique où les films sont accompagnés dans leur processus d’écriture et de production. Pour cela, il y a deux fenêtres: le Forum de Namur - Forum francophone de la production et Dans les traces d' "Atelier Grand Nord". Le second est ouvert exclusivement aux pays du Nord de la Francophonie; c’est-à-dire France, Québec, Belgique, Suisse et Luxembourg. Par contre, le premier fait place aux cinémas du Sud.
Au Forum de cette année ont participé, en effet, Dima El-Horr (Liban) avec L’Amour Idéal – produit par Arnaud Dommerc pour Andolfi Production (France) et Abbout Productions (Georges Schoucair, Liban) – et Daouda Coulibaly (Mali) avec un nouveau projet intitulé Ladji Nyè, produit par Eric Névé pour La Chauve-souris (France) et Astou Films (Sénégal). Sans oublier Body de Halima Ouardiri (Suisse), produit par Joëlle Bertossa pour Close Up Films (Suisse) et EyeSteelFilm (Canada)
Ces deux ateliers d’accompagnement sont considérés comme deux outils pour stimuler la production des projets francophones. C’est par là que sont passés à titre indicatif Nesma de Homeida Béhi (Tunisie) et Des étoiles (Under the Starry Sky) de Dyana Gaye (Sénégal / France). En dix ans d’existence, ces deux ateliers ont vu passer tant de films et de jeunes talents qui ont depuis grandi. Ils ne cessent donc de revenir avec de nouveaux projets. 54 films ont été portés à l’écran (dont 5 sont encore en postproduction) pendant les 9 éditions des deux programmes. À lui seul, Le Forum de Namur a expertisé pas moins de 72 projets de films, en plus des six projets de cette année.
Une francophonie à deux vitesses ?
La 29ème édition du Festival International du Film Francophone de Namur se déroulera du 03 au 10 octobre 2014. Les projets de cette année seront probablement finis ; d’autres cinéastes viendront avec de nouveaux projets. Le cinéma francophone aura encore une fête pleine d’émotions et de promesses renouvelées et infinies. Pour cela il n’ya pas de soucis.
Il reste cependant un grand défi pour un festival pareil, c’est de veiller à ce que la francophonie ne continue pas de fonctionner à deux vitesses, celle du Nord et celle du Sud. Ce qu’un tel festival nourrit comme rêve c’est que l’écart entre les cinéastes, du moins en termes de moyens de production, soit réduit au maximum.
Certes la francophonie est un héritage culturel relativement bien partagé par tous. Il n’en est hélas pas encore de même dès qu’il s’agit des conditions économiques et politiques dans lesquels les films naissent, se développent et arrivent sur les écrans. Il y a là encore des efforts à faire. Mais cela ne tient pas à un seul festival, quand bien même il serait le Festival International du Film Francophone le plus grand et le plus important comme celui de Namur.
par Hassouna Mansouri
Africiné / Amsterdam
pour Images Francophones
Photo : la réalisatrice et productrice sénégalaise, Angèle Diabang, membre du Jury Longs Métrages du FIFF 2013.
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