237 Travellin, l’ambitieux projet de formation en cinéma

Piloté par les associations Mis me binga et Alliance ciné, le programme veut former, au Cameroun, 100 jeunes et produire 30 documentaires, en trois ans.
Elle s’annonce comme étant, au Cameroun, la plus vaste formation aux métiers de cinéma. Lancé le 1er septembre 2014, le programme triennal 237 Travellin fait son bonhomme de chemin depuis plus d’un mois déjà, dans la capitale du pays de Jean-Pierre Dikonguè Pipa. La première phase de ce programme a été bouclée le 10 octobre. S’en suivront les modules pratiques après une trêve d’environ un mois. Et le compte sera réglé pour l’année en cours. Car 237 travellin s’étale sur trois ans avec, à chaque session, un modèle type d’ateliers. L’objectif étant de renforcer les capacités d’une centaine de jeunes faisant leurs balbutiements dans le cinéma. Il y a aussi l’ambition de produire une trentaine de documentaires aux thématiques poignantes.
237 (code international du Cameroun), travellin (mouvement de caméra) est une formation tout azimut sur le scénario, la réalisation, la prise de vue, la production, la prise de son, le montage et la distribution. Ce projet non moins ambitieux est piloté par les associations Mis me binga (organisatrice du festival international de films de femmes) et [A]lliance Ciné (promoteur du Festival International du Film des Droits de l’homme).
« Nous avons eu l’idée de cette formation, puis nous avons soumis le projet à Alliance ciné qui a une grande expérience en ce qui concerne le financement par l’Union Européenne », explique la chargée des formations, Evodie Ngueyeli. L’expertise d’Alliance ciné fait décrocher le contrat avec l’Union Européenne, pour un financement de 300 milles euros. « Mais il faut savoir si que 75% du budget viennent de l’UE, les 25% restant, les deux associations doivent les trouver. Et pour le moment, c’est Alliance ciné qui s’est faite caution », précise Yannick Deubou, responsable des opérations.
Des praticiens
Depuis le début, les participants ont vu se succéder devant eux des professionnels du métier comme Gilles Remiche, Laurène Lepeytre, Karim Ghorayeb ou Gérard Nguélé et Pierre Barrot pour le module production.
Les charges sont, souligne l’organisation, à la hauteur du budget. Et la jeune équipe s’atèle à assurer la réussite du projet. Jusque là, personne n’a l’air de se plaindre.
Les participants, surtout, se disent gagnants d’être là. L’organisation et la qualité des formateurs sont une satisfaction unanime. « Ils ont une longue expérience, chacun dans son domaine, qu’ils partagent de façon très enrichissante. À la fin, l’essentiel c’est qu’il y ait un bon niveau au sein des jeunes cinéastes qui vont tirer le métier vers le haut », espère Valery Ndongo, venu se former en montage.
Harlette Carine Keguep, venue pour la réalisation, retient que le documentaire n’est pas juste un document ; c’est un véritable cinéma du réel qui nécessite de développer l’instinct artistique et de voir le monde autrement. D’où la créativité. Le militantisme aussi.
Pour Bouna Guazong (candidat à la réalisation également, comme Harlette C. Keguep), au Cameroun, les jeunes ont plein d’idées de films mais ils ne les font pas. « C’est la conséquence que la plupart des formations locales ne sont pas concrètes et pratiques. C’est beaucoup plus de l’initiation cinématographique », fait remarquer celui qui trouve 237 Travellin efficace. Il regrette néanmoins que la formation en production soit uniquement calquée sur le modèle européen. « Les guichets de financement des cinéastes africains se trouvent en Europe, c’est vrai, mais j’aurai aimé qu’on nous présente aussi comment on peut chercher de l’argent localement pour faire un film. Il existe forcément certaines voies qui peuvent être explorées », souligne le jeune réalisateur.
Thématiques engagées
La pratique s’avère souvent plus compliquée que la théorie. Pour l’animateur libanais, Karim Ghorayeb (Directeur de la Photographie), la pratique est la meilleure façon pour les participants de faire profit d’une telle formation. Elle commence déjà avec le tournage, prévu par les organisateurs, de dix documentaires. Les thématiques ont déjà été abordées, et tournent, selon les participants, autour des droits de l’homme. Les apprenants font aussi l’expérience d’un cinéma militant que veulent bien leur transmettre certains animateurs. « On y retrouvent par exemple des sujets liées à la liberté d’expression, les licenciements abusifs, les retraités qui ne perçoivent pas leurs pensions... Ou encore l’immigration et le phénomène des églises réveillées. Il y a eu une proposition de film sur l’homosexualité mais certains ont conseillé de le mettre de côté. C’est une pratique interdite au Cameroun et il sera difficile de faire un tel film ici », développe Bouna Guazong.
Ce détail nous fait nous souvenir qu’en avril 2011, la tenue de la première édition du Festival International de Films des Droits de l'Homme de Yaoundé (FIFDH Yaoundé 2011) fut interdite sine die par les autorités camerounaises à Yaoundé (lire notre article : FIFDH-Yaoundé 2011. Les autorités annulent les projections, Africiné, 17/05/2011. La diffusion de certains films au programme était devenue problématique.
Festival International du Film des Droits de l... par Laboitecarree
Les documentaires produits par 237 travellin seront exploités sur la scène nationale et internationale. Espérons que les thématiques ne poseront pas, une fois de plus, problème. Les deux associations sont sereines. Il est important d’avoir des sujets forts si l’on veut intéresser le public, justifie Evodie Ngueyeli qui espère voir se manifester plus de formateurs locaux lors du prochain appel à candidatures.
Pélagie Ng'onana
Africiné / Yaoundé
pour Images Francophones
En photo : Karim Ghorayeb, Directeur de la Photographie, avec les étudiants de la 1ère session du programme 237 Travellin
Crédit : Pélagie Ng'onana / Africiné