Films d'action de Fasowood. Les raisons d'un succès
Face à la morosité du cinéma africain et à l'hégémonie du cinéma hollywoodien sur les écrans d'Afrique, on assiste à l'émergence au Burkina Faso d'un nouveau genre, le cinéma d'action africain. Celui-ci s'impose comme une nouvelle voie très prometteuse. Réalisés par le Congolais Michael Kamuanga et produit par Pub Néré Distribution au Burkina, deux films s'inscrivent dans ce créneau de comédies policières. Il s'agit de "Docteur Folie" et "Faso Furie".
Un cinéma africain au plus bas. Des salles qui ferment. Des réalisateurs qui se tournent les pouces par manque de financement. Des productions africaines absentes des sélections officielles des grandes rencontres cinématographiques hors du continent. Et la nature ayant horreur du vide, devant l'absence des cinématographies locales, les productions hollywoodiennes colonisent les écrans. Mort prochaine du cinéma africain ? Que nenni. Car devant l'étendue du désastre, de jeunes cinéastes africains inventent de nouvelles cinématographies pour arrêter le rouleau compresseur des blockbusters d'Hollywood.
Ce tableau ressemble bien au pitch d'un film catastrophe et pourtant, si cela a un rapport avec le cinéma, il ne s'agit pas d'une fiction mais bien de la réalité du cinéma africain. Au Burkina Faso, Rodrigue Kaboré dirige Pub Néré Distribution. Sa structure de production et de distribution travaille en tandem avec le jeune réalisateur Michael Kamuanga (République Démocratique du Congo). Ensemble, ils ont décidé d'appliquer les recettes des blockbusters américains aux films africains, pour regagner le terrain conquis par ce cinéma. Cela a donné deux films d'action, Docteur Folie en 2010 et Faso Furie en 2012. Fasowood contre Hollywood, n'est-ce pas le choc de pot de terre contre pot de fer ? Disons que c'est David contre Goliath.
Des polars urbains
Docteur Folie met en scène un détective assez spécial. Doté de pouvoirs surnaturels, il est une sorte de justicier au service des femmes trompées. Il traque les maris infidèles et les gigolos. De Douala à Ouagadougou, il les prend sur le fait dans les hôtels huppés ou dans des villas de rêve. Ce détective punit les époux infidèles et redonne leur dignité aux épouses flouées. Ce rôle de justicier est porté par le musicien ivoirien Meiway dont la chanson Ma folie fut un tube continental.
Quant à Faso Furie, c'est l'histoire d'un vol de diamants dont l'éclat se révèle dangereux pour ceux qui s'en approchent de trop près. Craignant que ces pierres précieuses tombent entre les mains de l'organisation criminelle Faso Furie, le ministère de la défense met sur l'enquête deux hommes que tout oppose. Flic à la gâchette facile, le lieutenant Traoré fait équipe avec le repenti Kouamé (matricule 07) qui croupissait en taule. Un attelage détonnant qui va mettre la cité sens dessus dessous, afin de récupérer les pierres précieuses et détruire l'organisation criminelle.
Les ingrédients d'un blockbuster
Docteur Folie et Faso Furie sont deux films pour contrer les blockbusters d'Hollywood. Pub Néré n'a pas eu besoin de lire L'Art de la guerre de Lao Tsé pour comprendre qu'il faut utiliser la technique de l'adversaire pour le déstabiliser. Au cinéma, la résistance consiste à reprendre les recettes du cinéma hollywoodien pour reconquérir les écrans africains.
Ces deux films rompent avec le cinéma d'auteur africain qui se veut souvent un regard d'artiste sur sa société. Ici, le primat est à la rentabilité. Le succès public est le premier objectif. D'où le choix de recettes du succès.
Des personnages à la gâchette facile, dégainant et faisant feu à chaque scène. Des courses poursuites de grosses cylindrées dans les larges rues asphaltées avec des hommes accrochés au pare-chocs et se tirant dessus. Entre les scènes d'action et les dialogues, quelques plages pour le repos du guerrier : des parties de sexe sans équivoque. Gros plans sur un fessier, travelling sur une vertigineuse chute de reins, panorama sur le vallonnement d'une généreuse poitrine, topographie très fouillée des corps.
À ce racolage voyeuriste, il faut aussi ajouter un casting alléchant qui privilégie les têtes d'affiches. En effet, le souci premier de ces productions n'est pas la qualité de jeu des acteurs mais leur notoriété publique. Leur nom doit être une accroche suffisante pour drainer le public vers les salles de cinéma.
Dans Docteur Folie, c'est Meiway, le crooner ivoirien, créateur du Zoblazo qui servait d'appât. Sa prestation de comédien n'est pas décevante cependant. Dans Faso Furie, ce sont des personnalités qui ont acquis leur notoriété, soit dans les séries télé, soit dans la musique. Ainsi il y a Gohou qui est un comédien ivoirien rendu célèbre par la série ivoirienne Ma famille dans l'espace francophone, Eugène Bayala (Oyou) et Josiane Ouédraogo (Poupette) découverts dans la sitcom Commissariat de Tampy de Missa Hébié. En guest star, Floby - le très populaire chanteur burkinabè qui a composé la musique du film - fait une brève apparition dans le film. Enfin, le comique est toujours présent dans ces films-là, à travers les dialogues truffés d'insultes et les situations.
Une promotion hyper-médiatique
Finies les sorties quasi-clandestines de films dont seule la presse spécialisée se faisait l'écho. Il s'agit de créer l'attente avant la sortie et surtout l'emballement autour. Aussi, il y a un véritable plan média : on lance un film comme on met un produit commercial sur le marché. Avant sa sortie, diffusion itérative de la bande annonce alléchante avec des morceaux de bravoure sur les différentes chaines du pays, hyper-présence des protagonistes dans les médias à travers les interviews dans la presse et des passages sur les plateaux télé. Ils y délivrent un discours très positif qui tranche avec les jérémiades habituelles des réalisateurs africains qui se plaignent des difficultés de tournage et de post-production. Ici, c'est la méthode Coué, rien des difficultés mais on insiste sur les qualités du film, sur les grandes ambitions de ces jeunes entrepreneurs du cinéma. Par ailleurs, il y a une campagne d'affichage agressive. Pour la promotion de Faso Furie, 350 affiches ont été conçues et posées dans les espaces les plus passants de Ouaga et Bobo Dioulasso. Ces affiches sont variées − il y en a 6 types − et utilisent les mêmes codes que les affiches de blockbusters américains. On y reconnaît l'iconographie des superproductions comme James Bond 007 avec de belles filles exhibant des armes à feu, des gadgets hi-Tech et la pose du célèbre espion de sa Majesté créé par Ian Flemming.
En somme, ces films utilisent le pastiche, la citation et le recyclage. On pourrait dire que c'est un cinéma de récupération développant une esthétique du bricolage, au sens où l'entendait Claude Lévy-Strauss, c'est-à-dire une appropriation de l'esthétique du cinéma d'action à la dimension des moyens disponibles. Et même si la modicité des budgets ne permet pas le recours aux effets spéciaux des films américains, les possibilités du numérique et les retouches de l'image par ordinateur permettent quelques trucages qui sont facilement perceptibles par le public. Malgré ces approximations techniques, le public adore ces films.
Des films bien accueillis par les cinéphiles
Sorti en 2010, Docteur Folie a enregistré plus de 30.000 entrées sur le territoire national, faut-il rappeler. Sorti le 12 mars 2012, Faso Furie a déjà 27.000 entrées après seulement un trimestre d'exploitation. Ce qui traduit l'engouement du public pour ce genre de cinéma. D'abord la modicité du budget de production rend ce cinéma possible malgré la raréfaction des subventions du Nord. Docteur Folie a coûté 57 millions, Faso Furie, simplement 60 millions.
Les réalisateurs de ces films peuvent faire des films plus facilement, car ils ne sont pas dépendant des guichets du Nord. Contrairement aux figures les plus emblématiques du cinéma d'auteur tels Idrissa Ouédraogo, Gaston Kaboré et Dani Kouyaté du Burkina, Souleymane Cissé, Cheick Omar Sissoko et Abderrahmane Sissako du Mali qui ne tournent presque plus, faute de ressources.
La modestie du coût de production permet de sortir des films à la chaîne, ce qui a l'avantage de fournir les salles en films africains, de fidéliser le public et d'offrir du travail à tous les métiers de la chaîne de production. Par exemple, Faso Furie a employé plus d'une centaine de comédiens. Ce sont des films qui n'utilisent que des techniciens africains. On peut donc dire que c'est avec ces films-là que naît un cinéma conçu entièrement par des Africains et visant un public local.
Toutefois certains cinéphiles sont très critiques envers ces films d'action auxquels ils reprochent, à l'instar de Faso Furie, de proposer de mauvais modèles au jeune public en leur servant à profusion du sang, du sexe et d'être une pâle copie du cinéma US. En outre, les critiques africains de cinéma regardent avec perplexité cet objet filmique non identifié. Ils reprochent à ces productions la faiblesse de la direction d'acteurs, l'absence d'une démarche vraiment " cinématographique " dans la réalisation ou encore de mettre en forme une fiction au lieu de dévoiler la réalité. Pourtant, tous les genres ont droit de cité pour offrir une large palette au choix du public car disait Amadou Hampathé Bâ, " la beauté d'un tapis vient de la variété de ses couleurs ". Et surtout le film d'action qui a le mérite de faire exister et travailler tous les professionnels de la chaîne de confection du film.
Après Nollywood, Fasowood ?
Le réalisateur Boubakar Diallo peut être considéré comme le précurseur au pays des Hommes intègres : son premier long métrage Traque à Ouaga (sorti en 2004) est fondateur. Pourtant la première production vidéo est le fait de Dani Kouyaté avec Ouaga Saga (en Sony HDCam 750) dont le clap a été lancé le samedi 19 avril 2003 par le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, à la Place des Cinéastes. Ouaga Saga relève du cinéma d'auteur et surtout Dani Kouyaté a déjà par devers lui une pratique des productions d'envergure multi-primées, tournées en 35 mm, telles Sya, le rêve du python en 2001.
Du reste, ce cinéaste burkinabè ne se réclame pas expressément de cette démarche qui emprunte beaucoup à Nollywood (l'industrie vidéographique nigérianne). Malgré son tournage serré en cinq semaines au lieu des huit habituelles, son budget de 700 millions de Francs CFA (environ 1,15 million d'euro : dont 200 millions pour le tournage à Ouaga et 500 millions pour la post-production à Paris) est loin du nouveau modèle économique inauguré par Boubakar Diallo. Ce dernier tournait au début en DvCam (aujourd'hui en HD) avec des sponsors qui culminent à 50 millions.
Le développement de ces productions peut jeter les bases d'une industrie cinématographique nationale, comme le Nigéria qui - avec ses quelques 1.200 productions annuelles et ses retombées astronomiques - tutoie désormais l'Inde où Bollywood est une locomotive. Il n'est donc pas utopique de penser que dans un futur proche Fasowood sera la nouvelle fabrique de rêves qui inondera les écrans d'Afrique et du reste du monde de superproductions " FuBu " (" For us by Us " : " Pour nous par Nous ", en anglais), comme disent les Africains-Américains.
Saïdou Alcény BARRY (Africiné, Ouagadougou)
Ce tableau ressemble bien au pitch d'un film catastrophe et pourtant, si cela a un rapport avec le cinéma, il ne s'agit pas d'une fiction mais bien de la réalité du cinéma africain. Au Burkina Faso, Rodrigue Kaboré dirige Pub Néré Distribution. Sa structure de production et de distribution travaille en tandem avec le jeune réalisateur Michael Kamuanga (République Démocratique du Congo). Ensemble, ils ont décidé d'appliquer les recettes des blockbusters américains aux films africains, pour regagner le terrain conquis par ce cinéma. Cela a donné deux films d'action, Docteur Folie en 2010 et Faso Furie en 2012. Fasowood contre Hollywood, n'est-ce pas le choc de pot de terre contre pot de fer ? Disons que c'est David contre Goliath.
Des polars urbains
Docteur Folie met en scène un détective assez spécial. Doté de pouvoirs surnaturels, il est une sorte de justicier au service des femmes trompées. Il traque les maris infidèles et les gigolos. De Douala à Ouagadougou, il les prend sur le fait dans les hôtels huppés ou dans des villas de rêve. Ce détective punit les époux infidèles et redonne leur dignité aux épouses flouées. Ce rôle de justicier est porté par le musicien ivoirien Meiway dont la chanson Ma folie fut un tube continental.
Quant à Faso Furie, c'est l'histoire d'un vol de diamants dont l'éclat se révèle dangereux pour ceux qui s'en approchent de trop près. Craignant que ces pierres précieuses tombent entre les mains de l'organisation criminelle Faso Furie, le ministère de la défense met sur l'enquête deux hommes que tout oppose. Flic à la gâchette facile, le lieutenant Traoré fait équipe avec le repenti Kouamé (matricule 07) qui croupissait en taule. Un attelage détonnant qui va mettre la cité sens dessus dessous, afin de récupérer les pierres précieuses et détruire l'organisation criminelle.
Les ingrédients d'un blockbuster
Docteur Folie et Faso Furie sont deux films pour contrer les blockbusters d'Hollywood. Pub Néré n'a pas eu besoin de lire L'Art de la guerre de Lao Tsé pour comprendre qu'il faut utiliser la technique de l'adversaire pour le déstabiliser. Au cinéma, la résistance consiste à reprendre les recettes du cinéma hollywoodien pour reconquérir les écrans africains.
Ces deux films rompent avec le cinéma d'auteur africain qui se veut souvent un regard d'artiste sur sa société. Ici, le primat est à la rentabilité. Le succès public est le premier objectif. D'où le choix de recettes du succès.
Des personnages à la gâchette facile, dégainant et faisant feu à chaque scène. Des courses poursuites de grosses cylindrées dans les larges rues asphaltées avec des hommes accrochés au pare-chocs et se tirant dessus. Entre les scènes d'action et les dialogues, quelques plages pour le repos du guerrier : des parties de sexe sans équivoque. Gros plans sur un fessier, travelling sur une vertigineuse chute de reins, panorama sur le vallonnement d'une généreuse poitrine, topographie très fouillée des corps.
À ce racolage voyeuriste, il faut aussi ajouter un casting alléchant qui privilégie les têtes d'affiches. En effet, le souci premier de ces productions n'est pas la qualité de jeu des acteurs mais leur notoriété publique. Leur nom doit être une accroche suffisante pour drainer le public vers les salles de cinéma.
Dans Docteur Folie, c'est Meiway, le crooner ivoirien, créateur du Zoblazo qui servait d'appât. Sa prestation de comédien n'est pas décevante cependant. Dans Faso Furie, ce sont des personnalités qui ont acquis leur notoriété, soit dans les séries télé, soit dans la musique. Ainsi il y a Gohou qui est un comédien ivoirien rendu célèbre par la série ivoirienne Ma famille dans l'espace francophone, Eugène Bayala (Oyou) et Josiane Ouédraogo (Poupette) découverts dans la sitcom Commissariat de Tampy de Missa Hébié. En guest star, Floby - le très populaire chanteur burkinabè qui a composé la musique du film - fait une brève apparition dans le film. Enfin, le comique est toujours présent dans ces films-là, à travers les dialogues truffés d'insultes et les situations.
Une promotion hyper-médiatique
Finies les sorties quasi-clandestines de films dont seule la presse spécialisée se faisait l'écho. Il s'agit de créer l'attente avant la sortie et surtout l'emballement autour. Aussi, il y a un véritable plan média : on lance un film comme on met un produit commercial sur le marché. Avant sa sortie, diffusion itérative de la bande annonce alléchante avec des morceaux de bravoure sur les différentes chaines du pays, hyper-présence des protagonistes dans les médias à travers les interviews dans la presse et des passages sur les plateaux télé. Ils y délivrent un discours très positif qui tranche avec les jérémiades habituelles des réalisateurs africains qui se plaignent des difficultés de tournage et de post-production. Ici, c'est la méthode Coué, rien des difficultés mais on insiste sur les qualités du film, sur les grandes ambitions de ces jeunes entrepreneurs du cinéma. Par ailleurs, il y a une campagne d'affichage agressive. Pour la promotion de Faso Furie, 350 affiches ont été conçues et posées dans les espaces les plus passants de Ouaga et Bobo Dioulasso. Ces affiches sont variées − il y en a 6 types − et utilisent les mêmes codes que les affiches de blockbusters américains. On y reconnaît l'iconographie des superproductions comme James Bond 007 avec de belles filles exhibant des armes à feu, des gadgets hi-Tech et la pose du célèbre espion de sa Majesté créé par Ian Flemming.
En somme, ces films utilisent le pastiche, la citation et le recyclage. On pourrait dire que c'est un cinéma de récupération développant une esthétique du bricolage, au sens où l'entendait Claude Lévy-Strauss, c'est-à-dire une appropriation de l'esthétique du cinéma d'action à la dimension des moyens disponibles. Et même si la modicité des budgets ne permet pas le recours aux effets spéciaux des films américains, les possibilités du numérique et les retouches de l'image par ordinateur permettent quelques trucages qui sont facilement perceptibles par le public. Malgré ces approximations techniques, le public adore ces films.
Des films bien accueillis par les cinéphiles
Sorti en 2010, Docteur Folie a enregistré plus de 30.000 entrées sur le territoire national, faut-il rappeler. Sorti le 12 mars 2012, Faso Furie a déjà 27.000 entrées après seulement un trimestre d'exploitation. Ce qui traduit l'engouement du public pour ce genre de cinéma. D'abord la modicité du budget de production rend ce cinéma possible malgré la raréfaction des subventions du Nord. Docteur Folie a coûté 57 millions, Faso Furie, simplement 60 millions.
Les réalisateurs de ces films peuvent faire des films plus facilement, car ils ne sont pas dépendant des guichets du Nord. Contrairement aux figures les plus emblématiques du cinéma d'auteur tels Idrissa Ouédraogo, Gaston Kaboré et Dani Kouyaté du Burkina, Souleymane Cissé, Cheick Omar Sissoko et Abderrahmane Sissako du Mali qui ne tournent presque plus, faute de ressources.
La modestie du coût de production permet de sortir des films à la chaîne, ce qui a l'avantage de fournir les salles en films africains, de fidéliser le public et d'offrir du travail à tous les métiers de la chaîne de production. Par exemple, Faso Furie a employé plus d'une centaine de comédiens. Ce sont des films qui n'utilisent que des techniciens africains. On peut donc dire que c'est avec ces films-là que naît un cinéma conçu entièrement par des Africains et visant un public local.
Toutefois certains cinéphiles sont très critiques envers ces films d'action auxquels ils reprochent, à l'instar de Faso Furie, de proposer de mauvais modèles au jeune public en leur servant à profusion du sang, du sexe et d'être une pâle copie du cinéma US. En outre, les critiques africains de cinéma regardent avec perplexité cet objet filmique non identifié. Ils reprochent à ces productions la faiblesse de la direction d'acteurs, l'absence d'une démarche vraiment " cinématographique " dans la réalisation ou encore de mettre en forme une fiction au lieu de dévoiler la réalité. Pourtant, tous les genres ont droit de cité pour offrir une large palette au choix du public car disait Amadou Hampathé Bâ, " la beauté d'un tapis vient de la variété de ses couleurs ". Et surtout le film d'action qui a le mérite de faire exister et travailler tous les professionnels de la chaîne de confection du film.
Après Nollywood, Fasowood ?
Le réalisateur Boubakar Diallo peut être considéré comme le précurseur au pays des Hommes intègres : son premier long métrage Traque à Ouaga (sorti en 2004) est fondateur. Pourtant la première production vidéo est le fait de Dani Kouyaté avec Ouaga Saga (en Sony HDCam 750) dont le clap a été lancé le samedi 19 avril 2003 par le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, à la Place des Cinéastes. Ouaga Saga relève du cinéma d'auteur et surtout Dani Kouyaté a déjà par devers lui une pratique des productions d'envergure multi-primées, tournées en 35 mm, telles Sya, le rêve du python en 2001.
Du reste, ce cinéaste burkinabè ne se réclame pas expressément de cette démarche qui emprunte beaucoup à Nollywood (l'industrie vidéographique nigérianne). Malgré son tournage serré en cinq semaines au lieu des huit habituelles, son budget de 700 millions de Francs CFA (environ 1,15 million d'euro : dont 200 millions pour le tournage à Ouaga et 500 millions pour la post-production à Paris) est loin du nouveau modèle économique inauguré par Boubakar Diallo. Ce dernier tournait au début en DvCam (aujourd'hui en HD) avec des sponsors qui culminent à 50 millions.
Le développement de ces productions peut jeter les bases d'une industrie cinématographique nationale, comme le Nigéria qui - avec ses quelques 1.200 productions annuelles et ses retombées astronomiques - tutoie désormais l'Inde où Bollywood est une locomotive. Il n'est donc pas utopique de penser que dans un futur proche Fasowood sera la nouvelle fabrique de rêves qui inondera les écrans d'Afrique et du reste du monde de superproductions " FuBu " (" For us by Us " : " Pour nous par Nous ", en anglais), comme disent les Africains-Américains.
Saïdou Alcény BARRY (Africiné, Ouagadougou)