Distribution : des vidéastes optent pour la proximité
Transformés en vendeurs ambulants, ils proposent eux-mêmes leurs films dans la rue en misant sur leur notoriété pour attirer la clientèle.
Ce commerce informel a pour but de créer une industrie du film. La production relativement pauvre, l'amateurisme des auteurs et l'inorganisation du secteur rendent la tâche difficile.
Depuis 2009, le Cameroun ne compte plus aucune salle de cinéma ; le secteur de la distribution de films est presqu’inexistant ; les chaînes de télévision n’achètent pas les films locaux ; les pouvoirs publics ont démissionné ; il y a une réelle désaffection du public… Le cinéma camerounais [est] en crise, titrait Guy Jérémie Ngansop pour son ouvrage sorti en 1987. La situation s’est encore dégradée aujourd’hui.
Dans ce contexte de crise, les réalisateurs reconnus semblent avoir baissé les bras. Ils font face à la perspective peu réjouissante de faire des films dans des conditions difficiles, sans aucune garantie qu’ils seront exploités. Pendant ce temps, d’autres moins connus, moins talentueux et moins expérimentés, mais certainement plus jeunes, plus inventifs et plus débrouillards ont retroussé leurs manches. De manière désorganisée, ils mettent en place un nouveau mode de distribution considéré par certains comme disgracieux : ils sortent leurs films en Vcd ou en Dvd et les vendent dans la rue.
Le phénomène est récent et s’observe surtout dans les grandes villes du pays, notamment à Douala et à Yaoundé. La vidéo domestique nigériane – comme les productions camerounaises en anglais – est distribuée dans des échoppes qui constituent des points de vente. Quant aux vidéastes francophones, ils vont plus loin et attaquent la piraterie sur son propre terrain, en privilégiant le commerce ambulant. Ils inaugurent un mode de distribution tout à fait informel et extrêmement fragile. Certains recrutent des vendeurs payés à la commission. D’autres descendent eux-mêmes dans la rue proposer leurs films.
Richard Djiff est de ceux-là. En 2008, il a écrit, réalisé et produit Chez nous les gosses qui met en scène deux enfants de la rue. Le film est diffusé une seule fois au Centre culturel camerounais de Yaoundé qui devait fermer ses portes quelques semaines plus tard. En 2011, Richard Djiff se lance à nouveau et sort le long métrage politique 139… Les derniers prédateurs où il tient en outre le premier rôle. Ce dernier film est aussi diffusé une seule fois, en projection presse dans la salle de conférence d’un hôtel à Yaoundé. Et puis, plus rien ; le réalisateur n’ayant pas les moyens de louer une salle pour une projection qu’il n’est pas sûr de rentabiliser.
Dépité, Richard Djiff décide de sortir Chez nous les gosses sur Vidéo CD. Dans un premier temps, il recrute des jeunes commerciaux et place la barre des commissions à 20% sur chaque copie vendue à 500Fcfa. Mais les ventes sont faibles et les commerciaux jettent l’éponge un à un. Richard Djiff retrousse alors ses manches et va à la rencontre d’un marché potentiel dans ce pays de 20 millions d’habitants.
Amateurisme oblige
Les vidéastes devenus vendeurs ambulants de Dvd vont chercher le client où il se trouve. C’est-à-dire dans les marchés, les agences de voyage, les discothèques, les bus de transport interurbain, les bars, les auberges, les campus universitaires, à l’entrée des établissements scolaires. Ils pénètrent dans les quartiers et vont jusque dans les villages pour proposer leurs œuvres à des prix défiants toute concurrence (entre 500 Fcfa et 1000 Fcfa).
Certains misent sur leur notoriété pour vendre. C'est le cas de la troupe Les Déballeurs qui réalise des séries diffusées depuis plusieurs années sur la chaîne de télévision privée Canal 2 International. Ses comédiens, en l’occurrence Ebenezer Kepombia (Mintoumba) et Sylvie Sintcheu (Tonga), parcourent parfois les artères des villes du pays pour vendre des téléfilms. Les gens les achètent d’autant plus facilement qu’ils les reconnaissent.
Une stratégie marketing reprise par la maison de production Zachée Sandjong. Réalisé par Elvis Bouopda, son film Le regard de Dieu est vendu par ses actrices, notamment Naomi et Titi, que l’on voit par ailleurs tous les samedis sur Canal 2 international, dans une série télévisée d’Ebenezer Kepombia.
Dans ce phénomène de distribution de proximité, l’amateurisme a fait son lit. C’est le règne des hommes orchestres sans formation qui font des films financés sur fonds propres (généralement des moyens métrages), avec peu de moyens et en peu de jours. De manière générale, ils emploient des acteurs bénévoles recrutés dans leur entourage immédiat. Ils tournent avec des caméscopes. Les plateaux les mieux lotis utilisent une caméra HDV ou DVCAM. Le résultat donne souvent des films en français aux histoires mal ficelées, avec une mise en scène théâtrale, des acteurs mauvais et des problèmes techniques si nombreux qu’il serait vain de commencer à les recenser.
Pire, les films sont souvent mal gravés et les pochettes des disques mal imprimées. Les plus économes utilisent une simple feuille de papier qu’ils agrafent pour en faire des pochettes avec l’information minimale : le titre du film et le nom du réalisateur. Pour rassurer les acheteurs, certains vidéastes se promènent avec un lecteur Dvd qui permet au client de vérifier la qualité du support, avant d’acheter.
Loin du cinéma d’auteur, ces vidéastes ont opté pour des thèmes populaires : l’infidélité, la cupidité, l’amour, la pauvreté, la sorcellerie, la polygamie, l’escroquerie… Hélas, le traitement de ces thèmes sociaux et affectifs frise souvent le vulgaire. Ces films transformés en simple marchandise intéressent peu la critique.
Cependant, ce mode de distribution a déjà été exploité par le cinéma, au Cameroun.
Le cinéma ou la bière ?
Joséphine Ndagnou est l’un des premiers cinéastes camerounais à s’être intéressée au commerce ambulant de films. Après la fermeture de la dernière salle de cinéma en janvier 2009, la réalisatrice, alors très remontée, cherche un moyen de rentrer dans les frais engagés pour la production de Paris à tout prix, tout en faisant face au raz-de-marée des pirates. Elle sort alors son film (qui avait déjà fait près de 60 000 entrées en salles au Cameroun) sur support dvd. Elle recrute des jeunes pour les commercialiser dans la rue à Yaoundé et à Douala, au prix de 2 500 Fcfa.
En lançant le concept Le cinéma au prix d’une bière, Thierry Ntamack s’est lancé sur ses traces. « Le Cinéma au prix d’une bière naît d’une colère saine. Les salles de cinéma ont fermé. Tout le monde dit que c’est une honte, mais personne ne fait rien. Cette colère naît aussi du fait de voir qu’il y a une vraie rupture entre un peuple et son cinéma. Ce cinéma est mal fait, il y a beaucoup de déchets et le fantasme nigérian va grandissant. Il y avait un besoin de faire quelque chose. Or, la vente de proximité est aujourd’hui la seule source de rentabilité du cinéma », explique-t-il.
Le projet consiste à produire, tous les trois mois, un film à petit budget qui est vendu à 1 000 Fcfa l’unité, le prix d’une bière dans un snack-bar moyen. Thierry Ntamack a développé un réseau de distribution particulier dans les centres culturels, les supermarchés, les cyber-cafés et les hôtels. En parallèle, il a opté pour la vente ambulante dans la rue. Le réalisateur profite aussi de ses séjours à Paris pour vendre son film à 5 euros la copie, précisément dans les quartiers à forte concentration africaine comme Château rouge et Château d’eau.
Le cinéma au prix d’une bière est porté par l’association Couronne d’étoiles, composée de professionnels qui travaillent de manière bénévole sur le plateau. Le premier film du projet est sorti en mars 2012 et s’intitule Sur la route d’un ange. Le prochain film, Le Blanc d’Eyenga, est annoncé en septembre prochain. Une date qui met déjà à mal l’ambition de faire un film par trimestre. Comme le premier, ce film est écrit, réalisé et produit par Thierry Ntamack qui y tient en plus un rôle important. Au départ, le projet devait être consacré aux moyens-métrages. Mais il passe aux longs-métrages sous la pression du public qui a l’impression de ne pas en avoir pour son argent.
Entretenir l’espoir
Dans la rue, plusieurs films ont connu un certain succès qui donne à espérer. En quatre mois, Sur la route d’un ange s’est vendu à 25 000 exemplaires. Thierry Ntamack a pu dégager un bénéfice de 300 Fcfa sur chaque copie, de l’argent qui servira à financer la prochaine production du Cinéma au prix d’une bière. En trois mois, Richard Djiff a écoulé 800 exemplaires d’un film qui dormait dans ses tiroirs depuis quatre ans.
Le réalisateur Narcisse Mbarga affirme avoir vendu en un an 30 000 copies de son film Les larmes du regret qu'il a lui-même produit en 2009, à raison de 1 000Fcfa le dvd. En 2011, ce score était de 150 000 exemplaires. Un record qui, s’il est fréquent chez le voisin nigérian, prend des allures de paradis au Cameroun. Pour l’atteindre, Narcisse Mbarga a misé sur un large réseau de vendeurs au Cameroun et en France, mais aussi sur les scènes de sexe osées qu’il introduit dans ses films. Il soutient d’ailleurs avoir trouvé le truc pour captiver son public, et cela se résume en trois mots : violence, argent, sexe.
Le commerce ambulant de films permet aux vidéastes de rester proches du public qu’ils côtoient au quotidien, de connaître ses goûts pour prévenir ses attentes. De son côté, le public apprécie cette volonté de rapprochement mais reste tout de même sceptique. Richard Djiff raconte que certaines personnes qu’il aborde dans la rue crient à la mendicité. « Ils ne réalisent pas que le cinéma soit tombé si bas au Cameroun qu’un réalisateur descende lui-même dans la rue pour vendre ses films ».
Dans ce contexte de débrouille, Gervais Djimeli Lekpa, le promoteur de la base de données en ligne cinémaducameroun.com se pose en relais. Il vend des films vidéo en ligne et les propose aussi sur support Dvd, disponibles au siège de DLG films à Yaoundé. Entre autres Les fils du ghetto de Franck Henri Nonga, Negro d’Alphone Ongolo, Magali de William Segnou, Clando réalisé par lui-même et produit par 2PG Pictures, Paris à tout prix de Joséphine Ndagnou, de même que les films de Narcisse Mbarga. Mais les ventes en un point fixe ne sont pas aussi importantes que celles obtenues dans la rue.
Pour cette génération spontanée de jeunes vidéastes, le pari est de créer une industrie vidéo au Cameroun, et l’ambition de combler le fossé qui existe entre le cinéma camerounais et son public. Mais le manque de qualité notoire la majorité des productions risque de creuser davantage ce fossé. Ces œuvres que l’on oublie aussitôt après les avoir regardé -quand on a le courage de tenir jusqu’à la fin- vont-elles réussir à amener les Camerounais à boire moins de bière pour regarder plus de films? Le pari est très loin d’être gagné. Ce d’autant plus que sans organisation, beaucoup de vidéastes-vendeurs ambulants naissent et disparaissent du jour au lendemain sans laisser de trace.
Stéphanie Dongmo
Africiné, Yaoundé
Depuis 2009, le Cameroun ne compte plus aucune salle de cinéma ; le secteur de la distribution de films est presqu’inexistant ; les chaînes de télévision n’achètent pas les films locaux ; les pouvoirs publics ont démissionné ; il y a une réelle désaffection du public… Le cinéma camerounais [est] en crise, titrait Guy Jérémie Ngansop pour son ouvrage sorti en 1987. La situation s’est encore dégradée aujourd’hui.
Dans ce contexte de crise, les réalisateurs reconnus semblent avoir baissé les bras. Ils font face à la perspective peu réjouissante de faire des films dans des conditions difficiles, sans aucune garantie qu’ils seront exploités. Pendant ce temps, d’autres moins connus, moins talentueux et moins expérimentés, mais certainement plus jeunes, plus inventifs et plus débrouillards ont retroussé leurs manches. De manière désorganisée, ils mettent en place un nouveau mode de distribution considéré par certains comme disgracieux : ils sortent leurs films en Vcd ou en Dvd et les vendent dans la rue.
Le phénomène est récent et s’observe surtout dans les grandes villes du pays, notamment à Douala et à Yaoundé. La vidéo domestique nigériane – comme les productions camerounaises en anglais – est distribuée dans des échoppes qui constituent des points de vente. Quant aux vidéastes francophones, ils vont plus loin et attaquent la piraterie sur son propre terrain, en privilégiant le commerce ambulant. Ils inaugurent un mode de distribution tout à fait informel et extrêmement fragile. Certains recrutent des vendeurs payés à la commission. D’autres descendent eux-mêmes dans la rue proposer leurs films.
Richard Djiff est de ceux-là. En 2008, il a écrit, réalisé et produit Chez nous les gosses qui met en scène deux enfants de la rue. Le film est diffusé une seule fois au Centre culturel camerounais de Yaoundé qui devait fermer ses portes quelques semaines plus tard. En 2011, Richard Djiff se lance à nouveau et sort le long métrage politique 139… Les derniers prédateurs où il tient en outre le premier rôle. Ce dernier film est aussi diffusé une seule fois, en projection presse dans la salle de conférence d’un hôtel à Yaoundé. Et puis, plus rien ; le réalisateur n’ayant pas les moyens de louer une salle pour une projection qu’il n’est pas sûr de rentabiliser.
Dépité, Richard Djiff décide de sortir Chez nous les gosses sur Vidéo CD. Dans un premier temps, il recrute des jeunes commerciaux et place la barre des commissions à 20% sur chaque copie vendue à 500Fcfa. Mais les ventes sont faibles et les commerciaux jettent l’éponge un à un. Richard Djiff retrousse alors ses manches et va à la rencontre d’un marché potentiel dans ce pays de 20 millions d’habitants.
Amateurisme oblige
Les vidéastes devenus vendeurs ambulants de Dvd vont chercher le client où il se trouve. C’est-à-dire dans les marchés, les agences de voyage, les discothèques, les bus de transport interurbain, les bars, les auberges, les campus universitaires, à l’entrée des établissements scolaires. Ils pénètrent dans les quartiers et vont jusque dans les villages pour proposer leurs œuvres à des prix défiants toute concurrence (entre 500 Fcfa et 1000 Fcfa).
Certains misent sur leur notoriété pour vendre. C'est le cas de la troupe Les Déballeurs qui réalise des séries diffusées depuis plusieurs années sur la chaîne de télévision privée Canal 2 International. Ses comédiens, en l’occurrence Ebenezer Kepombia (Mintoumba) et Sylvie Sintcheu (Tonga), parcourent parfois les artères des villes du pays pour vendre des téléfilms. Les gens les achètent d’autant plus facilement qu’ils les reconnaissent.
Une stratégie marketing reprise par la maison de production Zachée Sandjong. Réalisé par Elvis Bouopda, son film Le regard de Dieu est vendu par ses actrices, notamment Naomi et Titi, que l’on voit par ailleurs tous les samedis sur Canal 2 international, dans une série télévisée d’Ebenezer Kepombia.
Dans ce phénomène de distribution de proximité, l’amateurisme a fait son lit. C’est le règne des hommes orchestres sans formation qui font des films financés sur fonds propres (généralement des moyens métrages), avec peu de moyens et en peu de jours. De manière générale, ils emploient des acteurs bénévoles recrutés dans leur entourage immédiat. Ils tournent avec des caméscopes. Les plateaux les mieux lotis utilisent une caméra HDV ou DVCAM. Le résultat donne souvent des films en français aux histoires mal ficelées, avec une mise en scène théâtrale, des acteurs mauvais et des problèmes techniques si nombreux qu’il serait vain de commencer à les recenser.
Pire, les films sont souvent mal gravés et les pochettes des disques mal imprimées. Les plus économes utilisent une simple feuille de papier qu’ils agrafent pour en faire des pochettes avec l’information minimale : le titre du film et le nom du réalisateur. Pour rassurer les acheteurs, certains vidéastes se promènent avec un lecteur Dvd qui permet au client de vérifier la qualité du support, avant d’acheter.
Loin du cinéma d’auteur, ces vidéastes ont opté pour des thèmes populaires : l’infidélité, la cupidité, l’amour, la pauvreté, la sorcellerie, la polygamie, l’escroquerie… Hélas, le traitement de ces thèmes sociaux et affectifs frise souvent le vulgaire. Ces films transformés en simple marchandise intéressent peu la critique.
Cependant, ce mode de distribution a déjà été exploité par le cinéma, au Cameroun.
Le cinéma ou la bière ?
Joséphine Ndagnou est l’un des premiers cinéastes camerounais à s’être intéressée au commerce ambulant de films. Après la fermeture de la dernière salle de cinéma en janvier 2009, la réalisatrice, alors très remontée, cherche un moyen de rentrer dans les frais engagés pour la production de Paris à tout prix, tout en faisant face au raz-de-marée des pirates. Elle sort alors son film (qui avait déjà fait près de 60 000 entrées en salles au Cameroun) sur support dvd. Elle recrute des jeunes pour les commercialiser dans la rue à Yaoundé et à Douala, au prix de 2 500 Fcfa.
En lançant le concept Le cinéma au prix d’une bière, Thierry Ntamack s’est lancé sur ses traces. « Le Cinéma au prix d’une bière naît d’une colère saine. Les salles de cinéma ont fermé. Tout le monde dit que c’est une honte, mais personne ne fait rien. Cette colère naît aussi du fait de voir qu’il y a une vraie rupture entre un peuple et son cinéma. Ce cinéma est mal fait, il y a beaucoup de déchets et le fantasme nigérian va grandissant. Il y avait un besoin de faire quelque chose. Or, la vente de proximité est aujourd’hui la seule source de rentabilité du cinéma », explique-t-il.
Le projet consiste à produire, tous les trois mois, un film à petit budget qui est vendu à 1 000 Fcfa l’unité, le prix d’une bière dans un snack-bar moyen. Thierry Ntamack a développé un réseau de distribution particulier dans les centres culturels, les supermarchés, les cyber-cafés et les hôtels. En parallèle, il a opté pour la vente ambulante dans la rue. Le réalisateur profite aussi de ses séjours à Paris pour vendre son film à 5 euros la copie, précisément dans les quartiers à forte concentration africaine comme Château rouge et Château d’eau.
Le cinéma au prix d’une bière est porté par l’association Couronne d’étoiles, composée de professionnels qui travaillent de manière bénévole sur le plateau. Le premier film du projet est sorti en mars 2012 et s’intitule Sur la route d’un ange. Le prochain film, Le Blanc d’Eyenga, est annoncé en septembre prochain. Une date qui met déjà à mal l’ambition de faire un film par trimestre. Comme le premier, ce film est écrit, réalisé et produit par Thierry Ntamack qui y tient en plus un rôle important. Au départ, le projet devait être consacré aux moyens-métrages. Mais il passe aux longs-métrages sous la pression du public qui a l’impression de ne pas en avoir pour son argent.
Entretenir l’espoir
Dans la rue, plusieurs films ont connu un certain succès qui donne à espérer. En quatre mois, Sur la route d’un ange s’est vendu à 25 000 exemplaires. Thierry Ntamack a pu dégager un bénéfice de 300 Fcfa sur chaque copie, de l’argent qui servira à financer la prochaine production du Cinéma au prix d’une bière. En trois mois, Richard Djiff a écoulé 800 exemplaires d’un film qui dormait dans ses tiroirs depuis quatre ans.
Le réalisateur Narcisse Mbarga affirme avoir vendu en un an 30 000 copies de son film Les larmes du regret qu'il a lui-même produit en 2009, à raison de 1 000Fcfa le dvd. En 2011, ce score était de 150 000 exemplaires. Un record qui, s’il est fréquent chez le voisin nigérian, prend des allures de paradis au Cameroun. Pour l’atteindre, Narcisse Mbarga a misé sur un large réseau de vendeurs au Cameroun et en France, mais aussi sur les scènes de sexe osées qu’il introduit dans ses films. Il soutient d’ailleurs avoir trouvé le truc pour captiver son public, et cela se résume en trois mots : violence, argent, sexe.
Le commerce ambulant de films permet aux vidéastes de rester proches du public qu’ils côtoient au quotidien, de connaître ses goûts pour prévenir ses attentes. De son côté, le public apprécie cette volonté de rapprochement mais reste tout de même sceptique. Richard Djiff raconte que certaines personnes qu’il aborde dans la rue crient à la mendicité. « Ils ne réalisent pas que le cinéma soit tombé si bas au Cameroun qu’un réalisateur descende lui-même dans la rue pour vendre ses films ».
Dans ce contexte de débrouille, Gervais Djimeli Lekpa, le promoteur de la base de données en ligne cinémaducameroun.com se pose en relais. Il vend des films vidéo en ligne et les propose aussi sur support Dvd, disponibles au siège de DLG films à Yaoundé. Entre autres Les fils du ghetto de Franck Henri Nonga, Negro d’Alphone Ongolo, Magali de William Segnou, Clando réalisé par lui-même et produit par 2PG Pictures, Paris à tout prix de Joséphine Ndagnou, de même que les films de Narcisse Mbarga. Mais les ventes en un point fixe ne sont pas aussi importantes que celles obtenues dans la rue.
Pour cette génération spontanée de jeunes vidéastes, le pari est de créer une industrie vidéo au Cameroun, et l’ambition de combler le fossé qui existe entre le cinéma camerounais et son public. Mais le manque de qualité notoire la majorité des productions risque de creuser davantage ce fossé. Ces œuvres que l’on oublie aussitôt après les avoir regardé -quand on a le courage de tenir jusqu’à la fin- vont-elles réussir à amener les Camerounais à boire moins de bière pour regarder plus de films? Le pari est très loin d’être gagné. Ce d’autant plus que sans organisation, beaucoup de vidéastes-vendeurs ambulants naissent et disparaissent du jour au lendemain sans laisser de trace.
Stéphanie Dongmo
Africiné, Yaoundé